TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
Loyers commerciaux
N° RG 23/06387
N° Portalis 352J-W-B7H-CZ3ET
N° MINUTE : 6
Assignation du :
13 Mars 2023
Jugement avant dire droit
[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
Expert : [L] [Z][2]
[2]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
JUGEMENT
rendu le 01 Août 2024
DEMANDERESSE
S.A.R.L. DAR SALEM
[Adresse 12]
[Adresse 12]
représentée par Maître Mustapha KALAA, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, avocat plaidant, vestiaire #BOB50
DEFENDEURS
Monsieur [N] [M]
[Adresse 8]
[Localité 9]
Madame [G] [C] veuve [M]
[Adresse 8]
[Localité 9]
tous deux représentés par Maître Philippe PAINGRIS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E2050
PARTIES INTERVENANTES
Monsieur [R] [M] venant aux droits de Monsieur [N] [M], décédé
[Adresse 6]
[Localité 9]
Madame [U] [M] épouse [D] venant aux droits de Monsieur [N] [M], décédé
[Adresse 4]
[Localité 9]
Madame [Y] [M] venant aux droits de Monsieur [N] [M], décédé
[Adresse 7]
[Adresse 7]
Madame [A] [M] épouse [K] venant aux droits de Monsieur [N] [M], décédé
[Adresse 8]
[Localité 9]
tous représentés par Maître Philippe PAINGRIS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E2050
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Sabine FORESTIER, Vice-présidente, Juge des loyers commerciaux
Siégeant en remplacement de Monsieur le Président du Tribunal judiciaire de Paris, conformément aux dispositions de l'article R.145-23 du code de commerce ;
assistée de Camille BERGER, Greffière
DEBATS
A l’audience du 21 Juin 2024 tenue publiquement
JUGEMENT
Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé en date du 14 décembre 2012, Mme [G] [C] épouse [M] a donné à bail commercial en renouvellement à M. [V] [T], aux droits duquel se trouve la société DAR SALEM, des locaux dépendant d’un immeuble sis à [Adresse 12], pour une durée de neuf années du 1er décembre 2011 au 30 novembre 2020, l'exercice de l'activité de « BOULANGERIE, PATISSERIE, TRAITEUR, CONFISERIE, GLACES » et un loyer annuel de 24.119,62 euros hors charges et hors taxes.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 23 décembre 2020, la société DAR SALEM a sollicité de M. [N] [M] et Mme [G] [C] épouse [M] (ci-après les époux [M]) le renouvellement du bail pour une durée de neuf ans.
Par lettre recommandée avec avis de réception en date du 2 novembre 2022, la société DAR SALEM a notifié aux époux [M] un mémoire en fixation du loyer annuel du bail renouvelé dans la limite du plafond fixé en fonction du dernier indice des loyers commerciaux publié par l'INSEE.
Puis, par acte de commissaire de justice signifié le 13 mars 2023 selon les modalités de l'article 659 du code de procédure civile, la société DAR SALEM a assigné les époux [M] à comparaître devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris.
Selon jugement en date du 14 mai 2024, le juge des loyers commerciaux a ordonné la réouverture des débats à l'audience du 21 juin 2024 afin que :
- les parties indiquent la date de renouvellement du bail ;
- la société DAR SALEM indique le montant du loyer qu'elle sollicite ;
- les consorts [M] indiquent précisément qui est propriétaire des locaux loués et en justifient ;
- le cas échéant, les consorts [M] interviennent volontairement à l'instance.
Aux termes de son dernier mémoire régulièrement notifié, la société DAR SALEM demande au juge des loyers commerciaux de fixer le loyer du bail renouvelé au 1er janvier 2021dans la limite du plafond fixé en fonction du dernier indice des loyers commerciaux publié par l'INSEE, soit la somme de 25.860,53 euros charges comprises.
Au soutien de sa demande elle expose que le bail écoulé n'ayant pas excédé douze années, le mécanisme du plafonnement du loyer s'applique.
Aux termes de leur dernier mémoire régulièrement notifié, Mme [G] [C] épouse [M] ainsi que Mme [A] [M] épouse [K], M. [R] [M], Mme [U] [M] épouse [D] et Mme [Y] [M], intervenants volontaires, demandent au juge des loyers commerciaux de :
- ordonner une mesure d'expertise afin de recueillir contradictoirement les éléments d'information requis sur la valeur locative ou sur l'évolution alléguée de tel ou tel élément découlant notamment des articles R.145-3 à R. 145-6 du code de commerce ;
- fixer, y compris à titre provisionnel, à 42.000 euros en principal, le montant du loyer annuel dû en révision à compter du 1er janvier 2021;
- dire que les intérêts au taux légal seront dus sur tout rappel de loyer conformément aux dispositions de l'article 1155 du code civil, et que les intérêts dus pour plus d'une année entière seront eux-mêmes capitalisés ;
- condamner la société DAR SALEM en tous les dépens ;
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.
Ils soutiennent que le loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative en raison d'une modification incontestable des facteurs locaux de commercialité. Ils indiquent que l'attractivité de la rue dans laquelle se trouve les locaux loués s'est considérablement transformée depuis 2019 en raison de la construction de logements, commerces et bureaux dans le secteur, de la création d'une station [16] et d'importantes pistes cyclables, de l'exploitation d'une terrasse sur le domaine public, de l'ouverture de nouveaux commerces qui se renouvellent fréquemment, de la proximité de l'hôpital [15] qui a été restructuré, de la transformation du [Adresse 11], de l'augmentation de l'offre de transports publics et du projet de réaménagement de la [Adresse 13]. Ils soulignent que la destination contractuelle est large et que la cession du droit au bail n'est pas limitée. Ils ajoutent que les loyers pratiqués dans le secteur sont supérieurs au loyer des locaux loués, sans disposer au surplus d'un logement. Ils en déduisent que la valeur locative s'évalue à 42.000 euros.
L’affaire a été retenue à l'audience du 21 juin 2024 et mise en délibéré au 1er août 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
1- Sur l'intervention volontaire des consorts [M]
L'article 66 du code de procédure civile dispose que constitue une intervention la demande dont l'objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires. Lorsque la demande émane du tiers, l'intervention est volontaire ; l'intervention est forcée lorsque le tiers est mis en cause par une partie.
Il ressort de l'acte de donation-partage en date du 8 novembre 2011 que Mme [G] [C] épouse [M] ainsi que Mme [A] [M] épouse [K], M. [R] [M], Mme [U] [M] épouse [D] et Mme [Y] [M] sont propriétaires des locaux loués.
Dès lors l' intervention volontaire de Mme [A] [M] épouse [K], M. [R] [M], Mme [U] [M] épouse [D] et Mme [Y] [M], à laquelle la société DAR SALEM ne s'oppose pas, sera déclarée recevable.
2- Sur le principe du renouvellement du bail
Les parties s'accordent sur le principe du renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2021 par l'effet de la demande de renouvellement notifiée par la société DAR SALEM le 23 décembre 2020.
Cela sera constaté.
3- Sur la fixation du montant du loyer du bail renouvelé
Selon l'article L 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux commerciaux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1- les caractéristiques du local concerné ;
2- la destination des lieux ;
3- les obligations respectives des parties ;
4- les facteurs locaux de commercialité ;
5- les prix couramment pratiqués dans le voisinage.
Les articles R 145-2 à R 145-11 du code de commerce précisent la consistance de ces éléments.
Selon l'article L 145-34 du même code, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.
L'article R.145-6 précise que les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.
Il est acquis qu' une modification des facteurs locaux de commercialité peut constituer un motif de déplafonnement d'un loyer renouvelé si elle est notable, survenue au cours du bail expiré et de nature à avoir une incidence favorable sur l'activité commerciale exercée par le preneur.
En ce qui concerne l'évaluation de la valeur locative et en l’état des pièces produites par les parties, le juge des loyers commerciaux ne dispose pas des éléments nécessaires pour statuer. Il convient de rechercher et rassembler les éléments d’appréciation des faits invoqués par les consorts [M]. Ces éléments ne peuvent résulter des vérifications personnelles du juge ou d’un constat.
Par conséquent, il est nécessaire de recourir à une mesure d’expertise en application de l’article R 145-30 du code de commerce, selon les modalités fixées au dispositif et aux frais avancés des consorts [M] qui ont seuls intérêt à obtenir le déplafonnement du loyer qu'ils sollicitent.
En outre, au regard de la nature du litige, il est de l’intérêt des parties de recourir, dans le cadre de l’expertise, à une mesure de médiation leur offrant la possibilité de parvenir à une solution rapide et négociée ; il convient en conséquence de la leur proposer. Afin que les parties bénéficient des explications nécessaires à une décision éclairée sur l'acceptation d'une telle mesure, un médiateur sera commis pour recueillir leur avis, en application de l'article 124-1 du code de procédure civile et selon les modalités prévues au dispositif.
En application de l’article L. 145-57 du code de commerce, il convient de fixer le loyer provisionnel dû par la société DAR SALEM pour la durée de l’instance au montant du dernier loyer contractuel en principal, outre les charges.
Dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert, il sera sursis à statuer sur les demandes et les dépens seront réservés.
PAR CES MOTIFS
Le juge des loyers commerciaux, statuant après débats publics, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,
Déclare recevable l'intervention volontaire de Mme [A] [M] épouse [K], M. [R] [M], Mme [U] [M] épouse [D] et Mme [Y] [M] ;
Constate le principe du renouvellement du bail commercial liant Mme [G] [C] épouse [M], Mme [A] [M] épouse [K], M. [R] [M], Mme [U] [M] épouse [D] et Mme [Y] [M], d'une part, et la société DAR SALEM, d'autre part, et portant sur les locaux sis à [Adresse 12], à compter du 1er janvier 2021 ;
avant dire droit pour le surplus, tous droits et moyens des parties demeurant réservés,
Ordonne une mesure d'expertise ;
Désigne pour y procéder :
M. [L] [Z]
[Adresse 5]
[XXXXXXXX01] - [Courriel 10]
expert près la cour d'appel de Paris,
avec mission de :
- convoquer les parties, et, dans le respect du principe du contradictoire,
- se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l’accomplissement de sa mission,
- visiter les locaux litigieux situés à [Adresse 12], et les décrire,
- entendre les parties en leurs dires et explications,
- donner son avis sur une éventuelle modification notable des facteurs locaux de commercialité mentionnés au 4° de l'article L. 145-33 du code de commerce et définis par l'article R.145-6 du code de commerce,
- rechercher la valeur locative des locaux loués à la date du 1er janvier 2021 au regard des articles L.145-33 et R.145-3 à R.145-8 du code de commerce,
- donner son avis sur le loyer plafonné à la date du 1er janvier 2021 suivant les indices applicables en précisant les modalités de calcul,
- rendre compte du tout et donner son avis motivé,
- dresser un rapport de ses constatations et conclusions ;
Dit que l’expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu’il déposera l’original de son rapport au greffe de la juridiction avant le 12 septembre 2025 ;
Fixe à la somme de 5.000 euros la provision à valoir sur la rémunération de l’expert, somme qui devra être consignée par Mme [G] [C] épouse [M], Mme [A] [M] épouse [K], M. [R] [M], Mme [U] [M] épouse [D] et Mme [Y] [M], à la régie du tribunal judiciaire de Paris (Tribunal de Paris, atrium sud 1er étage, Parvis du tribunal de Paris, Paris 17ème) au plus tard le 30 octobre 2024 inclus, avec une copie de la présente décision ;
Dit que l’affaire sera rappelée le 20 décembre 2024 à 9h30 pour vérification du versement de la consignation ;
Dit que, faute de consignation de la provision dans ce délai, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet ;
Désigne le juge des loyers commerciaux aux fins de contrôler le suivi des opérations d’expertise ;
Donne injonction aux parties de rencontrer un médiateur, en la personne de :
M. [H] [S]
[Adresse 3]
[XXXXXXXX02] - [Courriel 14]
Dit que le médiateur n’interviendra qu’après que l’expert l’aura informé qu’il a adressé aux parties sa note de synthèse ;
Dit qu’après avoir apporté cette information au médiateur, et en attendant que celui-ci ait mené à bien sa mission, l’expert suspendra ses opérations d’expertise ;
Dit que le médiateur ainsi informé par l’expert aura pour mission :
* d’expliquer aux parties le principe, le but et les modalités d’une mesure de médiation,
* de recueillir leur consentement ou leur refus de cette mesure ;
Dit qu’à l’issue de ce premier rendez-vous d’information, dans l’hypothèse où au moins l’une des parties refuserait le principe de la médiation, ou à défaut de réponse d’au moins l’une des parties dans le délai fixé par le médiateur, ce dernier en avisera l’expert et le juge chargé du contrôle des expertises ; le médiateur cessera alors ses opérations, sans défraiement, et l’expert reprendra le cours de sa mission ;
Dit que dans l’hypothèse où les parties donneraient leur accord à la médiation :
* le médiateur pourra commencer immédiatement les opérations de médiation,
* le médiateur en informera l’expert, et le cours de l’expertise demeurera suspendu, sauf si des investigations complémentaires sont nécessaires à la solution du litige ;
Dit qu’au terme de la médiation, le médiateur informera l’expert et le juge chargé du contrôle des expertises, soit que les parties sont parvenues à un accord, soit qu’elles n’y sont pas parvenues ;
Dit que si les parties sont parvenues à un accord, l’expert déposera son rapport en l’état de la dernière note aux parties qu’il aura établie, et pourra solliciter la taxation de ses honoraires correspondant ;
Dit que si les parties ne sont pas parvenues à un accord, les opérations d’expertise reprendront ;
Fixe le loyer provisionnel pour la durée de l’instance au montant du loyer contractuel en principal, outre les charges ;
Sursoit à statuer sur les demandes dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert ;
Réserve les dépens.
Fait et jugé à PARIS, le 1er août 2024.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. BERGER S. FORESTIER