TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le : 30/07/2024
à : Maître Johanna TAHAR
Maitre Christian COUVRAT
Maître Nathalie MAKOWSKI
Copie exécutoire délivrée
le : 30/07/2024
à : Maître Nathalie MAKOWSKI
Maître Johanna TAHAR
Maitre Christian COUVRAT
Pôle civil de proximité
PCP JCP référé
N° RG 24/03983
N° Portalis 352J-W-B7I-C4S4A
N° MINUTE : 1/2024
ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 30 juillet 2024
DEMANDEURS
Monsieur [F]-[U] [K], demeurant [Adresse 1]
Madame [G] [M] épouse [K], demeurant [Adresse 1]
représentés par Maître Nathalie MAKOWSKI de la SELAS OPLUS, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : #K0170
DÉFENDERESSES
La S.A.S. CITYA ETOILE, dont le siège social est sis [Adresse 3]
La S.C.I. SCI [Adresse 1], dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentés par Maître Johanna TAHAR de l’AARPI LE CARRÉ, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : #L0154
La S.A.S. CCOD RENOV, dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Maitre Christian COUVRAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E0462
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Nicole COMBOT, 1ère vice-présidente, juge des contentieux de la protection
assistée de Delphine VANHOVE, Greffière,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 17 juin 2024
ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 30 juillet 2024 par Nicole COMBOT, 1ère vice-présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Delphine VANHOVE, Greffière
Décision du 30 juillet 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/03983 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4S4A
EXPOSE DU LITIGE
La SCI [Adresse 1] est propriétaire d'un immeuble situé [Adresse 1] dont elle loue les différents logements.
Par acte sous seing privé du 1er août 2008, elle a donné à bail mixte à usage d'habitation et professionnel, par l'intermédiaire de la SAS Société Immobilière Mansart à qui elle a confié la gestion de son bien, à Madame [V] [C] un appartement composé de 4 pièces, situé au 2ème étage gauche, moyennant le paiement mensuel d'un loyer de 2.176,20 € outre 62,65 € de provision sur charges.
Par acte sous seing privé du 13 janvier 2016, elle a donné à bail à usage d'habitation, par l'intermédiaire de la SAS CITYA ETOILE à qui elle a confié la gestion de son bien, à Monsieur [F]-[U] [K] et son épouse Madame [G] [M], ci-après désignés les époux [K], un appartement d'une superficie de 83 m2, composé de 3 pièces, situé au 2ème étage porte droite face, moyennant le paiement mensuel d'un loyer de 2.250 € outre 160 € de provision sur charges.
Par acte sous seing privé du 6 août 2017, elle a donné à bail à usage d'habitation, par l'intermédiaire de la SAS Société Immobilière Mansart à qui elle a confié la gestion de son bien, à Madame [N] [J] [W] un appartement d'une superficie de 79,49 m2, composé de 3 pièces, situé au 6ème étage, porte DG, moyennant le paiement mensuel d'un loyer de 2.203 € outre 155 € de provision sur charges.
Par acte sous seing privé du 5 août 2021, elle a donné à bail à usage d'habitation, en se faisant représenter par la SAS CITYA ETOILE à qui elle a confié la gestion de son bien, à Monsieur [A] [S] et son épouse Madame [B] [T], ci-après désignés les époux [S], un appartement d'une superficie de 74,68 m2, composé de 3 pièces, situé au rez-de-chaussée, 1ère porte gauche, moyennant le paiement mensuel d'un loyer de 2.005 € outre 145 € de provision sur charges.
Ces baux, tous conclus pour une durée de 6 ans, sont soumis à la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.
Des travaux de ravalement de l'immeuble confiés à la SAS CCOD RENOV ont débuté le 26 mars 2024.
Se plaignant des nuisances importantes occasionnés par les travaux de ravalement entrepris par la SAS CCOD RENOV qui font suite à de nombreux autres travaux dans l'immeuble et des troubles de jouissance qui en résultent ainsi que " du mépris total de leurs droits de locataire ", les époux [K] ont, par actes de commissaire de justice du 3 avril 2024, assigné devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de PARIS, statuant en référé, la SCI [Adresse 1], la SAS CITYA ETOILE et la SAS CCOD RENOV aux fins, au visa des articles 485 et 835 du code de procédure civile, 1719-3° du code civil et 6b) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, de voir :
A titre principal :
Ordonner à la SCI [Adresse 1] et à la SAS CITYA ETOILE de suspendre les travaux de ravalement ainsi que tous autres travaux au sein de l'immeuble jusqu'à ce qu'un tribunal statue au fond sur la légalité des travaux en cours,Interdire à la SCI [Adresse 1] et à la SAS CITYA ETOILE de débuter tous nouveaux travaux au sein de l'immeuble jusqu'à ce qu'un tribunal statue au fond sur la légalité des travaux envisagés,Ordonner à la SAS CCOD RENOV de procéder à la dépose de l'échafaudage sur la façade côté rue de l'immeuble sous astreinte de 1.000 € par jour, Condamner in solidum la SCI [Adresse 1] et la SAS CITYA ETOILE aux dépens ainsi qu'à leur payer la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,Ordonner l'exécution provisoire de l'ordonnance au seul vu de la minute en application des dispositions de l'article 489 du code de procédure civile.
L'affaire venue une première fois à l'audience du 30 avril 2024 a été renvoyée à l'audience du 17 juin 2024, à la demande de la SCI [Adresse 1] et un calendrier de procédure a été fixé. A l'audience du 17 juin 2024, il n'a pas été fait droit à la demande de renvoi sollicité par les défendeurs et l'affaire a été retenue et plaidée.
Les époux [K], ainsi que les époux [S], Madame [V] [C], Madame [N] [J] [W], intervenants volontaires, représentés par leur conseil, ont déposé des conclusions aux termes desquelles ils ont demandé au juge des contentieux de la protection du tribunal de PARIS, statuant en référé, au visa des articles 485 et 835 du code de procédure civile, 1719-3° du code civil et 6b) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, de :
Rejeter l'exception d'incompétence soulevée par la SAS CCOD RENOV,Ordonner à la SCI [Adresse 1] et à la SAS CITYA ETOILE de suspendre les travaux de ravalement ainsi que tous autres travaux au sein de l'immeuble jusqu'à ce qu'un tribunal statue au fond sur la légalité des travaux en cours,Interdire à la SCI [Adresse 1] et à la SAS CITYA ETOILE de débuter tous nouveaux travaux au sein de l'immeuble jusqu'à ce qu'un tribunal statue au fond sur la légalité des travaux envisagés,Ordonner à la SAS CCOD RENOV de procéder à la dépose de l'échafaudage sur la façade côté rue de l'immeuble sous astreinte de 1.000 € par jour, Ordonner à la SCI [Adresse 1] et à la SAS CITYA ETOILE de verser aux époux [K] la somme de 5.386,56 € en remboursement des loyers des mois d'avril et de mai 2024,Ordonner à la SCI [Adresse 1] et la SAS CITYA ETOILE de suspendre le paiement des loyers de l'ensemble des demandeurs jusqu'à la fin de tous les travaux, Ordonner à la SCI [Adresse 1] et la SAS CITYA ETOILE de leur communiquer un planning des travaux à venir jusqu'à la fin de l'année 2024 et 2025, dans la semaine suivant le prononcé de l'ordonnance et passé ce délai, sous astreinte de 300 € par jour de retard, Rejeter l'ensemble des demandes de la SCI [Adresse 1], de la SAS CITYA ETOILE et de la SAS CCOD RENOV,Condamner in solidum la SCI [Adresse 1] et la SAS CITYA ETOILE aux dépens ainsi qu'à payer aux époux [K] la somme de 5.000 € et aux époux [S], Madame [V] [C] et Madame [N] [J] [W] la somme de 2.000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.Ordonner l'exécution provisoire de l'ordonnance au seul vu de la minute en application des dispositions de l'article 489 du code de procédure civile.
La SCI [Adresse 1] et la SAS CITYA ETOILE, représentées par leur conseil, ont déposé des conclusions, aux termes desquelles, elles ont en substance, demandé au juge des contentieux de la protection du tribunal de PARIS, statuant en référé, au visa des articles 329, 834 et 835 du code de procédure civile, 544 et 1724 du code civil et 6c), 7e) 7-1 et 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, de :
A titre principal :
Dire n'y avoir lieu à référé, A titre subsidiaire :
Déclarer irrecevables comme prescrites les demandes des époux [K], Rejeter les demandes des époux [S], Madame [V] [C], Madame [N] [J] [W] comme infondées, Décision du 30 juillet 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/03983 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4S4A
A titre infiniment subsidiaire :
Rejeter les demandes des époux [K] comme infondées,A titre reconventionnel :
Ordonner aux époux [K] de procéder à la dépose du filet et des guirlandes sur leur balcon, En tout état de cause :
Condamner in solidum les époux [K] aux dépens ainsi qu'à payer à la SCI [Adresse 1] la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.Condamner les époux [S] et Madame [V] [C] aux dépens ainsi qu'à payer chacun à la SCI [Adresse 1] la somme de 2.000 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La SAS CCOD RENOV, représentée par son conseil, a demandé oralement au juge des référés de surseoir à statuer, dans l'attente de la décision qui interviendra au pénal, suite à la plainte déposée par les époux [K] le 14 juin 2024 contre X devant le procureur de la République près le tribunal judiciaire de PARIS, pour tentative d'escroquerie au jugement et dégradation volontaire.
Elle a par ailleurs déposé des conclusions, aux termes desquelles, elle a, en substance, demandé au juge des contentieux de la protection du tribunal de PARIS, statuant en référé, au visa de l'article 7 de la loi du 6 juillet 1989, de :
In limine litis :
Disjoindre la demande formée à son encontre par l'ensemble des demandeurs et se déclarer incompétent pour en connaître, A titre subsidiaire :
Déclarer irrecevables les demandes des époux [K], des époux [S], de Madame [V] [C] et de Madame [N] [J] [W], A titre infiniment subsidiaire :
Rejeter les demandes des époux [K], des époux [S], de Madame [V] [C] et de Madame [N] [J] [W] comme infondées,A titre reconventionnel :
Ordonner aux époux [K] de procéder à la dépose du filet et des guirlandes sur leur balcon, dans les 15 jours suivant l'ordonnance à intervenir, puis sous astreinte de 500 € par jour de retard,Condamner la SCI [Adresse 1] à l'indemniser des conséquences éventuelles d'un arrêt des travaux et d'un démontage de l'échafaudage, Condamner les époux [K], les époux [S], Madame [V] [C] et Madame [N] [J] [W] aux dépens ainsi qu'à lui payer solidairement la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux conclusions déposées par les conseils respectifs des parties à l'audience et que ceux-ci ont exposées oralement, pour un plus ample exposé des moyens développés à l'appui de leurs prétentions.
A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 30 juillet 2024.
Décision du 30 juillet 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/03983 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4S4A
MOTIFS DE LA DECISION
Sur le sursis à statuer
Aux termes de l'article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis à statuer suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine.
Le juge apprécie discrétionnairement l'opportunité d'un sursis à statuer dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice.
Il convient de rappeler, qu'en application de l'article 4 du code de procédure pénale, la mise en mouvement de l'action publique et a fortiori, le simple dépôt d'une plainte pénale, n'impose pas la suspension du jugement des actions exercées devant la juridiction civile, autres que l'action civile en réparation du dommage causé par l'infraction, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.
En l'espèce, les époux [K], ont déposé plainte le 14 juin 2024 devant le procureur de la République près le tribunal judiciaire de PARIS contre X pour tentative d'escroquerie au jugement et dégradation volontaire. Ils ne justifient pas d'une mise en mouvement de l'action publique.
Le juge des référés n'est pas saisi, même à titre reconventionnel, d'une action civile en réparation du dommage causé par l'infraction.
Il ressort des pièces produites aux débats que les époux [K] ont déposé plainte contre X, en raison de la production par la SAS CCOD RENOV, dans le cadre de la présente instance, de pièces qui, selon eux, seraient mensongères et dont l'objectif serait de tromper la religion du juge, en lui faisant croire qu'ils refuseraient l'accès à leur balcon et entraveraient les travaux de ravalement entrepris par la SAS CCOD RENOV, notamment en dégradant leur balcon et en en recouvrant le sol de mégots de cigarettes, alors que cette dégradation si elle est avérée, n'émane pas d'eux mais d'un tiers.
Il appartiendra au juge, le cas échéant, d'écarter des débats les pièces litigieuses, sans qu'il soit nécessaire de surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la plainte pénale déposée par les époux [K] contre X, qui n'est pas susceptible d'exercer une influence sur la solution de la présente instance.
Sur la compétence du juge du juge des contentieux de la protection
Les demandes principales des époux [K], des époux [S], de Madame [V] [C] et de Madame [N] [J] [W] tendant à obtenir la suspension des travaux de ravalement ainsi que tous autres travaux au sein de l'immeuble, l'interdiction d'entreprendre tous nouveaux travaux, le remboursement de loyers ou la suspension de leur règlement ainsi que la communication d'un planning des travaux à venir en tant qu'elles sont dirigées contre leur bailleur et le mandataire de celui-ci, relèvent, aux termes de l'article L.223-4-4 du code de l'organisation judiciaire de la compétence du juge des contentieux de la protection.
Il n'existe aucun lien contractuel entre les demandeurs et la SAS CCOD RENOV, mais la demande dirigée contre elle, en ce qu'elle est l'entreprise chargée des travaux litigieux, présente un lien de connexité tel avec les demandes principales, qu'il est de l'administration d'une bonne justice qu'elles soient examinées par le même juge, soit le juge des contentieux de la protection, qui devra se prononcer sur leur recevabilité et le cas échéant sur leur bien fondé.
Décision du 30 juillet 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/03983 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4S4A
Sur la recevabilité des demandes des époux [K]
Selon l'article 7-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, à laquelle le bail liant la SCI [Adresse 1] aux époux [K] est soumis, toutes les actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans, à compter du moment où le titulaire d'un droit a connaissance des faits lui permettant d'exercer ce droit.
En l'espèce, les demandes des époux [K] s'inscrivent certes dans un contexte de travaux qui s'étalent sur plusieurs années, depuis 2018 et créent chez ces derniers un véritable sentiment d'exaspération. Cependant, elles ont trait aux travaux de restructuration de l'appartement situé juste en dessous du leur et de ravalement de la façade sur rue de l'immeuble qui ont débuté respectivement en décembre 2023 et mars 2024, leurs autres demandes étant formées in futurum.
En conséquence, les demandes des époux [K] sont recevables comme n'étant pas prescrites.
Sur la suspension des travaux
En application de l'article 835 du code de procédure civile, le juge des contentieux de la protection peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Il convient en premier lieu de relever que les pouvoirs que le juge des référés tient des dispositions précitées, notamment pour faire cesser un trouble manifestement illicite, ne sont pas conditionnés, contrairement à ce que soutiennent les demandeurs, par l'urgence.
Le trouble manifestement illicite est la perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit et il appartient à celui qui l'invoque de rapporter la preuve de son existence. L'appréciation du caractère manifestement illicite d'un trouble et la prescription des mesures nécessaires pour y mettre fin relèvent du pouvoir souverain du juge des référés et la mesure choisie ne doit tendre qu'à faire cesser le trouble manifestement illicite.
Selon, l'article 7e) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le locataire est obligé de permettre l'accès aux lieux loués pour la préparation et l'exécution de travaux d'amélioration des parties communes. Les deux derniers alinéas de l'article 1724 du code civil sont applicables à ces travaux de sorte que si les travaux durent plus de 21 jours, le prix du bail est diminué à proportion du temps et de la partie de la chose louée dont le locataire est privé. Avant le début des travaux, le locataire est informé par le bailleur de leur nature et des modalités de leur exécution par une notification de travaux qui lui est remise en main propre ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Aucuns travaux ne peuvent être réalisés les samedis, dimanches et jours fériés sans l'accord exprès du locataire. Si les travaux entrepris dans un local d'habitation occupé, ou leurs conditions de réalisation, présentent un caractère abusif ou vexatoire ou ne respectent pas les conditions définies dans la notification de préavis de travaux ou si leur exécution a pour effet de rendre l'utilisation du local impossible ou dangereuse, le juge peut prescrire, sur demande du locataire, l'interdiction ou l'interruption des travaux entrepris.
En l'espèce, les travaux dont la suspension est sollicitée sont les travaux de ravalement et les travaux de rénovation de l'appartement du 1er étage, jusqu'à ce qu'un tribunal statue au fond sur la légalité des travaux en cours.
Il convient de relever en premier lieu que les travaux de ravalement constituent des travaux d'amélioration des parties communes et que la SCI [Adresse 1] justifie de leur nécessité par la production d'un rapport de diagnostic structurel des façades de l'immeuble datant de décembre 2022 qui montre l'encrassement de la façade à divers endroits, la présence de traces d'humidité, de mousse et de lichens en plusieurs points, le défaut de protection par une couverture en plomb ou en zinc des corniches, fenêtres et balcons du rez-de-chaussée au niveau 4, ainsi que des fissurations aux 1er et au 2ème étages et entre ces deux étages.
En second lieu, les demandeurs ne prouvent pas plus qu'ils n'allèguent avoir saisi le juge du fond d'une demande tendant à le voir " statuer sur la légalité des travaux en cours ".
Enfin, ils n'apportent pas la preuve qui leur incombe que ces travaux présentent un caractère abusif ou vexatoire ou que leur exécution a pour effet de rendre l'utilisation des lieux loués impossible ou dangereuse.
En effet, le constat réalisé par [I] [L], commissaire de justice, le 19 avril 2024 fait état d'une perte de luminosité dans le salon des époux [K] et de bruits de perceuse et de coups de marteau en provenance de l'immeuble. Les mesures acoustiques réalisées en continu entre le 23 avril 2024 à 15h48 et le 26 avril suivant à 10h06 par sonomètre révèlent des bruits de chocs importants, de moteurs et machines, probablement en provenance du chantier, de plus de 20dBA, voire de 30 dBA, mais le graphique montre que des bruits intenses sont également relevés jusqu'à minuit, notamment des bruits de pas, des discussions, des chocs sans qu'il soit possible de les rattacher au chantier en cours, l'appartement des époux [K] étant très mal isolé par rapport à l'étage supérieur et à la rue sur laquelle il donne. Ces pièces sont insuffisantes à établir que les nuisances sonores en provenance du chantier, bien qu'elles soient indéniables et par définition inhérentes à l'exécution de tels travaux, rendent l'utilisation des lieux impossible ou dangereuse.
S'agissant de Madame [N] [J] [W], elle se plaint de nuisances sonores, de la perte de luminosité de son logement en raison d'une bâche en plastique bleu utilisée par les ouvriers, de ce que ceux-ci fument sur l'échafaudage, de la poussière provoquée par les travaux et enfin d'une tentative de cambriolage au sein de l'immeuble, mais n'indique pas, pas plus qu'elle ne prouve s'être trouvée dans l'impossibilité d'utiliser les lieux.
Les époux [S] évoquent également des nuisances sonores majeures, l'absence de protection sonore et visuelle d'une chambre provoquant d'importants troubles du sommeil, et plusieurs épisodes nocturnes stressants mais tout comme Madame [N] [J] [W], ils n'indiquent pas, pas plus qu'ils ne prouvent s'être trouvés dans l'impossibilité d'utiliser les lieux.
Il en va de même de Madame [V] [C] qui se plaint de ce que la porte principale de l'immeuble reste ouverte en permanence, ce qui pose des problèmes de sécurité.
La notification des travaux du ravalement pour une durée de 4 mois, débutant le 26 mars 2024 par le montage de l'échafaudage côté rue, n'a pas été remise en main propre ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception aux différents locataires en demande mais par courriel du 21 mars 2024. Ceux-ci ne contestent cependant pas l'avoir reçue. Le délai de prévenance était très court et laissait peu de temps aux locataires pour s'organiser afin d'échapper aux nuisances et notamment au bruit que la pose d'un échafaudage et le ravalement d'une façade créent nécessairement, étant observé de surcroit que les époux [K] ont un enfant âgé de quelques mois seulement, ayant besoin de beaucoup de sommeil, y compris pendant la journée.
Les demandeurs ne rapportent cependant pas la preuve que les travaux entrepris dont ils demandent la suspension ne respectent pas les conditions définies dans la notification de préavis de travaux.
Ils ne sauraient par ailleurs interdire pour l'avenir à leur bailleur d'entreprendre tous nouveaux travaux au sein de l'immeuble jusqu'à ce qu'un tribunal statue au fond sur la légalité des travaux envisagés, cette demande ne reposant sur aucun fondement juridique.
Ils indiquent avoir subi un important trouble de jouissance, leur bailleur ayant manqué à son obligation de leur assurer la jouissance paisible de leur logement telle que prévue par l'article 6b) de la loi du 6 juillet 1989. L'indemnisation de cette gêne est susceptible de leur ouvrir un droit à réparation dès lors qu'elle excède par sa durée, sa fréquence et son intensité la gêne normale inhérente à des travaux qu'un locataire peut avoir à supporter à l'occasion de ceux-ci, et le cas échéant, à l'octroi d'une provision à valoir sur la réparation du préjudice de jouissance qu'ils invoquent. Cependant, cette gêne ne saurait justifier la suspension de travaux, qui ont par ailleurs débuté depuis le 26 mars 2024 et dont l'achèvement est prévu le 25 juillet 2024.
Il convient de relever qu'en l'espèce, aucun des demandeurs ne sollicite de provision, même à titre subsidiaire, au titre du préjudice de jouissance qu'il indique avoir subi, et ce, de manière claire et assumée, indiquant ne pas souhaiter " une réparation en argent mais en nature ".
Sur le remboursement des loyers
Les époux [K] demandent le remboursement des loyers des mois d'avril et de juin 2024.
Ils indiquent avoir été contraints de quitter leur logement et de séjourner à l'hôtel, en raison notamment des nuisances sonores qu'ils subissaient.
Toutefois, outre le fait qu'ils n'apportent pas la preuve comme développé ci-dessus que l'utilisation de leur logement était impossible, force est de constater que parmi les 34 pièces qu'ils produisent, ne figure aucune facture d'hôtel.
Ils seront en conséquence déboutés de leur demande à ce titre.
Sur la suspension du paiement des loyers
Les demandeurs ne fondent pas juridiquement leurs demandes.
L'article 6 de la loi du 6 juillet 1989 n° 89-462 dispose que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation.
L'article 20-1 de la même loi prévoit que si le logement loué ne satisfait pas aux dispositions des deux premiers alinéas de l'article 6, le locataire peut demander au propriétaire sa mise en conformité sans qu'il soit porté atteinte à la validité du contrat en cours. (…) Le juge saisi par l'une ou l'autre des parties détermine, le cas échéant, la nature des travaux à réaliser et le délai de leur exécution. Il peut réduire le montant du loyer ou suspendre, avec ou sans consignation, son paiement et la durée du bail jusqu'à l'exécution de ces travaux.
Il résulte des dispositions qui précédent que la suspension du loyer avec ou sans consignation des loyers n'est admissible que si le locataire apporte la preuve que le logement loué est inhabitable ou indécent.
En l'espèce, les demandeurs sollicitent la suspension du paiement de leur loyer jusqu'à la fin de " tous les travaux ".
Or, ils n'apportent pas la preuve que leur logement est inhabitable et seront donc déboutés de leur demande à ce titre.
Sur la communication d'un planning de travaux
Il résulte des nombreuses pièces versées aux débats par les demandeurs que des travaux ont lieu dans l'immeuble litigieux depuis 2018, parfois sur de longues périodes (6 mois) et que le délai de prévenance, comme déjà souligné a été très bref, pour les travaux de ravalement litigieux, ne laissant pas la possibilité aux locataires de s'organiser pour échapper aux nuisances et notamment au bruit que la pose d'un échafaudage et le ravalement d'une façade créent nécessairement.
Il s'ensuit qu'il convient d'enjoindre à la SCI [Adresse 1] et à elle seule, en sa qualité de bailleresse, les locataires n’ayant pas de lien contractuel avec la SAS CITYA ETOILE qui n’est que le mandataire de la bailleresse et uniquement pour deux des baux litigieux, de communiquer à l'ensemble des locataires en demande le planning des travaux prévus sur la fin de l'année 2024 relatifs aux parties communes dans le mois suivant la signification de la présente décision et passé ce délai, sous astreinte de 50 € par jour de retard, les travaux dans les parties privatives, qui ne peuvent parfois être entrepris, qu'au départ d'un locataire, ne pouvant pas nécessairement être inclus dans ce planning. Il convient néanmoins de rappeler que le bailleur est tenu de donner au locataire toutes les informations quant à la nature et à la durée des travaux projetés et ce, dès qu'il a connaissance de la date à laquelle ils doivent débuter.
Sur la dépose de l'échafaudage
Cette demande, par ailleurs dirigée contre la SAS CCOD RENOV avec laquelle les demandeurs n'ont aucun lien contractuel, est sans objet dès lors qu'il n'est pas fait droit à leur demande de suspension des travaux actuellement en cours d'achèvement.
Sur la dépose du filet et des guirlandes sur le bacon des époux [K]
Il résulte des pièces versées aux débats que les époux [K] ont fait poser sur leur balcon un filet pour assurer la sécurité de leur chat et une guirlande lumineuse qui empêchent de procéder au ravalement de l'immeuble à cet endroit précis.
En conséquence, il convient de leur ordonner de procéder, à leurs frais, à la dépose de ces éléments dans les 8 jours suivants la signification de la présente décision et passé ce délai, sous astreinte de 50 € par jour de retard.
Sur la condamnation de la SAS CCOD RENOV à être indemnisée des conséquences éventuelles d'un arrêt des travaux et d'un démontage de l'échafaudage
Cette demande, assimilable à un appel en garantie est également sans objet dès lors qu'il n'est pas fait droit à la demande des époux [K], des époux [S], de Madame [V] [C] et de Madame [N] [J] [W] de suspension des travaux actuellement en cours.
Sur les demandes accessoires
Les époux [K], les époux [S], Madame [V] [C], Madame [N] [J] [W], parties perdantes, supporteront les dépens de l'instance, en application de l'article 696 du code de procédure civile et seront déboutés de leur demande fondée sur l'article 700 du même code.
Il serait inéquitable de laisser à la charge des parties défenderesses les frais qu'elles ont exposés pour les besoins de la présente instance et non compris dans les dépens.
Les époux [K] seront condamnés à verser à la SCI [Adresse 1] la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Les époux [S] et Madame [V] [C] seront condamnés à leur verser chacun la somme de 350 €, aucune demande n'étant formée à ce titre contre Madame [N] [J] [W].
Les époux [K], les époux [S], Madame [V] [C] et Madame [N] [J] [W] seront condamnés à verser à la SAS CCOD RENOV la somme de 350 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Nous, juge des contentieux de la protection statuant en référé, après débats en audience publique, par ordonnance contradictoire et en premier ressort prononcée publiquement par mise à disposition au greffe :
Au principal, renvoyons les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront mais, dès à présent,
Disons n'y avoir lieu à surseoir à statuer ;
Déclarons le juge des contentieux de la protection compétent pour connaître des demandes présentées par Monsieur [F]-[U] [K] et son épouse Madame [G] [M], Monsieur [A] [S] et son épouse Madame [B] [T], Madame [V] [C] et Madame [N] [J] [W] à l'encontre de la SAS CCOD RENOV;
Déclarons recevables comme non prescrites les demandes formées par Monsieur [F]-[U] [K] et son épouse Madame [G] [M] ;
Déboutons Monsieur [F]-[U] [K] et son épouse Madame [G] [M], Monsieur [A] [S] et son épouse Madame [B] [T], Madame [V] [C] et Madame [N] [J] [W] de leur demande de suspension des travaux et de paiement des loyers ;
Déboutons Monsieur [F]-[U] [K] et son épouse Madame [G] [M] de leur demande de remboursement de loyers ;
Déclarons sans objet les demandes de dépose de l'échafaudage ainsi que l'appel en garantie formé par la SAS CCOD RENOV,
Ordonnons à la SCI [Adresse 1] de communiquer à Monsieur [F]-[U] [K] et son épouse Madame [G] [M], à Monsieur [A] [S] et son épouse Madame [B] [T], à Madame [V] [C] et à Madame [N] [J] [W] le planning des travaux prévus sur la fin de l'année 2024 relatifs aux parties communes dans le mois suivant la signification de la présente ordonnance et passé ce délai, sous astreinte de 50 € par jour de retard ;
Ordonnons à Monsieur [F]-[U] [K] et son épouse Madame [G] [M] de procéder à la dépose du filet et de la guirlande lumineuse sur leur balcon dans les 8 jours suivants la signification de la présente ordonnance et passé ce délai, sous astreinte de 50 € par jour de retard ;
Déboutons les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
Condamnons Monsieur [F]-[U] [K] et son épouse Madame [G] [M] à verser à la SCI [Adresse 1] la somme de 1.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons les époux [S] et Madame [V] [C] à verser à la SCI [Adresse 1] la somme de 350 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons les époux [K], les époux [S], Madame [V] [C] et Madame [N] [J] [W] à verser à la SAS CCOD RENOV la somme de 350 € chacun sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons Monsieur [F]-[U] [K] et son épouse Madame [G] [M], Monsieur [A] [S] et son épouse Madame [B] [T], Madame [V] [C] et Madame [N] [J] [W] aux dépens de la présente instance ;
Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.
La greffière La juge