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26/07/2024 | FRANCE | N°23/05396

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Loyers commerciaux, 26 juillet 2024, 23/05396


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




Loyers commerciaux


N° RG 23/05396
N° Portalis 352J-W-B7H-CZVB5


N° MINUTE : 2

Assignation du :
11 Avril 2023


Jugement de fixation



[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 26 Juillet 2024

DEMANDERESSE

S.A.S. MONOPRIX EXPLOITATION
14-16 Rue Marc Bloch
[Localité 6]

représentée par Maître Simon ESTIVAL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A155>


DEFENDERESSE

S.A. VIDIS SA
[Adresse 4]
[Localité 5]

représentée par Maître Gérard DOUKHAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E0641



COMPOSITION DU TRIBUNAL

Sabine FORESTI...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

Loyers commerciaux


N° RG 23/05396
N° Portalis 352J-W-B7H-CZVB5

N° MINUTE : 2

Assignation du :
11 Avril 2023

Jugement de fixation

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 26 Juillet 2024

DEMANDERESSE

S.A.S. MONOPRIX EXPLOITATION
14-16 Rue Marc Bloch
[Localité 6]

représentée par Maître Simon ESTIVAL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A155

DEFENDERESSE

S.A. VIDIS SA
[Adresse 4]
[Localité 5]

représentée par Maître Gérard DOUKHAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E0641

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Sabine FORESTIER, Vice-présidente, Juge des loyers commerciaux
Siégeant en remplacement de Monsieur le Président du Tribunal judiciaire de Paris, conformément aux dispositions de l'article R.145-23 du code de commerce ;

assistée de Manon PLURIEL, Greffière lors des débats et de Camille BERGER, Greffière lors de la mise à disposition

DEBATS

A l’audience du 30 Mai 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 11 janvier 2005, la société VIDIS SA a donné à bail commercial à la société MONOPRIX EXPLOITATION des locaux dépendant d'un immeuble situé à [Localité 10], [Adresse 3] et [Adresse 2], pour une durée de neuf ans du 11 janvier 2005 au 10 janvier 2014, l'exercice de l'activité de « supermarché alimentaire ou non alimentaire » et un loyer annuel de 430.000 euros hors taxes et hors charges.

Par acte sous seing privé en date du 03 novembre 2014, la société VIDIS SA et la société MONOPRIX EXPLOITATION se sont accordées sur le renouvellement du bail pour une durée de neuf ans du 11 janvier 2014 au 10 janvier 2023 moyennant un loyer annuel de 586.455,64 euros hors taxes et hors charges.

Par acte de commissaire de justice signifié le 22 juillet 2022, la société MONOPRIX EXPLOITATION a sollicité de la société VIDIS SA le renouvellement du bail pour une durée de neuf ans à compter du 11 janvier 2023 et moyennant un loyer annuel de 408.000 euros hors taxes et hors charges.

Selon lettre recommandée avec avis de réception en date du 28 juillet 2022, la société VIDIS SA a accepté le principe du renouvellement à compter du 11 janvier 2023 mais s'est opposée à la fixation du loyer renouvelé à la somme de 408.000 euros hors taxes et hors charges pour solliciter sa fixation au montant du loyer indexé.

Par mémoire préalable régulièrement notifié le 28 novembre 2022, la société MONOPRIX EXPLOITATION a sollicité la fixation du loyer du bail renouvelé à la somme de 402.000 euros hors taxes et hors charges à compter du 11 janvier 2023.

Par mémoire en réponse régulièrement notifié le 23 janvier 2023, la société VIDIS SA a sollicité la fixation du loyer du bail renouvelé à la somme de 681.747,93 euros.

C'est dans ces circonstances que par acte d’huissier de justice signifié le 11 avril 2023, la société MONOPRIX EXPLOITATION a assigné la société VIDIS SA à comparaître devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris.

Par jugement rendu le 07 juillet 2023, le juge des loyers commerciaux a notamment :

- constaté le principe du renouvellement du bail à compter du 11 janvier 2023 ;
- désigné en qualité d'expert Mme [J] [R] en lui donnant notamment pour mission de rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 11 janvier 2023 au regard des dispositions des articles L.145-33 et R.145-3 à R.145-8 du code de commerce, ainsi que le montant du loyer plafonné ;
- fixé le loyer provisionnel pour la durée de l'instance au montant du loyer contractuel indexé en principal, outre les charges.

L'expert a déposé son rapport le 22 janvier 2024.

L'affaire a été retenue à l'audience du juge des loyers commerciaux du 30 mai 2024 à laquelle la société MONOPRIX EXPLOITATION et la société VIDIS SA étaient représentées par leur avocat.

Dans son dernier mémoire régulièrement notifié, la société MONOPRIX EXPLOITATION demande au juge des loyers commerciaux de :

- fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 11 janvier 2023 à la somme annuelle de 447.000 euros hors taxes et hors charges, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail demeurant inchangées ;
- ordonner que le surplus de loyer payé remboursable portera intérêts au taux légal à compter du 11 janvier 2023 et au fur et à mesure des échéances échues jusqu'à complet remboursement ;
- ordonner la capitalisation des intérêts ;
- ordonner le partage des dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ;
- rappeler que la décision à intervenir est un titre exécutoire qui permet au créancier d'agir en exécution forcée pour recouvrer le trop-perçu de loyer.

Sur le fondement des articles L.145-33 et L.145-34 du code de commerce, la société MONOPRIX EXPLOITATION expose que le loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative car celle-ci est inférieure au loyer plafonné.
En ce qui concerne l'évaluation de la valeur locative, la société MONOPRIX EXPLOITATION se réfère au rapport d'expertise de Mme [R]. Elle fait valoir que si les locaux loués se situent dans un secteur bénéficiant d'une commercialité avérée, il s'agit d'une commercialité de proximité car le quartier est résidentiel et peu touristique. Elle invoque que la surface de vente du rez-de-chaussée est de configuration irrégulière et de faible hauteur sous plafond, que la hauteur sous-plafond du premier étage est inégale et parfois inférieure à 2 m et que le sous-sol est affecté de différences de niveau, ceci rendant l'exploitation des lieux plus difficile. Elle considère qu'il convient d'entériner la surface pondérée de 994 m² calculée par l'expert, laquelle se rapproche de la surface de 990,40 m²P calculée par son expert amiable, la société JOSE [D] SAS. Elle déclare également qu'il y a lieu de retenir la valeur locative brute unitaire de 450 euros/m² évaluée par l'expert en se basant essentiellement sur des locaux exploités par l'enseigne MONOPRIX afin de tenir compte de l'activité contractuelle. Elle soutient enfin que si la destination contractuelle permet l'exploitation valorisante d'un magasin à rayons multiples, il n'y a pas lieu de majorer la valeur locative pour ce motif car les références de comparaison retenues portent sur cette même destination contractuelle ainsi que le note l'expert. Elle ajoute qu'il en est de même en ce qui concerne la clause du bail de cession et sous-location à une société apparentée dont il a été tenu compte dans l'appréciation de la valeur locative ainsi que du transfert de la charge de la taxe foncière au preneur qui a été pris en compte comme critère dépréciatif de la valeur locative. Elle en conclut que la valeur locative de renouvellement s'élève à 447.000 euros conformément à l'analyse de l'expert.

Dans son dernier mémoire régulièrement notifié, la société VIDIS SA demande au juge des loyers commerciaux de fixer le loyer du bail renouvelé à la somme annuelle de 507.000 euros hors taxes et hors charges.

Au soutien de sa demande, elle expose avoir sollicité l'avis d'un autre expert, M. [S] [F], compte tenu de l'estimation de la valeur locative faite par l'expert judiciaire, Mme [R], soit la somme de 447.000 euros, qui représente une baisse de 35% du loyer indexé au 11 janvier 2023. Elle relève que l'expert judiciaire a évalué la surface pondérée totale à 994 m² alors que son expert l'évalue à 1.015,38 m² compte tenu des coefficients de 0,30 et 0,20 qu'il a appliqué aux annexes et réserves et qu'il y a lieu de retenir compte tenu de l'équipement de la réserve du rez-de-chaussée. En ce qui concerne l'appréciation de la valeur locative unitaire, elle se réfère à l'analyse de son expert amiable en soulignant que l'absence d'un parking contigu à [Localité 9] ne peut constituer un élément négatif dans la mesure où les supermarchés de la ville n'ont pas d'aire de stationnement et que la livraison gratuite qui est proposée permet de ne pas limiter ses achats. Elle indique que compte tenu des atouts du local, il convient de retenir la valeur unitaire de 500 euros/m² et la valeur totale après imputations de 507.000 euros proposées par son expert.

L’affaire a été mise en délibéré au 26 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

1- Sur la demande de fixation du montant du loyer du bail renouvelé

Selon l'article L 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux commerciaux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1- les caractéristiques du local concerné ;
2- la destination des lieux ;
3- les obligations respectives des parties ;
4- les facteurs locaux de commercialité ;
5- les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Les articles R.145-2 à R.145-11 du code de commerce précisent la consistance de ces éléments.

Selon l'article L.145-34 du même code, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L.145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L.112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.

Il est acquis que lorsque la valeur locative est inférieure au montant du loyer plafonné résultant de l'évolution des indices à la date du renouvellement, le loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative sans qu'il soit nécessaire pour le preneur d'établir une quelconque modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L.145-33.

Pour fixer le montant du loyer renouvelé, il convient donc d'établir le montant du loyer plafonné et celui de la valeur locative à la date du renouvellement du 11 janvier 2023.

1-1- Sur le loyer plafonné

En application de l'article L.145-34 du code de commerce, le loyer plafonné au 11 janvier 2023 doit être calculé par application de l'indice trimestriel des loyers commerciaux, soit :

586.455,64 (loyer initial) x 126,13 (dernier indice publié au 11 janvier 2023 soit celui du 3ème trimestre 2022 publié le 18 décembre 2022) /108,47 ( indice publié au 3ème trimestre 2013, la durée du bail étant de 9 ans)
= 681.936,48 euros.

Le loyer plafonné au 11 janvier 2023 s'élève donc à 681.936,48 euros.

1-2- Sur la valeur locative

Il ressort de l'article L.145-33 du code de commerce, qu'à défaut d'accord des parties, la valeur locative est déterminée d'après :

1- les caractéristiques du local concerné ;
2- la destination des lieux ;
3- les obligations respectives des parties ;
4- les facteurs locaux de commercialité ;
5- les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Les articles R 145-2 à R 145-11 du code de commerce précisent la consistance de ces éléments.

a) Sur les caractéristiques du local

Selon l'article R.145-3 du code de commerce, les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :

1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;
4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.

- Sur la description du local

L'expert indique que l'ensemble immobilier que constituent les locaux loués compte trois niveaux et se développe entre le [Adresse 8] et la [Adresse 14], en présentant une situation de contrebas vers l’arrière.

Elle les décrit ainsi :

- un rez-de-chaussée haut qui comprend un premier corps de bâtiment élevé de plain-pied sur le boulevard sous toiture-terrasse, rapporté en façade d’un bâtiment d’habitation et qui se prolonge en infrastructure jusqu’à la [Adresse 14].

Il comprend :

• une zone de vente qui développe un linéaire de façade de 23,75 m environ,
• à gauche en façade, bureau non visité,
• « travelator » sur la gauche en façade,
• espace boulangerie surbaissé (1,97 mètre de hauteur) avec issue directe par trois marches sur le boulevard,
• monte-charge à l’arrière,
• local technique climatisation,

- un rez-de-chaussée bas en infrastructure mais ouvrant sur la [Adresse 14] compte-tenu de la déclivité de la parcelle.

Il comprend :

• deux espaces fortement dénivelés et dotés de trois accès sur la [Adresse 14] à l’usage de sortie de secours et d’entrée du personnel. Un accès livraison est désaffecté, la dénivellation ne permettant pas l’acheminement des marchandises vers les zones de stockage (livraison en façade par la zone de vente sur le boulevard).
• en partie basse, dégagement qui abrite un local technique,
• en partie haute, zones de réserves, locaux sociaux (salle de pause, vestiaires et bloc sanitaire), chambres froides, locaux techniques, monte-charge.

- un premier étage partiel éclairé sur la [Adresse 14].

Il comprend :

• zone de vente légèrement dénivelée et de hauteur limitée (relevé à 2,46 mètres sous faux-plafond et 1,97 mètre sous poutre), éclairée par fenestrons en partie haute sur la [Adresse 14],
• bureau,
• local caisse non visité,
• « travelator »,
• monte-charge à l'arrière.

En ce qui concerne les liaisons entre les trois niveaux, l'expert mentionne l'existence d'un double « travelator » qui relie le rez-de-chaussée et le premier étage, un monte-charge qui relie les trois niveaux (capacité 10 personne et 800 kg) ainsi qu'un escalier qui relie les trois niveaux.

Elle note également que les locaux sont banalement agencés, que l'aire de vente est en bon état d'entretien apparent et le surplus en état d'usage. Ils semblent répondre aux normes d'accessibilités aux personnes à mobilité réduite. L'aire de vente est climatisée.

Il est relevé que dans son rapport l'expert [M] [F] indique que l'impression d'ensemble est bonne.

Cette description doit être retenue dès lors que les parties ne la contestent pas ou qu'elle est conforme à leurs observations.

- Sur la surface

Les parties ne contestent pas la surface utile mesurée par l'expert selon les plans d'aménagements produits par la société MONOPRIX EXPLOITATION, soit une surface totale de 1.693,30 m².

Compte tenu de l'accord des parties, cette surface doit être retenue.

Après application de la méthode définie par la Charte de l'expertise en évaluation immobilière (5ème édition de mars 2017, mise à jour le 11 novembre 2019) pour les locaux de moyenne surface comprise entre 600 et 3.000 m² et des coefficients suivants, l'expert évalue la surface pondérée à 994 m² :

En ce qui concerne la pondération des annexes du rez-de-chaussée haut (bureau et local technique) pour lesquelles la société VIDIS SA revendique l'application d'un coefficient de 0,30 au lieu du coefficient de 0,20 appliqué par l'expert, il convient d'appliquer le coefficient de 0,20 dès lors, d'une part, que la Charte préconise d'appliquer un coefficient inférieur de 0 à 0,10 pour les locaux techniques et un coefficient de 0,20 à 0,30 pour les annexes et, d'autre part, que dans son rapport l'expert M. [U] [D] mentionne la faible hauteur sous plafond de l'accès au laboratoire, soit 1,89 m.

S'agissant de la pondération des annexes du rez-de-chaussée bas pour lesquelles l'expert a appliqué un coefficient de 0,15 alors que la société VIDIS SA sollicite l'application d'un coefficient de 0,20, il y a lieu d'appliquer le coefficient de 0,15 dès lors que ces annexes regroupent des locaux techniques et des réserves et que la Charte recommande un coefficient de 0,20 à 0,30 pour les annexes et un coefficient de 0 à 0,10 pour les locaux techniques. En outre, dans son appréciation du prix unitaire de la valeur locative, l'expert judiciaire a tenu compte de la qualité des liaisons verticales invoquée par la société VIDIS SA pour l'application d'un coefficient de 0,20. En outre, l'existence de deux volets roulants également invoquée par la société VIDIS SA ne suffit pas à augmenter le coefficient de pondération dès lors que l'un des deux condamne l'accès désaffecté qui ne peut être utilisé pour les livraisons compte tenu de la dénivellation.

Ainsi la surface pondérée totale s'établit à 994 m².

b) Sur la destination des lieux

L'article R.145-5 du code de commerce dispose que la destination des lieux est celle autorisée par le bail et ses avenants ou par le tribunal dans les cas prévus aux articles L.145-47 à L.145-55 et L.642-7.

Selon le contrat de bail, le local est à usage de « supermarché alimentaire ou non alimentaire », ce qui constitue une destination large .

Selon l'expert judiciaire, elle permet l'exploitation valorisante d'un magasin à rayons multiples.

Il est relevé que l'expert [M] [F] indique que les autres supermarchés/supérettes du secteur n'ont pas d'activité non alimentaire, ce qui contribue à cette valorisation.

Cette destination est donc adaptée au secteur dans lequel se trouve les locaux.

c) Sur les obligations respectives des parties

L'article R.145-8 du code de commerce dispose que du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.

En outre, il ressort de l'article R.145-35 du code de commerce que peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l'usage du local ou de l'immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement.

De surcroît, selon l'article R. 145-35 du code de commerce, ne peuvent être imputés au locataire, d'une part, les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux, et, d'autre part, les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent.

Il ressort de l'article 1719 du code civil selon lequel le bailleur est tenu de délivrer des locaux en état de servir à l'usage pour lequel ils ont été livrés, qu'il lui incombe d'effectuer les travaux de mise en conformité des locaux avec la réglementation qui leur est applicable.

Enfin, selon l'article L.145-16 du code de commerce, sont également réputées non écrites, quelle qu'en soit la forme, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail ou les droits qu'il tient du présent chapitre à l'acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise ou au bénéficiaire du transfert universel de son patrimoine professionnel.

L'article L. 145-31 du même code précise que sauf stipulation contraire du bail ou accord du bailleur, toute sous-location totale ou partielle est interdite.

En l'espèce, le contrat de bail stipule que le preneur est tenu « De rembourser au bailleur, par quart, en même temps que chaque terme de loyer le montant de la taxe sur la valeur ajoutée, les parties déclarant vouloir se soumettre à son régime, les taxes de balayage, d'enlèvement des ordures ménagères et de déversement à l'égout ainsi que l'impôt foncier, et de payer bien évidemment en outre, tous autres impôts, taxes et contrubutions nés ou à naître, à la charge du locataire au titre des locaux loués. » (cf p 11 et 12 Impôts, contributions et charges publiques).

Il prévoit également que « Au cas où, pendant le cours du bail, des améliorations seraient demandées par la Préfecture ou autres organismes pour l'exploitation de son commerce da,s les lieux loués, ces améliorations devraient être apportées par le preneur à ses frais. » (cf p 8 Conformité et jouissance).

Enfin, il indique que le preneur ne peut « dans aucun cas et sous aucun prétexte, céder ni apporter en société, son droit au présent bail, ni sous-louer en tout ou partie sans le consentement exprès et par écrit du bailleur si ce n'est céder, apporter, en confier location-gérance, domicilier ou sous-louer au profit de toute société, structure ou organisme faisant directement ou indirectement partie du groupe MONOPRIX-GALERIES LAFAYETTE-CASINO ; toutefois, le preneur pourra céder son droit au bail à son successeur dans son commerce, mais à charge de rester garant et répondant solidaire avec ses cessionnaires et tous occupants successifs, du paiement des loyers. » (cf p 10 Sous-location-cession)

Cependant, si le contrat de bail peut valablement mettre l'impôt foncier à la charge du preneur, il demeure que cet impôt incombe légalement au bailleur et que son transfert au preneur constitue donc une stipulation exorbitante du droit commun qui doit être prise en compte dans l'appréciation de la valeur locative.

La clause par laquelle le bailleur se décharge sur le locataire de son obligation de réaliser les travaux prescrits par l'autorité administrative, lesquels relèvent de son obligation de délivrance, constitue également une clause exorbitante et en conséquence un facteur de diminution de la valeur locative.

Enfin, la clause qui autorise la sous-location et la cession du droit du bail au profit d'une société du même groupe sans le consentement du bailleur constitue un avantage.

Dès lors, il convient d'en tenir compte dans l'évaluation de la valeur locative.

c) Sur l'emplacement des locaux et la commercialité du secteur

Selon l'article R.145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.

Il est rappelé que le local loué se situe à [Localité 10], [Adresse 3] et [Adresse 2].

Selon l'expert le boulevard de l'Hôpital est une importante artère à double sens de circulation automobile qui relie la [Adresse 13], en bordure de Seine, à la [Adresse 12]. Sont implantés sur cet axe la gare d'[7] et l'hôpital de la [11], lequel se trouve en face des locaux loués.

Les locaux sont desservis par la station de métro Saint Marcel (ligne 5) qui se trouve à la toute proximité ainsi que la station de métro Gare d'[7] (ligne 10) à 500 m et de nombreuses lignes d'autobus. Un parc public de stationnement est situé [Adresse 1], le stationnement sur la voirie est bilatéral et réglementé.

L'expert précise qu'il s'agit d'un secteur résidentiel dense avec un tissu commercial qui présente une mixité de commerces indépendants et d'enseignes de chaînes, avec prépondérance des premiers et des activités de services.

En revanche, la [Adresse 14], sur laquelle ouvre l'arrière des locaux, est une petite voie secondaire de faible commercialité.

En conclusion, l'expert considère que l'implantation est favorable.

Si le secteur n'est pas toutistique ainsi que le souligne la société MONOPRIX EXPLOITATION, il demeure que la commercialité d'un emplacement ne s'apprécie pas nécessairement au regard de la présence des touristes et que dans une grande ville telle que [Localité 9] il est constant que la majorité des quartiers ne bénéficient pas de la présence des touristes sans pour autant que leur commercialité s'en trouve affectée.

En l'état de ces éléments, il convient de retenir que les locaux loués bénéficient d'un bon emplacement pour l'activité exercée car situés dans un secteur à la fois résidentiel, avec une population dense, et commerçant, à proximité d'un hôpital ainsi que d'une gare, et une très bonne accessibilité grâce aux transports en commun et aux possibilités de stationnement.

d) Sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage et la valeur locative unitaire

L'article R.145-7 du code de commerce dispose que les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R. 145-3 à R. 145-6.

A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.

Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.

L'expert judiciaire indique avoir étudié les loyers de locaux choisis dans un rayon élargi compte tenu des particularités des locaux litigieux et offrant une commercialité suffisamment comparable, à savoir des locaux également exploités sous l'enseigne MONOPRIX afin de tenir compte de l'activité contractuelle et des locaux de moyennes surfaces commerciales de proximité et de destination diverse.

Ainsi , l'expert s'est référée aux loyers de comparaison suivants :

- loyers de locaux exploités sous l'enseigne MONOPRIX

• loyers de moyennes surfaces
- une référence de loyer de prix de marché de 363 euros/m²P, de surfaces de 1.240 m²P, à effet en octobre 2015, pour un local sis dans le 13ème arrondissement ;
- trois références de renouvellement amiable de 258, 250 et 269 euros/m²P, de surfaces de 1.414, 642 et 918 m²P, à effet au 15 octobre 2019, 20 décembre 2018 et 20 décembre 2019, pour des locaux sis dans le 14ème arondissement ;
- une référence de loyer de fixation judiciaire de 380 euros/m²P, de 687 m²P, à effet au 1er juillet 2013, pour des locaux situés dans le 14ème arrondissement ;

• loyers de grandes surfaces
- cinq références de loyer de renouvellement amiable de 272 euros, 332 euros, 529 euros, 370 euros et 478 euros/m²P, de surfaces de 3.584,36 m²P, 2.171 m²P, 2.674 m²P, 3.616 m²P et 2.090 m²P, à effet au 30 décembre 2022, 1er avril 2019, décembre 2018, 1er juillet 2017 et 1er octobre 2015, pour des locaux situés dans les 13ème et 15ème arrondissement ;

- autres locaux
• quatre références de loyer de prix de marché de 244 euros, 570 euros, 459 euros et 590 euros/m²P, de surfaces de 1.640, 1.579, 1.307 et 1.200 m²P, à effet au 1er septembre 2021, mai 2019, 2019 et décembre 2018, pour des activités de salle de sport, librairie, jardinerie et supérmarché, et des locaux sis dans les 13ème et 12ème arrondissement.

L'expert considère qu'en raison de l'implantation favorable des locaux, du très large linéaire de façade, de la qualité des liaisons verticales, de la destination contractuelle et de la faculté de cession et de sous-location à une société apparentée mais aussi de la faible hauteur sous plafond de la zone de vente à l'étage, de la contrainte de livraison par la zone de vente, du transfert à la locataire du coût des mises aux normes et de l'impôt foncier et du défaut de capacité de stationnement qui limite le volume des achats, la valeur locative unitaire s'évalue à 450 euros/m²P.

Cependant, on ne peut considérer qu'il existe un défaut de capacité de stationnement limitant le volume des achats. En effet, le stationnement sur la voirie est possible et s'il est réglementé, c'est le cas de tout stationnement dans la ville. En outre, il existe un parc de stationnement public à proximité des locaux loués. Enfin, les supermarchés de la ville ne disposent pas de leur propre parc de stationnement et le preneur propose la livraison à domicile.

Ainsi en procédant à une analyse comparative des loyers unitaires d'autres locaux situés dans le même secteur et en prenant en considération les éléments étudiés ci-dessus, à savoir le bon emplacement des locaux pour l'activité exercée, leurs caractéristiques, leur destination large et adaptée au secteur, les obligations respectives des parties relatives à la charge des l'impôt foncier et des travaux de mise aux normes ainsi qu'à la faculté de cession et de sous-location, le prix unitaire de la valeur locative de 450 euros/m²P proposé par l'expert est satisfaisant et doit être retenu.

******

Par conséquent, la valeur locative au 11 janvier 2023 doit être fixée à (994 m²P x 450 euros =) 447.300 euros.

1-3- Sur le montant du loyer du bail renouvelé

Au 11 janvier 2023, la valeur locative de 447.300 euros étant inférieure au loyer plafonné de 681.936,48 euros, le montant annuel du loyer du bail renouvelé sera fixé à 447.300 euros, hors charges et hors taxes.

En application des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil, des intérêts ont couru sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter 11 avril 2023, date de l'assignation, puis au fur et à mesure des échéances échues et, en application des dispositions de l'article 1231-6 du code civil, les intérêts dus pour une année entière doivent être capitalisés.

2- Sur les demandes accessoires

En vertu de l'article 696 du code de procédure civile, la procédure et l’expertise ayant été nécessaires pour fixer les droits respectifs des parties, il convient en conséquence d’ordonner le partage des dépens, en ce inclus les frais d’expertise, par moitié entre les parties.

Compte tenu du partage des dépens ordonné, les demandes des parties formées en application de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

Il n'y a pas lieu d'ordonner l'exécution provisoire dès lors qu'elle est de droit en application de l'article 514 du code de procédure civile.

Enfin, il n'y a pas lieu de rappeler que la décision à intervenir constitue un titre exécutoire dans la mesure où il ne s'agit pas d'une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile

PAR CES MOTIFS

Le juge des loyers commerciaux, statuant après débats publics, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,

Fixe à la somme de 447.300 euros, hors charges et hors taxes, à compter du 11 janvier 2023, le loyer annuel du bail renouvelé entre la société VIDIS SA et la société MONOPRIX EXPLOITATION pour les locaux situés à [Localité 10], [Adresse 3] et [Adresse 2] ;

Dit qu’ont couru des intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer dû, à compter du 11 avril 2023 pour les loyers échus avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus postérieurement à cette date, avec capitalisation pour les intérêts échus et dus au moins pour une année entière ;

Partage les dépens, en ce inclus les frais d’expertise, par moitié entre les parties ;

Rejette les demandes des parties formées en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à PARIS, le 26 juillet 2024.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. BERGER S. FORESTIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Loyers commerciaux
Numéro d'arrêt : 23/05396
Date de la décision : 26/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-26;23.05396 ?
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