TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à :Me Valérie GOUTTE
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Delphine CHLEWICKI HAZOUT
Pôle civil de proximité
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PCP JCP fond
N° RG 23/02306 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZLF4
N° MINUTE :
1 JCP
JUGEMENT
rendu le vendredi 26 juillet 2024
DEMANDEUR
S.A. SOCRAM BANQUE, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représenté par Me Delphine CHLEWICKI HAZOUT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #D0361
DÉFENDEUR
Monsieur [W] [J], demeurant chez [Adresse 2]
représenté par Me Valérie GOUTTE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E0230
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde CLERC, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Aline CAZEAUX, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 06 mai 2024
JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 02 juillet 2024, prorogé au 26 juillet 2024 par Mathilde CLERC, Juge assistée de Aline CAZEAUX, Greffier
Décision du 26 juillet 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/02306 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZLF4
EXPOSE DU LITIGE
Selon offre préalable acceptée le 29 janvier 2018, la société SOCRAM Banque a consenti à M. [W] [J] un crédit affecté d'un montant en capital de 19758 euros remboursable au taux nominal de 4,25% (soit un TAEG de 48%) en 72 mensualités, dont trois différées de 69,98 euros et 69 de 329,70 euros, auxquelles s’ajoutait une assurance d’un coût mensuel de 5,53 euros.
Des échéances étant demeurées impayées, la société SOCRAM Banque a obtenu le 24 novembre 2022 du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris une ordonnance d'injonction de payer la somme de 10293,37 euros en principal outre 40,44 euros de frais accessoires à la requête, à l'encontre de M. [W] [J], qu'elle a fait signifier par acte de commissaire de justice en date du 19 janvier 2023. M. [W] [J] a formé opposition par lettre recommandée reçue le 21 février 2023 contestant l’exigibilité de la créance et les parties ont été convoquées à l'audience par les soins du greffe.
L’affaire a fait l’objet de plusieurs renvois avant d’être finalement retenue à l’audience du 6 mai 2024.
A l’audience du 6 mai 2024, M. [W] [J], représenté par son conseil, a déposé des écritures aux termes desquelles il soulève, in limine litis :
la nullité de la requête en injonction de payer,la nullité de l’acte de signification de l’ordonnance d’injonction de payer,le caractère non avenu de l’ordonnance d’injonction de payer.
Au visa des articles 57 et 58 du code de procédure civile, M. [W] [J] soutient que la requête aux fins d’injonction de payer n’était pas signée, et que son auteur n’y a pas justifié de sa qualité de représentant légal de la société SOCRAM Banque. Au visa de l’article 1411 du code civil, il soutient que l’acte de signification de l’ordonnance ne comporte ni l’identité du défendeur, ni la date de l’ordonnance d’injonction de payer.
La société SOCRAM Banque, représentée par son conseil, a également déposé des écritures, aux termes desquelles elle sollicite, en réponse aux exceptions de nullité soulevées à titre liminaire, qu’il soit jugé que la requête en injonction de payer et que la signification de l’ordonnance sont réguliers. Elle précise que la requête était bien signée, que son auteur dispose d’une délégation de pouvoir, et que la requête comme l’acte de signification de l’ordonnance comportaient l’intégralité des mentions prescrites par la loi.
Sur le fond, la société SOCRAM Banque sollicite :
A titre principal, le constat l’acquisition de la déchéance du terme,la condamnation de M. [J] à lui verser la somme de 10398,26 euros avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure,le rejet de l’intégralité des demandes formées par M. [W][J]NA titre subsidiaire, la résiliation judiciaire du contrat de prêt n°5559395 à la date du 15 juin 2022,la condamnation de M. [J] à verser à la société SOCRAM Banque la somme de 10398,26 euros avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure,en tout état de cause, la condamnation de M. [J] à lui verser la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l'instance.
Au soutien de sa demande, la société SOCRAM Banque fait valoir que les mensualités d'emprunt n'ont pas été régulièrement payées, ce qui l'a contrainte à prononcer la déchéance du terme, rendant la totalité de la dette exigible. Elle considère pouvoir prétendre au bénéfice des intérêts contractuels dont le défendeur sollicite la déchéance, précisant que le bon de commande et la notice d’assurance ont bien été joints au contrat. Enfin, elle conteste tout manquement à son devoir de mise en garde, et soutient avoir vérifié la solvabilité de l’emprunteur, au moyen d’un nombre suffisant d’informations. Elle ajoute que le trouble psychiatrique dont se prévaut le défendeur n’a été diagnostiqué qu’en 2022.
Sur le fond, si la requête comme l’ordonnance d’injonction de payer étaient jugées régulières, M. [W] [J] sollicite:
- le prononcé de la déchéance du droit aux intérêts,
- la réduction du montant de la créance au capital restant dû,
- la condamnation de la société SOCRAM Banque à lui rembourser les intérêts et primes d’assurance indûment perçus et ordonner la compensation,
- le constat selon lequel la société SOCRAM Banque aurait manqué à son devoir de mise en garde et de prudence,
- la condamnation de la société SOCRAM Banque au paiement de dommages-intérêts équivalents aux sommes réclamées, et ordonner la compensation,
A titre très subsidiaire :
des délais de paiement conformes aux dispositions du plan de règlement qui sera mis en place par la commission de surendettement ou le tribunal dans le cadre de mesures imposées ou recommandées,la prévision, d’ores et déjà, de modalités de règlement des sommes qui pourraient être mises à la charge du défendeur dans l’hypothèse d’une caducité du plan de surendettement,l’autorisation de s’acquitter des sommes dues en 24 mensualités,que l’exécution provisoire soit écartée.
Au soutien de ses demandes au fond, M. [W] [J] fait état d’un trouble psychique, qui le rend particulièrement vulnérable et l’a conduit à souscrire de nombreux crédits à la consommation, ayant conduit à sa situation de surendettement, déclarée recevable par la commission de surendettement le 27 janvier 2022 et jugée recevable par le juge du surendettement le 10 octobre 2023.
Au visa de l’article L. 311-9 du code de la consommation, il soutient que la banque n’a pas sollicité suffisamment d’informations au soutien de sa solvabilité ; il ajoute qu’elle ne s’est pas assurée du fait qu’il n’avait pas souscrit d’autres crédits, de sorte que SOCRAM Banque est, par sa négligence, responsable de la situation de surendettement dans laquelle il se trouve aujourd’hui. Il rappelle, au visa de l’article 1315 du code civil, que c’est à la banque d’apporter la preuve de ce qu’elle a satisfait à son devoir de mise en garde.
Au soutien de sa demande de délais de paiement, il expose que la commission de surendettement est actuellement saisie de sa situation, fait valoir la fragilité de son état de santé psychique et la précarité de sa situation financière qui en résulte.
La forclusion, la nullité, les autres causes de déchéance du droit aux intérêts contractuels et légaux ont été mis dans le débat d'office.
La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 2 juillet 2024, délibéré prorogé au 26 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
A titre liminaire, il sera rappelé que le créancier peut, à tout moment de la procédure de surendettement, agir selon les voies du droit commun pour se procurer un titre. La recevabilité de la situation de de M. [W] [J] prononcée par la Commission de surendettement des particuliers ne fait ainsi pas obstacle à la présente action de la banque, même si le présent jugement sera exécuté conformément à la législation applicable en matière de surendettement.
Sur la recevabilité de l'opposition
Aux termes de l’article 1416 du code de procédure civile, l’opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l’ordonnance. Toutefois, si la signification n’a pas été faite à personne, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration d’un délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne, ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur.
En l'espèce, l’ordonnance d’injonction de payer a été signifiée à M. [W] [J] en date du 19 janvier 2023, par procès-verbal de vaines recherches conformément à l'article 659 du code de procédure civile.
Aucune des pièces versées aux débats ne permet de vérifier à quelle date elle a été signifiée à personne.
Il n’est toutefois pas contesté que l'opposition, reçue au greffe 21 février 2023, a été formée dans les délais.
Le courrier de M. [W] [J], accusant réception de l’ordonnance et formant opposition est par ailleurs daté du 10 février 2023, ce qui étaye le fait que l’ordonnance d’injonction de payer ne lui a été signifiée à personne que postérieurement au 19 janvier 2023.
Il sera en conséquence considéré que l’opposition a été formée dans le délai d’un mois suivant signification à personne.
En conséquence, l’opposition de M. [W] [J] est recevable.
Sur la nullité de la requête aux fins et de l’ordonnance d’injonction de payer
Aux termes de l’article 1420 du code de procédure civile, le jugement du tribunal se substitue à l'ordonnance portant injonction de payer.
En conséquence, les exceptions tirées de la nullité de la requête et de l’ordonnance d’injonction de payer sont, dès lors que l’ordonnance litigieuse a été anéantie par les effets de la recevabilité de l’opposition, sans objet, et il n’y a pas lieu à statuer.
Il convient donc de statuer à nouveau sur les demandes de la société SOCRAM Banque.
Sur la demande en paiement
Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.
L’article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d’office tous les moyens tirés de l’application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l'audience du 6 mai 2024.
Il convient donc de vérifier l'absence de cause de nullité du contrat, que le terme du contrat est bien échu, et l'absence de forclusion de la créance, et l'absence de cause de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.
Sur la nullité du contrat
Aux termes de l'article L.312-25 du code de la consommation, pendant un délai de sept jours à compter de l'acceptation du contrat par l'emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l'emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l'emprunteur au prêteur.
La jurisprudence sanctionne la violation de ce texte par la nullité du contrat en vertu de l'article 6 du code civil, laquelle entraîne le remboursement par l'emprunteur du capital prêté (Ccass civ 1ère, 22 janvier 2009, 03-11.775).
En l'espèce, le déblocage des fonds a eu lieu le 19 février 2018, soit postérieurement au délai de sept jours précité courant à compter du 29 janvier 2018, de sorte qu'aucune nullité n'est encourue.
Sur la forclusion
L'article 125 du code de procédure civile dispose que les fins de non-recevoir doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public, notamment lorsqu'elles résultent de l'inobservation des délais dans lesquels doivent être exercées les voies de recours ou de l'absence d'ouverture d'une voie de recours.
L’article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur dans le cadre d’un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le juge des contentieux de la protection dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.
Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement dans le cadre d'un plan de surendettement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après l'adoption du plan conventionnel de redressement ou après décision de la commission imposant les mesures de surendettement ou la décision du juge de l'exécution homologuant les mesures de surendettement.
En cas de délivrance d’une injonction de payer, le délai de forclusion est interrompu par la signification de l'ordonnance d'injonction de payer.
En l’espèce, M. [W] [J] a déposé un dossier de surendettement auprès de la Commission du surendettement des particuliers de Paris le 4 janvier 2022, sa demande ayant été déclarée recevable en date du 27 janvier 2022. Certains des créanciers de M. [J] ont contesté la décision de recevabilité ; le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris a, le 10 octobre 2023, confirmé la recevabilité de son dossier, et l’a renvoyé à la commission de surendettement des particuliers de Paris aux fins de poursuite de la procédure, laquelle n’avait, au jour de l’audience du 6 mai 2024, pas encore imposé de mesures.
Au regard de l’historique du compte produit par la banque, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu pour l'échéance de novembre 2021 de sorte que la demande effectuée le 19 janvier 2023, date de la signification de l’ordonnance d’injonction de payer, n’est pas atteinte par la forclusion.
Sur la déchéance du terme
Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Par ailleurs, selon l'article 1103 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l'article 1224 du même code, lorsque l'emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l'existence d'une clause résolutoire soit en cas d'inexécution suffisamment grave. L'article 1225 précise qu'en présence d'une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution.
En matière de crédit à la consommation en particulier, la jurisprudence est venue rappeler qu'il résulte des dispositions de l’article L.312-39 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle (Ccass Civ 1ère, 3 juin 2015 n°14-15655 ; Civ 1ère, 22 juin 2017 n° 16-18418).
Il appartient au prêteur de se ménager la preuve de l'envoi d'une telle mise en demeure (Ccass Civ 1ère, 2 juillet 2014, n° 13-11636), étant précise qu'il n'a pas à justifier de la remise effective de la mise en demeure au débiteur (Ccass 1ère civ, 20 janvier 2021, pourvoi n°19-20.680).
En l'espèce, le contrat de prêt contient une clause d'exigibilité anticipée en cas de défaut de paiement (article 13) mais la société SOCRAM Banque ne produit aucun courrier de mise en demeure préalable.
Seul un courrier daté du 12 mai 2022 avertit M. [W] [J] de ce que la déchéance du terme va être prononcée avec la précision suivante: “cette procédure ne remet pas en cause la procédure de surendettement”.
Il convient à cet égard de relever que la déchéance du terme a été prononcée le 17 juin 2022 alors qu’une décision de recevabilité avait été rendue par la Commission de Surendettement des Particuliers, en date du 27 janvier 2022, étant constant qu’en application de l’article 722-2 du code de la consommation, un créancier ne peut pas se prévaloir de la déchéance du terme quand la situation de surendettement est déjà déclarée et que l'une des procédures prévue pour parvenir au règlement de la situation est en cours.
Il en résulte que la déchéance du terme n’a pu régulièrement intervenir et qu'il convient ainsi d'examiner la demande subsidiaire en prononcé de résiliation judiciaire.
Sur la résolution judiciaire du contrat
En application de l'article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.
Il sera également rappelé que le prêt qui se réalise par la remise des fonds à l’emprunteur, est un contrat instantané, dont les échéances ne sont que le fractionnement d’une obligation unique de remboursement (Ccass 1re Civ., 5 juillet 2006 n° 05-10.982), et que la sanction du manquement contractuel est ainsi bien la résolution judiciaire et non la résiliation judiciaire.
En l'espèce, il ressort de l'historique de compte produit que les échéances du prêt sont impayées depuis le mois de novembre 2021, alors que le paiement des mensualités de remboursement figure comme première essentielle de l'emprunteur. Ce défaut de paiement pendant plusieurs mois caractérise un manquement contractuel suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat de crédit aux torts de l'emprunteur au jour du présent jugement.
Sur le montant de la créance
La résolution d'un contrat de prêt entraîne la remise des parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion (Ccass 1ère civ., 14 novembre 2019 n°18-20955).
Dès lors, l'emprunteur est tenu de restituer le capital prêté, moins les sommes qu'il a déjà versées.
Au regard de l'historique du prêt, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement de la société SOCRAM Banque à hauteur de la somme de 6666,59 euros au titre du capital restant dû (19758 – 13 091,41 euros de règlements déjà effectués).
M. [W] [J] est ainsi tenu au paiement de la somme de 6666,59 euros correspondant au capital restant dû, avec intérêts au taux légal à compter de la résolution, soit à compter de la présente décision.
Sur la demande reconventionnelle
M. [W] [J] forme reconventionnellement une demande indemnitaire, aux motifs que la banque a manqué à son devoir de conseil et de mise en garde; cette négligence aurait conduit à sa situation de surendettement dès lors qu’il avait souscrit des crédits antérieurement à conclusion du contrat de prêt litigieux, au sujet desquels la banque ne s’est pas renseignée. Il ajoute souffrir d’une pathologie psychiatrique l’ayant conduit à souscrire des crédits de façon compulsive.
L'exercice du devoir de mise en garde emporte pour l'établissement de crédit un devoir préalable de renseignement. La banque doit recueillir des informations sur le patrimoine, les revenus, les charges du candidat emprunteur pour apprécier sa capacité financière et l'absence de soutien de crédit abusif.
Il est ainsi constant que la banque est tenue à un devoir de mise en garde qui consiste à alerter l'emprunteur au regard de ses capacités financières et du risque d'endettement né de l'octroi du prêt. A ce titre, elle doit notamment justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, destinées à permettre à l’emprunteur profane d’effectuer un choix libre et éclairé, en démontrant notamment avoir remis à ce dernier :
la fiche d'information précontractuelle -FIPEN- (article L.312-12 du code de la consommation) mentionnant l'ensemble des informations énumérées par l'article R312-2 (annexe I) du code de la consommation) ,la notice d'assurance comportant les conditions générales (article L.312-29) à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L.341-4), la justification de la consultation du fichier des incidents de paiements -FICP- (article L.312-16) étant précisé que cette consultation doit avoir été effectuée avant la remise des fonds, et préciser son résultat,la justification, quel que soit le montant du crédit, de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur au moyen nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur (article L.312-16), étant précisé que le prêteur ne doit pas s’arrêter aux seules déclarations de l’emprunteur compilées dans la « fiche dialogue » mais effectuer ses propres vérifications et solliciter des pièces justificatives (au minimum la production de relevés bancaires et d’un avis d’imposition) et être ensuite en mesure de les produire devant la juridiction saisie de son action en paiement,la justification de la fourniture à l'emprunteur des explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière et attirant son attention sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement (article L.312-14).
Sauf anomalies apparentes et grossières, la banque est en droit de se fier aux informations communiquées par l'emprunteur.
Il est en l’espèce établi, par l’attestation du médecin psychiatre de l’emprunteur, que ce dernier souffre d’un trouble psychiatrique l’ayant conduit à multiplier les crédits à la consommation. Il est donc établi qu’il présente une vulnérabilité, dont il n’est toutefois pas démontré qu’elle ait été portée à la connaissance de la banque au moment de la souscription du crédit, le 29 janvier 2018. Le caractère apparent de sa pathologie est par ailleurs contredit par les nombreux autres crédits qui lui ont été consentis par d’autres banques, pourtant vecteurs de risques pour elles, ce dont on peut déduire que la compulsivité de M. [W] [J] n’était alors pas perceptible.
S’agissant des informations données à l’emprunteur par la banque, il est démontré que le prêteur a remis la fiche d'informations précontractuelles européenne normalisée en matière de crédit à la consommation, signée par l’emprunteur.
La banque justifie en outre avoir consulté le FICP en date du 29 janvier 2018 pour une libération des fonds le 19 février 2018, consultation dont il ne résultait aucun incident de paiement.
La banque verse par ailleurs aux débats la fiche de dialogue, paraphée et signée par M. [W] [J], comportant, outre les caractéristiques essentielles du crédit affecté, les conséquences qu’il aura sur sa situation financière, le détail de ses revenus et de ses charges, M. [W] [J] ayant certifié sur l’honneur la véracité et l’exhaustivité de ces éléments.
Il résulte de cette fiche de dialogue qu’il travaillait, au moment de sa signature, à temps plein, et son bulletin de salaire du mois de décembre 2017, qui comporte son revenu annuel net imposable de l’année 2017 permet d’établir qu’il disposait alors de ressources imposables mensuelles de 2335 €, pour des charges déclarées et certifiées exhaustives de 0 €, lui permettant de faire aisément face au crédit souscrit, dont il a d'ailleurs réglé 39 échéances.
Si la banque a bien fait remplir à l’emprunteur une fiche de renseignements détaillant ses revenus et charges, elle ne justifie toutefois pas avoir sollicité la production suffisante de justificatifs sur sa solvabilité, s'étant contenté d'un RIB, d'une carte d'identité, d’un unique bulletin de salaire (décembre 2017, lequel faisait toutefois mention de son cumul net imposable sur l’année entière). Les justificatifs de charges sont postérieurs à la date de la conclusion du crédit (une facture d’énergie du 20 mars 2019 et attestation d’assurance habitation valable à compter du 1 janvier 2021).
Cette insuffisance de vérifications, s’agissant des charges, est toutefois sanctionnée par la déchéance totale ou partielle du droit aux intérêts, inapplicable en l’espèce, dès lors que la résolution judiciaire a été prononcée. Il n’est en outre pas démontré que si la banque avait sollicité ces pièces, le dommage allégué par M. [W] [J], sa situation de surendettement, aurait été évité. Il est en effet établi que l’emprunteur a dissimulé à la banque quatre crédits souscrits antérieurement au crédit litigieux, de montants importants, et qu’il a postérieurement souscrits 7 nouveaux crédits, étant précisé que la responsabilité de la société SOCRAM Banque ne peut être recherchée en raison de crédits souscrits ultérieurement, le respect du devoir de conseil et de mise en garde devant s'apprécier au moment de l'octroi du crédit objet du litige.
Enfin, s’il est vrai que la banque ne produit pas la notice d’assurance, il n’est pas démontré que cette absence a causé, de façon directe et certaine, le préjudice que l’emprunteur allègue.
Il sera en conséquence débouté de sa demande indemnitaire.
Sur les délais de paiement
En vertu de l'article 1343-5 du code civil compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.
Toutefois, en vertu de l’article L. 733-16 du code de la consommation, les mesures imposées par la commission en application des articles L. 733-1, L. 733-4 et L. 733-7 ou celles prises par le juge en application de l’article L. 733-13 sont opposables aux créanciers identifiés dans le plan de surendettement lesquels ne peuvent, par conséquent, exercer des procédures d’exécution à l’encontre des biens du débiteur pendant la durée de leur exécution.
Cette dernière est en effet différée pendant la durée du plan arrêté par la Commission, et, en cas d’inexécution par le débiteur des mesures imposées, le créancier ne recouvre le droit de pratiquer des mesures d’exécution que dans le cas où il est mis fin au plan soit par une décision du juge statuant en matière de surendettement soit par l’effet d’une clause de caducité prévue par ces mesures.
Il n’y a, en conséquence, en l’état pas lieu d’accorder de délais à M. [W] [J], un plan de surendettement étant en cours d’élaboration. Quant à la caducité des mesures imposées, elle est en l’état hypothétique, de sorte qu’il ne peut être statué sur des délais de paiement éventuels.
Il appartiendra à M. [W] [J] de saisir le juge en cas d’éventuelles difficultés à l’issue de l’hypothétique caducité du plan de surendettement.
Sur les demandes accessoires
Compte-tenu de la situation de surendettement de M. [W] [J], chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens.
L’équité commande de rejeter la demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile par la société SOCRAM Banque.
Les faits de l’espèce ne justifient pas que soit écartée l’exécution provisoire, de droit.
PAR CES MOTIFS,
Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,
Déclare recevable l'opposition à l'ordonnance d'injonction de payer du 24 novembre 2022 formée par M. [W] [J],
Rappelle que le présent jugement se substitue à l'ordonnance d'injonction de payer ;
Constate que les exceptions de nullité soulevées en défense sont sans objet;
Constate que les conditions de prononcé régulier de la déchéance du terme du prêt personnel du 29 janvier 2018 accordé par la société SOCRAM Banque à M. [W] [J] ne sont pas réunies;
Prononce la résolution judiciaire du prêt personnel du 29 janvier 2018 de 19758 euros accordé par la société SOCRAM Banque à M. [W] [J] aux torts de l'emprunteur ;
Condamne M. [W] [J] à verser à la société SOCRAM Banque la somme de 6666,59 euros au titre du capital restant dû, avec intérêts à taux légal à compter de la présente décision,
Rejette la demande de délais de paiement, en cas d’hypothétique caducité du plan,
Rappelle que l'exécution de cette condamnation s'exécutera conformément à la législation applicable au surendettement et notamment que la somme de 6666,59 euros a vocation à être réglée selon les modalités définies par la Commission de surendettement des Particuliers de Paris ou du juge statuant sur ces dernières,
Rappelle que l'exécution de cette condamnation sera différée pendant la durée du plan arrêté par la Commission de surendettement des particuliers de Paris, et qu'en cas d’inexécution par le débiteur des mesures imposées, le créancier ne recouvre le droit de pratiquer des mesures d’exécution que dans le cas où il est mis fin au plan soit par une décision du juge statuant en matière de surendettement soit par l’effet d’une clause de caducité prévue par ces mesures ;
Rejette la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Dit que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens;
Rappelle que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et le Greffier susnommés.
Le greffier, Le juge des contentieux de la protection