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25/07/2024 | FRANCE | N°24/54099

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, 25 juillet 2024, 24/54099


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS








N° RG 24/54099 -
N° Portalis 352J-W-B7I-C4S5V

N° : 7

Assignation du :
03 Mai 2024

[1]

[1] 1 Copie exécutoire
délivrée le:


ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 25 juillet 2024



par Anne-Charlotte MEIGNAN, Vice-Président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Daouia BOUTLELIS, Greffier

DEMANDERESSE

La SCI SYNERGIE
[Adresse 2]
[Localité 6]

représentée par

Maître Céline BRAKA de la SELARL ORAE, avocats au barreau de PARIS - #R0166

DEFENDERESSE

S.A.R.L. LES OPTICIENS DE [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 3]

non comparante et non constitu...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


N° RG 24/54099 -
N° Portalis 352J-W-B7I-C4S5V

N° : 7

Assignation du :
03 Mai 2024

[1]

[1] 1 Copie exécutoire
délivrée le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 25 juillet 2024

par Anne-Charlotte MEIGNAN, Vice-Président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Daouia BOUTLELIS, Greffier

DEMANDERESSE

La SCI SYNERGIE
[Adresse 2]
[Localité 6]

représentée par Maître Céline BRAKA de la SELARL ORAE, avocats au barreau de PARIS - #R0166

DEFENDERESSE

S.A.R.L. LES OPTICIENS DE [Localité 7]
[Adresse 1]
[Localité 3]

non comparante et non constituée

Monsieur [Z] [F] [O]
[Adresse 4]
[Localité 5]

non comparant et non constitué

DÉBATS

A l’audience du 02 Juillet 2024, tenue publiquement, présidée par Anne-Charlotte MEIGNAN, Vice-Président, assistée de Daouia BOUTLELIS, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Aux termes d'un acte sous seing privé signé le 5 août 2020, la société civile immobilière SYNERGIE a donné à bail commercial à la société LES OPTICIENS DE [Localité 7] des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 8], pour une durée de neuf ans à compter du 5 août 2020, à destination de “commerce d’optique, lunetterie, prothèse oculaire, verre divers et de contact, minéraux et organiques, audition et surdité, et tous autres équipements ou accessoires concernant la lunetterie, l’audition et la surdité”, moyennant un loyer mensuel en principal de 1.750 euros, payable d’avance.

Monsieur [Z] [F] [O] s’est porté caution solidaire des engagements contractés par la société LES OPTICIENS DE [Localité 7], par acte séparé du même jour, jusqu’au 5 août 2029 et pour la somme maximale de 237.600 euros.

Le bailleur a fait délivrer au preneur le 20 novembre 2020 un commandement de payer visant la clause résolutoire, pour une somme de 6.150 euros en principal, au titre de l’arriéré locatif au mois de novembre 2020 inclus.

Par acte d’huissier du 13 juillet 2021, la SCI SYNERGIE a fait assigner la société LES OPTICIENS DE [Localité 7] et Monsieur [Z] [O] devant la juridiction des référés aux fins essentielles de voir constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail commercial liant les parties, condamner le preneur, solidairement avec la caution, à lui payer une provision au titre des loyers et indemnités d’occupation impayés et ordonner son expulsion.

Par ordonnance rendue par la juridiction de céans, le 23 novembre 2021, la société LES OPTICIENS DE [Localité 7] a été condamnée à payer à la SCI SYNERGIE la somme provisionnelle de 20.000 euros au titre de la dette locative arrêtée au 26 octobre 2021, autorisée à s’en acquitter en 24 versements mensuels d’un montant égal, devant intervenir le 15 de chaque mois à compter de la signification de ladite ordonnance. Il a été dit n’y avoir lieu à référé sur le surplus de la demande de provision, la demande d’acquisition de la clause résolutoire et sur les demandes subséquentes, les parties étant invitées à rencontrer un conciliateur de justice.

L’ordonnance de référé a été signifiée à la société LES OPTICIENS DE [Localité 7] par acte d’huissier du 7 janvier 2022.

Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 3 mars 2022, le conseil de la société bailleresse a mis en demeure la société locataire d’avoir à lui payer la somme de 8.927,20 euros, correspondant aux loyers courants depuis le mois de novembre 2021, la taxe foncière 2021 et les mensualités de 833 euros pour les mois de février et mars 2022, exigibles à compter du 15 février 2022.

Par acte d'huissier délivré les 18 et 21 mars 2022 et sans se prévaloir d'un nouveau commandement de payer, la société civile immobilière SYNERGIE a fait assigner la société LES OPTICIENS DE [Localité 7] et Monsieur [Z] [F] [O] devant la juridiction des référés aux mêmes fins.
Par ordonnance du 24 octobre 2022, le président de ce tribunal, statuant en référé, a, notamment, dit n'y avoir lieu à référé sur la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire et les demandes subséquentes et a condamné la société LES OPTICIENS DE [Localité 7] à verser à la société SYNERGIE la somme de 4481,40€ à titre de provision à valoir sur l'arriéré locatif pour la période allant de novembre 2021 au 13 septembre 2022 (loyer de septembre 2022).

Le bailleur a, par la suite, le 26 février 2024, fait délivrer au preneur un nouveau commandement de payer la somme de 26.268,48€, au titre des loyers et charges impayés à cette date.

Se prévalant de l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail, la SCI SYNERGIE a, par exploit délivré le 3 mai 2024, fait citer la SARL LES OPTICIENS DE [Localité 7] et Monsieur [Z] [O] devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de :
- constater l’acquisition de la clause résolutoire,
- ordonner l’expulsion de la défenderesse et de tout occupant de son chef avec au besoin l’assistance de la force publique et d’un serrurier, sous astreinte de 500€ par jour de retard à compter de la signification de la décision, le juge se réservant la liquidation de l'astreinte, outre la séquestration des meubles, ainsi qu'être autorisée à se faire assister d'un huissier de justice,
- condamner solidairement à titre provisionnel les défendeurs au paiement de la somme de 28.623,89 euros au titre de l'arriéré de loyers et charges échus au 10 avril 2024, à parfaire au jour de l'ordonnance, ainsi qu'une majoration des sommes dues de 10% en vertu de l'article 9 du bail,
- les condamner solidairement à titre provisionnel au paiement par provision d'une indemnité d'occupation mensuelle de 4711€, majoré des charges et taxes jusqu'à libération des lieux,
- l'autoriser à conserver le dépôt de garantie de 5250€,
- les condamner solidairement au paiement de la somme de 5500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens, dont le coût du commandement de payer.

A l'audience, la requérante sollicite le bénéfice de son acte introductif d'instance.

La SARL LES OPTICIENS DE [Localité 7], régulièrement citée, n'a pas constitué avocat. Il n'a pas été justifié de la citation de Monsieur [O].

Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens, il est renvoyé à l'assignation introductive d’instance et aux notes d’audience.

MOTIFS

En vertu de l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge fait droit à la demande s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Les prétentions formées à l'encontre de Monsieur [O] ne seront pas examinées, en l'absence de preuve qu'il a fait l'objet d'une citation.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

Aux termes de l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

L'article L.145-41 du code de commerce dispose que « toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai ».

En l’espèce, l'article 8 du contrat de bail stipule qu’à défaut de paiement d’un seul terme de loyer, ou à défaut de remboursement à leur échéance exacte de toutes sommes accessoires du loyer, notamment provisions, frais, taxes, impositions, charges, le bail sera résilié de plein droit un mois après la délivrance d’un commandement d’exécuter resté infructueux.

Il convient de rappeler que la clause résolutoire, compte tenu de son automaticité, doit s'interpréter strictement et ne peut être étendue par interprétation ou par analogie à des cas qu'elle ne vise pas expressément.

Le commandement délivré le 8 février 2024 vise la clause résolutoire précitée et reproduit les dispositions de l’article L.145-41 du code de commerce. Le commandement mentionne le délai d'un mois et la volonté du bailleur d'user du bénéfice de la clause. Enfin, il comprend un décompte des sommes échues au mois de février 2024.

Il résulte du décompte joint au commandement qu'il concerne les loyers, charges et taxes échus depuis le mois de novembre 2022, et dès lors, non compris dans les précédentes décisions de référé, pour la somme de 20.619€.

En revanche, il est également délivré pour la somme de 2209,04€ au titre de l'échéance du mois de novembre 2021, avec la précision suivante « échéance de loyer du mois d'octobre 2021 non comptabilisée dans le montant de 20.000 euros arrêté par le juge des référés dans son ordonnance du 29 novembre 2021 ». Toutefois, cette somme apparaît sérieusement contestable pour les raisons déjà exposées par l'ordonnance du 24 octobre 2022 et compte tenu des dispositions de l'article 488 du code de procédure civile dont il résulte que les décisions du juge des référés, si elles n'ont pas, au principal l'autorité de la chose jugée, ont au provisoire cette autorité de sorte qu'elles ne peuvent être modifiées ou rapportées qu'en cas de circonstances nouvelles.

L'ordonnance de référé du 23 novembre 2021 ayant provisoirement arrêté la dette échue au 26 octobre 2021 à la somme de 20.000€, cette somme comprend l'échéance d'octobre 2021 dans la mesure où le contrat de bail prévoit que le loyer est payable mensuellement et d'avance. Dès lors, la somme de 2209,04€ apparaît déjà concernée par un titre exécutoire et il appartient à la requérante de saisir le juge du fond si elle estime que cette échéance n'y est pas inclue.

Le commandement de payer comprend également les frais du commandement de payer délivré le 20 novembre 2020, frais qui ne peut entraîner le jeu de la clause résolutoire, en ce qu'il n'est pas visé par ladite clause, tout comme le complément de garantie, qui, au demeurant, n'est pas justifié. Enfin, aucun justificatif n'assortit la taxe foncière de l'année 2021 tout comme la régularisation de charges permettant au locataire d'en contester éventuellement les causes. Dès lors, la somme de 3562,11€ (1353,07€ + 2209,04€) apparaît sérieusement contestable.

Il est constant que le commandement demeure valable pour ses causes non sérieusement contestables, soit en l'espèce à hauteur de 22.706,37€.

En vertu de l'article 1353 du code civil, il appartient à celui qui se prétend libéré d'une obligation de faire la preuve des paiements.

En l'espèce, la défenderesse, non constituée, ne justifie pas avoir régularisé les causes du commandement dans le délai d'un mois, de sorte que le contrat de bail s’est trouvé résilié de plein droit à la date du 27 mars 2024 par l'effet de l'acquisition de la clause résolutoire.

En conséquence de la résiliation du bail, l’obligation de la défenderesse de quitter les lieux n’étant dès lors pas contestable, il convient d’accueillir la demande d’expulsion sans l'assortir d'une astreinte, le concours de la force publique étant suffisamment comminatoire pour contraindre la défenderesse à quitter les lieux volontairement. L'expulsion d'un occupant sans droit ni titre ne pouvant être réalisée que par Commissaire de justice, il n'y a pas lieu d'autoriser la requérante à se faire assister par un auxiliaire de justice, s'agissant de l'application du code des procédures civiles d'exécution.

Sur la provision

Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

En occupant sans droit ni titre les lieux loués depuis l’acquisition de la clause résolutoire le 27 mars 2024, la défenderesse cause un préjudice au propriétaire, résultant de l'indisponibilité du bien et de la perte des loyers et charges.

Ce préjudice sera réparé jusqu'au départ définitif du preneur et conformément aux dispositions de l'article 1240 du code civil, par l'octroi d'une indemnité d'occupation mensuelle équivalente au montant du loyer, des charges et des taxes applicables.

En effet, si l'article 9 du contrat de bail stipule qu'à défaut de paiement de toutes sommes, et dès mise en demeure, les sommes dues par le locataire seront automatiquement majorées de 20% à titre d'indemnité forfaitaire, d'une part, cette clause n'apparaît pas, avec l'évidence, applicable aux indemnités d'occupation à échoir et d'autre part, cette stipulation s'analyse en une clause pénale, susceptible d’être modérée ou supprimée par le juge du fond. Dès lors, cette demande sera écartée comme étant sérieusement contestable en ses principe et quantum.

Il sera ajouté que compte tenu du montant élevé des sanctions cumulées par la clause relative à la conservation du dépôt de garantie et à l'application d'une pénalité de 20%, toutes deux sollicitées dans la présente instance, il ne saurait être fait droit à aucune de ces demandes, l'application de l'ensemble de ces clauses cumulativement pouvant revêtir un caractère manifestement excessif au sens de l'article 1231-5 du code civil, dont l'appréciation ne relève pas du juge des référés.

D'ores et déjà et après déduction des sommes non justifiées dans le commandement de payer (3562,11€), la créance n'apparaît pas sérieusement contestable et la société LES OPTICIENS DE [Localité 7] sera condamnée au paiement de la somme de 25.061,78€ à titre de provision à valoir sur les loyers, charges, indemnités d'occupation, échus au 3 mai 2024, terme d'avril 2024 inclus.

Sur le surplus des demandes

Il n'apparaît pas inéquitable de condamner la partie défenderesse au paiement de la somme de 1800€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, elle sera également condamnée au paiement des dépens dont le coût du commandement de payer, en vertu de l'article 696 du même code.

PAR CES MOTIFS

Nous, Juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en premier ressort,

Renvoyons les parties à se pourvoir au fond ainsi qu'elles en aviseront, mais dès à présent par provision, tous les moyens des parties étant réservés :

Disons n'y avoir lieu de statuer sur les demandes formées à l'encontre de Monsieur [O] en l'absence d'assignation ;

Constatons l’acquisition de plein droit de la clause résolutoire insérée au bail commercial ;

Disons que la SARL LES OPTICIENS DE [Localité 7] devra libérer les locaux situés [Adresse 1] à [Localité 8], et, faute de l'avoir fait dans un délai d'un mois suivant la signification de l'ordonnance, ordonnons son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec le cas échéant, le concours de la force publique,

Rejetons la demande d'astreinte ;

Rappelons que le sort des meubles sera réglé conformément aux dispositions des articles L.433-1 et suivants et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

Condamnons la SARL LES OPTICIENS DE [Localité 7] à payer à la SCI SYNERGIE :
* à compter du 27 mars 2024, une indemnité d'occupation mensuelle provisionnelle équivalente au montant du loyer outre les charges et taxes, et ce, jusqu'à la libération effective des lieux,
* en conséquence, et d’ores et déjà, la somme de 25.061,78 euros à titre de provision à valoir sur les loyers, charges, indemnités d'occupation, échus au 3 mai 2024, terme d'avril 2024 inclus,
* la somme de 1800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Disons n'y avoir lieu à référé sur la demande au titre de la majoration de l'indemnité d'occupation, de la clause pénale et de la conservation du dépôt de garantie ;

Condamnons la SARL LES OPTICIENS DE [Localité 7] au paiement des dépens, en ce compris le coût du commandement de payer ;

Rappelons que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.

Ainsi ordonné et mis à disposition au greffe le 25 juillet 2023.

Le Greffier, Le Président,

Daouia BOUTLELIS Anne-Charlotte MEIGNAN


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Service des référés
Numéro d'arrêt : 24/54099
Date de la décision : 25/07/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée en référé (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 03/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-25;24.54099 ?
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