PROCÉDURE DE SURENDETTEMENT
JUGEMENT
DU JEUDI 25 JUILLET 2024
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
Parvis du tribunal de Paris
75859 PARIS Cedex 17
Téléphone : 01.87.27.96.89
Télécopie : 01.87.27.96.15
Mél : surendettement.tj-paris@justice.fr
Surendettement
Références à rappeler
N° RG 23/00342 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2CPI
N° MINUTE :
24/00353
DEMANDEUR(S):
[P] [N]
DEFENDEUR(S):
PARIS HABITAT OPH
Société LA BANQUE POSTALE CF
Société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
S.A. CA CONSUMER FINANCE
DEMANDEUR
Monsieur [P] [N]
63 ETG 3 ESCALIEN C
17 VOIE VILLA FREDERIC MISTRAL
75015 PARIS
représenté par Me Christophe LIVET-LAFOURCADE, avocat au barreau de PARIS, B1102
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro c750562024002332 du 08/02/2024 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)
DÉFENDERESSES
PARIS HABITAT OPH
21 BIS RUE CLAUDE BERNARD
75252 PARIS CEDEX 05
non comparante
Société LA BANQUE POSTALE CF
SERVICE SURENDETTEMENT
93812 BOBIGNY CEDEX 09
non comparante
Société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
CHEZ NEUILLY CONTENTIEUX
143 RUE ANATOLE FRANCE
92300 LEVALLOIS PERRET
non comparante
S.A. CA CONSUMER FINANCE
ANAP AGENCE 923 BANQUE DE FRANCE
BP50075
77213 AVON CEDEX
non comparante
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Présidente : Lucie BUREAU
Greffière : Selma BOUCHOUL
DÉCISION :
réputée contradictoire, rendue en premier ressort, et mise à disposition au greffe.
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 4 janvier 2023, M. [P] [N] a déposé un dossier auprès de la commission de surendettement des particuliers de Paris (ci-après « la commission »).
Ce dossier a été déclaré recevable par la commission le 26 janvier 2023.
Le 13 avril 2023, la Commission a imposé une mesure de rééchelonnement des dettes pendant 79 mois pour le traitement de la situation de surendettement de M. [P] [N], sur la base d’une mensualité de remboursement de 389,69 euros et avec un taux de 2,06 %.
Cette décision a été notifiée le 20 avril 2023 à M. [P] [N] qui l'a contestée par courrier reçu par la commission le 12 mai 2023. Le débiteur explique dans son recours avoir été licencié le 6 avril 2023 ce qui a occasionné une baisse de ses ressources.
L'affaire est appelée une première fois à l'audience du 6 novembre 2023 et a fait l'objet de plusieurs renvois pour permettre aux parties de se mettre en état.
A l'audience du 3 juin 2024 à laquelle l'affaire est retenue, M. [P] [N] est représenté par son conseil et il sollicite que lui soit accordé un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Il explique avoir été licencié le 6 avril 2023, puis être parti à la retraite le 1er janvier 2024. Il actualise sa situation financière : il perçoit 372,90 euros de pension de retraite, 139,18 euros d'allocation pour le logement (APL) et une subvention de la ville de Paris à hauteur de 116,92 euros, soit un total de 629 euros de ressources mensuelles. M. [P] [N] est célibataire, sans personne à charge et âgé de 67 ans. Il vit toujours dans le même logement et son endettement a augmenté en raison de l'accumulation d'arriérés locatifs. Sa dette locative s'élève donc désormais à la somme de 4945,27 euros, arrêtée au 1er mai 2024, et son endettement total est de 31793,73 euros. Il précise ne pas avoir reçu de commandement de payer et ne pas avoir eu de nouvelles de son bailleur, PARIS HABITAT – OPH.
Bien que régulièrement convoquées par lettre recommandée dont ils ont signé l'avis de réception, les créanciers n’ont pas comparu et ne se sont pas fait représenter. Ils n'ont pas non plus régulièrement usé de la faculté offerte par l’article R.713-4 du code de la consommation.
L'affaire a été mise en délibéré au 25 juillet 2024, date de prononcé du jugement par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de la demande
Les conditions de recevabilité de la contestation formée contre la décision de la Commission relative aux mesures qu'elle entend imposer sont régies par les dispositions des articles L.733-10 et R.733-6 du code de la consommation ; en vertu de ces dispositions, une partie peut contester devant le juge des contentieux de la protection les mesures imposées par la commission dans les trente jours de la notification qui lui en est faite, par déclaration remise ou lettre recommandée avec accusé de réception adressée au secrétariat de la commission.
En l'espèce, le délai de trente jours a été respecté ainsi que les formalités requises.
En conséquence, il convient de déclarer le recours de M. [P] [N] recevable en la forme.
Sur la contestation des mesures imposées par la commission
Sur les créances
En application de l'article L.733-12 du code de la consommation, le juge saisi d'une contestation formée contre les mesures que la commission entend imposer peut vérifier, même d'office, la validité des créances et des titres qui les constatent ainsi que le montant des sommes réclamées et s'assurer que le débiteur se trouve bien dans la situation mentionnée à l'article L.711-1.
L'article R.723-7 dispose que la vérification de la validité des créances, des titres qui les constatent et de leur montant est opérée pour les besoins de la procédure et afin de permettre à la commission de poursuivre sa mission. Elle porte sur le caractère liquide et certain des créances ainsi que sur le montant des sommes réclamées en principal, intérêts et accessoires. Les créances dont la validité ou celle des titres qui les constatent n'est pas reconnue sont écartées de la procédure.
Il est constant que le juge procède à l’opération de vérification des créances en faisant application des règles légales régissant la charge de la preuve. Ainsi, en application de l'article 1315 devenu 1353 du code civil, il appartient au créancier de rapporter la preuve de sa créance, tandis qu'il incombe au débiteur qui se prétend libéré de sa dette de justifier des paiements ou du fait à l'origine de l'extinction de l'obligation qu'il invoque.
En l'espèce, M. [P] [N] produit son avis d'échéance du mois d'avril 2024 que PARIS HABITAT – OPH lui a envoyé, lequel mentionne une dette locative de 4945,27 euros à la date du 1er mai 2024, échéance du mois d'avril incluse.
A défaut d'autres éléments produits, notamment par le bailleur, la créance de ce dernier sera fixée, dans le cadre de la présente procédure de surendettement, à la somme de 4945,27 euros à la date du 1er mai 2024, échéance du mois d'avril 2024 incluse.
L'endettement total de M. [P] [N] sera alors fixé à la somme totale de 31793,73 euros.
Sur les mesures
En vertu des dispositions de l'article L.733-13 du Code de la consommation, le juge saisi d'une contestation des mesures imposées par la Commission prend tout ou partie des mesures définies aux articles L.733-1, L.733-4 et L.733-7 du même code. Il peut également prononcer un redressement personnel sans liquidation judiciaire.
Conformément aux dispositions des articles L.731-1 et suivants du Code de la consommation, le montant des mensualités doit être déterminé en fonction de la quotité saisissable du salaire telle que fixée selon les articles L.3252-2 et L.3252-3 du Code du travail, de manière à ce qu'une partie des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage lui soit réservée en priorité. La part des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage est déterminée et mentionnée dans la décision dans les conditions prévues à l’article L.731-2 du Code de la consommation.
Il ressort de ces dispositions que la quotité saisissable définie par la loi constitue le montant maximal qui peut être consacré par un débiteur au montant de ses dettes.
Lors de l'établissement des mesures, la commission de surendettement retenait des ressources composées du salaire de M. [P] [N] à hauteur de 1791 euros et des charges composées des forfaits, des impôts, de son loyer, et d’un montant « divers », pour un total de 1398 euros.
Sur la situation actuelle de M. [P] [N], celui-ci justifie être désormais à la retraite, ainsi qu'il l'a affirmé à l’audience, et que ses différentes ressources sont composées comme suit :
- pension de retraite : 372,90 euros ;
- APL : 139,18 euros ;
- aide de la ville de Paris : 116,92 euros ;
soit un total de 629 euros.
S’agissant des charges de M. [P] [N], avec prise en compte de l'actualisation des forfaits en 2024, elles sont composées des éléments suivants :
- forfait de base : 625 euros ;
- forfait chauffage : 121 euros ;
- forfait habitation : 120 euros ;
- logement (loyer hors charges comprises dans les forfaits) : 313,48 euros ;
Soit un total de 1179,48 euros.
Il convient de préciser que la somme « divers » retenue par la commission à hauteur de 130 euros, qui correspondait à une prestation compensatoire ou une pension alimentaire, n'est pas justifiée par les éléments versés par le débiteur et n'apparaît pas sur les comptes bancaires de M. [P] [N], de sorte qu'elle n'a plus à être prise en considération.
M. [P] [N] ne dispose donc plus, à ce jour, de capacité de remboursement (ressources – charges) et la part de ses ressources mensuelles à affecter théoriquement à l’apurement de ses dettes, en application du barème de saisies des rémunérations, est de 0 euro.
Il ne peut néanmoins bénéficier d'un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire que dans l'hypothèse où il est établi que sa situation est irrémédiablement compromise au sens du code de la consommation, c'est-à-dire que le débiteur n'est pas susceptible de revenir à meilleure fortune.
A ce titre, M. [P] [N] est âgé de 67 ans. Il a été licencié au cours du mois d'avril 2023 pour inaptitude physique d'origine non professionnelle (selon l'attestation employeur UNEDIC) et est désormais retraité depuis le 1er janvier 2024. Il n'est pas envisageable qu'il retrouve un emploi de sorte que ses ressources n'ont pas vocation à augmenter à moyen terme.
Quant à ses charges, elles sont constituées des forfaits retenus par la commission et d'un loyer modeste, qui est en adéquation avec la situation personnelle de M. [P] [N]. Il n'est donc pas possible d'espérer une baisse du montant des charges du débiteur à moyen terme.
Il en résulte que les mesures de traitement du surendettement prévues aux articles L.732-1, L.733-1, L.733-4 et L.733-7 du code de la consommation sont manifestement impuissantes à permettre un apurement de son passif, de sorte qu'un retour à meilleure fortune n'est pas envisageable et que la situation de M. [P] [N] apparaît irrémédiablement compromise au sens de l’article L.724-1 alinéa 2 du code de la consommation.
En conséquence, il y a lieu de prononcer un rétablissement personnel sans liquidation judiciaire à son profit, qui emporte en application de l'article L.741-6 du code de la consommation les conséquences rappelées au dispositif de la présente décision.
Sur les demandes accessoires
En cette matière où la saisine du tribunal et la notification des décisions se font sans l'intervention d'un huissier de justice, les dépens éventuellement engagés par une partie dans le cadre de la présente instance resteront à la charge de celle-ci.
La présente décision est immédiatement exécutoire en application de l'article R.713-10 du code de la consommation.
PAR CES MOTIFS
La juge des contentieux de la protection, statuant après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire, en premier ressort,
DÉCLARE recevable en la forme la contestation de M. [P] [N] ;
FIXE la créance de l'établissement public PARIS HABITAT – OPH à l’encontre de M. [P] [N] à la somme de 4945,27 euros à la date du 1er mai 2024, échéance du mois d'avril incluse ;
FIXE en conséquence l'endettement total de M. [P] [N] à la somme totale de 31793,73 euros ;
RAPPELLE que lesdites dispositions ne sont opposables que dans le cadre de la présente procédure de surendettement ;
CONSTATE que la situation de M. [P] [N] est irrémédiablement compromise au sens de l’article L.724-1 alinéa 2 du code de la consommation ;
PRONONCE en conséquence le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire au bénéfice de M. [P] [N] ;
RAPPELLE que le rétablissement personnel sans liquidation judiciaire entraîne l'effacement de toutes les dettes professionnelles et non-professionnelles du débiteur arrêtées à la date du présent jugement, y compris celle résultant de l'engagement que le débiteur a donné de cautionner ou d'acquitter solidairement la dette d'un entrepreneur individuel ou d'une société, à l'exception :
- des dettes alimentaires,
- des réparations pécuniaires allouées aux victimes dans le cadre d'une condamnation pénale,
- des amendes prononcées dans le cadre d'une condamnation pénale,
- des dettes dont le montant a été payé aux lieu et place du débiteur par la caution ou le coobligé personne physique,
- des dettes ayant pour origine des manœuvres frauduleuses commises au préjudice des organismes de protection sociale énumérés à l'article L.114-12 du code de la sécurité sociale,
- des dettes fiscales dont les droits dus ont été sanctionnés par les majorations non rémissibles mentionnées au II de l'article 1756 du code général des impôts et les dettes dues en application de l'article 1745 du même code et de l'article L. 267 du livre des procédures fiscales ;
- des dettes issues de prêts sur gage souscrits auprès des caisses de crédit municipal ;
DIT que le greffe procédera aux mesures de publicité en adressant un avis au BODACC pour permettre aux créanciers qui n'auraient pas été avisés de former tierce-opposition à l'encontre du jugement dans un délai de deux mois à compter de sa publication, et que passé ce délai leurs créances seront éteintes à la date du jugement ;
RAPPELLE qu’en application des articles L.752-2 et L.752-3 du code de la consommation, les personnes ayant bénéficié de la procédure de rétablissement personnel font l’objet, à ce titre, d’une inscription pour une période de cinq années au fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement caractérisés (FICP), géré par la Banque de France, à compter de la date du présent jugement ;
REJETTE le surplus des demandes ;
LAISSE à chaque partie la charge des éventuels dépens par elle engagés ;
DIT que la présente décision sera notifiée par lettre recommandée avec avis de réception à M. [P] [N] et à ses créanciers, et par lettre simple à la commission de surendettement des particuliers de Paris ;
RAPPELLE que la présente décision est immédiatement exécutoire.
LA GREFFIERE LA JUGE