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24/07/2024 | FRANCE | N°23/13433

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Loyers commerciaux, 24 juillet 2024, 23/13433


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




Loyers commerciaux


N° RG 23/13433
N° Portalis 352J-W-B7H-C3CDG


N° MINUTE : 3


Assignation du :
13 Octobre 2023


Jugement d’incompétence



[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 24 Juillet 2024
DEMANDERESSES

Madame [C] [Y] [G] [Z] veuve [P]
[Adresse 3]
[Localité 4]

Madame [O] [P]
[Adresse 3]
[Localité 4]

toutes deux représentées par Maître Léa HA

DAD TAIEB, avocate au barreau de VAL-DE-MARNE, avocate plaidante, vestiaire #PC87


DEFENDERESSE

S.A.R.L. AUX REGALS
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Morgane SIMSEK, avocat au barreau de PARIS, avoc...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

Loyers commerciaux


N° RG 23/13433
N° Portalis 352J-W-B7H-C3CDG

N° MINUTE : 3

Assignation du :
13 Octobre 2023

Jugement d’incompétence

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 24 Juillet 2024
DEMANDERESSES

Madame [C] [Y] [G] [Z] veuve [P]
[Adresse 3]
[Localité 4]

Madame [O] [P]
[Adresse 3]
[Localité 4]

toutes deux représentées par Maître Léa HADAD TAIEB, avocate au barreau de VAL-DE-MARNE, avocate plaidante, vestiaire #PC87

DEFENDERESSE

S.A.R.L. AUX REGALS
[Adresse 2]
[Localité 5]

représentée par Maître Morgane SIMSEK, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0424
COMPOSITION DU TRIBUNAL

Maïa ESCRIVE, Vice-présidente, Juge des loyers commerciaux
Siégeant en remplacement de Monsieur le Président du Tribunal judiciaire de Paris, conformément aux dispositions de l'article R.145-23 du code de commerce ;

assistée de Camille BERGER, Greffière

DEBATS

A l’audience du 04 Juin 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DES FAITS

Aux termes d’un acte authentique en date du 19 décembre 2005, Monsieur [F] [P], aujourd’hui décédé, et son épouse, Madame [C] [Z], ont donné à bail commercial, en renouvellement, à la S.A.R.L. AUX REGALS, afin d’y exercer une activité de “café restaurant, salon de thé, vente de plats cuisinés à consommer sur place ou à emporter, alimentation générale, vins et liqueurs, importation et exportation de produit[s] exotiques et articles de cadeaux, vente ambulante de produits alimentaires, restauration rapide”, des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 5] désignés comme suit :

“ LOT NUMÉRO DEUX (2)
Boutique, à la suite arrière boutique dans laquelle se trouve une pierre à évier, les compteurs électriques et force, un radiateur de chauffage central collectif, eau froide et chaude par immeuble.
Une cave, droit au wc en commun
Et les 35/1013èmes des parties communes générales de l’immeuble”.

Le bail a été conclu pour une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 2006, pour se terminer le 31 décembre 2014, moyennant le versement d’un loyer annuel de 7.320 euros, hors taxes et hors charges, payable trimestriellement et à terme échu.

Suivant deux avenants en date des 28 novembre 2017 et 19 octobre 2020, le loyer a été révisé à hauteur de 2.413 euros puis de 2.532 euros.

Par acte extrajudiciaire en date du 5 décembre 2022, Madame [C] [Z] veuve [P] et Madame [O] [P] en sa qualité de nue propriétaire, ont notifié à la société AUX REGALS un congé avec offre de renouvellement du bail à effet du 30 juin 2023 proposant de voir fixer le loyer du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2023 à la somme annuelle de 15.000 euros, hors taxes et hors charges.

Suivant une lettre recommandée en date du 6 mars 2023, la société AUX REGALS a notifié au bailleur son acceptation du principe du renouvellement du bail en contestant toutefois le montant proposé.

Par courrier recommandé en date du 20 juillet 2023, Madame [C] [Z] veuve [P] et Madame [O] [P] ont notifié à la société AUX REGALS un mémoire préalable sollicitant notamment la fixation du loyer du bail renouvelé à la somme de 15.000 euros hors taxes et hors charges par an à compter du 1er juillet 2023.

Se prévalant de l’absence d’accord intervenu sur le montant du loyer renouvelé, Madame [C] [Z] veuve [P] et Madame [O] [P] ont, par acte d’huissier délivré le 17 octobre 2023, fait assigner la société AUX REGALS devant le Juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris, aux fins notamment de voir fixer le loyer du bail renouvelé à la somme de 15.000 euros hors taxes et hors charges par an à compter du 1er juillet 2023.

Aux termes de leur dernier mémoire régulièrement notifié par lettre recommandée et par la voie électronique le 23 avril 2024, Madame [C] [Z] veuve [P] et Madame [O] [P] demandent au juge des loyers commerciaux de :

Vu l’article L. 145-34 du code de commerce et le déplafonnement de plein droit impliqué par la durée du bail expiré,
Vu le congé délivré le 5 décembre 2022,
Vu la valeur locative évaluée par rapport aux dispositions des articles L.145-33, R. 145-3 et suivants du code de commerce,

- Fixer le loyer de renouvellement à effet du 1er juillet 2023 à la somme de 15.000 euros en principal hors charges, aux mêmes clauses, charges et conditions du bail expiré, sous réserve de l’adaptation éventuellement nécessaire aux dispositions de la loi PINEL du 18 juin 2014 et son décret d’application du 3 novembre suivant ;
- Dire et juger que le complément de loyer dû par le locataire portera intérêts au taux légal conformément aux dispositions de l’article 1155 du code civil, de plein droit à compter de la date d’effet du nouveau loyer, et que les intérêts échus produiront eux-mêmes intérêts en conformité avec les dispositions de l’article 1154 du code civil ;
- Débouter la société AUX REGALS de toutes ses demandes, fins et conclusions, notamment juger que le bail arrivé à expiration le 31 décembre 2014 n’a jamais fait l’objet d’un renouvellement selon accord verbal des parties, mais qu’il s’est poursuivi par tacite reconduction;
- Condamner la société AUX REGALS aux entiers dépens, ainsi qu’au paiement d’une somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par un mémoire régulièrement notifié par lettre recommandée et par la voie électronique les 5 et 16 mars 2024, la société AUX REGALS demande au juge des loyers commerciaux de :

Vu l’article 146 du code de procédure civile,
Vu les dispositions des articles L. 145-33, L. 145-34, R. 145-3, R. 145-6, R.145-7et R. 145-8 du code de commerce,
Vu l’article 1108 du code civil,

À titre principal :

- Constater l’accord des parties sur le principe du renouvellement à effet du 1er janvier 2015 arrivé à échéance le 31 décembre 2023 ;
- Constater que les parties étaient liées, à compter du 1er janvier 2015, par un bail commercial oral ;
- Constater l’absence de contestation sur le prix du loyer dans le délai de deux ans impartis par l’article L.145-62-0 du code de commerce ;
- En conséquence, débouter les consorts [P] en leur qualité de bailleurs de leur demande de déplafonnement et Constater qu’il n’y pas de déplafonnement ;
- Dire et Juger que le nouveau bail prendra effet rétroactivement à compter du 1er janvier 2023 avec maintien du loyer avec une indexation triennale ;
- Dire et Juger que le bailleur ne produit aux débats aucun élément permettant de justifier de la réalité du motif de déplafonnement allégué, mais également des modalités d’appréciation de la valeur locative à laquelle il demande la fixation de plano du loyer ;
- Débouter en conséquence les consorts [P] de leur demande de fixation du loyer du bail renouvelé à compter du 1er juillet 2023,

À titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la présente juridiction estimerait néanmoins recevable la demande de fixation formée par le bailleur :

- Constater que ce dernier ne justifie en aucune manière de la réunion, au cas d’espèce, des paramètres prévus à l’article R. 145-6 du code de commerce et pour cause dès lors qu’aucune modification notable des facteurs locaux de commercialité, ayant un impact effectif et favorable sur le commerce exploité dans les lieux, n’est intervenue au cours du bail expiré ;
- Dire et juger en conséquence que le loyer du bail renouvelé à compter du 1er janvier 2023 doit être fixé selon la seule variation indiciaire, savoir à la somme annuelle en principal de 10.128 euros, toutes autres charges et conditions du bail demeurant inchangées, à l’exception du réajustement du dépôt de garantie ;
- Débouter dès lors les consorts [P] de leur demande de fixation du loyer à la somme annuelle en principal de 15.000 euros hors taxes et hors charges ;

À titre très subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal entendrait faire droit à la demande des consorts et s’estimerait insuffisamment éclairé pour procéder à la fixation, de plano, du loyer selon la seule variation indiciaire :

- Désigner tel expert qu’il plaira à la juridiction saisie en vue de visiter les locaux, les décrire, se faire remettre tous documents requis en vue de déterminer l’existence ou non du motif de déplafonnement allégué par le bailleur et d’apprécier la valeur locative des locaux à la date considérée, et notamment tous éléments de recoupement conformes aux dispositions des articles R. 145-3, R. 145-6, R. 145-7 et R. 145-8 du code de commerce ;
- Dire que les frais de consignation nécessaires à la saisine de l’expert, de même que tous frais d’expertise, seront à la charge du bailleur, en sa qualité de demandeur à la procédure ;
- Dire que le loyer provisionnel exigible pendant la durée de l’instance sera maintenu au montant du dernier loyer contractuel ;

En tout état de cause :

- Débouter également le bailleur de sa demande formée au visa de l’article 700 du code de procédure civile qui s’avère à tout le moins prématurée à ce stade de la procédure, dont il a par ailleurs pris l’initiative ;
- Réserver les dépens.

L’affaire a été appelée à l’audience du 4 juin 2024 pour plaidoiries et mise en délibéré à ce jour.

A l’audience, les parties ont été autorisées à adresser une note en délibéré sur la compétence du juge des loyers commerciaux avant le 28 juin 2024.

Suivant une note en délibéré du 12 juin 2024 puis du 20 juin 2024, la société AUX REGALS demande au juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris de se déclarer incompétent et de faire droit à sa demande de paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Suivant une note en délibéré du 19 juin 2024 puis du 24 juin 2024, les consorts [P] soutiennent que le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris est compétent, en l’absence d’éléments probants sur l’existence d’un bail oral, arguant de la mauvaise foi et de manoeuvres dilatoires de la partie adverse.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la compétence du juge des loyers commerciaux

En l’espèce, les parties ne s’accordent pas sur la date de renouvellement du bail portant sur les lieux situés [Adresse 1] à [Localité 6], les demanderesses sollicitant que la date de renouvellement du bail soit fixée au 1er juillet 2023, par l’effet de leur congé avec offre de renouvellement du bail, tandis que la locataire soutenant que le renouvellement du bail ne peut intervenir qu’à compter du 1er janvier 2015 et se prévalant de l’existence d’un bail renouvelé à compter du 1er janvier 2015, pour se terminer le 31 décembre 2023.

La société AUX REGALS se prévaut ainsi d’un bail oral qui serait intervenu entre les parties et produit :

- deux courriers de l’étude de notaires [U] - [L] - [K] en date du 2 avril 2014 et du 16 avril 2014 lui demandant ses disponibilités afin de procéder au renouvellement du bail ;
- un mail en réponse de sa part en date du 16 avril 2014 indiquant qu’elle est disposée à régulariser un nouveau bail et sollicitant la communication du projet de bail ;
- un courrier de l’étude de notaires [U] - [L] - [K] en date du 23 octobre 2014 lui demandant de contacter l’étude “pour la mise en oeuvre du renouvellement de votre bail” et précisant les conditions financières des bailleurs, à savoir un loyer annuel de 9.299,15 euros et une provision sur charges trimestrielle de 370 euros, avec réajustement du dépôt de garantie,
- un acte authentique du 18 juin 2018 non signé prévoyant le renouvellement du bail pour une durée de 9 ans ayant commencé à courir rétroactivement le 1er janvier 2015, pour se terminer le 31 décembre 2023, moyennant le versement d’un loyer annuel de 9.716 euros hors taxes et hors charges, payable trimestriellement et à terme échu ;
- un avis d’échéance pour le mois de juillet 2023 d’un montant de 970,08 euros (loyer de 875,83 euros et provisions sur charges de 84 euros).

Elle soutient qu’elle a procédé au paiement du loyer correspondant à la somme proposée dans l’offre de renouvellement, caractérisant son acceptation tacite nonobstant l’absence de signature de l’acte authentique.

Les consorts [P] contestent l’existence d’un bail oral intervenu à compter du 1er janvier 2015. Elles soutiennent que malgré les discussions initiées entre les parties, aucun accord n’est intervenu sur le renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2015. Ils produisent aux débats divers éléments et notamment :

- un courrier de l’étude notariale en date du 20 février 2024 selon lequel “le renouvellement de bail n’a jamais été régularisé”,
- les deux avenants de révision triennale mentionnant : “conformément au bail notarié signé le 19 décembre 2005 (...) et au renouvellement tacite du bail suite à votre refus de régulariser l'acte notarié de septembre 2015”.

Aux termes de l’article R. 145-23 du code de commerce, les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.

Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l’alinéa précédent.

La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l’immeuble.

La compétence du juge des loyers commerciaux est une compétence d’exception d’interprétation stricte.

Le juge des loyers commerciaux n’est donc pas compétent pour statuer sur la date de renouvellement du bail, cette compétence appartenant au tribunal judiciaire.

Il convient, pour une bonne administration de la justice de se dessaisir de la totalité du litige au profit du tribunal judiciaire qui peut connaître accessoirement d’une demande relative à la fixation des loyers.

Dès lors, il convient de se déclarer incompétent et de renvoyer la présente affaire devant la 18ème chambre 2ème section du tribunal judiciaire de Paris.

Sur les autres demandes

Il convient de réserver les dépens et l’éventuelle application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des loyers commerciaux, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Se déclare incompétent au profit de la 18ème chambre 2ème section du tribunal judiciaire de Paris pour trancher les contestations soulevées par les parties portant sur la date de renouvellement du bail,

Renvoie l’ensemble des demandes et du litige devant la 18ème chambre 2ème section du tribunal judiciaire de Paris,

Dit que le dossier de l’affaire avec copie du présent jugement sera transmis par le secrétariat greffe à la juridiction sus-désignée, faute d’appel dans le délai de quinze jours de la notification de la présente décision en application des dispositions de l’article 84 du code de procédure civile,

Réserve les dépens et l’éventuelle application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 24 juillet 2024.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. BERGER M. ESCRIVE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Loyers commerciaux
Numéro d'arrêt : 23/13433
Date de la décision : 24/07/2024
Sens de l'arrêt : Se déclare incompétent

Origine de la décision
Date de l'import : 30/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-24;23.13433 ?
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