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22/07/2024 | FRANCE | N°24/52392

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, 22 juillet 2024, 24/52392


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS






N° RG 24/52392

N° Portalis 352J-W-B7I-C4M4V

N° : 1

Assignation du :
27 mars 2024

[1]

[1] 2 copies exécutoires
délivrées le :


ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 22 juillet 2024



par Cristina APETROAIE, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Arnaud FUZAT, Greffier.



DEMANDERESSE

La Société Civile VERAMAUD, société civile
[Adresse 1]
[Localité 3]
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br>représentée par Maître Harold LAFOND de l’AARPI LAFOND-SAUTELET, avocats au barreau de PARIS - #E2301





DEFENDERESSE

S.A.R.L. SEVEN
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Je...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


N° RG 24/52392

N° Portalis 352J-W-B7I-C4M4V

N° : 1

Assignation du :
27 mars 2024

[1]

[1] 2 copies exécutoires
délivrées le :

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 22 juillet 2024

par Cristina APETROAIE, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Arnaud FUZAT, Greffier.

DEMANDERESSE

La Société Civile VERAMAUD, société civile
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Harold LAFOND de l’AARPI LAFOND-SAUTELET, avocats au barreau de PARIS - #E2301

DEFENDERESSE

S.A.R.L. SEVEN
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Jean-Baptiste MESNIER, avocat au barreau de PARIS - #G836

DÉBATS

A l’audience du 31 Mai 2024, tenue publiquement, présidée par Cristina APETROAIE, Juge, assistée de Célia HADBOUN, Greffière,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

EXPOSE DU LITIGE

Par acte du 28 octobre 1996 renouvelé par acte sous signature privée du 30 juin 2010 puis modifié par avenant du 28 juin 2019, la société civile VERAMAUD a donné à bail commercial à la société MINDER, aux droits de laquelle vient la SARL SEVEN en vertu de l’acte de cession du 1er mai 2014, des locaux dépendant d’un immeuble situé [Adresse 2] à [Localité 4], comprenant les lots 2, 23, 33 et 34, et ce pour une durée de neuf ans à compter du 9 mai 2006, moyennant un loyer mensuel de 3 124,50 euros TTC payable à terme échu, charges comprise, pour l’activité de restauration traditionnelle, restauration rapide, plats à emporter.

Des loyers étant demeurés impayés, le bailleur a fait délivrer à la société SEVEN, un commandement de payer visant la clause résolutoire, par acte d’huissier de justice en date du 25 janvier 2022, pour une somme de 20 203,15 euros, au titre de l’arriéré locatif arrêté au mois de décembre 2021 inclus.

Suivant assignation délivrée en vertu de ce commandement, par ordonnance du 27 avril 2023, le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé a notamment constaté l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail au 25 février 2022, condamné la société SEVEN au paiement provisionnel d’une somme de 35 944,90 euros à valoir sur l’arriéré locatif arrêté au mois de mars 2023 inclus, suspendu les effets de la clause résolutoire et accordé des délais de paiement à hauteur de 3 mois.

Faisant valoir un nouveau défaut de paiement des loyers, un second commandement de payer a été délivré au preneur, par acte d’huissier de justice du 3 octobre 2023, pour une somme de 6 249 euros au principal, au titre des loyers et charges dûs pour les mois de juillet et août 2023, outre le coût du commandement de payer.
Par exploit délivré le 27 mars 2024, la société VERAMAUD a fait assigner la société SEVEN devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de :

« -constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit au 3 novembre 2023 du bail conclu entre la société la SARL SEVEN, venant aux droits de la société MINDER, et la société civile VERAMAUD le 28 octobre 1996 et renouvelé le 30 juin 2010,
En conséquence :
-condamner la société SEVEN, ainsi que tous occupants de son chef, à évacuer corps et biens le local commercial par lui occupé sis [Adresse 2] à [Localité 4], au besoin avec le concours de la force publique,
-condamner la société SEVEN au paiement de la somme provisionnelle de 17 380,38 euros TTC, à parfaire, augmentée des intérêts de retard contractuels à compter de la date de l'assignation et ce, au titre des loyers, indemnités d'occupation et accessoires impayés avec anatocisme ;
-constater que la somme conservée par le bailleur au titre du dépôt de garantie d’un montant de 11 115,74 euros lui est définitivement acquise,
- condamner la société SEVEN à payer à la société VERAMAUD, à compter de l'ordonnance qui sera rendue par le tribunal de céans, une indemnité d'occupation provisionnelle de 3 124,50 euros TTC par mois et ce, jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés,
- condamner la société SEVEN à payer à la société VERAMAUD la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
-condamner la société SEVEN aux entiers dépens, dont les frais de délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire ».

A l’audience du 31 mai 2024, la société VERAMAUD a maintenu les prétentions formulées aux termes de son acte introductif d’instance, a soutenu que les contestations opposées par la société preneuse ne sont pas sérieuses et s’est opposé à la demande de délais de paiement de cette dernière ainsi qu’à ses demandes reconventionnelles en présence de contestations sérieuses.

Dans ses conclusions déposées et soutenues oralement à l’audience, la société SEVEN, sollicite du juge des référés de :
« -In limine litis:
dire n'y avoir lieu à référé sur la demande de la SCI VERAMAUD,débouter la SCI VERAMAUD de toutes ses demandes, fins et conclusions, -A titre principal,
- juger nul le commandement de payer du 2 octobre 2023,
- juger que les causes du commandement de payer ont été intégralement réglées par la société SEVEN,
- juger que la dette de la société SEVEN doit être réduite d'une somme de 12 498 en application de l'article 1722 du code civil,
- juger que le montant de la régularisation sur charges appelée à la société SEVEN doit être réduit d'une somme de 830, 51 euros,
-A titre reconventionnel :
- condamner la SCI VERAMAUD à restituer la somme de 720 euros à la société SEVEN,
- condamner la SCI VERAMAUD à payer la somme de 1 101, 53 euros à la société SEVEN au titre des intérêts sur le dépôt de garantie,
- condamner la SCI VERAMAUD à communiquer à la société SEVEN les quittances de loyer de la période de mars 2020 à mai 2024, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la signification de l'ordonnance à intervenir.
-A titre subsidiaire, si votre tribunal devait faire droit à la demande de paiement :
-ordonner la compensation du dépôt de garantie avec la dette locative,
-ordonner la compensation des intérêts sur le dépôt de garantie avec la dette locative,
-juger la dette locative de la société SEVEN au 31 mai 2024 est de 12 632,99 euros,
-dire n'y avoir lieu à référé sur la demande de conservation du dépôt de garantie à titre d'indemnité de résiliation du bail et réduire à néant le montant de cette clause pénale,
En conséquence,
-suspendre rétroactivement les poursuites et les effets de la clause résolutoire contractuelle, et autoriser la société SEVEN à régler le montant de la dette locative en 24 mensualités,
-condamner la SCI VERAMAUD à payer à la société SEVEN une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ».

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l'assignation et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande relative à l’acquisition de la clause résolutoire

L’article 834 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

La juridiction des référés n'est toutefois pas tenue de caractériser l'urgence, au sens de l'article 834 du code de procédure civile, pour constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans un bail.

L’article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

La loi prévoit donc une possibilité de régularisation faisant échec au jeu de la clause résolutoire. L'automaticité de l'acquisition de la clause résolutoire interdit au bailleur de délivrer un commandement de mauvaise foi en réclamant, dans des circonstances inhabituelles, des sommes faisant l'objet de contestations sérieuses.

L'article 2274 du code civil rappelle que la bonne foi est toujours présumée, et c'est à celui qui allègue la mauvaise foi de la prouver.
Le bailleur, au titre d'un bail commercial, demandant la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire comprise stipulée dans le bail doit rapporter la preuve de sa créance.

Le juge des référés peut constater la résiliation de plein droit du bail au titre d’une clause contenue à l’acte à cet effet, à condition que :
- le défaut de paiement de la somme réclamée dans le commandement de payer visant la clause résolutoire soit manifestement fautif,
- le bailleur soit, de toute évidence, en situation d'invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause,
- la clause résolutoire soit dénuée d'ambiguïté et ne nécessite pas interprétation.

Le commandement doit permettre au preneur de connaître précisément la nature et le montant des sommes réclamées pour lui donner la possibilité d’en vérifier la régularité et la conformité, afin d'être en mesure de les régulariser s'il estime les sommes exigées incontestables ou, le cas échéant, de formuler des contestations.

En l'espèce, la soumission du bail au statut des baux commerciaux ne donne lieu à aucune discussion.

Pour solliciter la nullité du commandement de payer délivré le 3 octobre 2023, la défenderesse se prévaut du manque de précision du commandement, arguant qu’il n’opère aucune distinction entre les provisions sur charges et les provisions sur taxes et que les régularisations sur charges sollicitées pour la première fois au cours de la présente procédure sont fausses.

En réponse, la bailleresse expose que le commandement de payer contesté vise uniquement des sommes exigibles et contient un décompte suffisamment précis et détaillé.

Le bail initial dont les conditions sont reprises lors du renouvellement stipule en son article « Loyer », troisième alinéa, une clause résolutoire qui prévoit la résiliation de plein droit du bail à défaut de paiement d’un seul terme de loyer ou accessoires à son échéance, un mois après un commandement de payer resté sans effet. Aucune disposition du bail ne fixe le montant du au titre de la provision sur charges. Il est seulement indiqué, aux termes du premier alinéa de l’article « Loyer », que « le présent bail est fait moyennant un loyer annuel hors-taxes en principal, de cent vingt mille (120 000) francs, en dehors des charges résultant des conditions qui précèdent ».

Le commandement du 3 octobre 2023 vise la clause résolutoire énoncée plus haut et reprend les dispositions des articles L.145-41 et L.145-17 du code de commerce. Il mentionne le délai d'un mois pour régler les causes du commandement, à savoir la somme de 6 249 euros au principal. Le détail de la somme dont le paiement est ainsi réclamé n’est pas mentionné au commandement de payer, mais celui-ci figure au décompte arrêté au 20 septembre 2023, joint au commandement. Il est ainsi fait mention de la somme de 2 303,75 euros réclamée au titre du loyer mensuel du mois de juillet, le même montant étant réclamé pour le mois d’août 2023. Il est en outre fait mention, pour chaque mois, d’une somme de 820,75 euros réclamée au titre des « charges impayées (incluant les charges locatives et la taxe sur la valeur ajoutée) », sans qu’aucune distinction ne soit faite quant aux sommes dues au titre des charges et de celles réclamées au titre de la taxe sur la valeur ajoutée.

Dans ces conditions, les provisions sur charges apparaissent sérieusement contestables à hauteur de 1 641,5 euros (820,75 x 2), montant réclamé aux termes du décompte annexé au commandement de payer, en ce que ce décompte n’a pas permis à la société preneuse de vérifier la régularité des sommes ainsi réclamées.

Si de contestations sérieuses existent ainsi quant aux provisions réclamées au titres des charges et taxes, que la société VERAMAUD a fait commandement à la société preneuse de régler, le quantum visé par le commandement fait par ailleurs état des sommes dues au titre des loyers, à hauteur de 4 607,5 euros, dont ni l'exigibilité, ni le quantum ne font l'objet d'une quelconque contestation.

Il est constant qu’un commandement de payer n’en demeure pas moins valable à hauteur des sommes justifiées et qu’en l’espèce, la société preneuse ne conteste pas n’avoir pas acquitté les causes même partielles de ce commandement dans le délai d’un mois imparti.

En conséquence, il doit être constaté que le commandement délivré le 3 octobre 2023 est fondé au moins partiellement, et que la contestation tirée de la mauvaise foi du bailleur n’est pas sérieuse, la société SEVEN ne justifiant pas avoir informé le bailleur de la fermeture du restaurant faisant suite à l’incendie survenue le 7 juillet 2023, alors même que le preneur a cessé les versements réguliers depuis novembre 2022, tel qu’il ressort des mentions de l’ordonnance rendue dans la précédente procédure en référé.

Par conséquent, c’est à bon droit que la bailleresse sollicite le bénéfice de l’acquisition de plein droit de la clause résolutoire, étant précisé qu'il n'appartient pas au juge des référés de se prononcer sur la nullité d'un commandement de payer, pouvoir qui relève du seul juge du fond.

Sur la demande de provision

En vertu de l’article 835 du code de procédure civile, pris en son second alinéa, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge saisi en référé peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

L'octroi d'une provision suppose le constat préalable par le juge de l'existence d'une obligation non sérieusement contestable au titre de laquelle la provision est demandée. Cette condition intervient à un double titre : elle ne peut être ordonnée que si l'obligation sur laquelle elle repose n'est pas sérieusement contestable et ne peut l'être qu'à hauteur du montant non sérieusement contestable de cette obligation, qui peut d'ailleurs correspondre à la totalité de l'obligation.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Si aucune contestation n'apparaît sérieusement opposable, la provision peut être octroyée, quelle que soit l'obligation en cause.

La société VERAMAUD sollicite une provision de 17 380,38 euros représentant les loyers et charges des arrêtées au 1er mars 2024.

La société preneuse conteste cette somme à hauteur de 12 498 euros TTC, correspondant à quatre mois de loyer, estimant qu’en application de l’article 1722 du code civil, la destruction partielle du restaurant par l’incendie du 7 juillet 2023, entrainant sa fermeture pendant une durée de quatre mois, justifie la déduction de ces sommes du montant total qui est dû.

L’article 1722 du code civil dispose que « si pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est de truite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix ou la résiliation même du bail ».

Pour justifier le défaut de paiement des loyers, qu'elle ne conteste pas, la société preneuse se prévaut du rapport établi par le cabinet Stelliant le 20 septembre 2023, dont il ressort que l’incendie a partiellement affecté les lieux loués, entrainant une fermeture d’une durée de trois mois et non quatre comme soutenu par le preneur. Il n’est en outre pas fait état, aux termes de ce rapport, qui n’a d’ailleurs pas été établi au contradictoire de la société VERAMAUD, d’un quelconque manquement du bailleur à ses obligations, l’expert estimant que « l’incendie semble bien prendre naissance au niveau de la hotte d’évacuation de fumée du plan de cuisson du restaurant assuré, probablement en lien avec un défaut de nettoyage du conduit ». Il ajoute en conclusion que « la responsabilité de l’entreprise ELVAN VANTILATION nous semble être engagée », cette dernière ayant été chargée par la société preneuse du nettoyage du conduit d’évacuation des fumées.

Dans ces conditions, la contestation élevée par la société SEVEN, qui entend se prévaloir de l'exception d'inexécution de ses obligations par le bailleur pour ne plus satisfaire à sa propre obligation au paiement des loyers n’apparaît pas suffisamment sérieuse pour faire obstacle au paiement provisionnel des sommes dues au titre du loyer.

La société SEVEN conteste ensuite les reliquats de charges réclamés, soit la somme de 830,51 euros au titre de l’année 2022, exposant que le bailleur n’en justifie pas. Dans la mesure où aucun appel de loyers détaillant les charges n’est produit, seul un relevé des dépenses établi par le syndic pour l’année 2022 étant versé aux débats, ne permettant pas au juge des référés de vérifier le calcul fait par les parties et de déterminer le montant des sommes dues à ce titre, il sera alloué à la société bailleresse la somme provisionnelle de 1 416,49 euros à valoir sur le solde des charges pour l’année 2022, qui ne fait l’objet d’aucune contestation de la part de la société preneuse.

Il en va de même pour la somme de 938,40 réclamée au titre de la taxe foncière 2023, non explicité, et alors qu’il ressort de l’avis d’imposition produit que la cotisation pour l’année 2023 s’élève à 1 326 euros. Compte tenu de l’absence de contestation de la société preneuse sur la somme de 720 euros due par cette dernière au titre de reliquat de la taxe foncière réclamée, la somme provisionnelle allouée à la société VERAMAUD sera limitée à ce montant.

Compte tenu de ces éléments et de l’absence de contestation pour le surplus des sommes réclamées, la bailleresse est en droit de se voir allouer la somme provisionnelle de 15 538,49 euros à valoir sur l’arriéré locatif arrêté au 27 mars 2024, montant qui ne se heurte à aucune contestation sérieuse, après déduction des reliquats de charges susvisés et de la somme réclamée au titre des frais de délivrance du commandement de payer analysée au titre des dépens (17 380,38 – (830,51+938,40+72,98)). Cette somme sera assortie d’intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2024, date de l'assignation.

Quant aux demandes relatives à des pénalités, pouvant prendre la forme de la conservation du dépôt de garantie ou des majorations à payer au bailleur, s’agissant des clauses pénales contractuelles dont l’interprétation comme l’appréciation de leur éventuel caractère excessif ou dérisoire relèvent du juge du fond, il n’y a pas lieu à référé sur ces points.

L'article 1343-2 du même code dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.

En l'espèce, le bailleur n’invoquant aucune mention contractuelle stipulant la capitalisation des intérêts et aucune circonstance ne le justifiant, il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande.

Sur les demandes reconventionnelles

La société SEVEN demande la condamnation de la société VARAMAUD à lui restituer la somme de 720 euros au titre des provisions appelées pour la taxe foncière 2022, exposant s’être acquittée de la somme réclamée à ce titre, soit 970 euros en mars 2023.

Outre le fait que cette demande n’est pas justifiée en droit, alors qu'il appartient aux parties de soulever les moyens de faits et de droit au soutien de leurs prétentions et de verser aux débats les éléments de preuve établissant ce qu'elles allèguent, et qu’elle tend à la condamnation au paiement alors qu'aucun texte ne confère au juge des référés le pouvoir de prononcer des condamnations au paiement d'une obligation pécuniaire mais seulement d'une provision, la société SEVEN n’apporte aucune justification du quantum retenu, de sorte qu’elle excède les pouvoirs du juge des référés, et il n'y a pas lieu à référé sur ce chef de demande.

La société SEVEN se prévaut ensuite des dispositions de l’article L.145-40 du code de commerce pour solliciter le paiement de la somme de 1 101,53 euros au titre des intérêts au taux légal échus depuis le 1er juillet 2017 sur le dépôt de garantie en ce qu’il est mentionné au bail qu’il correspond à six mois de loyer et non pas deux mois.

En application de l’article L.145-40 du code de commerce, les loyers payés d'avance, sous quelque forme que ce soit, et même à titre de garantie, portent intérêt au profit du locataire, au taux pratiqué par la Banque de France pour les avances sur titres, pour les sommes excédant celle qui correspond au prix du loyer de plus de deux termes.

Il sera rappelé qu’il ne ressort pas de l’office du juge des référés de prononcer des condamnations au principal au paiement, lesquelles demandes relèvent de l’office du juge du fond, de sorte qu’excédant les pouvoirs du juge des référés, il n'y a pas lieu à référé sur ce chef de demande.

La société SEVEN sollicite en outre la remise des quittances correspondants au règlement de la dette. Dans la mesure où elle ne justifie pas du règlement de l’intégralité de la dette au jour de l’audience et ne précise pas davantage les périodes visées par sa demande de quittances, il n’est pas établi avec l’évidence requise en référé l’obligation de délivrance de quittance pesant sur le bailleur, de sorte qu’il n’y a pas davantage lieu à référé sur cette demande.

Sur la demande de délais de paiement

Aux termes de l’article L.145-41 du code de commerce, « les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge ».

L’article 1343-5 du code civil dispose que « Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ».

En application de ces dispositions, et compte tenu de l'ancienneté du contrat, du montant de la dette, du respect par le preneur des délais précédemment accordés et des efforts actuels de paiement constatés à l'examen du décompte locatif, il y a lieu d'accorder à la défenderesse des délais de paiement, qui auront pour effet de suspendre la réalisation et les effets de la clause résolutoire.

A défaut de respecter les délais de paiement, la clause résolutoire sera acquise et le défendeur sera redevable d’une indemnité d’occupation à titre provisionnel, qu’il convient de fixer à une somme égale au montant non sérieusement contestable du loyer trimestriel, des charges et taxes en cours, et ce jusqu’à libération des lieux.

Sur les demandes de compensation

L'article 1347-1 du code civil dispose que sous réserve des dispositions prévues à la sous-section suivante, la compensation n'a lieu qu'entre deux obligations fongibles, certaines, liquides et exigibles.

Aux termes des dispositions de l’article 1348 du même code, la compensation peut être prononcée en justice, même si l'une des obligations, quoique certaine, n'est pas encore liquide ou exigible. A moins qu'il n'en soit décidé autrement, la compensation produit alors ses effets à la date de la décision.

Au cas présent, dès lors que les locaux n'ont pas encore été restitués et que l'état des lieux n'a pas été réalisé, aucun élément ne permet d'établir avec l'évidence requise en référé l'état des locaux après restitution et partant le montant non sérieusement contestable du dépôt de garantie qui lui devra lui être restitué et des intérêts sur le dépôt de garantie réclamés, de sorte que l'obligation dont se prévaut cette dernière est incertaine, l’obligation à restitution n’étant pas encore exigible.

Il n'y a pas lieu à référé sur ces demandes.

Sur les demandes accessoires

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, chacune des parties succombant partiellement en ses demandes, et compte tenu des circonstances du litige, il y a lieu de mettre à la charge de chacune d'elles les dépens par elle exposés et de dire n'y avoir lieu à condamnations au titre des frais irrépétibles.

Il est par ailleurs rappelé qu’en vertu des articles 514 et 514-1 de ce code les décisions prises par le juge statuant en référé sont assorties de plein droit de l’exécution provisoire et que celle-ci ne saurait être écartée.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,

Constatons l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 4 novembre 2023 ;

Condamnons la SARL SEVEN à payer à la société civile VERAMAUD la somme provisionnelle de 15 538,49 à valoir sur les loyers, charges, taxes et accessoires impayés au 27 mars 2024, échéance de mars 2024 incluse, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation,

L’autorisons à se libérer de cette somme en 24 mensualités égales et consécutives, en sus du loyer et des charges courants, le premier versement devant être effectué au plus tard le 10ème jour du mois suivant la signification de la présente ordonnance à défaut d'exécution volontaire de cette ordonnance, et tout paiement étant imputé en priorité sur les loyers et charges en cours, sauf meilleur accord des parties ;

Suspendons pendant cette période, les effets de la clause résolutoire qui sera réputée n’avoir jamais été acquise en cas de respect des modalités de paiement ;

Disons qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité (loyer ou arriéré) à son échéance et dans son intégralité, le solde restant dû deviendra immédiatement exigible et la clause résolutoire reprendra ses effets ;

Constatons en ce cas la résiliation de plein droit du bail consenti à la SARL SEVEN portant sur des locaux situés [Adresse 2] à [Localité 4] ;

Autorisons en ce cas l'expulsion de la SARL SEVEN et celle de tous occupants de son chef des lieux précité, et disons qu'à défaut de départ volontaire, la partie défenderesse pourra être contrainte à l'expulsion avec, si besoin est, l'assistance de la force publique ;

Disons n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;

Rappelons que le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d’exécution ;

Condamnons en ce cas la SARL SEVEN à payer à la société civile VERAMAUD une indemnité d'occupation provisionnelle équivalente au montant du loyer trimestriel, majoré des charges et taxes, et ce à compter du non-respect des délais de paiement jusqu'à libération effective des lieux,

Disons n’y avoir lieu à ordonner la capitalisation des intérêts échus depuis au moins une année entière ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande de conservation du dépôt de garantie ;

Disons n’y avoir pas lieu à référé sur les demandes de délivrance de quittances, de condamnation au paiement et de compensation judiciaire, présentées par la SARL SEVEN ;

Disons que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;

Disons n’y avoir lieu à condamnation en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;

Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Fait à Paris le 22 juillet 2024.

Le Greffier, La Présidente,

Arnaud FUZAT Cristina APETROAIE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Service des référés
Numéro d'arrêt : 24/52392
Date de la décision : 22/07/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "conditionnelle" ordonnée en référé avec suspension des effets de la clause résolutoire

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-22;24.52392 ?
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