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19/07/2024 | FRANCE | N°24/03381

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp référé, 19 juillet 2024, 24/03381


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 19/07/2024
à : Maître Thomas MLICZAK


Copie exécutoire délivrée
le : 19/07/2024
à : Maître Vincent BAVAY

Pôle civil de proximité

PCP JCP référé

N° RG 24/03381
N° Portalis 352J-W-B7I-C4NSH

N° MINUTE : 5/2024





ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 19 juillet 2024

DEMANDERESSE

Madame [N] [O] [D], demeurant [Adresse 2]

représentée par Maître Vincent BAVAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #A0997r>
DÉFENDEURS

Monsieur [B] [R] [D], demeurant [Adresse 1]

Madame [T] [A] [X], demeurant [Adresse 1]

représentés par Maître Thomas MLICZAK, avocat au barreau de PARIS,...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 19/07/2024
à : Maître Thomas MLICZAK

Copie exécutoire délivrée
le : 19/07/2024
à : Maître Vincent BAVAY

Pôle civil de proximité

PCP JCP référé

N° RG 24/03381
N° Portalis 352J-W-B7I-C4NSH

N° MINUTE : 5/2024

ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 19 juillet 2024

DEMANDERESSE

Madame [N] [O] [D], demeurant [Adresse 2]

représentée par Maître Vincent BAVAY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #A0997

DÉFENDEURS

Monsieur [B] [R] [D], demeurant [Adresse 1]

Madame [T] [A] [X], demeurant [Adresse 1]

représentés par Maître Thomas MLICZAK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #D0653

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Nicole COMBOT, 1ère vice-présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Alexandrine PIERROT, Greffière,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 04 juin 2024

ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 19 juillet 2024 par Nicole COMBOT, 1ère vice-présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Alexandrine PIERROT, Greffière
EXPOSE DU LITIGE

Madame [V] [D] est décédée le 23 avril 2012 aux Etats-Unis laissant pour lui succéder ses quatre enfants, issus de son union avec Monsieur [K] [D], prédécédé le 30 mai 2011, à savoir :
- Madame [N] [D],
- Madame [U] [I],
- Madame [E] [D], décédée le 8 mars 2009, aux droits de laquelle vient son petit-fils, Monsieur [P] [C],
- Monsieur [B] [D].

Par testament du 27 juillet 2011, Madame [V] [D] a institué Madame [N] [D] comme légataire universelle de sa succession, dont dépend notamment un appartement situé au 6ème étage (couloir, porte partie droite) du bâtiment F dans l'immeuble du [Adresse 1] à [Localité 8].

Monsieur [B] [D] est domicilié dans cet appartement avec Madame [T] [X], son épouse en secondes noces, et y a entrepris des travaux.

Par acte de commissaire de justice en date du 8 mars 2024, Madame [N] [D] a assigné Monsieur [B] [D] et Madame [T] [X], devant le juge des contentieux de la protection de ce tribunal, statuant en référé, aux fins, sur le fondement des articles 145, 834 et 835 du code de procédure civile et 544, 815-3 et 2227 du code civil, de voir :
- Ordonner à Madame [N] [D] et Monsieur [B] [D] la cessation immédiate des travaux qu'ils ont entrepris, sans son accord, dans l'appartement du [Adresse 1] à [Localité 8], au vu de la minute de l'ordonnance à intervenir, puis sous astreinte de 400 € par jour de retard,
- Ordonner une expertise afin de constater les travaux réalisés et les désordres qu'ils ont occasionnés, déterminer les travaux de remise en état et en chiffrer le coût,
- Condamner Monsieur [B] [D] et Madame [T] [X] au paiement d'une provision de 15.000 € à valoir sur l'indemnisation de son préjudice,
- Constater que Monsieur [B] [D] et Madame [T] [X] occupent les lieux sans droit ni titre,
- Ordonner, à défaut de départ volontaire de Monsieur [B] [D] et Madame [T] [X], l'expulsion de ceux-ci ainsi que celle de tous occupants de leur chef, au besoin avec l'assistance, de la force publique et d'un serrurier,
- Condamner solidairement Monsieur [B] [D] et Madame [T] [X] à lui payer une indemnité d'occupation provisionnelle mensuelle de 1.400 € à compter du 22 décembre 2023 et jusqu'à la libération effective des lieux,
- Ordonner à Monsieur [B] [D] la production des baux conclus par ce dernier sur l'ensemble des biens immobiliers dépendant de la succession de leur mère depuis le 20 mai 2012 et situés en France ainsi qu'un décompte de la gestion desdits, dans un délai de 8 jours suivant la signification du " jugement " à intervenir, et passé ce délai, sous astreinte de 200 € par jour de retard,
- Condamner Monsieur [B] [D] et Madame [T] [X] à lui payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Décision du 19 juillet 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/03381 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4NSH

L'affaire, appelée une première fois à l'audience du 25 avril 2024, a été renvoyée au 4 juin 2024, afin de permettre à Monsieur [B] [D] et Madame [T] [X], de préparer leur défense.

A cette audience, Madame [N] [D], représentée par son conseil, a réitéré les demandes de son exploit introductif d’instance et déposé des conclusions que son conseil a développées oralement et aux termes desquelles elle a sollicité le rejet des demandes formées par Monsieur [B] [D] et Madame [T] [X] et notamment leur demande de sursis à statuer et de délais pour quitter les lieux.

Monsieur [B] [D] et Madame [T] [X], représentés par leur conseil, ont également déposé des conclusions que leur conseil a développées oralement et aux termes desquelles ils ont sollicité, sur le fondement des articles 834 et 835 du code de procédure civile, 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, L.412-3 et L412-4 du code des procédures civiles d’exécution, de voir le juge des contentieux de la protection de ce tribunal, statuant en référé :
A titre liminaire, ordonner le sursis à statuer dans l’attente de l’issue d’une part, de la plainte pénale déposée par Monsieur [B] [D] à l’encontre de Madame [N] [D] et d’autre part, de la procédure intentée devant ce tribunal, saisi au fond, aux fins de voir déclarer parfaite la vente intervenue au profit de Monsieur [B] [D] du bien immobilier litigieux, A titre principal, rejeter l’ensemble des demandes de Madame [N] [D], A titre subsidiaire, se voir octroyer un délai de trois ans à compter de la signification de l’ordonnance à intervenir pour quitter les lieux, En tout état de cause, condamner Madame [N] [D] à leur payer la somme de 5.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux écritures des parties reprises oralement à l’audience, pour un plus ample exposé des moyens développés à l’appui de leurs prétentions.

Madame [N] [D], par la voie de son conseil, a objecté oralement, à la demande de sursis à statuer formée par Monsieur [B] [D], dans l’attente de l’instance au fond devant ce tribunal aux fins de voir déclarer parfaite la vente du bien immobilier litigieux intervenue à son profit, que cette demande est parfaitement dilatoire et a très peu de chances d’aboutir, en ce qu’elle se fonde sur un échange de courriels et qu’aucun prix n’a été fixé.

A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 19 juillet 2024.

Par note en délibéré reçue le 14 juin 2024, le conseil de Monsieur [B] [D] et Madame [T] [X] a transmis la pièce n°38 listée dans son bordereau qui avait été remise par clé USB.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes de sursis à statuer

Aux termes de l’article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis à statuer suspend le cours de l’instance pour le temps ou jusqu’à la survenance de l’événement qu’elle détermine.

Le juge apprécie discrétionnairement l’opportunité d’un sursis à statuer dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice.

S’agissant de la demande de sursis à statuer dans l’attente de l’issue de la plainte pénale déposée par Monsieur [B] [D] à l’encontre de Madame [N] [D], il convient de rappeler, qu’en application de l’article 4 du code de procédure pénale, la mise en mouvement de l'action publique et a fortiori, le simple dépôt d’une plainte pénale, n’impose pas la suspension du jugement des actions exercées devant la juridiction civile, autres que l’action civile en réparation du dommage causé par l'infraction, de quelque nature qu'elles soient, même si la décision à intervenir au pénal est susceptible d'exercer, directement ou indirectement, une influence sur la solution du procès civil.

En l’espèce, Monsieur [B] [D], qui a déposé plainte pour escroquerie contre Madame [N] [D] le 8 avril 2024, ne justifie pas d’une mise en mouvement de l’action publique.

Le juge des référés n’est pas saisi, même à titre reconventionnel, d’une action civile en réparation du dommage causé par l’infraction.

Monsieur [B] [D] prétend subir un préjudice, du fait de l’escroquerie qu’il impute à sa sœur, consistant en la perte d’une chance d’intenter une action judiciaire en réduction des libéralités prévue par l’article 921 du code civil, laquelle est désormais prescrite. Cependant, ce préjudice, à le supposer établi, ouvrirait droit à des dommages et intérêts. Monsieur [B] [D] ne remet pas donc en cause la qualité de légataire universelle de Madame [N] [D] sur le bien litigieux.

Il n’y a donc pas lieu de surseoir à statuer dans l’attente de l’issue de la plainte pénale déposée par Monsieur [B] [D] à l’encontre de Madame [N] [D], qui n’est pas susceptible d’exercer une influence, même indirecte, sur la solution de la présente instance engagée par Madame [N] [D] contre Monsieur [B] [D].

S’agissant du sursis à statuer dans l’attente de la procédure intentée devant ce tribunal, saisi au fond aux fins de voir déclarer parfaite la vente du bien immobilier litigieux qui serait intervenue au profit de Monsieur [B] [D], il convient de relever que la procédure au fond a été introduite par assignation du 3 juin 2024, soit la veille de l’audience devant le juge des référés ; que l’unique pièce sur lequel se fonde Monsieur [B] [D] est un échange de courriels entre les parties le 27 février 2021, dans lequel Monsieur [B] [D] a proposé d’acheter l’appartement de [Localité 7], au prix de l’acheteur qui vient de se désister et qui n’est pas précisé, sans que l’on sache si le montant du prêt dont fait état Monsieur [B] [D], équivaut à la totalité de ce prix, et auquel Madame [N] [D] a répondu par la formule suivante : « tout ce que tu veux faire est bon pour moi » ; qu’au vu de ces éléments extrêmement ténus, et sans préjuger de la décision qui interviendra au fond, il n’y a pas lieu de surseoir à statuer dans l’attente de la décision qui sera rendue par la 2ème chambre de ce tribunal.

Sur l’occupation illicite des lieux

En application de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le juge des contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence, peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Décision du 19 juillet 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/03381 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4NSH

Le trouble manifestement illicite est la perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. En vertu de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements. L'occupation sans droit ni titre du bien d'autrui constitue un trouble manifestement illicite auquel il appartient au juge des référés de mettre fin.

Le trouble résultant de l'occupation d’un bien n'est manifestement illicite que si l’absence de titre est évidente et que les contestations élevées au sujet de l’existence du titre ne sont pas sérieuses.

La contestation sérieuse est celle qui existe lorsque l’un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement et manifestement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision qui pourrait être rendue au fond. C’est notamment le cas chaque fois que la décision du juge des référés l'obligerait à se prononcer préalablement sur une contestation relative à l’existence d’un droit ou le conduirait à se prononcer sur le fond du litige, par exemple en portant une appréciation sur la validité, la qualification ou l'interprétation d'un acte juridique.

Il y donc lieu d’examiner la pertinence des contestations soulevées par Monsieur [B] [D].

En l’espèce, Monsieur [B] [D] soutient qu’il dispose d’un titre à occuper les lieux, soit qu’il les occupe en tant que propriétaire du bien litigieux, soit, qu’il en est locataire.

En l’espèce, comme développé précédemment, la contestation qu’il élève quant à la propriété du bien n’apparaît pas sérieuse.

Monsieur [B] [D] soutient qu’il dispose d’un bail verbal car il est titulaire d’un mandat de gestion qui lui a été confié par Madame [N] [D] le 20 mai 2012 relatif au bien litigieux, et qu’il avait, en vertu de ce mandat, la possibilité de le louer, y compris à lui-même.

Le mandat en question, qu’aucune des parties n’a au demeurant pris la peine de faire traduire, prévoit que Madame [N] [D] mandate Monsieur [B] [D] afin d’ouvrir un compte bancaire à son nom afin de gérer séparément les biens immobiliers situés en France de leurs parents, ce compte bancaire ayant pour seul but de leur permettre de percevoir les loyers et payer les charges relatives aux biens. Il prévoit que régulièrement, Monsieur [B] [D] lui adressera ainsi qu’aux autres héritiers les relevés bancaires de ce compte.

Ce mandat qui est clair et n’a donc pas besoin d’être interprété, donne mandat à Monsieur [B] [D] de percevoir les loyers et non pas de conclure un contrat de bail, et encore moins avec lui-même, et qui plus est, à un moment, mai-juin 2023, date à laquelle il a commencé à se domicilier au [Adresse 1] à [Localité 8], où son conseil informait Madame [N] [D] que l’action judiciaire en réduction des libéralités prévue par l’article 921 du code civil, était prescrite depuis le 23 avril 2022, ce qui s’appliquait certes à leur sœur Madame [U] [I] mais également à lui-même.

Madame [N] [D] apporte la preuve par l’acte de notoriété dressé par Maître [W] [F], notaire à [Localité 4] le 12 décembre 2023, qu’elle est légataire de l’ensemble des actifs immobiliers situés en France et dépendant de la succession de sa mère Madame [V] [Y], dont l’appartement litigieux.

Il convient donc de constater que Monsieur [B] [D] et Madame [T] [X] sont occupants sans droit ni titre de l’appartement situé [Adresse 1] à [Localité 8] dont Madame [N] [D] est propriétaire et d’ordonner, à défaut de libération volontaire des lieux, leur expulsion, dans les termes du dispositif.

Sur les délais pour quitter les lieux

Les articles L.412-3 et L.412-4 du code des procédures civiles d’exécution prévoient que le juge peut accorder des délais dont la durée ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an, aux occupants de lieux habités, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Pour la fixation de ces délais, le juge compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.

En l’espèce, compte tenu des circonstances très particulières de ce litige, qui s’inscrit sans un contexte familial et successoral où la position de la propriétaire actuelle des lieux a varié, laissant naître de vains espoirs chez son frère, il convient d’accorder à ce dernier et son épouse, surtout en cette période estivale où se tiendront à [Localité 7] les jeux olympiques, avec les difficultés à trouver un logement qui en résultent un délai d’un mois pour quitter les lieux à compter de la signification de la présente décision.

A défaut, ils pourront être expulsés des lieux dans le délai de deux mois après signification d'un commandement d'avoir à quitter les lieux conformément aux dispositions des articles L 411-1 et L 412-1 du code des procédures civiles d'exécution, ainsi que celle de tout occupant de son chef, et ce, avec le concours de la force publique et d’un serrurier en cas de besoin.

Sur l'indemnité d'occupation

Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence, peut accorder une provision au créancier.

L'obligation non sérieusement contestable vise aussi bien les créances d'origine contractuelle, quasi contractuelle, délictuelle ou quasi délictuelle, le juge des référés étant cependant tenu de préciser la nature de l'origine de cette créance ou la nature de l'obligation la fondant. Il y a une contestation sérieuse chaque fois que la décision du juge des référés l'obligerait à se prononcer préalablement sur une contestation relative à l’existence d’un droit ou le conduirait à se prononcer sur le fond du litige, par exemple en portant une appréciation sur la validité, la qualification ou l'interprétation d'un acte juridique. Ce dernier apprécie souverainement le montant de la provision à accorder.

Le maintien dans des lieux sans droit ni titre constitue une faute civile de nature quasi délictuelle ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance. Au-delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.

En l’espèce afin de préserver les intérêts de Madame [N] [D], Monsieur [B] [D] et Madame [T] [X] seront solidairement redevables, à son égard, d'une indemnité d'occupation mensuelle, à compter du 22 décembre 2023, d’un montant de 850 €, et ce, jusqu'à libération effective des lieux volontaire, caractérisée par la remise des clefs, ou ensuite de l’expulsion.
Sur les travaux

Il sera rappelé qu’en application de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le juge des contentieux de la protection, dans les limites de sa compétence, peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite, que le trouble manifestement illicite se définit comme la perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit. La réalisation de travaux dans le bien d'autrui, sans son autorisation, constitue un trouble manifestement illicite auquel il appartient au juge des référés de mettre fin.

En l’espèce, il résulte des pièces versées aux débats et notamment des courriels adressés par le syndic de la copropriété de l’immeuble du [Adresse 1] à [Localité 8], le 27 février 2024, à Madame [N] [D] et du procès-verbal de constat établi par Maître [H] [S], commissaire de justice à [Localité 5] le 6 mars suivant, que Monsieur [B] [D] a fait réaliser d’importants travaux de rénovation de l’appartement litigieux comprenant notamment la démolition de cloisons. Ces travaux ont débuté le 13 février 2024.

Ils ont été précédé d’un courrier du 31 janvier 2024 de son conseil à celui de Madame [N] [D], l’informant que les travaux, selon devis joint de la société FRANCILIA du 29 avril 2023, réalisés conformément au mandat de gestion confié à Monsieur [B] [D], débuteraient dans les 8 jours de la réception du courrier et que le coût de ces travaux serait réparti conformément aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989. Le conseil de Madame [N] [D] a répondu que sa cliente n’avait jamais reçu ni approuvé le devis susvisé et qu’elle n’autorisait pas Monsieur [B] [D] à faire procéder à ces travaux.

A cette période, l’acte de notoriété dressé par Maître [W] [F], notaire à [Localité 4], instituant Madame [N] [D] légataire de l’ensemble biens immobiliers situés en France, dont l’immeuble litigieux, dépendant de la succession de leur mère Madame [V] [Y], était établi depuis le 12 décembre 2023. S’il avait le moindre doute à ce sujet, Monsieur [B] [D] était dûment informé du refus de Madame [N] [D] de lui voir réaliser ces travaux. Il les a donc entrepris en sachant pertinemment qu’il n’en avait pas le droit.

Quand bien même ces travaux paraissent terminés, Monsieur [B] [D] versant aux débats une facture acquittée de ceux-ci, il convient, dans l’hypothèse où ils ne le seraient et où Monsieur [B] [D] envisagerait de les poursuivre, d’en ordonner l’arrêt, dès la signification de la présente décision, sous astreinte de 50 € par jour de retard.
Décision du 19 juillet 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/03381 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4NSH

Sur l’expertise

Il résulte des pièces versées aux débats et notamment des courriels adressés par le syndic de la copropriété de l’immeuble [Adresse 1] à [Localité 8] le 27 février 2024 à Madame [N] [D] et du procès-verbal de constat établi par Maître [H] [S], commissaire de justice à [Localité 5] le 6 mars suivant, que Monsieur [B] [D] a fait réaliser d’importants travaux de rénovation de l’appartement litigieux, comportant la démolition de cloisons et la pose d’une chape de béton, qu’aucune déclaration de travaux n’a été communiquée préalablement à ces travaux au syndic de l’immeuble, que ces travaux ont provoqué un trou dans le plafond de la salle d’eau de l’appartement occupé par Mme [M] [G], situé au 5ème étage, porte droite, soit juste en dessous de l’appartement litigieux, et qu’une fissure horizontale est apparue sur toute la longueur du plafond de sa chambre.

Le syndic a en outre informé Madame [N] [D], toujours le 27 février 2024, que la porte de l’ascenseur de l’immeuble qui a servi pour la descente de gravats, avait été dégradée, nécessitant le remplacement du module d’opérateur pour un montant de 2.312,75 €.

Madame [N] [D] a ainsi intérêt à voir ordonner une expertise afin de voir constater les travaux réalisés et les dommages qu’ils ont pu occasionner, déterminer les travaux nécessaires pour y remédier et remettre en état les lieux, et en évaluer le coût et la durée notamment à l’aide de devis fournis par les parties et enfin donner tous éléments techniques permettant à la juridiction saisie de déterminer les éventuelles responsabilités et les préjudices subis.

Il convient d’ordonner l’expertise sollicitée aux frais avancés de Madame [N] [D], demanderesse à la mesure d’instruction.

Sur la provision

En l’état des pièces du dossier et l’expertise sollicitée ayant précisément pour objet de permettre à la juridiction de déterminer les responsabilités encourues et les préjudices subis, la demande de provision de Madame [N] [D] sera rejetée comme prématurée.
Sur le compte rendu de gestion
Il convient de relever que Monsieur [B] [D] a produit en cours de délibéré la pièce n°38 en version papier qui comporte son compte rendu de gestion pour la période de 2012 à 2023.
La demande de Madame [N] [D] est ainsi devenue sans objet.
Sur les demandes accessoires

Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que les dépens sont mis à la charge de la partie perdante, à moins que le juge, par décision motivée, n'en décide autrement.

Monsieur [B] [D] et Madame [T] [X], partie perdante, seront condamnés à supporter les entiers dépens et déboutés de leur demande au titre des frais irrépétibles.

Ils seront en revanche condamnés à verser à Madame [N] [D] une somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, statuant publiquement, après débats en audience publique, par ordonnance de référé contradictoire, et en premier ressort, rendue par mise à disposition au greffe :

Disons n’y avoir lieu à surseoir à statuer ;

Constatons que Monsieur [B] [D] et Madame [T] [X] sont occupants sans droit ni titre d’un logement de deux pièces situé au 6ème étage (couloir, porte partie droite) du bâtiment F dans l’immeuble du [Adresse 1] à [Localité 8], appartenant à Madame [N] [D] ;

Ordonnons en conséquence à Monsieur [B] [D] et Madame [T] [X] de libérer les lieux dans le mois suivant la signification de la présente décision ;

Disons qu’à défaut pour Monsieur [B] [D] et Madame [T] [X] d’avoir volontairement libéré les lieux dans ce délai, Madame [N] [D] pourra, après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à leur expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, conformément à l'article L.411-1 du code des procédures civiles d'exécution, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique ;

Condamnons solidairement Monsieur [B] [D] et Madame [T] [X] à verser à Madame [N] [D] une indemnité provisionnelle mensuelle d’occupation de 850 €, à compter du 22 décembre 2023, et ce, jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l'expulsion) ;

Ordonnons à Monsieur [B] [D] et Madame [T] [X] d’arrêter tous travaux dans l’appartement susvisé et ce, dès la signification de la présente décision, sous astreinte de 50 € par jour de retard ;

Ordonnons une expertise ;

Désignons pour y procéder Madame [Z] [L], [Adresse 3], [Courriel 6] avec mission de :
- Se rendre sur les lieux situés au [Adresse 1] à [Localité 8], dans le bâtiment F, dans l'appartement situé au 6ème étage (couloir, porte partie droite), ainsi que dans celui situé au 5ème étage, porte droite, juste en dessous et occupé par Madame [M] [G], ainsi que dans les parties communes,
- Se faire communiquer tous documents et pièces qu’elle estimera utiles à l’accomplissement de sa mission,
- Entendre tout sachant et s'adjoindre tout sapiteur si nécessaire,
- Décrire les travaux réalisés par Monsieur [B] [D], relever les éventuels désordres causés par lesdits travaux, en détailler l’origine, les causes, l’étendue et les évolutions prévisibles,
- Décrire les travaux et/ou les solutions nécessaires pour y remédier et remettre en état le logement litigieux, le logement situé juste en dessous et les parties communes, et en évaluer le coût et la durée notamment à l’aide de devis fournis par les parties,
- En cas d’urgence reconnue par l’expert, autoriser Madame [N] [D] à faire exécuter à ses frais avancés pour le compte de qui il appartiendra les travaux estimés indispensables par l’expert, dirigés par les entreprises de son choix, travaux dirigés par le maître d’œuvre de la demanderesse et les entreprises de son choix, sous constat de bonne fin de l’expert, lequel déposera un pré-apport précisant la nature et l’importance des travaux
- Donner tous éléments techniques de nature à permettre au tribunal de déterminer les éventuelles responsabilités encourues et les préjudices subis,
- Par une note de synthèse au terme des opérations d'expertise mettre les parties en mesure de faire valoir leurs observations qui seront annexées au rapport ;

Disons que pour accomplir sa mission, conformément aux dispositions des articles 155 à 174, 232 à 248 et 273 à 284 du code de procédure civile, l’expert devra convoquer les parties, prendre connaissance du dossier, recueillir les observations des parties, se faire remettre tous documents utiles et plus généralement répondre à tous dires et réquisitions des parties ;

Ordonnons à Madame [N] [D] de verser la somme de 2.000 € à titre de consignation à valoir sur la rémunération de l'expert, à l'ordre de REGIE DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE PARIS-SERVICE DE LA REGIE ANNEXE, dans le mois de la notification de la décision ;

Disons que faute de consignation dans ce délai impératif, la désignation de l’expert sera caduque et privée de tout effet ;

Disons que le rapport sera déposé au Greffe en double exemplaire, avec copie aux parties, dans un délai de 4 mois à compter de sa saisine ;

Disons qu’il en sera référé au juge chargé du contrôle des expertises (Pôle Civil de Proximité) en cas de difficulté d’exécution, de demande de prorogation de délai, de complément de provision ou de nécessiter de provoquer la mise en cause d’autres acteurs ;

Déboutons les parties du surplus de leurs demandes et notamment Madame [N] [D] de sa demande de provision ;

Déclarons sans objet la demande de Madame [N] [D] de production du compte rendu de gestion de l’ensemble des biens immobiliers dépendant de la succession de Madame [V] [D] à compter de 2012 ;

Condamnons Monsieur [B] [D] et Madame [T] [X] à verser à Madame [N] [D] une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons Monsieur [B] [D] et Madame [T] [X] aux dépens de l’instance ;

Rappelons que la présente ordonnance est de plein droit exécutoire à titre provisoire ;
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le juge et le greffier susnommés.

La greffière, La juge des contentieux de la protection,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp référé
Numéro d'arrêt : 24/03381
Date de la décision : 19/07/2024
Sens de l'arrêt : Désigne un expert ou un autre technicien

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-19;24.03381 ?
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