TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à :Maître PAQUIS Yves
Copie exécutoire délivrée
le :
à :Maître Kathleen TAIEB
Pôle civil de proximité
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PCP JCP ACR fond
N° RG 23/01391 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZC3D
N° MINUTE : 1
JUGEMENT
rendu le 18 juillet 2024
DEMANDEUR
Monsieur [C] [T], demeurant [Adresse 2]
représenté par Maître Kathleen TAIEB, avocat au barreau de Paris,
DÉFENDERESSE
Madame [I] [V], demeurant [Adresse 1]
représenté par Maître PAQUIS Yves, avocat au barreau de Paris,
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 751010012023003932 du 15/03/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Caroline THAUNAT, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Jennifer BRAY, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 16 mai 2024
JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort prononcé par mise à disposition le 18 juillet 2024 par Caroline THAUNAT, juge des contentieux de la protection assistée de Jennifer BRAY, Greffier
Décision du 18 juillet 2024
PCP JCP ACR fond - N° RG 23/01391 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZC3D
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat sous seing privé en date du 7 juin 2013, M [C] [T] a donné à bail à Mme [I] [V] un appartement à usage d’habitation situé au [Adresse 1], pour un loyer mensuel de 940 euros outre 50 euros de provision sur charges.
Des loyers étant demeurés impayés, M [C] [T] a fait signifier par acte d'huissier un commandement de payer la somme de 3027, 18 euros , en principal, correspondant à l’arriéré locatif et visant la clause résolutoire contractuelle, le 11 décembre 2017.
Des loyers étant demeurés impayés, M [C] [T] a fait signifier par acte d'huissier un commandement de payer la somme de 4029, 71 euros, en principal, correspondant à l’arriéré locatif inclus et visant la clause résolutoire contractuelle, le 1er juillet 2022.
Par acte d'huissier en date du 2 février 2023, M [C] [T] a fait assigner Mme [I] [V] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
constater le jeu de la clause résolutoire insérée au contrat de bail liant les parties et prononcer la résiliation du bail liant les parties sur le fondement de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989,ordonner l'expulsion immédiate du preneur et de tout occupant de son chef avec le concours de la force publique si besoin est,d'ordonner le transport et la séquestration des meubles en tel lieu qu'il lui plaira, aux frais et aux risques du défendeur,condamner Mme [I] [V] à lui payer les loyers et charges impayés, soit la somme de 5052, 08 euros, sous réserve des loyers à échoir, ainsi qu'une indemnité d'occupation jusqu'à libération effective des lieux d'un montant mensuel égal au double du montant du loyer et des charges si le bail s'était poursuivi soit 2026, 46 euros par mois,condamne le défendeur à lui payer la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens en ce compris le coût du commandement de payer.
Au soutien de ses prétentions, M [C] [T] expose que plusieurs échéances de loyers sont demeurées impayées malgré un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail délivré le 1er juillet 2022, et ce pendant plus de deux mois.
Il précise que la locataire n’a jamais payé ses loyers régulièrement, qu’elle a contesté les charges ayant donné lieu à une commission de conciliation en 2017, qu’elle paie par chèque le bailleur le mettant en difficulté pour l’encaisser du fait de son âge.
Appelée à l'audience du 24 mai 2023, l’affaire a fait l’objet de trois renvois pour permettre à Mme [I] [V] d’être assistée d’un avocat et de préparer sa défense.
L’affaire a été plaidée à l’audience du 19 janvier 2024.
A cette audience, M [C] [T], représenté par son conseil a déposé des conclusions auxquelles il s’est rapporté oralement et reprend les demandes de son acte introductif d’instance sauf à actualiser la dette locative à la somme de 5606, 75 euros et s’opposer à l’octroi de tout délai.
Il demande que les pièces adressées par Mme [I] [V] directement au tribunal par courrier soit écartées des débats.
Il sollicite en outre le débouté de l’ensemble des demandes de Mme [I] [V] et que lui soit fait injonction de laisser intervenir tout professionnel mandaté par l’agence Maillot au sein de son domicile afin d’effectuer tout travaux nécessaire et d’assortir cette obligation de 50 euros par jour de retard.
Au soutien de ses prétentions, M [C] [T] soutient que la dette locative n’est pas couverte par la prescription en raison des règles d’imputation des paiements de l’article 1342-10 du code civil. Il ajoute que l’ensemble des quittances de loyers ont été communiquées dans le cadre de l’instance et indique justifier de l’ensemble des régularisations de charges précisant que la somme de 77, 65 euros a été crédité au titre de la régularisation des charges de l’année 2019.
M [C] [T] soutient que sa locataire ne laisse aucun des professionnels mandatés par lui accéder au logement de sorte qu‘il ne conteste pas que l’appartement a été affecté d’un dégât des eaux et de problème d’humidité. Il note toutefois que les pièces versées dans le cadre de l’instance n’avaient jamais été communiquées au bailleur. Il soutient que les interventions ont été mandatés pour l’installation d’un détecteur de fumé, dès 2016, que la présence de rat avait été traité de sorte qu’il ne peut être tenu pour responsable de l’indécence alléguée du logement ni redevable d’une indemnisation au titre du trouble de jouissance.
Mme [I] [V], représenté par son conseil, a déposé des conclusions écrites auxquelles elle s’est référé oralement et sollicite à titre principal le débouté des demandes de M [C] [T] . A titre reconventionnel, elle sollicite que M [C] [T] soit condamné à lui verser :
-la somme de 600 euros au titre du remboursement des appels provisionnels de l’année 2019,
- la somme de 12 000 euros à titre de dommages et intérêts.
A titre subsidiaire, elle sollicite l’octroi de délais suspensifs sur 36 mois.
A titre infiniment subsidiaire, elle sollicite les plus larges délais pour quitter les lieux.
En tout état de cause, elle demande la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et que M [C] [T] soit condamné à verser la somme de 3600 euros à Maître PAQUIS au titre de l’article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi qu’aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, Mme [I] [V] allègue que le décompte communiqué au soutien de la demande et du commandement de payer fait apparaître des sommes couvertes par la prescription, que la régularisation des charges de l’année 2019 n’a jamais été faite de sorte qu’elle sollicite la restitution des provisions versées pour l’année 2019 à hauteur de 600 euros. Elle indique que la créance n’étant pas certaine, elle ne peut entraîner l’acquisition de la clause résolutoire.
Elle soutient par ailleurs que le bailleur a manqué à son obligation de délivrance, que l’appartement loué est affecté de graves désordres récurrents affectant tant la structure de l’immeuble que les conditions d’habitabilité du logement. Elle déplore notamment les menuiseries vétustes n’assurant pas l’étanchéité à l’eau et à l’air, l’affaissement du plancher, la présence de souris, l’absence de détecteur de fumée.
Elle a précisé avoir reçu l’ensemble des quittances sollicitées dans le cadre de l’instance et ne pas maintenir sa demande de communication sous astreinte.
En outre, il sera rappelé que le conseil de Mme [I] [V] a indiqué ne pas être opposé à ce que les pièces communiquées par sa cliente directement au tribunal par courrier soient écartées des débats .
La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 5 avril 2024 puis a fait l’objet d’une réouverture des débats et rappelée à l’audience du 16 mai 2024 pour production de la dénonciation à la préfecture par M [C] [T].
A l’audience du 16 mai 2024, la dénonciation à la préfecture a été adressée au tribunal. Mme [I] [V] s’est présentée en cours d’audience et il lui a été rappelée qu’en raison du principe du contradictoire, et en l’absence du conseil de la partie adverse présente en début d’audience, les demandes examinées seraient limitées à celles soutenues lors de l’audience du 19 janvier 2024 par son conseil.
Il est renvoyé aux conclusions des parties visées par le greffe et soutenues oralement à l’audience pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens en application de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité des pièces adressées par Mme [I] [V] par courrier au tribunal
Il résulte de l’article 15 du code de procédure civile que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu’elles produisent et les moyens de droit qu’elles invoquent, afin que chacun soit à même d’organiser sa défense.
L’article 16 de ce même code dispose qu’il appartient au juge , en toutes circonstances, de faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il e peut retenir, dans sa décision,que les éléments, les explications ou les documents produits par les parties que si celles-ci ont été à même d’en débattre contradictoirement.
L’article 132 de même code dispose que la partie qui fait état d’une pièce s’oblige à la communiquer à toute autre partie de l’instance.
Par courrier parvenu au tribunal le 18 janvier 2024, Mme [I] [V] a communiqué 24 pièces qui ne figuraient pas dans le dossier de plaidoirie versé par son conseil à la partie adverse.
Cette pièce qui ne figure pas dans le bordereau de communication annexée aux conclusions du conseil de Mme [I] [V] seront écartées des débats en ce qu’elles n’ont pas été communiquées à l’autre partie qui n’a pas été en mesure d’en débattre en violation du principe du contradictoire.
Sur la recevabilité de l'action
Une copie de l’assignation a été notifiée à la préfecture de [Localité 3] par la voie électronique le 3 février 2023, soit plus de deux mois avant l’audience, conformément aux dispositions de l’article 24 III de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.
L’action est donc recevable.
Sur l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du bail
L'une des obligations essentielles du preneur d'un contrat de bail est celle du paiement des loyers aux termes convenus en application de l'article 7 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.
Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution d'un contrat résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. L'article 1229 du même code précise que lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie et que, dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.
En matière de bail, l'article 24 I de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 dispose que toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non-versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
En l'espèce, le bail conclu le 7 juin 2013 contient une clause résolutoire et un commandement de payer visant cette clause a été signifié le 1er juillet 2022, pour la somme en principal de 4029, 71 euros. Ce commandement rappelle la mention que le locataire dispose d'un délai de deux mois pour payer sa dette, comporte le décompte de la dette et l'avertissement qu'à défaut de paiement ou d'avoir sollicité des délais de paiement, le locataire s'expose à une procédure judiciaire de résiliation de son bail et d'expulsion, outre la mention de la possibilité pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement de son département aux fins de solliciter une aide financière et de saisir, à tout moment, la juridiction compétente aux fins de demander un délai de grâce sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil. Il est ainsi régulier en sa forme.
Mme [I] [V] conteste le caractère certain de la dette locative au motif qu’une partie de la dette serait prescrite pour la partie antérieure au 2 février 2020 d’une part et en ce que la régularisation de charges 2019 n’ayant pas été faite, le bailleur se trouve débiteur de la somme de 600 euros au titre des provisions sur charges versées sur cette année d’autre part. Elle indique en outre que le logement étant indécent, le bailleur ne peut se prévaloir de la résiliation du bail pour solliciter l’expulsion, que l’assignation en expulsion a été délivrée de mauvaise foi.
Sur la détermination de la créance de loyers et charges
A titre liminaire, il sera rappelé que Mme [I] [V] a indiqué à l’audience avoir été destinataire de l’ensemble des quittances de loyers le 4 janvier 2024 lui permettant de contrôler le décompte des sommes dues. Elle a en conséquence abandonné sa demande d’injonction de communication de ces pièces sous astreinte à l’audience.
L’article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que toutes actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit.
En application de l’article 1342-10 du code civil, les paiements de Mme [I] [V] se sont imputés sur sa dette la plus ancienne de sorte que la dette figurant au décompte au 2 février 2020 a été réglée. En conséquence, la fin de non- recevoir tirée de la prescription est rejetée.
S’agissant des provisions sur charges, celles-ci peuvent dans la limite de 3 ans faire l’objet d’une régularisation par le bailleur tandis que l’absence de régularisation est de nature à justifier une restitution des provisions faute de justificatif d’une contrepartie au versement des provisions.
Mme [I] [V] sollicite la restitution des provisions sur charges pour l’année 2019, soit la somme de 600 euros.
Toutefois, la régularisation des charges de l’année 2019 pouvait intervenir tout au long de l’année 2020 si bien que la régularisation intervenue au cours de l’instance et le crédit de 77, 65 euros intervenu sur le compte de la locataire au mois de novembre 2023 soit dans les trois années suivant l’année 2020 dit être relevée. Dès lors, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de restitution de la somme de 600 euros au titre des provisions sur charges 2019.
Ainsi, le commandement de payer est valide à hauteur de 4029, 71 euros .
Il correspond par ailleurs bien à une dette justifiée à hauteur du montant des loyers échus et impayés (voir ci-après au titre de la demande en paiement) et est ainsi valable.
Sur la mauvaise foi compte tenu de l’indécence du logement
Il est constant que l’expiration du délai de deux mois n’interdit pas au locataire de se prévaloir de la mauvaise foi du bailleur et que celle-ci peut priver la clause résolutoire de son effet automatique.
Mme [I] [V] allègue que M [C] [T] lui loue un logement indécent et que le commandement de payer a été délivré en toute connaissance de cause et de mauvais foi, qu’il ne peut fonder la résiliation du bail ni son expulsion.
En application des articles 1720 et 1721 du code civil et de l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce. Il doit y faire, pendant la durée du bail, toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives. Il est dû garantie au preneur pour tous les vices ou défauts de la chose louée qui en empêchent l'usage, quand même le bailleur ne les aurait pas connus lors du bail. S'il résulte de ces vices ou défauts quelque perte pour le preneur, le bailleur est tenu de l'indemniser.
Le décret n°2202-120 du 30 janvier 2002 vient préciser qu'un logement décent doit assurer le clos et le couvert et que le gros œuvre du logement et de ses accès doit être en bon état d'entretien et de solidité et protéger les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d'eau. Les portes et fenêtres du logement ainsi que les murs et parois de ce logement donnant sur l’extérieur ou des locaux non chauffés présentent une étanchéité à l’air suffisante. Les réseaux et branchements d’électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d’eau chaude sont conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et sont en bon état d’usage et de fonctionnement; les dispositifs d’ouverture et de ventilation des logements permettent un renouvellement de l’air adapté aux besoins d’une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements.
Il n’est pas contesté que le logement loué présente divers problèmes affectant la jouissance de la locataire et notamment un problème d’étanchéïté et un dégât des eaux.
Mme [I] [V] verse aux débats divers courriers du service technique de l’habitat à la suite des visites effectuées les 18 septembre 2014, 22 mars 2019 et le 24 février 2021. Il résulte de ces visites qu’il a été relevé que des « infiltrations d’eaux pluviales affectent les murs, le plancher et les plafonds de la salle d’eau du logement en raison d’un manque d’étanchéïté de la descente pluviale, que les revêtements autour de la baignoire sont détériorés, que les fenêtres de la chambre et de la pièce principale sont non étanches aux intempéries en partie inférieures, le parquet gondolé dans la pièce principale et la chambre et que les portes de la salle de bains et de la chambre ne sont plus ajustés.
Par ailleurs, il résulte d’un rapport de l’agence parisienne du climat non daté que le logement présente un défaut d’étanchéïté au niveau des jonctions entre le mur de façade et les planchers haut et bas, la présence de rongeurs, la dégradation de revêtements susceptibles de contenir du plomb, une VMC non conforme et non fonctionnelle en cuisine, un plancher bas creux sous le parquet, non étanche et non isolé.
Toutefois, il est également démontré que le bailleur a cherché à faire intervenir les professionnels pour déterminer les travaux à effectuer pour la mise en conformité du logement dès 2013, 2014, 2016.
Il est établi par la facture du 9 décembre 2016 de la société [H] [J] qu’une intervention a eu lieu pour dératiser dans les parties communes et dans l’appartement de la locataire et pour le rebouchage avec ciment et joint de silicone de toutes les ouvertures permettant le passage des souris (facture 5/10 de Can Services du 26 décembre 2016).
Il apparaît que la société MC entreprises a été mandaté pour l’électricité et la ventilation le 9 août 2013, que bien que contactée par les professionnels, Mme [I] [V] ne les a pas recontactés ni donné ses disponibilités.
De même, ainsi qu’indiqué dans le courriel du 4 avril 2016, M [C] [T] justifie avoir mandaté l’entreprise Can Services pour le problème de le gouttière.
Par courrier du 22 mars 2022, le bailleur a indiqué que les travaux de remplacement du carrelage mural de la salle de bain et la réparation du robinet de la machine à laver, la réfaction du joint de silicone autour de l’évier, la réparation de la VMC, les joints de fenêtres de la chambre et du salon. Il était spécifié que les travaux devaient se dérouler sur deux semaines à la convenance de la locataire.
En juin 2022, l’agence MAILLOT mandaté par M [C] [T] s’est de nouveau rapproché de Mme [I] [V] pour planifier les travaux proposés à la suite du rendez-vous du 23 février 2022.
Par courrier du 18 janvier 2023, l’obligation de la locataire de « laisser exécuter les travaux d’amélioration des parties privatives ainsi que les travaux de maintien en l’état ou en lien avec l’entretien normal des locaux loués a été rappelé à Mme [I] [V].
Il résulte de ces éléments que Mme [I] [V] ne saurait se prévaloir de sa propre turpitude pour reprocher à son bailleur de solliciter l’acquisition de la clause résolutoire, la mauvaise foi n’étant pas établie.
Pour cette même raison, Mme [I] [V] sera débouté de sa demande de dommages et intérêts au titre de l’indécence.
En revanche, il sera enjoint à Mme [I] [V] de laisser accès à son appartement aux professionnels mandatés par le propriétaire afin d’effectuer les travaux nécessaires, sans qu’il soit besoin de prononcer une astreinte.
Sur les conséquences
Ce commandement est enfin demeuré infructueux pendant plus de deux mois, de sorte qu’il y a lieu de constater que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail étaient réunies à la date du 1er septembre 2022 .
Si, en application de l'article 24 V et VII de la loi du 6 juillet 1989 le juge peut, même d'office, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, au locataire en situation de régler sa dette locative, lesquels suspendent les effets de la clause résolutoire, il résulte de l’ancienneté des impayés, de l’incapacité de la locataire à respecter ses propres obligations notamment en terme d’accès à son logement ou de respect des échéanciers précédemment proposés, il convient de ne pas faire droit à la demande de délais suspensifs sollicités par Mme [I] [V].
Mme [I] [V] étant sans droit ni titre depuis le 2 septembre 2022, il convient d'ordonner son expulsion ainsi que l'expulsion de tous occupants de son chef, selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.
Aucune circonstance particulière de l’espèce ne justifiant que le délai de deux mois prévu par les dispositions des articles L. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution soit réduit ou supprimé, il convient d'indiquer que passé le délai de deux mois suivant la signification du commandement d'avoir à libérer les lieux, il pourra être procédé à cette expulsion, avec le concours de la force publique.
Il n'apparaît pas non plus nécessaire d'assortir l'obligation de quitter les lieux d'une astreinte. En effet, la condamnation au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation (voir ci-après), de nature à réparer le préjudice subi par la bailleresse satisfait déjà l'objectif assigné à l'astreinte en cette matière par l'article L.421-2 du code des procédures civiles d'exécution.
Il sera rappelé enfin que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution dont l’application relève, en cas de difficulté -laquelle n'est à ce stade que purement hypothétique-, de la compétence du juge de l’exécution et non de la présente juridiction.
Sur la demande en paiement au titre de l'arriéré locatif et de l'indemnité d'occupation
Mme [I] [V] est redevable des loyers impayés jusqu'à la date de résiliation du bail en application des articles 1103 et 1217 du code civil. Par ailleurs, le maintien dans les lieux postérieurement à la date d’expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance. Au delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.
En l'espèce, M [C] [T] produit un décompte démontrant que Mme [I] [V] reste lui devoir la somme de 4885, 75 euros à la date du 10 janvier 2024, cette somme correspondant à l'arriéré des loyers impayés et aux indemnités d'occupation échues à cette date.
Mme [I] [V] sera donc condamné au paiement de la somme de 4885, 75 euros.
Mme [I] [V] sera aussi condamnée au paiement d'une indemnité mensuelle d’occupation pour la période courant du 11 janvier 2024 à la date de la libération effective et définitive des lieux, égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi.
Sur la demande de délai pour quitter les lieux
Aux termes des dispositions combinées des articles L.613-1 du code de la construction et de l'habitation, L.412-3, L.412-4, L.412-6 à L.412-8 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais aux occupants de locaux d'habitation dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Pour la fixation de ces délais, il doit notamment tenir compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.
La durée de ces délais ne peut être supérieure à un an.
En l'espèce, Mme [I] [V] dispose de faibles ressources mais ne justifie pas avoir sollicité une demande de logement social. M [C] [T] qui est âgé indique avoir besoin de ses revenus pour faire face à ses besoins.
En ces conditions, il sera accordé à la défenderesse un délai de 3 mois pour quitter les lieux et retrouver un logement.
Sur les demandes accessoires
Mme [I] [V], partie perdante, supportera la charge des dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.
Il serait inéquitable de laisser à la charge du M [C] [T] les frais exposés par lui dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 800 euros lui sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
L'exécution provisoire, compatible avec la nature de l'affaire et apparaissant nécessaire compte tenu de la résiliation du bail, sera rappelée en application de l'article 515 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,
ECARTE des débats les pièces adressées par Mme [I] [V] par courrier au juge des contentieux de la protection,
CONSTATE que les quittances de loyers ont été communiquées dans le cadre de l’instance, que cette demande est devenue sans objet,
CONSTATE que les conditions d’acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 7 juin 2013 entre M [C] [T] et Mme [I] [V] concernant l’appartement à usage d’habitation situé au [Adresse 1] sont réunies à la date du 1er septembre 2022 ;
DEBOUTE Mme [I] [V] de sa demande de délais de paiement et de suspension de la clause résolutoire ;
ORDONNE en conséquence à Mme [I] [V] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de trois mois à compter du présent jugement, soit au 18 octobre 2024 ;
DIT qu’à défaut pour Mme [I] [V] d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, M [C] [T] pourra, deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à son expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique ;
DEBOUTE M [C] [T] de sa demande de suppression du délai prévu par les articles L. 412-1 et L. 412-2 du Code des procédures civiles d’exécution ;
DIT n'y avoir lieu à ordonner l'enlèvement, le transport et la séquestration des meubles éventuellement laissés sur place et rappelle que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
CONDAMNE Mme [I] [V] à verser à M [C] [T] la somme de 4885, 75 euros correspondant à l'arriéré de loyers, charges et indemnités d’occupation,
CONDAMNE Mme [I] [V] à verser à M [C] [T] une indemnité mensuelle d’occupation d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges, tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi, à compter du 11 janvier 2024 et jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l'expulsion) ;
DEBOUTE Mme [I] [V] de sa demande de dommages et intérêts,
DEBOUTE Mme [I] [V] de sa demande de restitution des provisions sur charges au titre de l’année 2019,
ENJOINT Mme [I] [V] de laisser accès à son appartement aux professionnels mandatés par le propriétaire afin d’effectuer les travaux nécessaires,
DIT n’y avoir lieu à astreinte,
REJETTE le surplus des demandes,
CONDAMNE Mme [I] [V] à verser à M [C] [T] une somme de 800 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Mme [I] [V] aux dépens,
CONSTATE l'exécution provisoire.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Président et le Greffier susnommés.
Le greffier, Le président.