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17/07/2024 | FRANCE | N°21/13047

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 18° chambre 2ème section, 17 juillet 2024, 21/13047


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le :
à Me FAUVAGE (P0255)
C.C.C.
délivrée le :
à Me JOUBEAUD (A0221)





18° chambre
2ème section

N° RG 21/13047

N° Portalis 352J-W-B7F-CVHKH

N° MINUTE : 5

Assignation du :
11 Octobre 2021








JUGEMENT
rendu le 17 Juillet 2024

DEMANDERESSE

Madame [X] [E] veuve [O]
[Localité 1]
[Localité 6] - TEXAS (ÉTATS-UNIS)

représentée par Maître Yves-Marie JOUBEAUD, avocat a

u barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0221


DÉFENDERESSES

S.A.S. VLN anciennement dénommée CABINET VINCENT LE NAIL (RCS de Paris 390 532 224)
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée pa...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le :
à Me FAUVAGE (P0255)
C.C.C.
délivrée le :
à Me JOUBEAUD (A0221)

18° chambre
2ème section

N° RG 21/13047

N° Portalis 352J-W-B7F-CVHKH

N° MINUTE : 5

Assignation du :
11 Octobre 2021

JUGEMENT
rendu le 17 Juillet 2024

DEMANDERESSE

Madame [X] [E] veuve [O]
[Localité 1]
[Localité 6] - TEXAS (ÉTATS-UNIS)

représentée par Maître Yves-Marie JOUBEAUD, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0221

DÉFENDERESSES

S.A.S. VLN anciennement dénommée CABINET VINCENT LE NAIL (RCS de Paris 390 532 224)
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Caroline FAUVAGE de la S.C.P. FORESTIER & HINFRAY, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0255

S.A..R.L. JOHN (RCS de Paris 511 647 869)
[Adresse 5]
[Localité 4]

défaillante

Décision du 17 Juillet 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 21/13047 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVHKH

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l'Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s'y sont pas opposés.

Cédric KOSSO-VANLATHEM, Juge, statuant en juge unique,

assisté de Henriette DURO, Greffier.

DÉBATS

À l'audience du 15 Mai 2024 tenue en audience publique.

Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats, que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 17 Juillet 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement
Réputé contradictoire
En premier ressort

_________________

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous signature privée en date du 20 décembre 2002 intitulé « Mandat de gérance n°135 », l' « Indivision [E] » a confié à la S.A.R.L. CABINET VINCENT LE NAIL, devenue depuis la S.A.S. VLN, la gestion et l'administration de la totalité d'un immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 4] cadastré section DF numéro [Cadastre 3].

Désireuse de procéder à la rénovation et à la restructuration de l'immeuble en vue de soumettre celui-ci au statut de la copropriété et de vendre à la découpe certains lots le composant, Madame [X] [E] veuve [O], désormais unique propriétaire de ce dernier, a fait diligenter une expertise immobilière unilatérale non judiciaire confiée à Monsieur [M] [Z] de la S.A.S. CONSEILS ET ÉVALUATIONS IMMOBILIÈRES exerçant sous le nom commercial « CEI », lequel a établi un rapport en date du 5 juillet 2019 concluant à une valeur vénale nette vendeur d'un montant de 8.8250.000 euros en cas de vente en bloc et d'un montant de 9.735.000 euros en cas de vente à la découpe.

Dans l'attente de la réalisation des travaux, la S.A.S. VLN a, par courriel en date du 4 décembre 2019, informé Madame [X] [E] veuve [O] qu'elle avait donné en location deux appartements situés au sein de l'immeuble à des étudiantes jusqu'au 30 juin 2020.

Exposant avoir découvert que par actes sous signature privée en date des 28 février 2017, 6 décembre 2019 et 17 janvier 2020, la S.A.S. VLN avait respectivement, d'une part donné à bail commercial à la S.A.R.L. JOHN un sous-sol et un local privatif à usage exclusif de bureau et de réserve pour une durée de neuf années à effet au 1er septembre 2017 moyennant le versement d'un loyer annuel initial d'un montant de 1.200 euros hors taxes et hors charges, d'autre part donné à bail à usage d'habitation à Madame [G] [Y] un appartement au cinquième étage pour une durée d'une année à effet au 6 décembre 2019 moyennant le versement d'un loyer mensuel d'un montant de 400 euros, et enfin donné à bail à usage d'habitation à Madame [A] [P] et à Madame [N] [L] un appartement au troisième étage pour une durée d'une année à effet au 17 janvier 2020 moyennant le versement d'un loyer mensuel d'un montant de 400 euros, et lui reprochant de ne pas l'en avoir préalablement informée, Madame [X] [E] veuve [O] l'a, par exploits d'huissier en date des 11 et 13 octobre 2021, fait assigner, ainsi que la S.A.R.L. JOHN, devant le tribunal judiciaire de Paris en expulsion sous astreinte ainsi qu'en indemnisation de ses préjudices.

Postérieurement à l'introduction de la présente instance, la S.A.R.L. JOHN a procédé à la libération des locaux et à la restitution des clefs suivant procès-verbal de constat d'état des lieux de sortie non contradictoire dressé par acte d'huissier de justice en date du 29 novembre 2021.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 14 janvier 2023, Madame [X] [E] veuve [O] demande au tribunal, sur le fondement des articles 1343-2, 1596, et 1982 et suivants du code civil, des articles 11 et 25-7 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986, et de l'article L. 637-1 du code de la construction et de l'habitation, de :

– condamner la S.A.S. VLN à lui payer la somme de 57.422,16 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du manque à gagner sur les loyers afférents aux appartements d'habitation subi du fait des fautes de gestion commises ;
– prononcer la nullité du contrat de bail commercial en date du 28 juillet 2017 conclu avec la S.A.R.L. JOHN ;
– condamner la S.A.R.L. JOHN à lui payer une indemnité d'occupation ou, à défaut de nullité du contrat de bail commercial, un complément de loyer d'un montant mensuel de 1.356 euros hors taxes à compter du 1er septembre 2017 jusqu'au 30 novembre 2021, date de libération des locaux, soit la somme totale de 69.156 euros hors taxes majorée de la taxe sur la valeur ajoutée applicable ;
– condamner la S.A.S. VLN conjointement et solidairement avec la S.A.R.L. JOHN, à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la conclusion fautive du contrat de bail commercial, à lui payer la somme totale de 69.156 euros hors taxes majorée de la taxe sur la valeur ajoutée applicable ;
– condamner la S.A.S. VLN à lui rembourser la somme de 17.838,42 euros représentant les honoraires indûment facturés lors de la clôture des comptes en date du 12 mars 2020 ainsi que la somme de 27.612 euros représentant les honoraires non justifiés versés au titre des années 2017, 2018 et 2019 ;
– condamner la S.A.S. VLN à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral ;
– dire que les condamnations prononcées à l'encontre de la S.A.S. VLN porteront intérêts au taux légal à compter du jugement à intervenir ;
– dire que les intérêts des capitaux échus produiront eux-mêmes intérêts ;
– débouter la S.A.S. VLN de l'ensemble de ses demandes ;
– condamner la S.A.S. VLN à lui payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la S.A.S. VLN aux dépens ;
– ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 3 février 2023, la S.A.S. VLN sollicite du tribunal, sur le fondement des articles 1231-3, 1231-4, et 1991 à 2002 du code civil, de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 réglementant les conditions d'exercice des activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, et de l'article L. 637-1 du code de la construction et de l'habitation, de :

– la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
– débouter Madame [X] [E] veuve [O] de l'ensemble de ses prétentions ;
– condamner Madame [X] [E] veuve [O] à lui payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
– condamner Madame [X] [E] veuve [O] aux dépens, avec distraction au profit de Maître Caroline FAUVAGE de la S.C.P. FORESTIER - HINFRAY SCP D'AVOCATS ;
– dire n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire de droit du jugement à intervenir.

Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l'exposé de leurs moyens.

La S.A.R.L. JOHN, régulièrement assignée à domicile, n'a pas constitué avocat. Le jugement est donc réputé contradictoire, conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du juge de la mise en état en date du 29 septembre 2023.

L'affaire a été retenue à l'audience de plaidoirie du 15 mai 2024, et la décision a été mise en délibéré au 17 juillet 2024, les parties en ayant été avisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article 472 du code de procédure civile dispose que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, et que le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur l'action en nullité du contrat de bail commercial

Aux termes des dispositions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction applicable à la date de conclusion du contrat de bail commercial litigieux, c'est-à-dire dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'article 107 de la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique entrée en vigueur le 25 novembre 2018, la présente section est applicable aux communes de plus de 200.000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L. 631-7-1, soumis à autorisation préalable. Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1. Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés. Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation. Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article. Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article.
Décision du 17 Juillet 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 21/13047 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVHKH

En outre, en application des dispositions du premier alinéa de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Il résulte de la combinaison de ces dispositions qu'il appartient à celui qui invoque l'affectation d'un bien à un usage d'habitation au 1er janvier 1970 de le prouver (Civ. 3, 7 novembre 2019 : pourvoi n°18-17800 ; Civ. 3, 28 mai 2020 : pourvoi n°18-26366 ; Civ. 3, 23 novembre 2022 : pourvoi n°21-22247).

En l'espèce, la clause intitulée « DÉSIGNATION » insérée au contrat de mandat en date du 20 décembre 2002 conclu entre les parties stipule : « Adresse : [Adresse 5] – [Localité 4]. Usage : Habitation - Commerce. Le mandant s'oblige à faire connaître par écrit au mandataire s'il existe des sujétions particulières, notamment d'ordre réglementaire, concernant les biens gérés » (pièce n°4 en demande, page 1).

De plus, la clause intitulée « DÉSIGNATION » insérée à l'état descriptif de division de l'immeuble en date du 15 juin 1970 prévoit : « Ient - BÂTIMENT A : Un bâtiment dit "Bâtiment A" en façade sur la [Adresse 5] élevé sur sous-sol, d'un rez-de-chaussée et de six étages et comprenant : Au sous-sol : quinze compartiments de caves. Au rez-de-chaussée : Deux boutiques et une arrière boutique » (pièce n°11 en demande, pages 1 et 2).

La clause intitulée « CHAPITRE I : USAGE DE L'IMMEUBLE » insérée à ce même état descriptif de division énonce pour sa part : « Article Huit : Destination de l'immeuble. L'immeuble est destiné à l'usage d'habitation. Toutefois les boutiques situées au rez-de-chaussée et formant les lots numéros SEIZE et DIX-SEPT pourront être utilisées à usage commercial » (pièce n°11 en demande, page 27)

Enfin, la fiche intitulée « DÉCLARATION MODÈLE C : LOCAUX COMMERCIAUX ET BIENS DIVERS » en date du 15 octobre 1970 produite aux débats par la défenderesse fait état d'un « lot 17 - boutique » actuellement occupé pour l'exercice d'une activité de « couverture - plomberie - chauffage » avec comme « éléments bâtis formant dépendances : [...] Cave » (pièce n°26 en défense).

Il est donc établi qu'au 15 juin et au 15 octobre 1970, l'immeuble avait un usage mixte à la fois d'habitation et de commerce, le rez-de-chaussée et la cave étant à usage commercial, si bien que Madame [X] [E] veuve [O] échoue à apporter la preuve de l'existence d'un usage exclusif d'habitation au 1er janvier 1970, de sorte qu'aucune nullité du contrat de bail commercial conclu avec la S.A.R.L. JOHN n'est encourue.

Dès lors, la demanderesse n'est pas fondée à obtenir une quelconque indemnité d'occupation, en présence d'un contrat de bail commercial valable prévoyant déjà le versement d'un loyer, ni un quelconque complément de loyer, le montant dudit loyer ayant été librement consenti (pièce n°7 en demande, page 2).

En conséquence, il convient de débouter Madame [X] [E] veuve [O] de sa demande de nullité du contrat de bail commercial conclu avec la S.A.R.L. JOHN en date du 28 juillet 2017, ainsi que de ses demandes subséquentes d'indemnités d'occupation et de compléments de loyers.

Sur l'action en paiement de l'indu

En vertu des dispositions de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la date de conclusion du contrat de mandat litigieux, c'est-à-dire dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'article 2 de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations entrée en vigueur le 1er octobre 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En outre, selon les dispositions du premier alinéa de l'article 1999 du même code, le mandant doit rembourser au mandataire les avances et frais que celui-ci a faits pour l'exécution du mandat, et lui payer ses salaires lorsqu'il en a été promis.

D'après les dispositions du premier alinéa de l'article 1302 dudit code, tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.

Enfin, conformément aux dispositions de l'article 1302-1 de ce code, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

En l'espèce, la clause intitulée « 2 - RÉMUNÉRATION » insérée au contrat de mandat litigieux stipule que : « Le mandataire aura droit à une rémunération fixée à 6% H.T. sur les encaissements T.T.C. TVA en sus dont le taux est actuellement de 19,6%, à la charge du mandant. En sus de cette rémunération, le mandataire aura droit à des prestations particulières dont le détail est énuméré en annexe 1. Les honoraires résultant du présent contrat pourront être prélevés sur les fonds encaissés par le mandataire pour le compte du mandant » (pièce n°4 en demande, page 2).

De plus, l'annexe 1 à ce contrat de mandat prévoit un certain nombre de « prestations particulières » portant notamment sur : des honoraires de rédaction d'actes, d'établissement de constat d'état des lieux, de négociation, de gestion technique des gros travaux, de gestion juridique et de gestion fiscale (pièce n°4 en demande, page 6).

La mandataire produit aux débats : un compte rendu de clôture en date du 12 mars 2020 détaillant l'intégralité des loyers et charges locatives encaissés pour le compte de la demanderesse ainsi que les dépenses effectuées au titre du suivi des travaux et des contrats de maintenance afférents à l'immeuble ; un compte rendu de gérance en date du 3 octobre 2019 détaillant l'intégralité des loyers et charges locatives encaissés pour le compte de la demanderesse ainsi que les dépenses effectuées au titre du suivi des travaux et des contrats de maintenance afférents à l'immeuble ; et quatre factures n°202002004, n°202002005, n°202002006 et n°202002007 en date des 11 et 13 février 2020 relatives aux honoraires afférents à la gestion du projet de nouveau règlement de copropriété, au suivi des travaux, et à deux procédures de référé-expertise (pièces n°18, n°33, n°34, n°35, n°36 et n°38 en défense).

L'examen attentif et exhaustif de ces décomptes et annexes permet à la présente juridiction de s'assurer que l'ensemble des honoraires facturés à Madame [X] [E] veuve [O] sont dues, les contestations soulevées par cette dernière étant dénuées de fondement.

En conséquence, il convient de débouter Madame [X] [E] veuve [O] de sa demande de restitution des honoraires facturés au cours des années 2017 à 2020.

Sur l'action en responsabilité contractuelle

Sur les manquements de la mandataire à ses obligations contractuelles

Aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article 1984 du code civil, le mandat ou procuration est un acte par lequel une personne donne à une autre le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en son nom.

En outre, en application des dispositions de l'article 1992 du même code, le mandataire répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu'il commet dans sa gestion. Néanmoins, la responsabilité relative aux fautes est appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire.

En vertu des dispositions de l'article 1993 dudit code, tout mandataire est tenu de rendre compte de sa gestion, et de faire raison au mandant de tout ce qu'il a reçu en vertu de sa procuration, quand même ce qu'il aurait reçu n'eût point été dû au mandant.

Enfin, selon les dispositions de l'article 1134 ancien de ce code, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

En l'espèce, la clause intitulée « I - MISSION - POUVOIRS » insérée au contrat de mandat litigieux stipule qu' : « en conséquence du présent mandat, le mandant autorise expressément le mandataire à accomplir, pour son compte et en son nom, tous actes d'administration, notamment : [...] Rechercher des locataires, louer et relouer les biens après avoir avisé le mandant de la vacance du ou des biens, renouveler les baux aux prix, charges et conditions que le mandataire jugera à propos. [...] Rédiger tous baux, avenants ou leur renouvellement, les signer » (pièce n°4 en demande, pages 1 et 2).

De plus, la clause intitulée « 3 - REDDITION DES COMPTES » prévoit que : « Le mandataire rendra compte de sa gestion tous les trimestres et remettra un état détaillé de tout ce qu'il aura reçu et dépensé » (pièce n°4 en demande, page 3).

Par courriel en date du 4 décembre 2019, la S.A.S. VLN a indiqué à Madame [X] [E] veuve [O] : « En attendant la commercialisation, je loge pour un petit prix des étudiantes dans les logements vides, pour éviter la Taxe sur les logements vacants, assurer une présence car on a tjs peur du risque de squat (surtout en hiver), et cela fait un petit rapport en plus. Pour le moment, je leur ai donné une date butoir au 30 juin : ce serait bien de me dire si vous pensez que l'on peut tenir cette date pour une commercialisation ? Idéalement, on pourrait commencer en mai, c'est une bonne période ; sinon, le prévoir en septembre » (pièce n°9.5 en demande).

Il est établi que par actes sous signature privée en date des 6 décembre 2019 et 17 janvier 2020, la S.A.S. VLN a respectivement, pour le compte de sa mandante, d'une part donné à bail à usage d'habitation à Madame [G] [Y] un appartement au cinquième étage pour une durée d'une année à effet au 6 décembre 2019 moyennant le versement d'un loyer mensuel d'un montant de 400 euros, et d'autre part donné à bail à usage d'habitation à Madame [A] [P] et à Madame [N] [L] un appartement au troisième étage pour une durée d'une année à effet au 17 janvier 2020 moyennant le versement d'un loyer mensuel d'un montant de 400 euros (pièces n°5-2 et n°6-2 en demande).

S'il est acquis que ces deux contrats de baux à usage d'habitation ont été conclus postérieurement au courriel en date du 4 décembre 2019, si bien que la mandataire justifie avoir respecté son obligation d'information préalable sur la vacance des biens, il est cependant démontré que ces baux venaient à expiration respectivement les 5 décembre 2020 et 16 janvier 2021, soit postérieurement à la date du 30 juin 2020 annoncée dans le courriel susvisé, de sorte qu'un manquement contractuel peut être retenu à ce titre.

De même, la S.A.S. VLN ne conteste pas ne pas avoir informé Madame [X] [E] veuve [O] de la conclusion du contrat de bail commercial avec la S.A.R.L. JOHN en date du 28 juillet 2017 (pièce n°7 en demande).
Décision du 17 Juillet 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 21/13047 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVHKH

En conséquence, il convient de retenir que la S.A.S. VLN a commis des manquements susceptibles d'engager sa responsabilité civile contractuelle envers Madame [X] [E] veuve [O].

Sur les préjudices et le lien de causalité

Aux termes des dispositions de l'article 1146 ancien du code civil, les dommages et intérêts ne sont dus que lorsque le débiteur est en demeure de remplir son obligation, excepté néanmoins lorsque la chose que le débiteur s'était obligé de donner ou de faire ne pouvait être donnée ou faite que dans un certain temps qu'il a laissé passer. La mise en demeure peut résulter d'une lettre missive, s'il en ressort une interpellation suffisante.

En outre, en application des dispositions de l'article 1147 ancien du même code, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.

En vertu des dispositions de l'article 1149 ancien dudit code, les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après.

Selon les dispositions de l'article 1151 ancien de ce code, dans le cas même où l'inexécution de la convention résulte du dol du débiteur, les dommages et intérêts ne doivent comprendre à l'égard de la perte éprouvée par le créancier et du gain dont il a été privé, que ce qui est une suite immédiate et directe de l'inexécution de la convention.

Enfin, d'après les dispositions du premier alinéa de l'article 1315 ancien devenu 1353 du code susvisé, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

En l'espèce, il y a lieu de relever que dans son courriel en date du 15 décembre 2019, Madame [X] [E] veuve [O] a répondu à la S.A.S. VLN : « l'opportunité d'étudiants (meublés, non meublés - quel statut ?) dans les logements vacants ne doit pas nous gêner le moment venu dans le cadre de la vente des lots de copropriété » (pièce n°9-6 en demande), ce qui tend à démontrer qu'elle ne souhaitait pas que ces logements soient occupés lors de leur mise en vente.

Si la demanderesse allègue que les deux appartements à usage d'habitation auraient pu êtres loués moyennant le versement d'un loyer mensuel d'un montant respectivement de 1.415 euros et de 1.400 euros (pièces n°5-1 et n°6-1 en demande), il n'est cependant pas établi que Madame [G] [Y], Madame [A] [P] et Madame [N] [L], en leur qualité d'étudiantes sans ressources, auraient accepté de payer un tel loyer, si bien qu'en l'absence de manquement contractuel commis par la mandataire, ces logements seraient restés vides.

De même, si la mandante prétend que les caves auraient pu être louées moyennant le versement d'un loyer mensuel d'un montant de 1.456 euros hors taxes et hors charges, il n'est toutefois pas démontré que la S.A.R.L. JOHN aurait consenti à payer un tel prix, de sorte qu'en l'absence de manquement contractuel commis par la mandataire, ces caves seraient restés inoccupées.

De plus, il ressort des éléments produits aux débats que la modification du règlement de copropriété a fait l'objet d'un devis n°20220598 émis par la S.E.L.A.S. CABINET PIERRE BLOY en date du 4 mai 2002 (pièce n°25-1 en demande), soit après que Madame [A] [P], Madame [N] [L] et la S.A.R.L. JOHN ont quitté les lieux respectivement le 15 janvier 2021 et le 29 novembre 2021 (pièces n°22 et n°29 en défense), étant observé que dans son attestation en date du 4 janvier 2023, Maître [F] [W], notaire, mentionne que « des clients ayant visité au printemps 2021 n'ont présenté leur offre que le 2 janvier 2022 (laquelle portait naturellement sur l'appartement et la cave associée). La négociation est devenue plus difficile à cette époque compte tenu du contexte économique et international. La promesse de vente a été signée le 1er juin 2022, la vente le 26 septembre 2022 » (pièce n°23 en demande), de sorte qu'il n'est pas établi que les fautes contractuelles commises aient retardé ou différé le projet de vente de Madame [X] [E] veuve [O].

Il s'évince de l'ensemble de ces éléments que la demanderesse échoue à apporter la preuve de l'existence d'un quelconque préjudice de manque à gagner en lien de causalité direct et certain avec les manquements contractuels commis par la mandataire.

Enfin, si la S.A.S. VLN a pu faire part de son souhait de procéder à l'acquisition de l'immeuble par courriel en date du 4 janvier 2019 (pièce n°9-1 en demande), force est toutefois de constater que Madame [X] [E] veuve [O] n'a pas donné suite à cette proposition, sans que la mandataire n'ait agi avec insistance ou cherché à la contraindre, si bien qu'aucune faute ne peut être retenue de ce chef, étant observé que la demanderesse ne démontre ni l'existence, ni l'étendue du préjudice moral qu'elle allègue.

En conséquence, il convient de débouter Madame [X] [E] veuve [O] de l'intégralité de ses demandes de dommages et intérêts formées à l'encontre de la S.A.S. VLN au titre du manque à gagner et du préjudice moral.

Sur les mesures accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, Madame [X] [E] veuve [O], partie perdante, sera condamnée aux dépens, lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du même code, et il ne sera pas fait droit à sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

Elle sera également condamnée à payer à la S.A.S. VLN une indemnité au titre des frais non compris dans les dépens que cette dernière a été contrainte d'exposer pour faire valoir ses droits dans le cadre de la présente instance, que l'équité et la situation économique des parties commandent de fixer à la somme de 8.000 euros, en vertu des dispositions de l'article 700 dudit code.

Il convient de rappeler que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de droit, selon les dispositions de l'article 514 de ce code, étant observé qu'aucune des parties ne sollicite que cette dernière soit écartée sur le fondement des dispositions de l'article 514-1.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort,

DÉBOUTE Madame [X] [E] veuve [O] de ses demandes de nullité du contrat de bail commercial en date du 28 juillet 2017, d'indemnités d'occupation et de compléments de loyers formées à l'encontre de la S.A.R.L. JOHN,

DÉBOUTE Madame [X] [E] veuve [O] de sa demande de restitution des honoraires facturés au cours des années 2017 à 2020 formée à l'encontre de la S.A.S. VLN,

DÉBOUTE Madame [X] [E] veuve [O] de l'intégralité de ses demandes de dommages et intérêts formées à l'encontre de la S.A.S. VLN au titre du prétendu manque à gagner subi du fait de la conclusion des deux contrats de baux à usage d'habitation avec Madame [G] [Y], Madame [A] [P] et Madame [N] [L], et de la conclusion du contrat de bail commercial en date du 28 juillet 2017 avec la S.A.R.L. JOHN,

DÉBOUTE Madame [X] [E] veuve [O] de sa demande de dommages et intérêts formée à l'encontre de la S.A.S. VLN au titre du préjudice moral,

DÉBOUTE Madame [X] [E] veuve [O] de sa demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [X] [E] veuve [O] à payer à la S.A.S. VLN la somme de 8.000 (HUIT MILLE) euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [X] [E] veuve [O] aux dépens,

AUTORISE Maître Caroline FAUVAGE de la S.C.P. FORESTIER - HINFRAY SCP D'AVOCATS à recouvrer directement ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision,

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Fait et jugé à Paris le 17 Juillet 2024

Le Greffier Le Président
Henriette DURO Cédric KOSSO-VANLATHEM


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 18° chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 21/13047
Date de la décision : 17/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-17;21.13047 ?
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