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16/07/2024 | FRANCE | N°23/09579

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 16 juillet 2024, 23/09579


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 16/07/2024
à : Me Stéphane BLUYSEN, Me Camille TERRIER


Copie exécutoire délivrée
le : 16/07/204
à : Me GENON-CATALOT

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/09579 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3P7X

N° MINUTE :
6/2024






JUGEMENT
rendu le mardi 16 juillet 2024


DEMANDERESSE
[Localité 6] HABITAT OPH, dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Me GENON-CATALOT, avocat au barrea

u de PARIS, vestiaire : #B0096

DÉFENDERESSES
Madame [B] [F] [O], demeurant chez son oncle M [R] [P], [Adresse 3]
représentée par Me Stéphane BLUYSEN, avocat au barreau...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 16/07/2024
à : Me Stéphane BLUYSEN, Me Camille TERRIER

Copie exécutoire délivrée
le : 16/07/204
à : Me GENON-CATALOT

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/09579 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3P7X

N° MINUTE :
6/2024

JUGEMENT
rendu le mardi 16 juillet 2024

DEMANDERESSE
[Localité 6] HABITAT OPH, dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Me GENON-CATALOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #B0096

DÉFENDERESSES
Madame [B] [F] [O], demeurant chez son oncle M [R] [P], [Adresse 3]
représentée par Me Stéphane BLUYSEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0271
Madame [N] [E] veuve [T], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Camille TERRIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E 545

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Françoise THUBERT, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection, assistée de Florian PARISI, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 16 mai 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 16 juillet 2024 par Françoise THUBERT, Vice-présidente assistée de Florian PARISI, Greffier

Décision du 16 juillet 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/09579 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3P7X

FAITS ET PROCEDURE

Par acte du 24/10/2014 à effet à la date de résiliation du précédant bail prononcé par jugement du 19/05/2011, [Localité 6] HABITAT OPH a donné à bail à M.[T] [C] et Mme [E] épouse [T] [N] un appartement à usage d'habitation, situé au [Adresse 5] , avec cave pour un loyer de 369.36 euros et provisions sur charges prévues par la règlementation HLM.

Une ordonnance de protection a été rendue par le Juge des affaires familiales de [Localité 6] le 06/02/2018 en faveur de Mme [E] épouse [T] [N], attribuant à M.[T] [C] la jouissance du logement des époux à charge pour lui de régler les charges afférentes, pour une durée de 6 mois, en raison de faits de violences commises par celui-ci sur son épouse.

Par contrat du 02/08/2018 , [Localité 6] HABITAT OPH a donné à bail à Mme [E] épouse [T] [N] un appartement à usage d'habitation, situé au [Adresse 2] .

Une ordonnance de non-conciliation a été rendue le 02/04/2019 entre les époux [T] , constatant la résidence séparée des époux.et attribuant la jouissance du domicile conjugal à M.[T] , fixant la pension due au titre du devoir de secours.

Par courrier du 14/06/2022, [Localité 6] HABITAT OPH a répondu à M.[T] [C] que le bail ne pouvait être établi par colocation avec Mme [O] [B] [F] , qu’il était noté qu’elle était occupante des lieux.

M. [T] [C] est décédé le [Date décès 1]2022.

Par courrier du 17/01/2023 , [Localité 6] HABITAT OPH a demandé à Mme [E] épouse [T] [N] si elle souhaitait se voir transférer le bail , en rappelant par ailleurs la cotitularité du bail de l’article 1751 du code civil , sauf renonciation expresse.

Par courrier du 09/02/2023, Mme [E] épouse [T] [N] a renoncé au bail .

Par acte de commissaire de justice du 27/06/2023, [Localité 6] HABITAT OPH a signifié à Mme [O] [B] [F] seule un commandement visant la clause résolutoire du bail , et une sommation de justifier de l’occupation des lieux sur le fondement de l’article 14-1 de la loi du 06/07/89.
Par acte du même jour , le bailleur a signifié à Mme [O] [B] [F] une sommation aux fins de préciser son identité et l’identité des occupants des lieux.

Le 01/08/2023 , Me [D] commissaire de justice a constaté l’état des lieux dans le logement en application de l’article 14-1 de la loi du 06/07/89.

Sur requête du 01/08/2023 de [Localité 6] HABITAT OPH, le juge des contentieux de la protection a par ordonnance du 03/08/2023 rejeté la requête aux fins de voir constater la résiliation du bail sur le fondement de l’article 14-1 de la loi du 06/07/89 , en relevant que M.[T] [C] était décédé le [Date décès 1]2022, et que Mme [E] épouse [T] [N] avait renoncé au bail , le bail étant résilié par l’effet du décès , et le bailleur n’établissant pas que les lieux serait occupé par qui que ce soit.

Par acte de commissaire de justice du 28/08/2023, [Localité 6] HABITAT OPH a fait assigner Mme [E] épouse [T] [N] et Mme [O] [B] [F] sur le fondement de l’article 1103, 1227, 1228, 1240, 1728, 1729 et 1741 du code civil , les articles 7,14 et 40 de la loi du 06/07/89 , les dispositions du code des procédures civiles d'exécution et du code de la construction et de l'habitation , vu la renonciation à la cotitularité du bail de Mme [E] épouse [T] [N] du 09/02/2023 aux fins de :

Voir juger résilié le bail au [Date décès 1]2022 , date du décès de M.[T] [C] Voir juger Mme [O] [B] [F] occupante sans droit ni titre du logement loué - Voir ordonner l’expulsion de Mme [O] [B] [F] et tous occupants de son chef des lieux loués, avec assistance de la force publique et d’un serrurier, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du prononcé ou de la signification de la décision
- Voir juger que l’astreinte courra pendant un délai de 3 mois et que passé ce délai elle sera liquidée et qu’il sera à nouveau fait droit en se réservant sa liquidation
Voir juger que le sort des meubles se trouvera régi par les articles L433-1, L433-2 , R433-1 à R433-7 du code des procédures civiles d'exécution Voir supprimer le délai de deux mois de l’article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution - Voir condamner Mme [O] [B] [F] au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer , majoré de 30% , et qui ne saurait être inférieure à 510 euros par mois et ce jusqu’à libération effective des lieux,
Voir condamner Mme [O] [B] [F] au paiement d'une somme de 2512.56 euros pour l’occupation , arrêtée au 01/08/2023, avec intérêts légaux à compter de l’assignation Voir condamner solidairement ou in solidum Mme [E] épouse [T] [N] et Mme [O] [B] [F] au paiement d'une somme de 4327.09 euros, arrêtée au 01/03/2023 au titre des indemnités d(occupation/ loyers et charges , du fait par Mme [O] [B] [F] de son occupation et pour Mme [E] épouse [T] [N] de son droit au bail, sans qu’elle n’ait pris la précaution de restituer les clés Voir ordonner la capitalisation des intérêts dus sur une année entière à compter de l’assignation. Voir condamner Mme [O] [B] [F] au paiement d'une somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens - Voir ordonner l’exécution provisoire

L’affaire a été retenue le 16/05/2024 après renvoi.

[Localité 6] HABITAT OPH a été représenté et soutient oralement ses conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se référer en application de l'article 455 du CPC et sollicite de :

Voir juger résilié le bail au [Date décès 1]2022 , date du décès de M.[T] [C] Voir juger que le sort des meubles se trouvera régi par les articles L433-1, L433-2 , R433-1 à R433-7 du code des procédures civiles d'exécution Voir supprimer le délai de deux mois de l’article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution Vu l’article 732 du code civil :- Voir condamner Mme [O] [B] [F] à compter du [Date décès 1]2022 au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer , majoré de 30% , et qui ne saurait être inférieure à 510 euros par mois et ce jusqu’à libération effective des lieux,
Voir condamner solidairement ou in solidum Mme [E] épouse [T] [N] et Mme [O] [B] [F] au paiement d'une somme de 10872.28 euros, arrêtée au 02/04/2024 , au titre des indemnités d’occupation/ loyers et charges , du fait par Mme [O] [B] [F] de son occupation et pour Mme [E] épouse [T] [N] de son droit au bail et de sa qualité d’héritière , sans qu’ aucune d’elle n’ait pris la précaution de restituer les clés , avec intérêts légaux à compter de l’assignationVoir ordonner la capitalisation des intérêts dus sur une année entière à compter de l’assignation. Voir condamner solidairement ou in solidum Mme [E] épouse [T] [N] et Mme [O] [B] [F] au paiement d'une somme de 1200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens - Voir ordonner l’exécution provisoire

Mme [E] épouse [T] [N] a été représentée ; elle soutient oralement ses conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se référer en application de l'article 455 du CPC et sollicite de :

Voir débouter [Localité 6] HABITAT OPH de l'ensemble de ses demandes , fins et conclusions

Mme [O] [B] [F] a été représentée  ; elle soutient oralement ses conclusions récapitulatives auxquelles il convient de se référer en application de l'article 455 du CPC et sollicite de :

Voir juger mal fondée [Localité 6] HABITAT OPH en sa demande tendant à voir ordonner la résiliation du bail et l’expulsion subséquente de Mme [O] [B] [F] et l’en débouterSubsidiairement , vu l’article 6 de la CEDH Voir enjoindre [Localité 6] HABITAT OPH de verser aux débats le registre tenu par la gardienne de l’immeuble pour le mois de janvier 2023, comportant la mention de la remise des clés par Mme [O] [B] [F] Par ailleurs :Voir juger que Mme [O] [B] [F] n’est tenue que du paiement des seuls loyers échus d’août 2022 à janvier 2023, soit la somme de 2847.66 euros Voir autoriser Mme [O] [B] [F] à solder sa dette envers [Localité 6] HABITAT OPH en 23 mensualités de 80 euros , le solde étant exigible à la 24ème échéanceVoir débouter [Localité 6] HABITAT OPH du surplus de ses demandes Voir condamner [Localité 6] HABITAT OPH aux entiers dépens

MOTIFS DE LA DECISION:

Sur la résiliation du bail :

En application de l’article 1751 du code civil , les époux sont cotitulaires du bail et en cas de décès d’un des époux , le conjoint survivant cotitulaire du bail dispose d’un droit exclusif sur celui-ci sauf s’il y renonce expressément .

M.[T] [C] est décédé le [Date décès 1]2022 et Mme [E] épouse [T] [N] a renoncé au droit au bail le 09/02/2023. Par ailleurs, il a été refusé la colocation sollicitée par M.[T] au bénéfice de Mme [O] [B] [F] le 14/06/2022.

En application de l’article 14 de la loi du 06/07/89 , le transfert du bail est de droit aux concubin notoire qui vivaient avec le locataire depuis au moins un an à la date du décès .

En tout état de cause , il n’a pas été sollicité de transfert du bail officiellement par Mme [O] [B] [F], qui a seulement justifié de rejet de ses demandes de virement de loyer en décembre 2022 et janvier 2023, étant observé qu’à cette date , Mme [E] épouse [T] [N] qui n’était pas divorcée de M. [T] , n’avait pas renoncé au droit au bail.

En conséquence , il convient de constater que le bail est résilié depuis le [Date décès 1]2022, date du décès de M. [T] [C].

Il n’est plus sollicité l'expulsion de Mme [O] [B] [F] et de tout occupant de son chef, par [Localité 6] HABITAT OPH, qui de ce fait reconnait que les lieux ne sont plus occupés par Mme [O] [B] [F].

Dans ces conditions, la demande de suppression du délai de deux mois pour quitter les lieux de l’article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution est sans objet et [Localité 6] HABITAT OPH en sera débouté, alors que ce texte règle les conséquences de l’expulsion.

[Localité 6] HABITAT OPH sollicite le droit de faire procéder à la séquestration des meubles , en disant que le sort des meubles se trouvant dans le logement sera régi par les article L433-1 et L433-2 du Code des Procédures Civiles d'Exécution ; or ces articles ont également trait au sort des meubles dans le cadre du procès-verbal d’expulsion . [Localité 6] HABITAT OPH en sera débouté .

Sur la demande en paiement :

[Localité 6] HABITAT OPH sollicite paiement par Mme [O] [B] [F] depuis le [Date décès 1]2022 de l’indemnité d’occupation égale au montant du loyer majoré de 30% , soit au minimum 510 euros sur le fondement des articles 1240 et suivants du code civil .
[Localité 6] HABITAT OPH soutient que la seule remise des clés n’établit pas la libération des lieux , que le constat de commissaire de justice du 01/08/2023 confirme que les lieux n’ont pas été débarrassés par Mme [E] épouse [T] [N] ou Mme [O] [B] [F].

Mme [O] [B] [F] s’y oppose , en faisant valoir qu’elle a remis les clés à la gardienne le 20/01/2023 , remise mentionnée sur le registre en sa présence et demande sur le fondement de l’article 6-1 de la CEDH la production par [Localité 6] HABITAT OPH de ce registre . Elle relève que la demande de libération des lieux sous astreinte est abandonnée par [Localité 6] HABITAT OPH , ce qui confirme la restitution des clés . Elle reconnait être tenue des indemnités d’occupation dues pour la période d’août 2022 à janvier 2023 , soit la somme de 2847.66 euros , mais non du loyer de juillet à échéance au 01/07/2022 ni des indemnités postérieures au 23/01/2023, du fait de la remise des clés . Elle s’oppose à la demande de majoration de l’indemnité d’occupation.

Il convient de fixer le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle due depuis le 10/07/2022 jusqu’à libération effective des lieux par Mme [O] [B] [F] .

La remise des clés ne vaut pas libération des lieux . Mais le bailleur ne sollicite plus d’expulsion de Mme [O] [B] [F] .

Il n’y a pas lieu d’ordonner production du registre de la gardienne de l’immeuble pour dater cette remise des clés par Mme [O] [B] [F] . Il convient en effet de considérer que le bailleur ne sollicitant plus d’expulsion , a reconnu la libération des lieux , contrairement à ce qu’il invoque. Il a d’ailleurs de manière contradictoire signifié à Mme [O] [B] [F] le 27/06/2023 un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail , comme si Mme [O] [B] [F] était considérée locataire en titre , avec sommation de justifier de l’occupation du logement , et le même jour de décliner son identité et celle de tout occupant, alors que dans sa requête du 01/08/2024 , il indique avoir délivré un commandement de payer au « locataire » le 27/06/2023.

La date de libération des lieux doit être fixée à la date du 16/05/2024 , date des débats , en l’absence de demande d’expulsion par [Localité 6] HABITAT OPH envers quiconque.

En application des articles 1240 et suivants du code civil , l’indemnité d’occupation doit indemniser et compenser le préjudice né et actuel , résultant de l’occupation sans droit ni titre des lieux occupés .

En sollicitant le 01/08/2023 , une ordonnance sur le fondement de l’article 14-1 de la loi du 06/07/89 alors que le bail était résilié par l’effet du décès de M. [T] au [Date décès 1]2022 , et qu’il connaissait pourtant la renonciation par Mme [E] épouse [T] [N] à son droit au bail depuis le 09/02/2023 , [Localité 6] HABITAT OPH a concouru à son propre préjudice depuis cette date et jusqu’au 16/05/2024 . Par conséquent la demande indemnitaire ne peut être accueillie que jusqu’au 09/02/2023 envers Mme [O] [B] [F].

La demande de [Localité 6] HABITAT OPH envers Mme [E] épouse [T] [N] porte sur les loyers et indemnités dues au 01/03/2023 du fait de son droit à la cotitularité du bail , puis à compter de cette date porte sur les sommes dues au 02/04/2024 , du fait de sa qualité d’héritière du défunt sur le fondement de l’article 732 du code civil .

Mme [E] épouse [T] [N] soutient que l’article 8-2 de la loi du 06/07/89 introduit par la loi ELAN du 28/11/2018 doit trouver application, du fait que cette disposition est applicable si le bail n’a pas été résilié antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi , du fait de l’ordonnance de protection du juge des affaires familiales en sa faveur du 06/02/2018 , même si elle n’a pas notifié cette ordonnance au bailleur , puisque le bailleur en était informé et qu’il lui a consenti un bail pour un autre logement le 02/08/2018 à la suite des faits dont elle avait été victime. Elle fait valoir que le juge dans l’application des règles de procédure ne peut exiger le respect d’un excès de formalisme, qui porterait atteinte à l’équité du procès et aurait pour conséquence de compromettre les intérêts légitimes que la loi a entendu protéger , en se référant à la décision de la CEDH du 09/06/2022, 5ème section, n° 15567/20.
[Localité 6] HABITAT OPH fait valoir qu’il n’a pas reçu de notification de l’ordonnance de protection en faveur de Mme [E] épouse [T] [N] , que celle-ci n’a pas poursuivi de procédure de divorce, et n’ a pas donné congé, est qu’elle est conjointe successible en application de l’article 732 du code civil .

L’article 8-2 de la loi du 06/07/89 a pour objet en cas d’ordonnance de protection au bénéfice d’un conjoint victime de violence de son conjoint de mettre fin à la règle de solidarité vis-à-vis du bailleur du paiement des loyers et charges .
Elle impose pour ce faire à la charge du conjoint en faveur duquel la décision a été rendue de notifier cette ordonnance par LRAR au bailleur et la solidarité cesse au lendemain du jour de la première présentation de ce courrier au domicile du bailleur pour les dettes nées à compter de cette date.

Au cas présent il n’a pas été procédé à la notification par LRAR exigée par ce texte par Mme [E] épouse [T] [N]. Cependant ladite règle de notification est imposée à titre probatoire au conjoint en faveur duquel la décision de protection a été rendue , et n’est pas une condition de validité pour mettre fin à la solidarité. Une formalité ayant pour objet de mettre fin à un contrat impose qu’elle soit respectée dans sa forme légale, tel un congé ; mais la disposition qui n’ a pas pour finalité de mettre fin au contrat mais seulement à certains de ses effets, est exigée comme seule règle de preuve d’une date certaine de la diligence attendue.

Dans ces conditions le bailleur HLM qui a consenti un autre bail HLM à Mme [E] épouse [T] [N] le 02/08/2018 était nécessairement informé de la situation de Mme [E] épouse [T] [N] au moins à cette date . Il est d’ailleurs prohibé de disposer de deux baux HLM, et l’article 1104 du code civil dispose que le contrat doit être exécuté de bonne foi.

Par conséquent à compter du 02/08/2018 , la situation de violences subies par Mme [E] épouse [T] [N] et l’ordonnance de protection doit être considérée comme notifiée à [Localité 6] HABITAT OPH , qui en avait connaissance en concluant un nouveau bail .
Il n’existait donc plus de solidarité envers Mme [E] épouse [T] [N] depuis le 03/08/2018 pour les dettes nées à compter de cette date.

La demande de [Localité 6] HABITAT OPH pour des loyers ou indemnité d’occupation est fondée également sur sa situation d’héritière de M. [T] [C] , faute de divorce prononcé entre les époux avant le décès de celui-ci, sur le fondement de l’article 732 du code civil .
Or d’une part [Localité 6] HABITAT OPH ne rapporte pas de preuve de l’acceptation de la succession par Mme [E] épouse [T] [N] .
Et d’autre part , il sera retenu que le bail ayant pris fin au [Date décès 1]2022, la dette successorale ne peut porter que sur des loyers dus à cette date, alors que la solidarité des dettes de loyer avait déjà pris fin au 03/08/2018.
La demande au titre de loyers envers Mme [E] épouse [T] [N] est mal fondée , puisque si Mme [E] épouse [T] [N] pouvait le cas échéant bénéficier du droit au bail du conjoint survivant , elle y a renoncé pour ce logement.
La demande au titre d’indemnité d’occupation est également mal fondée du fait que Mme [E] épouse [T] [N] n’occupait pas les lieux , situation connue du bailleur depuis le nouveau bail du 02/08/2018.

[Localité 6] HABITAT OPH sera donc débouté de toute demande envers Mme [E] épouse [T] [N].

L’indemnité d’occupation sera fixée au montant du loyer et des charges qui auraient dû être payés si le bail s’était poursuivi, sans majoration.

Il convient donc de condamner Mme [O] [B] [F] seule à payer à [Localité 6] HABITAT OPH la somme de :

Du 10/07/2022 au 31/07/2022 : 22/31 x 449.81 = 319.22 euros Du mois d’août 2022 au mois de janvier 2023 : 3364.73 euros Du 01 au 09/02/2023 : 3810.02 +9/28 x 517.07, soit 166.20 euros ,
le total étant de 3850.15 euros due au titre des indemnités d’occupation au 09/02/2023, et ce , avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation.

Sur la demande de capitalisation des intérêts :
En application de l’article 1343-2 du code civil, il convient d’ordonner la capitalisation des intérêts dus sur une année entière à compter de l’assignation.

Sur la demande de délais de  Mme [O] [B] [F]:

En application de l'article 1343-5 du code civil, il peut être accordé des délais de paiement au débiteur en considération des besoins du créancier dans la limite de deux ans.

Mme [O] [B] [F] fait état de ses revenus de 1200 euros net , sans logement à ce jour . Elle demande de payer la dette par mensualités de 80 euros.

[Localité 6] HABITAT OPH conclut au débouté.

Il est justifié des revenus de Mme [O] [B] [F] qui est employée de maison . Elle mentionne une absence de logement avec une seule adresse postale chez son oncle. Elle justifie avoir tenté de régler en décembre 2022 et janvier 2023 l’indemnité d’occupation, ses virements étant rejetés pour « compte clôturé » .

Il convient de faire droit à sa demande de délais de paiement par mensualités de 160 euros .

Sur l’exécution provisoire :

L’exécution provisoire est de droit.

Sur les dépens et l’article 700 du Code de Procédure Civile :

Il y a lieu de condamner Mme [O] [B] [F] aux dépens et paiement à [Localité 6] HABITAT OPH de la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile , de débouter [Localité 6] HABITAT OPH de sa demande envers Mme [E] épouse [T] [N] en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

PAR CES MOTIFS:

Le juge des contentieux de la protection, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au Greffe :

DIT que le bail pour les lieux situés au [Adresse 5] , avec cave a pris fin au [Date décès 1]2022, date du décès de M. [T] [C]

DIT que Mme [O] [B] [F] est occupante sans droit ni titre des lieux depuis le 10/07/2022

CONSTATE que Mme [E] épouse [T] [N] a renoncé au droit au bail le 09/02/2023

DIT que la date de libération des lieux est fixée au 16/05/2024 , date des débats,en l’absence de demande d’expulsion de [Localité 6] HABITAT OPH envers quiconque

DEBOUTE [Localité 6] HABITAT OPH de sa demande de suppression du délai pour quitter les lieux de l’article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution

DEBOUTE [Localité 6] HABITAT OPH de sa demande sur le sort des meubles se trouvant dans le logement fondée sur les articles L433-1 et L433-3 du code des procédures civiles d'exécution

FIXE l’ indemnité d'occupation mensuelle due au montant du loyer et des charges qui auraient dû être payés si le bail s’était poursuivi, sans majoration, à compter du 10/07/2022 et jusqu’à libération effective des lieux

DIT que [Localité 6] HABITAT OPH a concouru à son propre préjudice depuis le 09/02/2023 jusqu’au 16/05/2024

DIT que la solidarité des dettes de loyers pour les lieux loués a cessé envers Mme [E] épouse [T] [N] à compter du 03/08/2018

DEBOUTE [Localité 6] HABITAT OPH de sa demande envers Mme [E] épouse [T] [N] au titre de l’indemnité d’occupation en qualité de conjoint successible de M.[T] [C]

En conséquence :

CONDAMNE Mme [O] [B] [F] seule à payer à [Localité 6] HABITAT OPH la somme de 3850.15 euros due au titre des indemnités d’occupation au 09/02/2023, et ce , avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation

ORDONNE la capitalisation des intérêts dus sur une année entière à compter de l’assignation.

AUTORISE Mme [O] [B] [F] à se libérer de la dette par 23 mensualités de 160 euros payable le 10 de chaque mois et pour la première fois le 10 du mois suivant la signification de la décision , la 24ème soldant la dette en principal et intérêts

DIT que le non-paiement d’une échéance à sa date rendrait immédiatement exigible le solde restant dû sans mise en demeure

DEBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions,

RAPPELLE l’exécution provisoire de droit

CONDAMNE Mme [O] [B] [F] aux dépens

CONDAMNE Mme [O] [B] [F] à payer à [Localité 6] HABITAT OPH la somme de 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile

DEBOUTE [Localité 6] HABITAT OPH de sa demande envers Mme [E] épouse [T] [N] en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/09579
Date de la décision : 16/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-16;23.09579 ?
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