La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/07/2024 | FRANCE | N°21/09765

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Loyers commerciaux, 16 juillet 2024, 21/09765


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




Loyers commerciaux


N° RG 21/09765
N° Portalis 352J-W-B7F-CU42W


N° MINUTE : 2

Assignation du :
21 Juillet 2021


Jugement de fixation



[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :








JUGEMENT
rendu le 16 Juillet 2024

DEMANDERESSE

S.A.R.L. BOULANGERIE O’ [Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]

représentée par Maître Agnès BAUVIN, avocate au barreau de PARIS, avocate plaidante, vestiaire #K0

086



DEFENDERESSE

S.C.I. LORY-HELIE
[Adresse 3]
[Localité 2]

représentée par Maître Amélie PINÇON, avocate au barreau de PARIS, avocate plaidante, vestiaire #R0021



COMPOSITION DU TRIBUNAL

Sabin...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

Loyers commerciaux


N° RG 21/09765
N° Portalis 352J-W-B7F-CU42W

N° MINUTE : 2

Assignation du :
21 Juillet 2021

Jugement de fixation

[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

JUGEMENT
rendu le 16 Juillet 2024

DEMANDERESSE

S.A.R.L. BOULANGERIE O’ [Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]

représentée par Maître Agnès BAUVIN, avocate au barreau de PARIS, avocate plaidante, vestiaire #K0086

DEFENDERESSE

S.C.I. LORY-HELIE
[Adresse 3]
[Localité 2]

représentée par Maître Amélie PINÇON, avocate au barreau de PARIS, avocate plaidante, vestiaire #R0021

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Sabine FORESTIER, Vice-présidente, Juge des loyers commerciaux
Siégeant en remplacement de Monsieur le Président du Tribunal judiciaire de Paris, conformément aux dispositions de l'article R.145-23 du code de commerce ;

assistée de Camille BERGER, Greffière

DEBATS

A l’audience du 15 Mai 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date 27 décembre 2017, la société LORY-HELIE a donné à bail commercial à la société BOULANGERIE O'[Adresse 5] des locaux dépendant d'un immeuble situé à [Localité 4], [Adresse 5], pour une durée de neuf ans du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2026, l'exercice de l'activité de « BOULANGERIE-PATISSERIE-CONFISERIE-GLACES-SALON DE THE-CHOCOLATS-TRAITEUR AVEC CONSOMMATION SUR PLACE OU A EMPORTER-SANDWICHES ET BOISSONS A EMPORTER (A L'EXCLUSION DES ALCOOLS FORTS) OU A CONSOMMER SUR PLACE » et un loyer annuel de 90.000 euros, hors taxes et hors charges.

Le 1er janvier 2021, en application de la clause de révision triennale stipulée au contrat de bail, la société LORY-HELIE a adressé à la société BOULANGERIE O'[Adresse 5] une facture de loyer mentionnant un loyer mensuel révisé de 7.869,54 euros hors taxes et hors charges, soit un loyer annuel révisé de 94.434,55 euros hors taxes et hors charges.

Par lettre de son avocat en date du 18 mars 2021, la société BOULANGERIE O'[Adresse 5] a sollicité de la société LORY-HELIE la révision du loyer annuel par application des articles L.145-37, L. 145-38 et R. 145-20 du code de commerce et sa fixation à la valeur locative, soit la somme de 65.200 euros hors taxes et hors charges, en raison d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10% de la valeur locative.

Par mémoire préalable notifié le 04 mai 2021 par lettre recommandée avec avis de réception, la société BOULANGERIE O'[Adresse 5] a sollicité la fixation du loyer révisé à la somme de 62.500 euros hors taxes et hors charges par an.
Puis, par acte d’huissier de justice signifié le 21 juillet 2021, la société BOULANGERIE O'[Adresse 5] a assigné la société LORY-HELIE à comparaître devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris.

Selon un jugement rendu le 21 avril 2022, le juge des loyers commerciaux a ordonné une expertise et désigné en qualité d'expert M. [J] [K] en lui donnant notamment pour misison de procéder à l'examen des faits allégués par les parties, notamment en ce qui concerne la modification des facteurs locaux de commercialité, et de rechercher la valeur locative des lieux loués à la date du 18 mars 2021 au regard des dispositions des articles L.145-33 et R.145-3 à R.145-8 du code de commerce.

L'expert a déposé son rapport le 10 février 2023.

Après renvoi à la demande des parties, l'affaire a été retenue à l'audience du juge des loyers commerciaux du 15 mai 2024 à laquelle la société BOULANGERIE O'[Adresse 5] et la société LORY-HELIE étaient représentées par leur avocat.

Dans son dernier mémoire régulièrement notifié, la société BOULANGERIE O'[Adresse 5] demande au juge des loyers commerciaux de :

- juger que le loyer du bail doit être révisé en fonction de la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité, entraînant une variation de plus de 10% de la valeur locative ;
- en conséquence, fixer le loyer révisé à la somme de 62.500 euros par an hors taxes et hors charges à compter du 18 mars 2021 ;
- condamnet la société LORY-HELIE à lui payer la somme de 97.699,75 euros TTC, à parfaire, au titre du remboursement des loyers trop versés entre le 18 mars 2021 et la date du jugement à intervenir, avec intérêt au taux légal, de plein droit à compter de la date d’effet du nouveau loyer ;
- condamner la société LORY-HELIE au paiement de la somme de 4.872,42 euros, à parfaire au jour du jugement à intervenir, au titre du dépôt de garantie trop versé, avec intérêt au taux légal, de plein droit à compter de la date d’effet du nouveau loyer ;
- ordonner la capitalisation des intérêts ;
- condamner la société LORY-HELIE au remboursement des frais d’expertise d’un montant de 4.069,57 euros TTC ;
- ordonner la capitalisation des intérêts ;
- rejeter toutes les demandes de la société LORY-HELIE.

Dans son dernier mémoire régulièrement notifié, la société LORY-HELIE demande au juge des loyers commerciaux de :

A titre principal,
- juger qu’il n’y a pas lieu à la révision triennale déplafonnée du loyer en raison de l’absence de modification des facteurs locaux de commercialité ayant entrainé une variation de plus de 10 % de la valeur locative ;

Par conséquent,
- rejeter la demande de révision du loyer formée par la société BOULANGERIE O’[Adresse 5] ;
A titre subsidiaire, s’il y avait lieu à révision triennale déplafonnée et que le loyer devait être fixé à la valeur locative,
- fixer le nouveau montant de loyer à la somme de 106.841,28 euros HT/HC à compter du 18 mars 2021 et condamner la société BOULANGERIE O’[Adresse 5] au paiement des intérêts de retard au taux d’intérêt légal à compter de cette même date avec capitalisation des intérêts jusqu’à parfait paiement ;
- juger que les prochaines révisions à intervenir en application de la clause de révision contractuelle triennale au sein du bail se feront ensuite tous les 3 ans à compter de cette même date ;
- juger que le montant du loyer déplafonné à effet du 18 mars 2024 sera révisé en tout état de cause à la somme de 123.426,15 euros HT/HC ;

En tout état de cause,
- rejeter les demandes de la société BOULANGERIE O’[Adresse 5] ;
- condamner la société BOULANGERIE O’[Adresse 5] à lui payer la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens et à supporter le coût des frais d’expertise ;
- ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir.

Les moyens développés par les parties à l’appui de leurs prétentions sont exposés dans les motifs du jugement.

L’affaire a été mise en délibéré au 16 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

1- Sur la demande de fixation du montant du loyer révisé

Selon l'article L 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux commerciaux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1- les caractéristiques du local concerné ;
2- la destination des lieux ;
3- les obligations respectives des parties ;
4- les facteurs locaux de commercialité ;
5- les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

En outre, en application de l'article L. 145-37 du même code, les loyers des baux d'immeubles ou de locaux régis par les dispositions du présent chapitre, renouvelés ou non, peuvent être révisés à la demande de l'une ou de l'autre des parties sous les réserves prévues aux articles L. 145-38 et L. 145-39 et dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.
En vertu de l'article R. 145-20, la demande de révision des loyers prévue à l'article L. 145-37 est formée par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Elle précise, à peine de nullité, le montant du loyer demandé ou offert. À défaut d'accord, la demande est jugée dans les conditions prévues aux articles L. 145-56 à L. 145-60. Le nouveau prix est dû à dater du jour de la demande.
Enfin, selon l’article L. 145-38, la demande en révision ne peut être formée que trois ans au moins après la date d'entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé. La révision du loyer prend effet à compter de la date de la demande en révision.

De nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable.

Par dérogation aux dispositions de l'article L. 145-33, et à moins que ne soit rapportée la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer. Dans le cas où cette preuve est rapportée, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

En aucun cas il n'est tenu compte, pour le calcul de la valeur locative, des investissements du preneur ni des plus ou moins-values résultant de sa gestion pendant la durée du bail en cours.

Il est acquis qu'en présence d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10% de la valeur locative, le loyer du bail révisé doit être fixé à la valeur locative, quel que soit le montant de celle-ci, même si ce dernier est inférieur au loyer en vigueur, et indépendamment du sens de la variation de l'indice. En outre, en l'absence de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10% de la valeur locative, le loyer révisé doit être fixé soit au montant du plafond résultant de la variation indiciaire lorsque la valeur locative est supérieure à celui-ci, soit à la valeur locative lorsque celle-ci se situe entre le montant du loyer en cours et celui du plafond résultant de la variation indiciaire, soit au montant du loyer en cours lorsque la valeur locative est inférieure à celui-ci, de sorte qu'il appartient au juge de rechercher en tout état de cause le montant de la valeur locative.

En l'espèce, les parties sont liées par un contrat de bail commercial conclu le 27 décembre 2017 pour une durée de neuf ans du 1er janvier 2018 au 31 décembre 2026.

C'est en outre par lettre de son avocat en date du 18 mars 2021 que la société BOULANGERIE O'[Adresse 5] a sollicité de la société LORY-HELIE la révision du loyer annuel, en précisant faire application des articles L. 145-37, L. 145-38 et R. 145-20 du code de commerce et en sollicitant la fixation du loyer à la valeur locative, qu'elle évaluait à la somme de 65.200 euros hors taxes et hors charges, en raison d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10% de la valeur locative.
Par conséquent, il convient de rechercher s'il existe une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10% de la valeur locative entre le 1er janvier 2018, date d'effet du bail, et le 18 mars 2021, date de la demande de révision du loyer.

1-1- Sur la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité

Sur le fondement de l'article L. 145-38 du code de commerce, la société BOULANGERIE O'[Adresse 5] invoque l'existence d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une évolution de plus de 10% de la valeur locative. Elle soutient que l'expert judiciaire a procédé à une étude de la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité qui est très insuffisante par rapport à celle réalisée par l'expert amiable, M. [H] [I], dont elle produit le rapport, lequel conclut à l'existence d'une telle modification. Elle mentionne les manifestations du mouvement des Gilets jaunes qui ont entraîné la fermeture des commerces de la rue durant plusieurs samedis, la crise sanitaire due à l'épidémie de covid-19 et le développement du télétravail qui ont entraîné une baisse des flux de biens et de personnes pendant la période concernée, le plan vigipirate porté au plus haut niveau d'alerte depuis le 29 octobre 2020, l'interdiction de la circulation automobile dans la partie de la rue située entre la [Adresse 8] et [Adresse 6] ainsi que la densification des pistes cyclables qui restreignent la circulation automobile et réduisent la zone de chalandise ainsi que l'impossiblité d'installer une terrasse. Elle précise que l'expert M. [H] [I] a démontré l'influence de cette modification sur la valeur locative ainsi que la variation de plus de 10% de la valeur locative en comparant les prix des loyers du secteur avec ceux de la date de fixation.

La société LORY-HELIE se réfère au rapport d'expertise judiciaire qui constate l'absence de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une évolution de plus de 10% de la valeur locative et prétend que le rapport d'expertise amiable est manifestement complaisant. Elle conteste chacun des éléments de la modification matérielle invoqués par la société BOULANGERIE O'[Adresse 5].

Sur ce,
Selon l'article R.145-6 du code de commerce, les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.

Selon l'expert, le [Localité 4] est un arrondissement recherché, dans lequel se trouvent de beaux immeubles et de nombreux hôtels particuliers. Les locaux dépendent d’un immeuble situé au sein du « triangle d'or », à l’angle de trois rues, [Adresse 5], [Adresse 1] et [Adresse 10], avec ouvertures sur la [Adresse 5] et la [Adresse 10]. L'expert précise qu'il s'agit d'un secteur fréquenté principalement par les salariés et les touristes. Les locaux se trouvent dans le deuxième tronçon de la [Adresse 5], à la fréquentation plus faible que celle des tronçons 1 et 2 et moins recherché commercialement. Le nombre d'enseignes nationales est plus faible que dans le deuxième tronçon et la commercialité s'oriente vers l'équipement de la maison. Les locaux sont desservis par la station de métro Saint Philippe du Roule, elle-même desservie par la ligne 9, située à 200 m environ et les autobus 52, 93, 28,32 et 80 dont les arrêts se trouvent entre 100 m et 230 m. Trois parcs de stationnement se situent à 350 m et 400 m.

Après avoir étudié l'évolution de la fréquentation du métro, des nouvelles constructions et de la commercialité ainsi que le développement du télétravail, l'expert conclut que ces éléments ne sont pas de nature à établir une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une modification de la valeur locative de plus de 10 % pour l’activité considérée, dans le secteur considéré et pour la période considérée. Il précise que la matérialité, qui implique une certaine durabilité du fait générateur, n’est pas prouvée. Selon lui, la modification des flux, ainsi que la fermeture des commerces pendant la période covid, ne sont pas des éléments tangibles et durables pouvant caractériser une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité.

L'expert indique en effet que la fréquentation de la station de métro Saint Philippe du Roule qui se trouve à 400 m des locaux loués apparaît au cours de la période étudiée en baisse constante (- 37%), ce qu'il explique par les divers confinements dus à l'épidémie de covid-19. En ce qui concerne les constructions neuves, l'expert en relève une, celle d'une immeuble à usage de bureaux, achevé le 1er août 2018, situé dans un rayon de 400 m des lieux loués et mentionne qu'il s'agit d'un nombre très faible qu'il qualifie de favorable pour le commerce considéré mais non notable. S'agissant de l'évolution de la commercialité du secteur, il fait état d'une baisse du nombre de commerces de l'ordre de 10% mais une petite hausse du nombre d'enseignes en précisant que cela ne constitue pas une évolution notable. En ce qui concerne le télétravail, l'expert déclare qu'il a pris une place certaine, entraînant une baisse de fréquentation, mais observe une relocalisation des entreprises qui s'étaient éloignées de [Localité 7] dans le quartier central des affaires. Il précise que le taux de vacance des bureaux due quartier central des affaires est très faible (environ 2%). Il ajoute que la clientèle naturelle d’une boulangerie est constituée de la population résidente et de la population de bureau et que celle-ci ne se situe pas dans une zone de passage naturelle des touristes.

En ce qui concerne les perturbations engendrées par le mouvement des gilets jaunes qui, selon la société BOULANGERIE O'[Adresse 5], ont provoqué la fermeture de la [Adresse 5] afin de protéger le palais de [Adresse 6] ainsi que celle des commerces de la rue et des stations de métro à proximité durant plusieurs samedis, il n'est pas rapporté la preuve qu'elles ont entraîné une modification matérielle et durable des facteurs locaux de commercialité. En effet, ces manifestations, d'ampleur nationale, n'ont pas affecté le seul secteur des locaux loués mais également d'autres quartiers de la ville ainsi que les zones commerciales des autres grandes villes du pays. En outre, elles ont perturbé le secteur des lieux loués essentiellement le samedi sans que celui-ci soit touché les autres jours de la semaine, étant relevé que la société LORY-HELIE soutient que la société BOULANGERIE O'[Adresse 5] n'exerce pas son activité ce jour-là. Enfin, le mouvement général a duré six mois, en ayant débuté en octobre 2028 pour s'atténuer à partir du mois de mars 2019, soit une période réduite sur les trois ans de la période considérée.

Il en est de même des conséquences des mesures gouvernementales prises en 2020 et 2021 pour lutter contre la propagation de l'épidémie de covid-19. Il n'est pas démontré par la société BOULANGERIE O'[Adresse 5] que la fermeture des commerces non essentiels, la restriction des déplacements de la population locale, nationale ou internationale et les couvre-feux, ont durablement modifié les facteurs locaux de commercialité alors que ces mesures concernaient l'ensemble du territoire national, que son commerce ne faisaient pas partie de la catégorie des commerces non essentiels et qu'elle a ainsi pu continuer à exercer son activité et à bénéficier de la clientèle des résidents du quartier, et qu'il ne se trouve pas dans la zone de passage des touristes ainsi que le relève l'expert.

En ce qui concerne le télétravail, il ressort des études produites par la société BOULANGERIE O'[Adresse 5] que son extension a été favorisée par l'épidémie de covid 19. En effet, si seulement 4% des salariés le pratiquait de manière régulière en 2019, c'est le cas de 27% des salariés en janvier 2021. Néanmoins, ce taux demeurant peu élevé et les pratiques étant très diversifiées, avec un faible taux de recours au télétravail excluant tout déplacement sur le lieu de travail, il ne peut être retenu que le développement du télétravail a entraîné une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité.

S'agissant de l'application du plan Vigipirate qui selon elle a été porté à son plus haut niveau d'alerte depuis le 29 octobre 2020, la société BOULANGERIE O'[Adresse 5] ne décrit absolument pas les dispositions du plan ni leurs conséquences sur la commercialité su secteur et l'activité exercée. Elle ne peut donc être retenue au titre de la modification matérielle des facteurs locaux de commercialité.

L'interdiction de la circulation entre la [Adresse 8] et la [Adresse 9] ne peut de même être retenue. Il ressort en effet du rapport de M. [H] [I], expert consulté par la société BOULANGERIE O'[Adresse 5] de sa propre initiative, que la mesure a été mise en oeuvre et développée de 2012 à 2017, soit antérieurement à la période considérée. Si la dernière modalité de l'interdiction, l'installation de plots électriques, a été mise en place au cours du premier trimestre 2018, il s'avère que ces plots ont simplement remplacés les barrières de sécurité qui empêchaient déjà les véhicules de circuler devant le palais de [Adresse 6] et qui avaient été mises en place en 2015.

La société BOULANGERIE O'[Adresse 5] invoque également la densification des pistes cyclables ainsi que le projet de RER V qui permettra selon elle de créer un réseau cyclable express. Cependant, un simple projet ne peut être retenu. S'agissant des pistes cyclables, il n'est pas établi que des pistes ont été créées dans le secteur des locaux loués durant la période de référence.

En ce qui concerne le refus de la Ville de [Localité 7] d'autoriser l'installation d'une terrasse ouverte, il apparaît que la société BOULANGERIE O'[Adresse 5] n'a jamais bénéficié d'un droit de terrasse puisque le bail a pris effet au 1er janvier 2018 et que la demande d'autorisation a été déposée le 18 janvier 2018 et refusée le 13 mars 2018. Elle ne peut donc invoquer à ce titre une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité.

S'agissant enfin de l'évolution de la fréquentation du métro, des nouvelles constructions et de la commercialité, l'analyse ci-dessus rappelée de l'expert sera retenue, étant observé que la société BOULANGERIE O'[Adresse 5] ne la critique pas précisément et qu'elle ne fait état que de l'insuffisance des critères relevés par l'expert pour y ajouter ceux ci-dessus étudiés.

Ainsi, aucune modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ne peut être retenue et, par conséquent, il n'y a pas lieu d'étudier l'existence d'une variation de plus de 10% de la valeur locative.

1-2- Sur le loyer révisé

Il est rappelé qu'en l'absence de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10% de la valeur locative, le loyer révisé doit être fixé soit au montant du plafond résultant de la variation indiciaire lorsque la valeur locative est supérieure à celui-ci, soit à la valeur locative lorsque celle-ci se situe entre le montant du loyer en cours et celui du plafond résultant de la variation indiciaire, soit au montant du loyer en cours lorsque la valeur locative est inférieure à celui-ci, de sorte qu'il appartient au juge de rechercher en tout état de cause le montant de la valeur locative.

1-2-1- Sur le montant du loyer révisé plafonné

Selon l'article L. 145-38 du code de commerce rappelé dans les développements précédents, le loyer révisé plafonné résulte de la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer.
Dès lors, le loyer s'établit ainsi :
90.000 (loyer initial) x 115,42 (dernier indice des loyers commerciaux publié au 18 mars 2021 soit celui du 2ème trimestre 2020) /101 ( indice publié à la date de prise d'effet du bail expiré, soit celui du 2ème trimestre 2017) = 94.434,54 euros.
Le montant du loyer révisé plafonné est fixé à la somme de 94.434,54 euros.

1-2-2- Sur le montant de la valeur locative de révision

Selon l'article L 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux commerciaux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :
1- les caractéristiques du local concerné ;
2- la destination des lieux ;
3- les obligations respectives des parties ;
4- les facteurs locaux de commercialité ;
5- les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Les articles R 145-2 à R 145-11 du code de commerce précisent la consistance de ces éléments.

a) Sur les caractéristiques du local

Selon l'article R. 145-3 du code de commerce, les caractéristiques propres au local s'apprécient en considération :
1° De sa situation dans l'immeuble où il se trouve, de sa surface et de son volume, de la commodité de son accès pour le public ;
2° De l'importance des surfaces respectivement affectées à la réception du public, à l'exploitation ou à chacune des activités diverses qui sont exercées dans les lieux ;
3° De ses dimensions, de la conformation de chaque partie et de son adaptation à la forme d'activité qui y est exercée ;
4° De l'état d'entretien, de vétusté ou de salubrité et de la conformité aux normes exigées par la législation du travail ;
5° De la nature et de l'état des équipements et des moyens d'exploitation mis à la disposition du locataire.

L'article R.145-4 du même code dispose que les caractéristiques propres au local peuvent être affectées par des éléments extrinsèques constitués par des locaux accessoires, des locaux annexes ou des dépendances, donnés en location par le même bailleur et susceptibles d'une utilisation conjointe avec les locaux principaux.

Lorsque les lieux loués comportent une partie affectée à l'habitation, la valeur locative de celle-ci est déterminée par comparaison avec les prix pratiqués pour des locaux d'habitation analogues faisant l'objet d'une location nouvelle, majorés ou minorés, pour tenir compte des avantages ou des inconvénients présentés par leur intégration dans un tout commercial.

- Sur la description du local

Selon l'expert, l'immeuble est élevé sur sous-sol, d’un rez-de-chaussée, de cinq étages droits et d’un sixième étage mansardé sous combles sous brisis ardoise, avec balcon filant au cinquième étage, terrasse au premier étage sur la [Adresse 5] avec retrait de la façade des étages deux à cinq, l'ensemble étant édifié sur une parcelle de 336 m² environ.

L'expert décrit les locaux ainsi qu'il suit :
- accès à la boulangerie côté rue du Colisée par une porte vitrée à simple battant donnant sur le comptoir à droite avec exposition des viennoiseries et des pâtisseries ; une première vitrine avec exposition des plats/desserts/ boisson ; deuxième vitrine avec exposition de boissons. Sol carrelé. Murs avec revêtement mélaminé. Plafond avec spots intégrés et luminaires suspendus.
- salle côté [Adresse 5] pouvant accueillir 16 places avec sortie de la boulangerie par une porte vitrée également à simple battant ; vitrines sur les 3 rues.
- depuis derrière le comptoir, accès à l’arrière-boutique également accessible depuis la [Adresse 1] par une porte en bois ; sol et murs carrelés.
- accès au sous-sol par un escalier métallique ¼ tourant : à gauche, accessible par 4 marches, cuisine carrelée avec monte charges ; à droite, salle de préparation avec four ; armoires ; plan de travail en granit ; sol carrelé.

Les locaux sont en très bon état d’usage et d’entretien ; installations de très bonne facture.
- à droite, accès à l’appartement donnant sur : pièce principale avec sol carrelé et murs peints ; cuisine ouverte sur la pièce principale éclairée sur la [Adresse 5], évier simple, plaque vitro, four et micro-ondes encastrés.
- à gauche, sur la [Adresse 10], bureau avec sol carrelé et murs peints avec placard ; sanitaires; sol et murs carrelés.
- à droite, dégagement sur la [Adresse 1] permettant l’accès à la chambre avec sol carrelé et murs peints ; placard ; salle d’eau entièrement carrelée avec meuble vasque, douche, sèche-serviettes et placard.
- vestiaires hommes et femmes avec sol carrelé ; lave mains ; sanitaires entièrement carrelés ; réserve sèche avec sol carrelé ; Sans jour.
Appartement en très bon état avec de belles prestations ; fenêtres en PVC double vitrage.

Cette description doit être retenue dès lors que les parties ne la contestent pas.

- Sur la surface

La société BOULANGERIE O'[Adresse 5] conteste la pondération appliquée par l'expert et évalue la surface pondérée des locaux à 69,36 m². Elle expose que l' expert fait apparaître la zone d’angle sous forme de losange, alors qu’elle doit être matérialisée par un triangle selon la Charte de l’expertise. Elle ajoute qu'il ne tient pas compte de la présence de trois poteaux en vitrine qui gênent la visibilité. Elle indique également que l'expert a retenu un coefficiant de 1,20 et non 1,10 pour tenir compte de la très bonne visibilité des locaux en angle, tout en indiquant également que la [Adresse 5] ainsi que les deux rues adjacentes sont relativement peu passantes dans cette zone, ce qui est contradictoire puisque cela minimise considérablement l’effet d’angle. Elle invoque enfin que la totalité du sous-sol doit être pondérée au coefficient 0,25 compte de son accès difficile.

La société LORY-HELIE soutient que la surface de la partie commerciale retenue par l'expert est inexacte et l'évalue à 135,39 m². Elle retient une surface pondérée de 99,98 m² qu'elle arrondit à 100 m². Elle considère que la boutique bénéficie de deux zones d'angle puisqu'elle fait l'angle de trois rues et qu'il y a donc lieu d'appliquer le coefficient maximum de 1,30.

Sur ce,
En vertu de la 5ème édition de la Charte de l’expertise en évaluation immobilière (édition de mars 2017), la surface utile brute d’un local correspond à la surface de plancher de la construction après déduction des éléments structuraux (tels poteaux, murs extérieurs ou refends) et des circulations verticales, et le principe de pondération consiste à ramener les différentes catégories de surfaces réelles, selon leur intérêt, à une surface courante ou étalon en appliquant des coefficients de pondération, permettant de comparer des locaux qui ne sont pas facilement comparables entre eux (façade, niveaux, surfaces de nature différente). Pour les commerces de centre-ville, la surface pondérée est établie à partir de la surface utile brute en décomposant celle-ci en zones affectées de coefficients variant en fonction de leur intérêt commercial (surface de vente, réserves, etc.)

En ce qui concerne le local commercial, l' expert fixe la surface utile à 138,76 m².
Cette surface sera retenue dès lors que, d'une part, l'expert a fixé la surface conformément au certificat de superficie au sol établi le 12 juillet 2022 par la société GEOMETRIS, géomètre-expert et, d'autre part, la société LORY-HELIE n'explique pas pour quel motif il conviendrait de retenir une superficie de 135,39 m².
Après application de la méthode définie par la Charte de l'expertise en évaluation immobilière et des coefficients suivants, l'expert évalue la surface pondérée à 82,06 m² :
L 'expert a délimité la zone d'angle par deux triangles isocèles de 5 m de côté environ, soit une surface totale de 21 m², compte tenu de l'angle avec pan coupé, en lui appliquant un coefficient de pondération de 1,20 afin de tenir compte de la très bonne visibilité des locaux, tout en mentionnant que la [Adresse 5] et les deux rues adjacentes sont relativement peu passantes dans cette zone. Cependant, en application de la Charte de l'expertise, l'usage est d'affecter la surface de l'angle d'un coefficient de 1,10 à 1,30, dans la seule limite d'un triangle isocèle de 5 m de côté, et non de plusieurs triangles selon la superficie de la zone. En outre, seul « l'effet vitrine » doit être pris en considération pour l'appréciation du coefficient de majoration, puisque cette dernière s'appuie sur des critères strictemment immobiliers, à l'exclusion du caractère passant de la rue qui relève de l'appréciation des facteurs locaux de commercialité. La pondération doit donc rectifiée sur cette base. La surface utile de la zone d'angle doit être fixée à 11 m2 et affectée d'un coefficient de 1,20 compte tenu du linéaire de vitrine dans chacune des trois rues qui permet à la surface de bénéficier d'un éclairage plus important et d'une très bonne visibilité attractive depuis chacune des rues. La surface restante doit être fixée à 35,9 m² et affectée d'un coefficient1car placée dans les 5 m de la vitrine. L'annexe demeure sans changement.

S'agissant du sous-sol, les fournil et laboratoire doivent être affectés du coefficient 0,25 dès lors qu'ils constituent des annexes reliées par une échelle de meunier mais aussi un monte-charges. La pondération étant strictemment immobilière ainsi que cela a été rappelé ci-dessus, il n'y a pas à prendre en compte l'affectation du local dans l' appréciation du coefficient.
Les autres pondérations n'ont pas à être corrigées puisqu'elles ont été appréciées par l'expert dans le respect de la Charte de l'expertise en évaluation immobilière et des caractéristiques des locaux.

En ce qui concerne l'appartement, il convient de retenir la surface de 59,66 m² que les parties ne contestent pas.
La surface pondérée du local commercial et la surface de l'appartement s'évaluent donc ainsi :

Désignation
Surface utile
Coefficient de pondération
Surface pondérée
Rez-de-chaussée

Zone d'angle
11,00 m²
1
13,20 m²P
Zone 1
35,90 m²
1
35,90 m²P
Annexe-entrée de service
6,91 m²
0
2,76 m²P
Total rdc
53,81 m²

51,86 m²P
Entresol

Vestiaires 1 et 2
WC 1 et 2
Réserve/dégagement
12,86 m²
0
2,57 m²P
Sous-sol

Fournil-laboratoire 2
39,31 m²
0
9,83 m²
Laboratoire 1
26,85 m²
0
6,71 m²P
Réserve
2,02 m²
0
0,30 m²P
Cave
3,91 m²
0
0,39 m²P
Total sous-sol
72,09 m²

17,23 m²P
Total
138,76 m²

71,66 m²P
1er étage- appartement
59,66 m²

b) Sur la destination des lieux

L'article R.145-5 du code de commerce dispose que la destination des lieux est celle autorisée par le bail et ses avenants ou par le tribunal dans les cas prévus aux articles L. 145-47 à L. 145-55 et L. 642-7.
Selon le contrat de bail, le local est destiné à l'exercice de l'activité « BOULANGERIE-PATISSERIE-CONFISERIE-GLACES-SALON DE THE-CHOCOLATS-TRAITEUR AVEC CONSOMMATION SUR PLACE OU A EMPORTER-SANDWICHES ET BOISSONS A EMPORTER (A L'EXCLUSION DES ALCOOLS FORTS) OU A CONSOMMER SUR PLACE », ce qui constitue une destination large et avantageuse pour l'activité exercée.

c) Sur les facteurs locaux de commercialité

L'article R.145-6 du code de commerce dispose que les facteurs locaux de commercialité dépendent principalement de l'intérêt que présente, pour le commerce considéré, l'importance de la ville, du quartier ou de la rue où il est situé, du lieu de son implantation, de la répartition des diverses activités dans le voisinage, des moyens de transport, de l'attrait particulier ou des sujétions que peut présenter l'emplacement pour l'activité considérée et des modifications que ces éléments subissent d'une manière durable ou provisoire.

En l'espèce, les facteurs locaux de commercialité sont étudiés dans les développements précédents relatifs à leur modification.
Ainsi que l'a retenu l'expert, les locaux loués bénéficient d'un bon emplacement pour l'activité exercée.

d) Sur les prix couramment pratiqués dans le voisinage pour les locaux commerciaux et la valeur locative unitaire

La société BOULANGERIE O'[Adresse 5] soutient que la valeur locative unitaire doit être fixée à 700 euros/m²P afin de tenir compte de l'état réel du marché après la crise sanitaire.
La société LORY-HELIE indique ne pas contester la valeur unitaire de 825 euros/m²P retenue par l'expert.

Sur ce,
L'article R.145-7 du code de commerce dispose que les prix couramment pratiqués dans le voisinage, par unité de surfaces, concernent des locaux équivalents eu égard à l'ensemble des éléments mentionnés aux articles R.145-3 à R. 145-6.

A défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.

Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.

L'expert se réfère aux loyers de comparaison suivants :
- quatre références de loyers fixés judiciairement de 770 euros à 1.000 euros/m²P, de surfaces de 57 m²P à 84,29 m²P, dans lesquels sont exercées des activités de galerie d'art, café-restaurant, salon de thé et boulangerie-pâtisserie-traiteur, avec des dates de renouvellements à effet du 1er janvier 2013 au 1er octobre 2014 ;
- deux références de loyers de renouvellement fixés amiablement de 730 euros et 909 /m²P, de surfaces de 121 m²P et 155 m²P, dans lesquels sont exercées des activités de café-bar-brasserie et café-bar- restaurant, avec des baux conclus en janvier 2016 et avril 2020 ;
- dix références de nouvelle locations de 800 euros à 1.300 euros/m²P, pour des locaux, de surfaces de 28 m²P à 82 m²P, dans lesquels sont exercées des activités de restauration, salad bar, restauration rapide, avec des baux conclus entre mai 2015 et janvier 2019.

Il retient une valeur locative de 825 euros/m²P/an compte tenu des références relevées, de l'activité exercée, de la situation et de la surface des locaux, dans un quartier à fort pouvoir d'achat mais à l'écart des zones de chalandise plus importantes et de leur configuration avec notamment vitrines à l'angle des trois voies. Il précise également avoir tenu compte de la tendance générale de l'économie au jour de la révision.

Il y a lieu, d'une part, d'exclure les références qui ne sont pas pertinentes à savoir les références de loyers dont la date d'effet antérieure à 2017 est trop éloignée de la date de la révision considérée, d'autre part, de moduler à la baisse les références de loyers de première location qui sont usuellement fixés à la valeur locative de marché plus élevée que la valeur locative du code de commerce et, enfin, de tenir compte de l'incertitude qui existait au mois de mars 2021 quant à l'évolution de l'épidémie de covid-19 et à la reprise de l'activité économique.

Eu égard en outre aux éléments étudiés dans les développements précédents, il convient de retenir la valeur locative unitaire de 825 euros/m²P/an proposée par l'expert.

e) Sur la valeur locative de l'appartement

La société BOULANGERIE O'[Adresse 5] fait état d'une valeur locative de 350 euros/m² et par an.
La société LORY-HELIE estime qu'il ressort des différentes offres de location que le prix au m² par an dans le 8ème arrondissement de la ville s'élève à 408 euros. Elle s'oppose à l'application d'un abattement de 5% pour tenir compte que cet appartement est lié à un bail commercial en soutenant que cet abattement n'est pas d'usage.

Sur ce,
Selon l'article R.545-4 du code de commerce, lorsque les lieux loués comportent une partie affectée à l'habitation, la valeur locative de celle-ci est déterminée par comparaison avec les prix pratiqués pour des locaux d'habitation analogues faisant l'objet d'une location nouvelle, majorés ou minorés, pour tenir compte des avantages ou des inconvénients présentés par leur intégration dans un tout commercial.

Pour l'appartement, l'expert retient une valeur locative mensuelle de 30 euros/m² en indiquant s'être basé sur le loyer de référence dans le cadre de l'encadrement des loyers à [Localité 7] et avoir tenu compte de la très bonne localisation de l'appartement, de sa bonne distribution et de la qualité et de l'état des installations. Il précise qu'il convient d'appliquer à cette valeur locative un abattement de 5% afin de tenir compte du fait que l'appartement est lié à un bail commercial.

Il est en outre relevé que l'appartement se compose d'une pièce principale avec cuisine ouverte, d'un bureau avec sanitaires et d'une chambre avec salle de bains. L'accès se fait à partir du local commercial, par un escalier en bois donnant sur un dégagement.

Selon les références de l'OLAP mentionnées par l'expert, pour le quartier administratif dans lequel se trouve l'appartement, la période du 1er juillet 2020 au 30 juin 2021 et un appartement de deux pièces, non meublé et construit avant 1946, le loyer de référence s'élève à 28,20 euros/m², le loyer de référence minoré à 19,7 euros/m² et le loyer de référence majoré à 33,8 euros/m².

Eu égard aux caractéristiques de l'appartement et aux références de loyer visées par l'expert, le loyer sera fixé à 30 euros/m².

Il conviendra en outre d'appliquer un abattement de 5% afin de tenir compte de l'absence d'accès indépendant à l'appartement par les parties commune de l'immeuble.

f) Sur l'incidence des obligations respectives des parties

La société BOULANGERIE O'[Adresse 5] demande l'application des abattements déterminés par l'expert afin de tenir compte de la clause du bail exorbitante du droit commun mettant à la charge du preneur les travaux prescrits par l'autorité administrative ainsi que de la clause d'accession. Elle sollicite également que la taxe foncière mise à sa charge soit déduite de la valeur locative en application de l'article R.145-8 du code de commerce.

La société LORY-HELIE s'oppose à la déduction de la taxe foncière en soutenant qu'il est désormais d'usage de la mettre à la charge du preneur et que le prix fixé par l'expert en tient déjà compte eu égard à cet usage pour les locaux bénéficiant d'un très bon emplacement. Elle prétend également que la clause du bail mettant à la charge du preneur les travaux prescrits par l'autorité administrative est une clause usuelle qui ne justifie pas l'abattement de 3% appliqué par l'expert. Elle indique enfin qu'il en est de même en ce qui concerne la clause d'accession qui étant une clause habituelle et de droit commun ne justifie pas l'abattement de 10% pratiqué par l'expert.

Sur ce,
L'article R.145-8 du code de commerce dispose que du point de vue des obligations respectives des parties, les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l'acceptation d'un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.

En outre, il ressort de l'article R. 145-35 du même code que peuvent être imputés au locataire la taxe foncière et les taxes additionnelles à la taxe foncière ainsi que les impôts, taxes et redevances liés à l'usage du local ou de l'immeuble ou à un service dont le locataire bénéficie directement ou indirectement.

Selon l'article R. 145-35 ne peuvent être imputés au locataire, d'une part, les dépenses relatives aux grosses réparations mentionnées à l'article 606 du code civil ainsi que, le cas échéant, les honoraires liés à la réalisation de ces travaux, et, d'autre part, les dépenses relatives aux travaux ayant pour objet de remédier à la vétusté ou de mettre en conformité avec la réglementation le bien loué ou l'immeuble dans lequel il se trouve, dès lors qu'ils relèvent des grosses réparations mentionnées à l'alinéa précédent.

Enfin, il ressort de l'article 1719 du code civil selon lequel le bailleur est tenu de délivrer des locaux en état de servir à l'usage pour lequel ils ont été livrés, qu'il lui incombe d'effectuer les travaux de mise en conformité des locaux avec la réglementation qui leur est applicable.

- Sur la clause d'accession
En l'espèce le contrat de bail stipule que le preneur à la charge : « 5°- De ne rien faire ou laisser faire qui puisse détériorer les lieux ni en diminuer la valeur, d'abandonner en l'état en fin de bail l'ensemble des travaux, aménagements, cloisonnements même amovibles, installations mêmes électriques, de chauffage, de climatisation, de téléphone ou autrement; lesquels seront de plein droit acquis au BAILLEUR sans indemnité, sauf à devoir à la demande de ce dernier remettre en tout ou partie les lieux dans l'état où ils existaient le jour où la location e commencé. Dans ce dernier cas, le PRENEUR sera redevable des travaux, à ce nécessaires, les exécutera avant sa sortie sous le contrôle de l'Architecte qui lui sera indiqué et en acquittera le coût. »

Cette clause doit s'interpréter comme prévoyant que les travaux effectués par le locataire feront accession au bailleur en fin de jouissance dès lors que la remise en état des locaux qui peut être exigée par le bailleur ne peut pas être réalisée s'il y a renouvellement du bail.

Cependant, il n'est pas allégué ni rapporté la preuve que la société BOULANGERIE O'[Adresse 5] aurait réalisé des travaux dont il ne pourrait pas être tenu compte dans l'appréciation de la valeur locative et que l'expert aurait ainsi fixé la valeur locative au regard de l'état des locaux après réalisation de travaux n'ayant pas fait accession au bailleur.

Par conséquent, il n'y a pas lieu à application d'un abattement sur la valeur locative.

- Sur l'abattement au titre du transfert au preneur du paiement de la taxe foncière
Le contrat de bail stipule : « 9°- (...) La Taxe foncière sera supportée par le PRENEUR. »
Si le contrat de bail peut valablement mettre la taxe foncière à la charge du preneur, il demeure qu'elle incombe légalement au bailleur et que son transfert au preneur constitue donc une stipulation exorbitante du droit commun qui doit être prise en compte dans l'appréciation de la valeur locative.
Cependant, il ressort des explications de l'expert qu'il est d'usage de transférer la taxe foncière à la charge du preneur pour les locaux bénéficiant de très bons emplacements et qu'il a, par conséquent et compte tenu de la qualité de l'emplacement des locaux loués, apprécié la valeur locative en tenant compte de la charge de la taxe foncière pour le preneur.

Dans ces conditions, appliquer un abattement reviendrait à tenir compte deux fois de cette charge dans l'appréciation de la valeur locative.

Il n'y a donc pas lieu à application d'un abattement.

- Sur l'abattement au titre de la clause de transfert au preneur des travaux de mise en conformité

Le contrat de bail demande au preneur : “ 2°-De faire son affaire personnelle pendant tout le cours du bail, à ses frais et sans partage, de la mise en conformité des lieux ainsi que de leurs installations, équipements, aménagements, agencements, aménagements et services avec la réglementation en vigueur et ce tant en matière d'hygiène que de salubrité, de sécurité ou autrement, quelles qu'en soit les conséquences ou le coût, et qu'il s'agisse de dispositions générales ou seulement particulières à son activité, le tout de manière à ce que le BAILLEUR ne soit jamais inquiété, ni recherché à ce sujet”.

La clause par laquelle le bailleur se décharge sur le locataire de son obligation de réaliser les travaux de mise en conformité constitue également une clause exorbitante du droit commun et par conséquent un facteur de diminution de la valeur locative.
La société LORY-HELIE ne rapporte pas la preuve qu'il est d'usage de prévoir une telle clause dans les contrats et l'expert ne mentionne d'ailleurs pas cet usage.

Ainsi, il y aura lieu d'appliquer un abattement de 3% sur le montant de la valeur locative.
*****

Par conséquent, la valeur locative de révision au 18 mars 2021 doit être fixée ainsi qu'il suit :
- valeur locative du local commercial 825 euros x 71,66 m²P = 59.119,50 euros
- valeur locative de l'appartement 30 euros x 59,33 m² x 12 = 21.477,60 euros
- abattement de 5% pour absence d'accès indépendant 21.477,60 x 3% = - 644,33 euros
soit une valeur locative de révision brute de 79.952,77 euros,
- abattement de 3% pour transfert des travaux de mise en conformité
79.952,77 x 3 % = - 2.398, 58 euros

soit une valeur locative de révision totale, hors taxes et hors charges de 77.554,19 euros.

1-2-3- Sur le montant du loyer révisé

En l'absence de modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné une variation de plus de 10% de la valeur locative et la valeur locative de révision de 77.554,19 euros étant inférieure au montant du loyer en cours de 90.000 euros, le loyer révisé au 18 mars 2021 doit être fixé à la somme de 90.000 euros.

En application des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil, des intérêts ont éventuellement couru sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer finalement dû, à compter du 21 juillet 2021, date de l'assignation, puis au fur et à mesure des échéances échues et, en application des dispositions de l'article 1231-6 du code civil, les intérêts dus pour une année entière doivent être capitalisés.

2- Sur les demandes de condamnation en paiement

L'article R. 145-23 du code de commerce précise que les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace.

Il n'appartient pas au juge des loyers commerciaux de condamner le bailleur au remboursement d'un éventuel trop-perçu de loyer et de dépôt de garantie, sa compétence étant strictement limitée à la fixation du loyer renouvelé ou révisé en application des dispositions précitées.

Les demandes en ce sens de la société BOULANGERIE O'[Adresse 5] seront donc rejetées.

3- Sur la demande relatives aux futures révisions triennales

La société LORY-HELIE demande qu'il soit jugé que les prochaines révisions triennales se feront tous les trois ans « à compter de cette même date ».

Il n'y a pas lieu de statuer sur cette demande qui ne constitue pas une prétention au sens de l'article 4 du code de procédure civile dans la mesure où, d'une part, il n'est pas demandé au juge de trancher un litige sur ce point et, d'autre part, il appartiendra au juge qui sera saisi d'une future demande de fixation du loyer révisé de se pronconcer sur sa recevabilité, notamment eu égard au respect du délai de trois ans.
4- Sur les demandes accessoires

En vertu de l'article 696 du code de procédure civile, la procédure et l’expertise ayant été nécessaires pour fixer les droits respectifs des parties, il y aura lieu d’ordonner le partage des dépens, en ce inclus les frais d’expertise, par moitié entre les parties.

Compte tenu du partage des dépens ordonné, les demandes des parties formées en application de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

Le juge des loyers commerciaux, statuant après débats publics, par jugement contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe,

Fixe à la somme de 90.000 euros, hors charges et hors taxes, à compter du 18 mars 2021, le loyer annuel révisé du bail conclu entre la société LORY-HELIE et la société BOULANGERIE O'[Adresse 5] pour les locaux situés à [Localité 4], [Adresse 5] ;

Dit qu’ont couru des intérêts au taux légal sur le différentiel entre le loyer effectivement acquitté et le loyer dû, à compter du 21 juillet 2021 pour les loyers échus avant cette date, puis à compter de chaque échéance contractuelle pour les loyers échus postérieurement à cette date, avec capitalisation pour les intérêts échus et dus au moins pour une année entière ;

Rejette les demandes de la société BOULANGERIE O'[Adresse 5] de condamnation de la société LORY-HELIE à lui rembourser un trop-perçu de loyer et un trop-perçu de dépôt de garantie ;

Partage les dépens, en ce inclus les frais d’expertise, par moitié entre les parties ;

Rejette les demandes des parties formées en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à PARIS, le 16 juillet 2024.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
C. BERGER S. FORESTIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Loyers commerciaux
Numéro d'arrêt : 21/09765
Date de la décision : 16/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-16;21.09765 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award