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16/07/2024 | FRANCE | N°21/09724

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 18° chambre 1ère section, 16 juillet 2024, 21/09724


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




18° chambre
1ère section

N° RG 21/09724 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU4PT

N° MINUTE : 1

contradictoire

Assignation du :
10 Juin 2021









JUGEMENT
rendu le 16 Juillet 2024


DEMANDERESSE

Madame [I] [F] veuve [N]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Me Jean-Christophe BONTE CAZALS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1241




DÉFENDERESSEr>
Société LES EDITIONS CERCLE D’ART
[Adresse 1]
[Localité 5]


représentée par Maître Jean-François VEROUX de la SELEURL VEROUX ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #L0232





Décision du 1...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

18° chambre
1ère section

N° RG 21/09724 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU4PT

N° MINUTE : 1

contradictoire

Assignation du :
10 Juin 2021

JUGEMENT
rendu le 16 Juillet 2024

DEMANDERESSE

Madame [I] [F] veuve [N]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Me Jean-Christophe BONTE CAZALS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1241

DÉFENDERESSE

Société LES EDITIONS CERCLE D’ART
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Jean-François VEROUX de la SELEURL VEROUX ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #L0232

Décision du 16 Juillet 2024
18° chambre 1ère section
N° RG 21/09724 - N° Portalis 352J-W-B7F-CU4PT

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Sophie GUILLARME, 1ère Vice-présidente adjointe,
Monsieur Jean-Christophe DUTON, Vice-président,
Madame Diana SANTOS CHAVES, Juge,

assistés de Madame Manon PLURIEL, Greffière, lors des débats et de Monsieur Christian GUINAND, Greffier principal, lors de la mise à disposition au greffe,

DÉBATS

A l’audience du 19 Mars 2024, tenue en audience publique devant Madame Diana SANTOS CHAVES, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
Avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.
Puis, le délibéré a été prorogé jusqu’au 16 juillet 2024.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

Par acte authentique reçu par Me [D] [K], notaire à [Localité 6], en date du 1er janvier 1991, [M] [G], épouse [N] - aux droits de laquelle se trouve Mme [I] [F], veuve [N] en qualité d’usufruitière de son défunt mari, [L] [N] - a donné à bail à la SA Editions Cercle d’Art, des locaux commerciaux situés [Adresse 2] à [Localité 7], pour une durée de 9 ans à compter du 1er juillet 1991, moyennant un loyer principal annuel de 400.000 francs (60.975 euros), hors charges et hors taxes, payable trimestriellement et d’avance.

Le bail a été consenti pour l’activité exclusive suivante : « l’édition et la librairie en général, et notamment d’édition d’ouvrages sur les arts, gravures et reproductions ainsi que l’organisation de toutes manifestations culturelles, intellectuelles ou artistiques, conférences, expositions, le tout lié à l’activité d’édition ».

Aux termes de sept avenants conclus en 1991, 1993, 1996, 1997, 1998, 2000 et 2004, des remises de loyers ont été successivement consenties à la société locataire.

Aux termes de l’avenant n° 7 du 24 septembre 2004, une remise de loyers a été consentie pour les années 2004 et 2005, et le loyer a été contractuellement fixé à 78.115,16 euros en tenant compte de la clause d’indexation.

A son échéance, le bail s’est poursuivi par tacite prolongation jusqu’à la restitution des locaux par la société Editions Cercle d’Art le 1er février 2021.

Estimant que la société locataire n’avait pas réglé les loyers contractuellement convenus après le 31 décembre 2005, par courrier recommandé en date du 10 mars 2021, Mme [N] a mis en demeure la société Editions Cercle d’Art de payer les sommes dues au titre des régularisations de loyers pour les cinq années précédentes considérées non prescrites.

Par acte extrajudiciaire du 10 juin 2021, Mme [N] a assigné la société Editions Cercle d’Art devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins principales de paiement d’arriérés de loyers et de charges.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 février 2022, Mme [N] demande au tribunal, au visa des articles 1103 (ancien 1134), 1104 et 2224 du code civil, de :
- condamner la société Editions Cercle D'art à lui payer la somme de 129.834,62 euros au titre des rappels de loyers pour la période de juillet 2016 à janvier 2021,
- la condamner à payer la somme de 14.825,98 euros au titre des rappels de charges pour les années 2016 à 2020,
- condamner la défenderesse à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
- la condamner au paiement des entiers dépens.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 octobre 2021, la société Editions Cercle d’Art demande au tribunal, au visa des articles 2222 alinéa 2 et 2224 du code civil et 122 du code de procédure civile, de :
- dire et juger que la demande de Mme [N] est prescrite depuis le 19 juin 2013,
- déclarer cette demande irrecevable et, par voie de conséquence,
- débouter la demanderesse de l’ensemble de ses demandes,
Subsidiairement, au fond :
- dire et juger que la demanderesse ne justifie pas du montant du loyer de base susceptible d’être indexé sur la période 2016-2020,
- dire et juger que l’article XIII du contrat de bail du 10 juillet 1991 est entaché de nullité, compte tenu de son imprécision et ce, en vertu des dispositions de l’article 1162 ancien du code civil, comme de la jurisprudence de la Cour de Cassation, ainsi que pour être contraire aux dispositions d’ordre public de la loi du 18 juin 2014,
- débouter en conséquence Mme [N] de l’ensemble de ses demandes,
- condamner Mme [N] à lui payer la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 28 juin 2022. L'affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 10 octobre 2023, reportée au 19 mars 2024 en raison du départ de plusieurs magistrats de la chambre et de la charge de travail au sein de la chambre. A l’audience du 19 mars 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 18 juin 2024, prorogée au 16 juillet 2024, date à laquelle le jugement a été rendu par mise à disposition au greffe.

*

MOTIFS DU JUGEMENT

A titre liminaire, il sera rappelé qu’en application de l’article 4 du code de procédure civile, les demandes tendant à voir « constater », « donner acte », « dire et juger » ne constituent pas des prétentions si elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert, hormis les cas prévus par la loi, ces demandes n’étant que le rappel des moyens invoqués. Elles ne donneront donc pas lieu à mention au dispositif.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Editions Cercle d’art et tirée de la prescription

La société Editions Cercle d’art fait valoir qu’en application de l’article 2224 du code civil, issu de la loi n°2008-561 du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008, Mme [N], qui était censée connaître ses droits et obligations issus du bail litigieux depuis sa conclusion en 1991, disposait d’un délai expirant le 19 juin 2013 pour agir, de sorte que son action en paiement est aujourd’hui prescrite.

En réponse, Mme [N] expose que la prescription soulevée est irrecevable en ce qu’elle résulte d’une analyse inopérante du régime de la prescription ; que s’agissant d’un contrat à exécution successif, chaque échéance de loyers ou charges constitue le point de départ du délai de prescription ; que les loyers sont soumis à la prescription de 5 ans de l’article 2224 du code civil, de sorte que Mme [N] est recevable à demander le paiement des rappels de loyers de juillet 2016 à février 2021, l’assignation ayant été délivrée le 10 juin 2021.

Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile dans sa version entrée en vigueur le 1er janvier 2020, “lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
1° Statuer sur les exceptions de procédure, les demandes formées en application de l'article 47 et les incidents mettant fin à l'instance ;
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu'ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge;
2° Allouer une provision pour le procès ;
3° Accorder une provision au créancier lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Le juge de la mise en état peut subordonner l'exécution de sa décision à la constitution d'une garantie dans les conditions prévues aux articles 514-5,517 et 518 à 522;
4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires, à l'exception des saisies conservatoires et des hypothèques et nantissements provisoires, ainsi que modifier ou compléter, en cas de survenance d'un fait nouveau, les mesures qui auraient déjà été ordonnées;
5° Ordonner, même d'office, toute mesure d'instruction ;
6° Statuer sur les fins de non-recevoir.
Lorsque la fin de non-recevoir nécessite que soit tranchée au préalable une question de fond, le juge de la mise en état statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Toutefois, dans les affaires qui ne relèvent pas du juge unique ou qui ne lui sont pas attribuées, une partie peut s'y opposer. Dans ce cas, et par exception aux dispositions du premier alinéa, le juge de la mise en état renvoie l'affaire devant la formation de jugement, le cas échéant sans clore l'instruction, pour qu'elle statue sur cette question de fond et sur cette fin de non-recevoir. Il peut également ordonner ce renvoi s'il l'estime nécessaire. La décision de renvoi est une mesure d'administration judiciaire.
Le juge de la mise en état ou la formation de jugement statuent sur la question de fond et sur la fin de non-recevoir par des dispositions distinctes dans le dispositif de l'ordonnance ou du jugement. La formation de jugement statue sur la fin de non-recevoir même si elle n'estime pas nécessaire de statuer au préalable sur la question de fond. Le cas échéant, elle renvoie l'affaire devant le juge de la mise en état.
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état”.

En application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article 789 du code de procédure civile issu du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 est entré en vigueur le 1er janvier 2020 et les dispositions des 3° et 6° sont applicables aux instances introduites à compter de cette date.

En l’espèce, le moyen d’irrecevabilité soulevé par la société Editions Cercle d’Art et tiré de la prescription est une fin de non-recevoir qui aurait dû être soulevée devant le juge de la mise en état en application de l’article 789 6° du code de procédure civile, sa cause n’étant pas postérieure au dessaisissement de ce magistrat.

En conséquence, la fin de non-recevoir soulevée par la société Editions Cercle d’Art est irrecevable devant le tribunal.

Sur la demande en paiement de Mme [N] au titre des rappels de loyers

Mme [N] expose qu’en application de l’article 1134 ancien du code civil, il résulte de la clause d’indexation stipulée au contrat que le réajustement s’exécute de plein droit, sans formalité ni demande du bailleur ; qu’il résulte de la jurisprudence que le seul fait que le bailleur n’ait pas réclamé le montant des augmentations n’impliquait pas de renonciation de sa part ; que le rappel de loyers a été réajusté pour couvrir uniquement la période non prescrite de juillet 2016 au 31 janvier 2021 ; que le rappel de loyers avant indexation, sur la base du loyer fixé dans l’avenant n° 7, s’élève à 42.767,82 euros, soit 129.834,62 euros après indexation.

La société Editions Cercle d’Art fait valoir que la bailleresse se contredit en tenant compte de la prescription sur le loyer principal et les charges mais en l’ignorant sur l’indexation dont elle demande l’application depuis 2004 ; que la bailleresse sollicite l’application de l’indexation sur le loyer contractuel de base figurant dans l’avenant n° 7 de 2004, alors qu’elle ne peut fonder sa demande sur un montant mentionné à une période atteinte par la prescription et qui n’a jamais été réclamé pendant la période contractuelle et qu’en application de l’ancien article 1234 du code civil, le paiement valablement fait par le preneur a éteint sa dette à l’égard du bailleur. La défenderesse soutient également qu’à compter de 2006 elle payait la somme de 64.784 euros représentant le loyer et les charges, sans protestation de la bailleresse qui avait donc renoncé à exiger un autre montant et qu’il appartient à la bailleresse de justifier la ventilation de la somme de 68.784 euros afin de déterminer le loyer de base qu’elle prétend indexer entre 2016 et 2020 et le distinguer des charges.

Aux termes de l’article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Il est constant que la clause d’indexation automatique du loyer prévue par les parties, dite « clause d’échelle mobile », s'applique automatiquement en fonction du jeu de l'indice, sans qu’il soit nécessaire d’en demander l’application et sans formalisme particulier. Le seul fait que le bailleur n'ait pas réclamé le montant des augmentations dès leur prise d'effet n'implique pas de sa part renonciation à se prévaloir de la clause d'indexation. Ainsi, le bailleur pourra demander l’application de la clause d’indexation même s’il ne l’a pas fait auparavant, sous réserve du respect de la prescription de cinq ans, laquelle s'applique aux loyers et non au processus de l'indexation qui est un mode de calcul.

Il résulte de l’article L. 145-39 du code de commerce que « En outre, et par dérogation à l’article L. 145-38, si le bail est assorti d'une clause d'échelle mobile, la révision peut être demandée chaque fois que, par le jeu de cette clause, le loyer se trouve augmenté ou diminué de plus d'un quart par rapport au prix précédemment fixé contractuellement ou par décision judiciaire. La variation de loyer qui découle de cette révision ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente. »

Ainsi, dès que l'augmentation ou la diminution de plus d'un quart est constatée, les parties sont recevables à demander au juge d'adapter le jeu de l'échelle mobile à la valeur locative. 

Enfin, aux termes de l'article 1315 dans sa version applicable au présent litige, devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l’espèce, aux termes de l’article « XI – Indexation » du bail, « 1°/ Le loyer sera réajusté à l’expiration de chaque période annuelle, en plus ou en moins, de plein droit et sans aucune formalité ni demande, en fonction des variations de l’indice visé aux stipulations principales.
2°/ Les indices de référence seront les derniers indices publiés c’est-à-dire, soit :
Indice de base : 952 (4ème trimestre de l’année 1990).
L’indice de référence sera celui du dernier TRIMESTRE de chaque année précédente».

Selon l’article II du bail, l’indice visé aux stipulations principales est l’indice national du coût de la construction publié par l’INSEE.

Il ressort ensuite de l’article « XIII-Parties communes et charges » que le preneur est tenu de rembourser au bailleur sa quote-part de toutes les charges et qu’il « pourra être demandé au preneur de verser d’avance et au début de chaque trimestre une provision calculée sur le montant des charges au cours de l’année civile écoulée et pour la première année fixée à DEUX MILLE CINQ CENTS FRANCS (2.500 Frs) par trimestre ».

Selon l’avenant n°7 au contrat de bail, les parties conviennent de porter le loyer annuel à 78.115,16 euros incluant l’indexation, mais avec une réduction du loyer pour les années 2004 et 2005 dans les termes suivants :
« Une réfaction exceptionnelle de loyers de 28.745,93 € pour les années 2004 et 2005, soit 7.186,48 € par trimestre, lui est accordée.
La société preneuse acquittera donc le loyer prévu au bail, compte tenu de la clause d’indexation, après déduction du montant du présent avenant. »

Au soutient de sa demande en paiement, Mme [N] verse aux débats plusieurs pièces présentant des calculs d’indexation différents.

Il ressort d’abord du courrier adressé à son ancien locataire en date du 10 mars 2021, après la restitution des locaux, qu’elle affirme qu’à partir de 2006, la société locataire a continué à payer le montant convenu dans l’avenant n°7, soit selon elle la somme de 64.784 euros alors que le loyer non indexé était alors de 78.115,16 euros. Elle estime que « conformément aux dispositions de l’article XI du bail, nous avons appliqué l’indexation conventionnelle, cette indexation s’appliquant pour les loyers non prescrits, à savoir à compter de l’année 2016, l’indice de référence retenu étant celui de 2004, date de la dernière indexation ».

A l’appui de sa demande en paiement, la bailleresse présente dans son courrier le tableau de calcul suivant :

Loyers dus
Indice ICC
Variation
Loyers payés
Reste dû
Loyer non indexé
2015
78.115,16
1269 (ICC 2004)

2016
101.260,39
1645
29,63%
68.784
32.476,39

2017
102.614,63
1667
1,34%
68.784
33.830,63

2018
104.830,67
1703
2,16%
68.784
36.046,67

2019
107.539,15
1747
2,58%
68.784
38.755,15

2020
143.347,88

68.784
74.563,88
Total

559.592,73

343.920
215.672,73

Il ressort de ce tableau que la bailleresse mentionne un loyer payé chaque année de 68.784 euros au lieu des 64.784 mentionnés dans le corps du courrier et qu’une erreur de calcul manifeste apparait dans la variation du loyer pour l’année 2020.

Aux termes de son assignation, la bailleresse ne sollicite plus la somme de 215.672,73 euros figurant dans son courrier du 10 mars 2021 mais la somme de 144.299,75 euros qui résulte d’un autre tableau de calcul versé aux débats reproduit ci-après :

Loyers dus
Indice ICC
Variation
Loyers payés
Reste dûLoyer non indexé

2015
78.115,16
1269 (ICC 2004)

2016
97.643,95
1645
25%
68.784
28.859,95

2017
97.643,95

25%
68.784
28.859,95

2018
97.643,95

25%
68.784
28.859,95

2019
97.643,95

25%
68.784
28.859,95

2020
97.643,95

25%
68.784
28.859,95Total

488.219,75

343.920
144.299,75

Il ressort de ce tableau que la bailleresse a entendu appliquer une variation de 25% pour l’année 2016, sans appliquer de nouvelle variation les années suivantes, sans explication sur le choix de ce taux et sur l’absence d’indexation postérieure à 2016.

Le tableau de calcul versé aux débats au soutien des dernières demandes figurant dans les conclusions récapitulatives est le suivant :

Loyers dus
Indice ICC
Variation
Loyers payés
Reste dûLoyer non indexé

2015
78.115,16
1269 (ICC 2004)

Du 07 au 12 / 2016
48.818,07
1645
24,99%
34.392
14.426,07

2017
97.636,14

24,99%
68.784
28.852,14

2018
97.636,14

24,99%
68.784
28.852,14

2019
97.636,14

24,99%
68.784
28.852,14

2020
97.636,14

24,99%
68.784
28.852,14

01/2021
6.509,60

24,99%
5.732
2.404,35Total

439.362,62

315.260
129.834,62

Il ressort de ce tableau que la bailleresse a entendu appliquer cette fois une variation de 24,99% à partir de juillet 2016, sans appliquer de nouvelle variation les années suivantes, toujours sans explication sur le choix de ce taux, ni sur l’absence de variation pour les années 2017 à 2020.

La bailleresse verse ainsi aux débats trois calculs différents, présentés au soutien de trois demandes en paiement de montants différents, sans expliquer ces incohérences ni le choix de l’application d’un indice de 24,99% dans ses dernières demandes. La bailleresse soutient en outre que le preneur aurait continué à payer à compter de 2006 et jusqu’à la fin du bail le montant convenu dans l’avenant n° 7, montant qui s’élevait à 49.369,23 compte tenu de la remise de loyers accordée dans l’avenant, alors qu’elle invoque des paiements annuels tantôt de 64.784 euros, tantôt de 68.784 euros, selon les pièces versées.

Surtout, la variation effective de l’indice ICC entre 2004 et 2015 représente un taux de 29,63% comme indiqué dans son courrier du 10 mars 2021. Si le choix final de demander l’application d’un taux de variation de 24,99% au lieu de 29,63%, peut se comprendre comme une tentative de contourner le droit à demander la révision du loyer ouvert en application de l’article L. 145-39 du code de commerce lorsque la variation du loyer dépasse le quart du loyer, ce taux n’est pas fondé au regard des stipulations contractuelles.

Par ailleurs, la bailleresse ne répond pas à la contestation formée par la société locataire tenant au fait qu’elle ne justifie pas de la ventilation entre les loyers et les charges sur les sommes payées annuellement, en l’absence de toute quittance.

En application de l’article 1134 ancien du code civil, la demande en paiement au titre d’un arriéré d’indexation du loyer, telle que formulée dans les dernières conclusions de Mme [N] n’est pas justifiée. Sa demande en paiement au titre d’un arriéré d’indexation du loyer sera donc rejetée.

Sur la demande en paiement au titre d’un arriéré de charges

Mme [N] soutient que la société Editions Cercle d’Art est redevable d’un arriéré de charges récupérables qui s’élève pour les années 2016 à 2020, non prescrites, à la somme de 14.825,98 euros au regard des justificatifs de charges réglées qu’elle verse aux débats et sur la base d’une somme provisionnelle de 2.000 euros au titre de l’année 2020 en l’absence de décompte disponible pour cette année.

La société Editions Cercle d’Art fait valoir que Mme [N] n’est pas en droit de répercuter sur sa locataire l’intégralité des charges afférentes aux lieux loués alors que les dispositions contractuelles prévoient la répercussion d’une quote-part des charges mais qui n’est pas définie ; que la bailleresse n’a jamais justifié ni des charges prévues au contrat, ni de la quote-part devant incomber à la société locataire ; que la bailleresse n’a jamais établi de relevé de charges annuelles ni de quittances, de sorte qu’il n’est pas possible de savoir si la provision sur charges prévue contractuellement était incluse dans la somme de 68.784 euros payée annuellement par la société locataire ; que l’article XIII du bail relatif aux charges ne peut être considéré comme valide en raison de son imprécision et en application de l’article 1162 ancien du code civil avant la loi Pinel, et, au regard des dispositions d’ordre public de la loi Pinel prévoyant l’obligation de faire figurer un inventaire des charges dans le contrat.

Aux termes de l’article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Selon l'article 1315 dans sa version applicable au présent litige, devenu 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

En l’espèce, l’article « Loyer et accessoires » du contrat de bail stipule que « Le loyer ci-dessus s’entend outre charges, taxes et prestations remboursables dans les conditions ci-après précisées à l’article XIII ».

L’article « XIII – Parties communes et charges » du contrat stipule l’obligation pour le preneur « 1° De rembourser au bailleur sa quote-part de toutes charges, fournitures et prestations relatives à l’usage et l’entretien des parties communes, qui comprendront, notamment, les frais de femme de ménage, gardiennage, nettoyage, éclairage, ascenseur, chauffage, travaux d’entretien courant, etc… Cette quote-part étant déterminée dans les conditions ci-dessous indiquées.
2° Il pourra être demandé au preneur de verser d’avance et au début de chaque trimestre, une provision calculée sur le montant des charges au cours de l’année civile écoulée et, pour la première année, fixée à 2.500 francs par trimestre.
Dans ce cas, le bailleur établit en fin d’année le relevé des charges des parties communes au cours de ladite année et tiendra compte, lors de la première quittance du moins ou du trop-perçu. »

Il ressort de cette stipulation que la société locataire doit rembourser à la bailleresse la quote-part imputable à cette dernière dans les charges de parties communes de l’immeuble. L’article renvoie cependant à des « conditions ci-dessous indiquées » pour déterminer cette quote-part qui ne sont pas précisées dans la suite du contrat. Cet article fait également référence à une provision sur charges payée par la locataire et qui doit donner lieu à régularisation l’année suivante.

La société Editions Cercle d’Art ne fait pas état d’éléments justifiant de prononcer la nullité pure et simple de l’article XIII du bail. Cette stipulation, rédigée antérieurement à la loi du 18 juin 2014, si elle n’est pas aussi précise que l’exigent les nouvelles dispositions légales et réglementaires, n’en demeure pas moins valable, le tribunal étant susceptible de tirer les conclusions adéquates du manque de précision de la clause sans avoir à en prononcer la nullité.

Pour justifier du montant des charges dont elle demande le paiement, la bailleresse verse aux débats des « répartitions de charges » établies par le syndic de copropriété ou le gestionnaire de l’immeuble pour les années 2016, 2017, 2018, 2019 et sollicite le montant des provisions pour l’année 2020 dont la régularisation n’est pas établie.

La bailleresse réclame le paiement de l’intégralité des charges récupérables relatives au local pour les années précitées, laissant entendre qu’aucune provision sur charges n’aurait été payée par la société locataire, ce que conteste la société locataire qui estime que la ventilation entre le loyer et les charges payées est inconnue, en l’absence de toute quittance établie par la bailleresse.

Les parties s’accordent sur le fait que la locataire a effectué des paiements à hauteur de 68.784 euros par an au cours des dernières années du bail. Il est constant que le contrat de bail prévoyait une participation de la société locataire aux charges communes qui devait donner lieu au paiement de provisions sur charges puis à régularisation.

En l’absence de toute quittance établie par la bailleresse et au regard de la contestation émise par l’ancienne locataire, la bailleresse n’apporte pas la preuve d’un arriéré de charges imputable à la société Editions Cercle d’Art pour les années 2016 à 2019.

S’agissant des charges de l’année 2020, il convient de relever que la bailleresse ne justifie pas des charges effectivement payées pour ladite année, alors que la clôture de l’instruction est survenue le 28 juin 2022, date à laquelle la régularisation des charges aurait déjà dû être établie.

Au regard de l’ensemble de ces éléments, la demande en paiement des régularisations de charges pour les années 2016 à 2020 sera, en conséquence, rejetée.

Sur les demandes accessoires

Mme [N] succombant à l’instance sera condamnée aux dépens. Elle sera déboutée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée à payer à la société Editions Cercle d’Art la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

*

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

Déclare irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la SAS Editions Cercle d’Art tirée de la prescription de l’action de Mme [I] [F], veuve [N], en paiement de rappels de loyers et de charges,

Déboute Mme [I] [F], veuve [N], de sa demande en paiement au titre des rappels de loyers pour la période de juillet 2016 à janvier 2021,

Déboute la SAS Editions Cercle d’Art de sa demande de nullité de l’article XIII du contrat de bail du 10 juillet 1991,

Déboute Mme [I] [F], veuve [N], de sa demande en paiement au titre des rappels de charges pour les années 2016 à 2020,

Condamne Mme [I] [F], veuve [N], à payer à la SAS Editions Cercle d’Art la somme de 2.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute Mme [I] [F], veuve [N], de sa demande sur ce même fondement,

Condamne Mme [I] [F], veuve [N], aux entiers dépens de l’instance,

Fait et jugé à Paris le 16 Juillet 2024.

Le Greffier Le Président

Christian GUINAND Sophie GUILLARME


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 18° chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 21/09724
Date de la décision : 16/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-16;21.09724 ?
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