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16/07/2024 | FRANCE | N°21/05116

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 18° chambre 1ère section, 16 juillet 2024, 21/05116


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


18° chambre
1ère section

N° RG 21/05116
N° Portalis 352J-W-B7F-CUGFC

N° MINUTE : 3

contradictoire

Assignation du :
09 Avril 2021








JUGEMENT
rendu le 16 Juillet 2024


DEMANDERESSES

S.A.R.L. H.L.D.
venant aux droits de la société DA VINCENZA
[Adresse 3]
[Adresse 3]

S.E.L.A.R.L. AJRS
prise en la personne de Maître [P] [T], ès-qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement judiciaire de la société DA VINCENZA,

aux droits de laqquelle vient la S.A.R.L. H.L.D.
[Adresse 2]
[Adresse 2]

Toutes représentées par Me Charline BROSSE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1769


DÉFENDER...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

18° chambre
1ère section

N° RG 21/05116
N° Portalis 352J-W-B7F-CUGFC

N° MINUTE : 3

contradictoire

Assignation du :
09 Avril 2021

JUGEMENT
rendu le 16 Juillet 2024

DEMANDERESSES

S.A.R.L. H.L.D.
venant aux droits de la société DA VINCENZA
[Adresse 3]
[Adresse 3]

S.E.L.A.R.L. AJRS
prise en la personne de Maître [P] [T], ès-qualité de commissaire à l’exécution du plan de redressement judiciaire de la société DA VINCENZA, aux droits de laqquelle vient la S.A.R.L. H.L.D.
[Adresse 2]
[Adresse 2]

Toutes représentées par Me Charline BROSSE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1769

DÉFENDERESSES

Société BUROBOUTIC
[Adresse 1]
[Adresse 1]

S.A. FIDUCIAL GERANCE
[Adresse 1]
[Adresse 1] / FRANCE

Toutes deux représentées par Maître Nelson SEGUNDO de la SELARL RACINE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #L0301

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Sophie GUILLARME, 1ère Vice-présidente adjointe,
Monsieur Jean-Christophe DUTON, Vice-président,
Madame Diana SANTOS CHAVES, Juge,

assistés de Madame Manon PLURIEL, Greffière, lors des débats et de Monsieur Christian GUINAND, Greffier principal, lors de la mise à disposition au greffe,

DÉBATS

A l’audience du 19 Mars 2024, tenue en audience publique devant Madame Diana SANTOS CHAVES, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
Avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.
Puis, le délibéré a été prorogé jusqu’au 16 juillet 2024.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

FAITS ET PROCÉDURE

Par acte sous seing privé du 7 février 2011, la SCPI BUROBOUTIC a donné à bail en renouvellement à la SARL PROCOPIO ANGELO, aux droit de laquelle est venue par cession de fonds de commerce la SARL DA VINCENZA, des locaux à usage commercial à destination de « restauration rapide – vente de tous produits alimentaires et vins », dépendant d'un immeuble situé [Adresse 3], pour une durée de neuf ans à compter du 1er avril 2011, moyennant un loyer de 22.656,95 euros par an, hors taxes et hors charges, payable mensuellement à terme d'avance.

Par ordonnance du 8 juin 2018, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, saisi par assignation de la bailleresse, a ordonné une expertise au sein des locaux donnés à bail et désigné en qualité d'expert M. [I] [X], avec mission principalement de décrire les désordres relatifs à des infiltrations d'eau allégués dans l'assignation, détailler leurs causes et conséquences et donner son avis sur les solutions appropriées et les préjudices éventuels.

L'expert a rendu son rapport le 28 novembre 2018 estimant que « la responsabilité du Restaurant DA VINCENZA apparaît pleinement engagée dans la présente procédure ».

Par ordonnance du 22 février 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris, à nouveau saisi par assignation de la bailleresse, a enjoint à la société DA VINCENZA de faire réaliser les travaux décrits dans le devis établi par la société NC2M et validé par l'expert judiciaire et a autorisé la bailleresse, à défaut de diligence de la preneuse, à faire réaliser les travaux à ses frais avancés.

Par jugement du 9 avril 2019, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire au bénéfice de la société DA VINCENZA, désignant la société AJRS en qualité d'administrateur judiciaire et la société AXYME en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 17 mars 2021, le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de redressement par voie de continuation de la société DA VINCENZA et a nommé la société AJRS, prise en la personne de Me [P] [T], en qualité de commissaire à l'exécution du plan.

Par actes extrajudiciaires du 10 mars 2021, la société BUROBOUTIC, a fait signifier aux sociétés DA VINCENZA et AJRS un commandement de payer visant la clause résolutoire portant sur une somme en principal de 8 641,62 euros, au titre de loyers et charges impayés correspondant aux mois de mars, avril, mai et septembre 2020 et à la période du 1er au 16 octobre 2020.

Les sociétés DA VINCENZA et AJRS ont fait opposition au commandement de payer et ont fait assigner par actes du 9 avril 2021 la société BUROBOUTIC, ainsi que la société FIDUCIAL GERANCE en qualité de représentante de la société BUROBOUTIC, devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins notamment de voir juger sans effet le commandement de payer du 10 mars 2021 et voir réduire le loyer dû par la preneuse à 50 % du montant contractuellement dû pour la période durant laquelle elle a été affectée par une mesure de police dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de covid-19.

La SARL H.L.D. est venue aux droits de la société DA VINCENZA par l’effet d’une transmission universelle de patrimoine sans liquidation en date du 25 novembre 2021.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 novembre 2022, la société DA VINCENZA et la société AJRS ont demandé au tribunal de :
« RECEVOIR la société DA VINCENZA et la SELARL AJRS prise en la personne de Maître [P] [T] en leurs demandes et les déclarer bien fondées,
EN CONSEQUENCE :
A titre liminaire,
DIRE ET JUGER que le commandement délivré par la société BUROBOUTIC en date du 10 mars 2021 vise des périodes au cours desquelles la société DA VINCENZA était affectée par des mesures de police au sens de l’article 14 de la loi 2020-1379 du 14 novembre 2020,
DIRE ET JUGER que le commandement délivré par la société BUROBOUTIC visant la clause résolutoire porté au bail sans effet,
A titre principal,
DIRE ET JUGER que l’impossibilité d’exploiter les locaux pris à bail résultant des mesures prises par les pouvoir publics dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19 est assimilable à la perte partielle de la chose louée,
DIRE ET JUGER que les restrictions d’exploitation résultant des mesures prises par les pouvoir publics dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de Covid-19 sont constitutives de circonstances imprévisibles à la conclusion du bail, rendant celui-ci, pendant toute la période de restrictions, excessivement onéreux,
En conséquence,
RAMENER le loyer dû par la société DA VINCENZA à la société BUROBOUTIC à 50% du montant contractuellement dû pendant toute la période au cours de laquelle l'activité de la société DA VINCENZA a été affectée par une mesure de police ;
A titre subsidiaire,
ACCORDER à la société DA VINCENZA un délai de paiement d’une durée de deux ans,
SUSPENDRE les effets liés à l’acquisition de la clause résolutoire jusqu’au complet apurement de l’arriéré locatif,

En tout état de cause,
CONDAMNER la société BUROBOUTIC à payer à la société DA VINCENZA la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile et aux entiers dépens de l’instance. »

Aux termes de leurs dernières conclusions en réponse, notifiées par voie électronique le 31 janvier 2022, les sociétés BUROBOUTIC et FIDUCIAL GERANCE demandent au tribunal de :
« CONSTATER le défaut d’intérêt à agir de la société H.L.D et la SELARL AJRS, ès-qualités, à l’encontre de la société FIDUCIAL GERANCE ;
En conséquence :
DECLARER la société H.L.D et la SELARL AJRS, ès-qualités, irrecevables en leurs demandes à l’encontre de la société FIDUCIAL GERANCE,
DEBOUTER la société H.L.D et la SELARL AJRS ès qualités de l’ensemble de leurs demandes,
CONSTATER l'acquisition de la clause résolutoire du bail à compter du 10 avril 2021 et ordonner, en conséquence, l'expulsion sans délai de la société H.L.D, ainsi que celle de tout occupant de son chef, avec le concours de la Force Publique si besoin était,
Subsidiairement,
ORDONNER la résiliation judiciaire du bail commercial consenti à la société H.L.D et ORDONNER son expulsion sans délai, ainsi que celle de tout occupant de son chef, avec le concours de la force publique si besoin était,
CONDAMNER la société H.L.D à payer à la société BUROBOUTIC une indemnité d'occupation égale au montant du loyer contractuel, augmentée des taxes et charges récupérables, à compter du 10 avril 2021, date d’acquisition de la clause résolutoire du bail, ou, de la résiliation judiciaire du bail, et jusqu'à la libération effective des lieux se matérialisant par la remise des clés ou l'expulsion,
CONDAMNER la société H.L.D à payer à la société BUROBOUTIC la somme de 33.470,91 €, au titre des loyers et charges dus jusqu’au 31 janvier 2022, avec intérêts au taux légal à compter de la délivrance du commandement de payer ;
CONDAMNER la société H.L.D à payer à la société BUROBOUTIC la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,
CONDAMNER la société H.L.D à payer à la société BUROBOUTIC, une somme de 3.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, qui comprendront le coût du commandement de payer du 10 mars 2021. »

Le juge de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction le 19 avril 2022 et fixé l’affaire à l’audience de plaidoirie tenue à juge rapporteur du 28 mars 2023. En raison du départ de plusieurs magistrats de la chambre et de la charge de travail, l’affaire a dû être fixée à nouveau au 10 octobre 2023, puis au 19 mars 2024.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 19 mars 2024, les sociétés H.L.D. et AJRS ont demandé au tribunal de :
« ORDONNER la révocation de l’ordonnance de clôture du 19 avril 2022 ;
En conséquence,
RECEVOIR la société HLD, venant aux droits de la société DA VINCENZA dans l’établissement de la preuve du sort des travaux allégués par le Bailleur depuis l’ordonnance de clôture,
DIRE ET JUGER que le montant des loyers restant dus par la société HLD, venant aux droits de la société DA VINCENZA s’élève à la somme 26.148,64 €,
ACCORDER à ce titre à la société HLD, les délais de paiement les plus larges,
SUSPENDRE les effets liés à l’acquisition de la clause résolutoire jusqu’au complet apurement de l’arriéré locatif. »

L'affaire a été appelée à l'audience de plaidoirie du 19 mars 2024 et mise en délibéré au 18 juin 2024, prorogé au 16 juillet 2024.

À la demande du tribunal, les sociétés BUROBOUTIC et H.L.D. ont déposé une note en délibéré, respectivement le 28 mars 2024 et le 5 avril 2024, afin de rendre compte de l'actualisation de la dette locative.

MOTIFS DU JUGEMENT

Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture

La preneuse expose que, par jugement du 11 janvier 2024, le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris a débouté la bailleresse d'une demande tendant à voir assortir d'une astreinte l'obligation faite à la preneuse par une ordonnance de référé du 16 février 2022 de laisser pénétrer la bailleresse dans les lieux pour y réaliser les travaux nécessaires, en cas de défaillance de la preneuse. Elle soutient que ce jugement reconnaît qu'elle a dûment réalisé les travaux prescrits par l'ordonnance de référé, élément qui intéresse le présent litige en ce qu’il est de nature à écarter la mauvaise foi du preneur allégué par le bailleur.

A l’audience, le bailleur s’est opposé à la demande de révocation de l’ordonnance de clôture au motif que les moyens relatifs aux travaux nécessiteraient une réponse écrite argumentée.

En application des dispositions de l'article 803 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue. L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.

En l'espèce, il sera relevé que la réalisation des travaux que la société H.L.D. invoque à titre de cause grave justifiant la révocation de l'ordonnance de clôture sont le fait de la preneuse elle-même, que, s'il sont survenus, ce n'est qu'en exécution d'une ordonnance de référé ancienne, du 16 février 2022, ayant condamné la locataire en raison de manquements de cette dernière à ses obligations contractuelles, que cette ordonnance de référé est par ailleurs antérieure à l'ordonnance de clôture rendue dans le cadre de la présente instance. Le jugement rendu par le juge de l'exécution du tribunal de Paris date du 11 janvier 2024 et le preneur a attendu le jour de l’audience pour communiquer cette information au tribunal et solliciter le rabat de l’ordonnance de clôture, mettant le bailleur dans l’impossibilité de répondre à ces éléments à moins de renvoyer l’audience de plaidoirie alors que la clôture remontait à presque deux ans.

Enfin, la preneuse invoque la réalisation des travaux prescrits en référé pour exciper de sa bonne foi mais alors que l’objet principal du présent litige ne porte pas sur les travaux du local qui a fait l’objet de nombreuses autres procédures, mais sur la validité d'un commandement de payer emportant acquisition de la clause résolutoire et la demande subséquente de réduction du loyer formée par la preneuse. Il en résulte que la réalisation des travaux que la société locataire soutient avoir menés n’est pas susceptible de déterminer la solution du litige et ne constitue pas une cause grave de révocation de l'ordonnance de clôture au sens de l'article 803 du code de procédure civile.

En conséquence, la demande de révocation de l'ordonnance de clôture formée par les sociétés H.L.D et AJRS sera rejetée.

Les conclusions notifiées par les demanderesses le 19 mars 2024 sont intitulées « Conclusions (En application de l’article 802 du Code de procédure civile) ». Elles contiennent, outre la demande de révocation de l’ordonnance de clôture, une actualisation des sommes payées au bailleur, une demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire. Il en résulte que ces conclusions ne répondent pas aux conditions de l’article 802 du code de procédure civile, et qu’elles seront déclarées irrecevables, le tribunal ayant, en tout état de cause, autorisé les parties à actualiser leur dettes et créances réciproques par une note en délibéré.

Sur la recevabilité des demandes formées contre la société FIDUCIAL GERANCE

Les sociétés BUROBOUTIC et FIDUCIAL GERANCE font valoir que la société FIDUCIAL GERANCE agit seulement en qualité de mandataire de la société BUROBOUTIC et qu'elle n’a donc aucun lien contractuel avec la preneuse, de sorte que cette dernière et la société AJRS n’ont aucun intérêt à agir à son encontre. Les sociétés BUROBOUTIC et FIDUCIAL GERANCE demandent donc de déclarer la société H.L.D. et la société AJRS irrecevables en leurs demandes à l’encontre de la société FIDUCIAL GERANCE.

Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile dans sa version entrée en vigueur le 1er janvier 2020, “lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
[…]
6° Statuer sur les fins de non-recevoir.
[…] »

En application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L’article 789 du code de procédure civile issu du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 est entré en vigueur le 1er janvier 2020 et les dispositions des 3° et 6° sont applicables aux instances introduites à compter de cette date.

En l’espèce, le moyen d’irrecevabilité soulevé par les défenderesses et tiré du défaut d’intérêt à agir à l’encontre de FIDUCIAL GERANCE est une fin de non-recevoir qui aurait dû être soulevée devant le juge de la mise en état en application de l’article 789 6° du code de procédure civile, sa cause n’étant pas postérieure au dessaisissement de ce magistrat.

En conséquence, cette fin de non-recevoir est irrecevable devant le tribunal.

Au surplus, en application de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

En l'espèce, il sera relevé que la société locataire, aux termes du dispositif de ses dernières conclusions, ne forme aucune demande à l'encontre de la société FIDUCIAL GERANCE.

Il y a donc lieu d'observer que la demande de la bailleresse tendant à voir déclarer la preneuse et la société AJRS irrecevables en leurs demandes pour défaut d'intérêt à agir à l’encontre de la société FIDUCIAL GERANCE est sans objet.

Sur la validité du commandement de payer du 10 mars 2021 et sur l'acquisition de la clause résolutoire

Les demanderesses exposent que l'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 a protégé les preneurs affectés par une mesure de police contre toute sanction ou procédure d’exécution pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives entre le 17 octobre 2020 et l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée ; que sont concernées par ce dispositif toutes les procédures engagées à compter du 17 octobre 2020, et ce, indépendamment de la date d’exigibilité des loyers ; que la preneuse remplit les conditions d'éligibilité à ce dispositif, qui sont posées par le décret n° 2020-1766 du 30 décembre 2020 ; que la bailleresse n’était donc en aucun cas autorisée à diligenter des procédures d’exécution à l’encontre de la société DA VINCENZA durant la période protégée ; qu’en conséquence le commandement délivré le 10 mars 2021 est privé d’effet.

La bailleresse soutient en réplique que l'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 s'applique uniquement à compter du 17 octobre 2020, qu'en l'espèce, si le commandement de payer est postérieur à cette date et à l'entrée en vigueur de la loi, il vise principalement les termes de mars, avril, mai et septembre 2020 qui lui sont antérieurs, et qu'au titre du loyer du mois d’octobre 2020 la société BUROBOUTIC a pris le soin d’effectuer un prorata des sommes dues par la société DA VINCENZA pour la période du 1er octobre au 16 octobre 2020, veille de l’entrée en vigueur de la loi du 14 novembre 2020. Elle conclut qu'elle était donc fondée à faire délivrer le commandement litigieux. Elle indique qu'au surplus la preneuse ne justifie nullement avoir été éligible au dispositif protecteur instauré par l’article 14 de la loi du 14 novembre 2020.

L'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, pris en ses I., II., III., IV. et VI., dispose :
I. - Le présent article est applicable aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l'article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire ou du 5° du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, y compris lorsqu'elle est prise par le représentant de l'Etat dans le département en application du second alinéa du I de l'article L. 3131-17 du même code. Les critères d'éligibilité sont précisés par décret, lequel détermine les seuils d'effectifs et de chiffre d'affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d'affaires constatée du fait de la mesure de police administrative.
II. - Jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une mesure de police mentionnée au I, les personnes mentionnées au même I ne peuvent encourir d'intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée.
Pendant cette même période, les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en œuvre et le bailleur ne peut pas pratiquer de mesures conservatoires.
Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.
III. - Le II ne fait pas obstacle à la compensation au sens de l'article 1347 du code civil.
IV. - Le II s'applique aux loyers et charges locatives dus pour la période au cours de laquelle l'activité de l'entreprise est affectée par une mesure de police mentionnée au I.
Les intérêts ou pénalités financières ne peuvent être dus et calculés qu'à compter de l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du II.

En outre, les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le bailleur à l'encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues jusqu'à la date mentionnée au même premier alinéa.
VII. - Le présent article s'applique à compter du 17 octobre 2020.

En application de ce texte, applicable à compter du 17 octobre 2020, jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l'article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 ou du 5° du I de l'article L. 3131-15 du code de la santé publique, les personnes morales de droit privé satisfaisant à plusieurs critères d'éligibilité ne peuvent encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives dus pour une période, même antérieure au 17 octobre 2020, au cours de laquelle leur activité économique est affectée par l'une des mesures de police précitée.

Contrairement à ce que soutient la bailleresse, le dispositif protecteur instauré par la loi du 14 novembre 2020 ne concerne donc pas seulement les loyers et charges dus postérieurement à son entrée en vigueur, soit seulement à compter du terme du 4e trimestre 2020, mais peut concerner également des loyers et charges antérieurs à cette date dés lors que leur activité économique a été affectée par une mesure de police (Civ. 3ème, 30 novembre 2023, n° 22-14.594).

En l'espèce, le commandement de payer litigieux porte sur des sommes dues pour les mois de mars, avril, mai, septembre et octobre 2020.

Or, en application de l'article 1 de l'arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, puis de l'article 8 du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020, la preneuse a dû fermer son établissement au public au cours des mois de mars, avril et mai 2020. En outre, en application de l'article 40 du décret n° 2020-860 du 10 juillet 2020, il n'est pas non plus contestable que la preneuse, en tant qu'établissement recevant du public de type N (restaurants et débits de boissons), ne pouvait accueillir du public pendant les mois de septembre et octobre 2020 qu'à la condition que les personnes accueillies aient une place assise, qu'une même table ne regroupe que des personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, dans la limite de dix personnes, et qu'une distance minimale d'un mètre soit garantie entre les tables occupées par chaque personne ou groupe de personnes venant ensemble ou ayant réservé ensemble, sauf si une paroi fixe ou amovible assure une séparation physique.

Il en résulte que les sommes visées par le commandement de payer du 10 mars 2021 correspondent effectivement à des périodes, bien qu'antérieures au 17 octobre 2020, au cours desquelles l'activité économique de la preneuse a été affectée par l'une des mesures de police prévues par l'article 14, II., de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020.

Il s'ensuit que la preneuse est fondée à invoquer le dispositif protecteur posé par cet article si elle démontre son éligibilité.

L'article 1 du décret n° 2020-1766 du 30 décembre 2020 définit les critères d'éligibilité et dispose :
I.-Pour l'application de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 susvisée, les personnes physiques et morales de droit privé mentionnées au I du même article sont celles remplissant les critères d'éligibilité suivants : 1° Leur effectif salarié est inférieur à 250 salariés ; 2° Le montant de leur chiffre d'affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à 50 millions d'euros ou, pour les activités n'ayant pas d'exercice clos, le montant de leur chiffre d'affaires mensuel moyen est inférieur à 4,17 millions d'euros; 3° Leur perte de chiffre d'affaires est d'au moins 50 % appréciés selon les modalités fixées au II.

II.-Pour les mesures de police administrative prises dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire déclaré le 17 octobre 2020, le critère de perte de chiffre d'affaires mentionné au 3° du I du présent article correspond à une perte de chiffre d'affaires d'au moins 50% durant la période comprise entre le 1er novembre 2020 et le 30 novembre 2020, laquelle est définie comme la différence entre, d'une part, le chiffre d'affaires au cours du mois de novembre 2020 et, d'autre part : -le chiffre d'affaires durant la même période de l'année précédente ; -ou, si l'entreprise le souhaite, le chiffre d'affaires mensuel moyen de l'année 2019 ; -ou, pour les entreprises créées entre le 1er juin 2019 et le 31 janvier 2020, le chiffre d'affaires mensuel moyen sur la période comprise entre la date de création de l'entreprise et le 29 février 2020 ; -ou, pour les entreprises créées entre le 1er février 2020 et le 29 février 2020, le chiffre d'affaires réalisé en février 2020 et ramené sur un mois ; -ou, pour les entreprises créées après le 1er mars 2020, le chiffre d'affaires mensuel moyen réalisé entre le 1er juillet 2020, ou à défaut la date de création de l'entreprise, et le 30 septembre 2020.
III.-Pour les entreprises ayant fait l'objet d'une interdiction d'accueil du public, le chiffre d'affaires du mois de novembre 2020 mentionné au II n'intègre pas le chiffre d'affaires réalisé sur les activités de vente à distance avec retrait en magasin ou livraison.
IV.-Lorsqu'elles sont constituées sous forme d'association, les personnes mentionnées au I ont au moins un salarié.
V.-Les conditions fixées aux 1° et 2° du I sont considérées au premier jour où la mesure de police administrative mentionnée au I de l'article 14 de la loi susvisée s'applique. Le seuil d'effectif est calculé selon les modalités prévues par le I de l'article L. 130-1 du code de la sécurité sociale et il est tenu compte de l'ensemble des salariés des entités liées lorsque l'entreprise locataire contrôle ou est contrôlée par une autre personne morale au sens de l'article L. 233-3 du code de commerce.

En l'espèce, il n'est pas débattu que la preneuse dispose d'un effectif inférieur à 250 salariés. Il n'est pas non plus contestable que le chiffre d'affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à 50 millions d'euros, la liasse fiscale 2019 produite par la preneuse faisant état d'un chiffre d'affaires net ne dépassant pas 566.114 euros.

Les parties s'opposent donc uniquement sur le troisième critère d'éligibilité posé par l'article 1 du décret n° 2020-1766 du 30 décembre 2020, soit en l'espèce la caractérisation d'une différence d'au moins 50 % entre, d'une part, le chiffre d'affaires au cours du mois de novembre 2020 et, d'autre part, le chiffre d'affaires durant la même période de l'année précédente ou, si l'entreprise le souhaite, le chiffre d'affaires mensuel moyen de l'année 2019. Sur ce point, dès lors que l'article 40 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020 a interdit pendant le mois de novembre 2020 l'accueil du public dans les établissements de type N, soit les restaurants et débits de boisson, dès lors que la preneuse exerce précisément une activité de restauration, et dès lors que le chiffre d'affaires du mois de novembre 2020 pris pour le calcul de la perte de 50 % du chiffre d'affaires ne doit pas inclure le chiffre d'affaires réalisé sur les activités de vente à distance, il y a lieu de constater que le chiffre d'affaires réalisé par la preneuse est nécessairement nul, comme le soutient justement cette dernière. Selon la liasse fiscale 2019, le chiffre d’affaires mensuel moyen de l’année 2019 est de 47.176 euros (566.114 / 12). Est donc caractérisée la perte de chiffre d'affaires d'au moins 50 % exigée par l'article 1 du décret n° 2020-1766 du 30 décembre 2020.

Il s'en évince que la preneuse remplit les critères d'éligibilité au dispositif protecteur édicté par l'article 14, II., de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, et que la bailleresse n'était donc pas autorisée à faire délivrer le commandement de payer du 10 mars 2021, lequel est irrégulier.

Il y a donc lieu de considérer que celui-ci est sans effet, et la bailleresse sera déboutée en conséquence de sa demande tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail unissant les parties.

Sur la demande de réduction du loyer formée par la preneuse

La preneuse fait valoir que l'impossibilité d'exploiter les lieux loués résultant des restrictions sanitaires liées à l'épidémie de covid-19 est assimilable à la perte de la chose louée en application de l'article 1722 du code civil ; qu'en outre les faits épidémiques et les restrictions qui s’en sont suivies caractérisent des circonstances imprévisibles rendant l'exécution du contrat excessivement onéreuse au sens de l'article 1195 du code civil ; qu'en conséquence elle est fondée à solliciter la réduction du montant du loyer à 50 % du montant contractuel pour toute la période au cours de laquelle son activité a été affectée par une mesure de police.

La bailleresse expose que la perte de la chose louée ne peut s'entendre que de la destruction définitive de cette dernière, et que l'impossibilité d'exploiter résulte non pas de la chose elle-même mais de la nature de l'activité exercée dans les lieux loués, de sorte qu'aucune perte de la chose n'est constituée au sens de l'article 1722 du code civil. Elle ajoute que les dispositions de l'article 1195 du code civil ne sont pas applicables en raison de la date de conclusion du bail et qu'au surplus aucune modification n'est survenue dans les conditions d'application du contrat, le loyer étant notamment resté le même durant toute la période de crise sanitaire, empêchant de caractériser tout changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rendant l'exécution excessivement onéreuse.

Aux termes de l'article 1722 du code civil, si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation même du bail.

Il sera rappelé que l'effet des mesures générales et temporaires prises dans le cadre de la lutte contre l'épidémie de covid-19, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut être assimilé à la perte de la chose, au sens de l'article 1722 du code civil.

Il y a donc lieu de rejeter le moyen soulevé par la preneuse sur le fondement de la perte juridique de la chose louée.

Quant au moyen tiré de la révision pour imprévision, il sera rappelé qu'en application de l'article 9 de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les dispositions du code civil telles que résultant de cette ordonnance sont entrées en vigueur le 1er octobre 2016, et les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne. En conséquence, le mécanisme de la révision pour imprévision prévu par le nouvel article 1195 du code civil est applicable aux seuls contrats conclus à compter du 1er octobre 2016.

En l'espèce, la preneuse indique que le bail unissant les parties résulte d'un « renouvellement du 1er avril 2011, pour une durée de neuf années entières et consécutives, à échéance du 31 mars 2020, tacitement reconduit depuis ». Dès lors, compte tenu de la date de conclusion du bail en cours, dont il n'est pas contesté qu'elle remonte à l'année 2011, la convention des parties n'est pas soumise aux dispositions du code civil telles que modifiées par l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, et l'article 1195 dans sa version invoquée par la preneuse n'est pas applicable à la cause.

Il convient donc de rejeter le moyen soulevé par la preneuse sur le fondement de la révision pour imprévision, et de débouter cette dernière de sa demande de réduction du loyer.

Sur la demande de résiliation judiciaire formée par la bailleresse et la demande d'expulsion

La société BUROBOUTIC, bailleresse, fait valoir que la société H.L.D., preneuse, est tenue de payer aux termes convenus les loyers et charges dont elle est redevable en exécution du bail qui lui a été consenti. Elle expose que la preneuse s'est néanmoins abstenue du règlement de sommes ainsi dues depuis plusieurs années, de sorte qu'est caractérisé un manquement grave justifiant la résiliation du bail unissant les parties. Elle ajoute que la défaillance de la preneuse dans la réalisation de travaux qui lui incombaient et qui étaient la cause des infiltrations d'eau dans les parties communes de l’immeuble constitue un second motif de résiliation.

La preneuse soulève les moyens précédemment exposés tirés de la perte de la chose louée et de l'imprévision et sollicite à titre subsidiaire des délais de paiement.

Selon l'article 1134 ancien et l'article 1728 du code civil, le preneur est tenu de respecter les obligations mises à sa charge par le bail, dont celle de payer le prix aux termes convenus, des manquements à ces obligations pouvant justifier, en vertu de l'article 1184 ancien du même code, le prononcé de la résiliation du contrat s'ils sont suffisamment graves pour interdire la poursuite des relations contractuelles.

En outre, en application de l'article 1315 ancien du code civil, aux termes duquel celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver, il appartient au preneur de justifier de s'être libéré du paiement du loyer entre les mains de son bailleur.

En l'espèce, le bail unissant les parties stipule que le locataire est redevable d'un loyer annuel d'un montant de 22.656,95 euros par an, hors taxes et hors charges, payable mensuellement à terme d'avance.

La bailleresse soutient que la preneuse a cessé de s’acquitter de manière régulière et intégrale des loyers et charges depuis de nombreuses années. Aux termes de sa note en délibéré, elle produit un décompte locatif arrêté au 19 mars 2024 faisant état d'un solde débiteur de 43 140,82 euros.

Aux termes de sa note en délibéré, la preneuse expose avoir procédé à plusieurs règlements omis par la bailleresse, mais reconnaît l'existence de sa dette locative, indiquant que celle-ci s'élève encore à la somme de 28.166,65 euros.

Si l’examen des décomptes produits par chacune des parties met en évidence une reprise des paiements des loyers à compter du second semestre 2021, il convient de relever que la dette non contestée par la société H.L.D. reste élevée, supérieure à un an de loyer, que malgré l’intervention de la société H.L.D. qui a repris le patrimoine de la société DA VINCENZA à compter de novembre 2021, cette intervention n’a pas permis d’apurer la dette à l’égard du bailleur, que des impayés perdurent notamment au titre de la taxe foncière, et ce malgré la sortie de la période de crise sanitaire depuis plus de deux ans. La société H.L.D. ne fournit d’ailleurs aucun élément sur sa situation financière actuelle permettant d’apprécier si elle sera en mesure un jour de rembourser sa dette de loyer.

En outre, comme exposé précédemment, les moyens de la preneuse tirés de la perte de la chose louée et de l'imprévision doivent être rejetés.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments que le manquement grave et répété compromettant la poursuite des relations contractuelles et justifiant le prononcé de la résiliation du bail est suffisamment caractérisé, sans qu'il soit besoin d'examiner la question du manquement contractuel invoqué par la bailleresse au titre des travaux incombant à la preneuse.

En conséquence, il y a lieu de prononcer la résiliation du bail litigieux à la date du présent jugement et de faire droit à la demande d'expulsion formée par la société BUROBOUTIC contre la société H.L.D. et tous occupants de son chef.

Le sort des meubles est régi par les articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.

Sur l'indemnité d'occupation

La société BUROBOUTIC sollicite le paiement d'une indemnité d'occupation égale au montant du loyer contractuel, augmenté des taxes et charges récupérables, à compter du 10 avril 2021, date d’acquisition de la clause résolutoire, ou de la résiliation judiciaire.

Aux termes de ses écritures, la société H.L.D. ne discute pas le montant sollicité par la bailleresse.

Celui qui se maintient sans droit dans des lieux après l'expiration de son titre d'occupation commet une faute quasi-délictuelle qui ouvre droit pour le propriétaire au paiement d'une indemnité d'occupation, en application des dispositions de l'article 1240 du code civil.

En l'espèce, compte tenu de la résiliation judiciaire du bail, la société H.L.D. devenue occupante sans droit ni titre, doit être condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation à compter du présent jugement et jusqu'à la complète libération des lieux.

L'indemnité d'occupation, en raison de sa nature mixte, indemnitaire et compensatoire, constitue une dette de jouissance qui doit correspondre à la valeur équitable des lieux et assure, en outre, la réparation du préjudice résultant d'une occupation sans bail.

Par conséquent, la société H.L.D. sera condamnée au paiement d'une indemnité d'occupation d'un montant qu’il est juste de fixer au montant du dernier loyer contractuel, majoré des taxes et charges.

Sur la demande en paiement de l'arriéré locatif

Il résulte de l'article 1315 ancien du code civil qu'il incombe au preneur d'établir qu'il s'est libéré du paiement du loyer et des accessoires contractuellement dus entre les mains de son bailleur. Aux termes de l'article 1153 ancien du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal.

En l'espèce, aux termes de son décompte arrêté au 19 mars 2024, la société BUROBOUTIC soutient que la preneuse reste redevable de diverses sommes échues entre mars 2020 et mars 2024, lesquelles s'élèvent au montant de 43.140,82 euros.

La société H.L.D., sur qui pèse la charge de la preuve du paiement des loyers et accessoires, conteste le montant avancé par la société BUROBOUTIC, indique que l'arriéré locatif s'élève seulement à 28.166,65 euros en raison de virements effectués par le preneur qui n’auraient pas été comptabilisés par le bailleur, et produit des relevés bancaires au soutien de ses prétentions.

Il ressort du relevé de compte produit par la société BUROBOUTIC arrêté au 18 mars 2024, que tous les virements signalés comme manquants par la société HLD ont bien été comptabilisés par le bailleur, ces virements apparaissant systématiquement avec un décalage d’un jour ou deux sur le relevé du bailleur par rapport à celui du preneur, mais sans qu’il y ait de doute possible.

En conséquence, la société H.L.D. sera condamnée à payer à la société BUROBOUTIC la somme de 43.140,82 euros correspondant aux loyers et charges échus au 19 mars 2024.

Sur la demande de délais de paiement

La société H.L.D. sollicite l'allocation de délais de paiement sur deux ans, faisant valoir la crise sanitaire et les restrictions prises par les pouvoirs publics pour endiguer celle-ci, l’absence de bonne foi de la bailleresse dans les négociations et l’absence de besoins de cette dernière.

La bailleresse s'oppose au principe de l'échelonnement du règlement de l'arriéré locatif, et expose que la preneuse ne justifie pas de ses difficultés financières, et qu'elle a refusé ses propositions amiables de délais de paiement.

Aux termes de l'article 1244-1 ancien comme de l'article 1343-5 nouveau du code civil, pris en leur premier alinéa, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

En l'espèce, il sera constaté que la société H.L.D. se borne à invoquer à l'appui de sa demande de délais de paiement le contexte de la crise sanitaire engendrée par le covid-19 et la mauvaise foi de sa bailleresse. La preneuse ne produit par ailleurs aucun justificatif de nature à accréditer sa capacité à assumer à l'avenir son loyer tout en apurant sa dette.

Il n'y a donc pas lieu d'accueillir la demande de délais de paiement formulée par la société H.L.D.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Aux termes de l'article 1382 devenu 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

L'exercice d'une action en justice constitue en principe un droit, mais toute faute dans l'exercice des voies de droit est susceptible d'engager la responsabilité des plaideurs, la faute pouvant être caractérisée par une intention nocive mais encore par la malveillance, la mauvaise foi, l'erreur grossière ou encore la légèreté « blâmable ».

En l'espèce, la société BUROBOUTIC ne démontre pas le caractère abusif de la demande présentée par la société DA VINCENZA aux droits de laquelle est venue la société H.L.D. En effet, le caractère infondé des demandes ne suffit pas, à lui seul, à caractériser une faute ayant fait dégénérer en abus le droit d’agir en justice.

Par conséquent, la demande de dommages et intérêts de la bailleresse sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

La société H.L.D., succombante, sera condamnée aux dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile, ainsi qu'au paiement de la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du même code. Elle sera déboutée de sa demande sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Rejette la demande de révocation de l'ordonnance de clôture formée par la SARL H.L.D. et la SELARL AJRS prise en la personne de Me [P] [T], en qualité de commissaire à l’exécution du plan de continuation de la SARL DA VINCENZA,

Déclare irrecevables les conclusions notifiées par RPVA le 19 mars 2024 par la SARL H.L.D. et la SELARL AJRS, prise en la personne de Me [P] [T], en qualité de commissaire à l’exécution du plan de continuation de la SARL DA VINCENZA,

Déclare irrecevable la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir à l’égard de la SA Fiducial Gérance soulevée par la SARL BUROBOUTIC,

Déclare nul et de nul effet le commandement de payer délivré le 10 mars 2021 par la SCPI BUROBOUTIC à la SARL DA VINCENZA et à la SELARL AJRS prise en la personne de Me [P] [T], en qualité d’administrateur judiciaire de la société DA VINCENZA,

Déboute la SCPI BUROBOUTIC de sa demande tendant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire,

Déboute la SARL H.L.D. et la SELARL AJRS prise en la personne de Me [P] [T], en qualité de commissaire à l’exécution du plan de continuation de la SARL DA VINCENZA, de leur demande de réduction de loyer,

Prononce la résiliation du bail en date du 7 février 2011, liant la SCPI BUROBOUTIC et la SARL H.L.D., venant aux droits de la SARL DA VINCENZA, et portant sur les locaux sis [Adresse 3], à compter du 16 juillet 2024, date du présent jugement

Dit que la SARL H.L.D. devra libérer de sa personne et de ses biens ainsi que de tous occupants de son chef, les lieux loués dans un délai de deux mois à compter de la signification du présent jugement,

Faute pour la SARL H.L.D. de quitter les lieux dans le délai indiqué et celui-ci passé, autorise la SCPI BUROBOUTIC à faire procéder à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef des lieux précités, au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier,

Dit que les meubles et objets meublants se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

Condamne la SARL H.L.D., venant aux droits de la SARL DA VINCENZA, à payer à la SCPI BUROBOUTIC une indemnité d'occupation d'un montant égal au montant du loyer contractuel, majoré des taxes et charges, à compter de la présente décision et jusqu'à la libération des locaux par la remise des clés,

Condamne la SARL H.L.D. venant aux droits de la SARL DA VINCENZA, à payer à la SCPI BUROBOUTIC la somme de 43.140,82 euros correspondant aux loyers et charges échus au 19 mars 2024, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Déboute la SARL H.L.D., venant aux droits de la SARL DA VINCENZA, de sa demande de délais de paiement,

Déboute la SCPI BUROBOUTIC de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

Condamne la SARL H.L.D., venant aux droits de la SARL DA VINCENZA, à payer à la société BUROBOUTIC la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SARL H.L.D., venant aux droits de la SARL DA VINCENZA, de sa demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société H.L.D. venant aux droits de la SARL DA VINCENZA, aux entiers dépens de l’instance,

Rejette toute autre demande plus ample ou contraire.

Fait et jugé à Paris le 16 Juillet 2024.

Le Greffier Le Président

Christian GUINAND Sophie GUILLARME


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 18° chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 21/05116
Date de la décision : 16/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-16;21.05116 ?
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