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16/07/2024 | FRANCE | N°21/04146

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 18° chambre 1ère section, 16 juillet 2024, 21/04146


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:





18° chambre
1ère section

N° RG 21/04146
N° Portalis 352J-W-B7F-CUBFY

N° MINUTE : 2

contradictoire

Assignation du :
18 Mars 2021









JUGEMENT
rendu le 16 Juillet 2024



DEMANDEUR

Monsieur [D] [X] [I]
[Adresse 1]
[Localité 7]

représenté par Me Ursula PEZZANI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire #PC82




DÉFENDERESSE

S.A. LA REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE [Localité 9] (RIVP)
[Adresse 4]
[Localité 6]

représentée par Maître Catherine HENNEQUIN de la SELAS LHUMEAU GIORGETTI HENNEQUIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiai...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

18° chambre
1ère section

N° RG 21/04146
N° Portalis 352J-W-B7F-CUBFY

N° MINUTE : 2

contradictoire

Assignation du :
18 Mars 2021

JUGEMENT
rendu le 16 Juillet 2024

DEMANDEUR

Monsieur [D] [X] [I]
[Adresse 1]
[Localité 7]

représenté par Me Ursula PEZZANI, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire #PC82

DÉFENDERESSE

S.A. LA REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE [Localité 9] (RIVP)
[Adresse 4]
[Localité 6]

représentée par Maître Catherine HENNEQUIN de la SELAS LHUMEAU GIORGETTI HENNEQUIN & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0483

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Sophie GUILLARME, 1ère Vice-présidente adjointe,
Monsieur Jean-Christophe DUTON, Vice-président,
Madame Diana SANTOS CHAVES, Juge,

assistés de Madame Manon PLURIEL, Greffière, lors des débats et de Monsieur Christian GUINAND, Greffier principal, lors de la mise à disposition au greffe,

DÉBATS

A l’audience du 19 Mars 2024, tenue en audience publique devant Madame Diana SANTOS CHAVES, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
Avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 18 juin 2024.
Puis, le délibéré a été prorogé jusqu’au 16 juillet 2024.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

Par acte sous seing privé du 28 juin 2000, la Société Anonyme de Gestion Immobilière, aux droits de laquelle vient la Régie Immobilière de la Ville de [Localité 9] (ci après la « RIVP »), a donné à bail en renouvellement à la société Profix des locaux commerciaux situés [Adresse 3], à [Localité 11], pour une durée de neuf années entières et consécutives à compter du 1er janvier 2000, moyennant un loyer annuel de 54.240 francs hors charges et hors taxe, payable trimestriellement à terme échu, pour une activité de « PROTHESES DENTAIRES ».

Les lieux loués comprennent une boutique d’une surface d’environ 64 m² au rez-de-chaussée et un sous-sol d’une surface de 32 m² environ.

Par acte sous seing privé en date des 10 et 24 novembre 2010, la RIVP et la société Profix ont conclu un avenant de renouvellement du bail prévoyant son renouvellement pour une durée de 9 années entières et consécutives à compter du 1er janvier 2009, moyennant un loyer annuel de 12.203,20 euros hors charge et hors taxe, payable par trimestre à terme échu, les autres clauses du bail précédent demeurant inchangées.

Par acte sous seing privé en date du 30 avril 2016 et enregistré au SIE de [Adresse 10] le 3 mai 2016, la société Profix a cédé son fonds de commerce à M. [X] [I].

Le 13 août 2019, la RIVP a fait délivrer à M. [I] un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail pour la somme en principal de 24.899,51 euros.

Par exploit en date du 20 septembre 2019, la RIVP a assigné M. [I] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris. Par ordonnance du 13 décembre 2019, le juge des référés a notamment :
- Constaté l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 13 septembre 2019 à minuit ;
- Ordonné, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois de la signification de la présente ordonnance, l’expulsion de M. [I] et de tout occupant de son chef avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier, le tout sous astreinte provisoire de 50 euros par jour ;
- Fixé à titre provisionnel l’indemnité d’occupation due par M. [I], à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;
- Condamné par provision M. [I] à payer à la RIVP la somme de 24.889,51 euros au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d’occupation arriérés au 16 septembre 2019, 2ème trimestre 2019 inclus, ainsi que les indemnités d’occupation postérieures.

Cette décision a été signifiée à M. [I] le 6 février 2020, puis la RIVP a diligenté les actes d’exécution suivants :
- Par exploit du 18 février 2020, un commandement aux fins de saisie-vente, pour le paiement de la somme de 32.835,70 euros,
- Par exploit du 10 mars 2020, un commandement de quitter les lieux,
- Par exploit du 16 mars 2020, un itératif commandement de quitter les lieux ; un procès-verbal de tentative d’expulsion a été dressé à cette occasion par l’huissier instrumentaire de la RIVP,
- Par exploit du 6 août 2020, une saisie-attribution de compte bancaire entre les mains de la Société générale à hauteur de 33.344,06 euros, fructueuse à hauteur de 3.453,18 euros,
- Par exploit du 10 août 2020, la saisie attribution a été dénoncée à M. [I].

Estimant ne pas avoir été destinataire des différents actes d’exécution et en premier lieu de l’ordonnance de référé du 13 décembre 2019, par acte extrajudiciaire du 4 septembre 2020, M. [I] a assigné la RIVP devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
- Déclarer nulle et non avenue la signification de l’ordonnance de référé du 13 décembre 2019 valant titre exécutoire ;
- Déclarer nulle et non avenue la signification de la dénonciation de saisie-attribution du 10 août 2020 ;
- Ordonner la mainlevée de la saisie-attribution du 6 août 2020.

Par jugement en date du 15 février 2021, le juge de l’exécution a débouté M. [I] de toutes ses demandes.

Estimant que la bailleresse avait entrepris des travaux ayant causé des désordres dans son local et l’ayant empêché de l’exploiter, par acte extrajudiciaire du 16 février 2021, M. [I] a assigné la RIVP devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins principales de condamnation de la bailleresse pour manquement à son obligation de délivrance, paiement de dommages et intérêts ainsi que d’une indemnité d’éviction.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 5 novembre 2021, M. [I] demande au tribunal de :
- Juger que l'absence de paiement par M. [I] n'est que la conséquence de l'inexécution de l’obligation de jouissance paisible des lieux loués par le bailleur.
- Juger qu’il était fondé à séquestrer entre ses propres mains le montant du loyer et charges jusqu’au respect de l'obligation du bailleur de jouissance paisible des lieux loués.

- Condamner la société RIVP à lui payer la somme de 10.000 euros, au titre du préjudice de délivrance et de jouissance.
- Condamner la société RIVP à lui payer la somme de 23.563 euros, correspondant à la perte de revenus entre 2017 et 2019, au titre des troubles causés à son activité pendant la durée des travaux déjà réalisés.
- Condamner la société RIVP à lui payer la somme de 6.564,40 euros, au titre du remboursement du dépôt de garantie.
- Condamner la société RIVP à lui payer la somme de 50.000 euros, au titre de l’indemnité d’éviction, en application de l’article L. 145-14 et suivants du code de commerce.
- Procéder en tant que de besoin la compensation des créances réciproques.
A titre subsidiaire
Si par extraordinaire l'obligation de payer une indemnité d'éviction n'était pas retenue, la société RIVP devra néanmoins indemniser la perte du fonds de commerce causée par sa mauvaise foi.
- Condamner la société RIVP à lui payer la somme de 50.000 euros, au titre de dommages et intérêts, en application de l’article 1240 du Code Civil.
A titre infiniment subsidiaire
- Limiter la créance de la société RIVP à la somme de 14.680,35 euros.
- Lui accorder les plus larges délais de paiement, en application de l’article 1343-5 du code civil.
En tout état de cause
- Débouter la société RIVP de l’ensemble de ses demandes fins et conclusions contraires.
- Procéder en tant que de besoin la compensation des créances réciproques.
- Condamner la société RIVP au paiement de la somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
- Condamner la société RIVP aux entiers dépens.
- dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, Maître Ursula Pezzani, avocat au Barreau du Val-de-Marne pourra recouvrer directement les frais dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 31 janvier 2022, la RIVP demande au tribunal de :
- Débouter M. [I] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- Ecarter l’exécution provisoire de droit du jugement à intervenir sur les seuls chefs de demande de M. [I],
- Le condamner à lui verser la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
- Le condamner aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELAS LGH & Associés, en la personne de Maître Catherine Hennequin, Avocat aux offres de droit, et ce en application des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Conformément à l’article 455 du code procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits de la cause, des prétentions et des moyens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 avril 2022. L'affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience tenue à juge rapporteur du 28 mars 2023. Par bulletin du 12 septembre 2022, l’audience de plaidoirie a été reportée au 10 octobre 2023, puis à nouveau reportée au 19 mars 2024 par bulletin du 13 octobre 2022, en raison du départ de plusieurs magistrats de la chambre et de la charge de travail au sein de la chambre. A l’audience du 19 mars 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 18 juin 2024, prorogée au 16 juillet 2024, date à laquelle le jugement a été rendu par mise à disposition au greffe.

*

MOTIFS DU JUGEMENT

A titre liminaire, il sera rappelé qu’en application de l’article 4 du code de procédure civile, les demandes tendant à voir « constater », « donner acte », « dire et juger » ne constituent pas des prétentions si elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert, hormis les cas prévus par la loi, ces demandes n’étant que le rappel des moyens invoqués. Elles ne donneront donc pas lieu à mention au dispositif.

Sur les demandes de dommages et intérêts de M. [I]

M. [I] expose qu’en application des articles 1719 et 1720 du code civil, le bailleur est tenu de délivrer un local conforme à l’usage auquel il est destiné, de l’entretenir dans cet état et de garantir la jouissance paisible des locaux loués ; qu’à partir de 2013, la RIVP a entrepris des travaux de rénovation et d’extension d’immeubles sur le [Adresse 8], lesquels ont atteint l’immeuble du local litigieux à partir de février/mars 2017 ; que ces travaux lui ont causé des graves désordres par des dégâts des eaux à répétition et un court-circuit entrainant l’absence d’électricité et d’eau chaude pendant plusieurs semaines ; que la RIVP n’a pas remédié à ces désordres et l’a privé de boite aux lettres, le privant également de commandes professionnelles de ce fait ; que n’étant pas titulaire d’un bail en raison de la résistance de la RIVP, il n’a pu souscrire de contrat d’assurance, ni déclarer de sinistre, ni être indemnisé ; que son local a été enseveli de gravats et de poussière en février 2018 du fait de la démolition des étages supérieurs ; que son chiffre d’affaires a subi une chute importante entre 2016 et 2018 ; qu’il a été contraint de trouver un emploi à compter mars 2019 pour subvenir à ses besoins compte tenu des dégradations l’empêchant d’exploiter son fonds de commerce ; que la RIVP n’a jamais mis en œuvre de moyen pour remédier aux troubles qu’il subissait ; que les manquements de la RIVP à son obligation de délivrance et de jouissance paisible justifie l’allocation de dommages et intérêts à hauteur de 10.000 euros en réparation du préjudice subi et de 23.563 euros correspondant à la perte de revenus entre 2017 et 2019.

La RIVP soutient que M. [I] ne démontre ni l’existence de travaux réalisés dans son local, ni un quelconque préjudice provoqué par la RIVP ; qu’il ne verse aux débats qu’une série de photographies non datées qui ne démontrent pas les désordres de nature à troubler son activité ; qu’il ne justifie pas avoir signalé le trouble de jouissance qu’il invoque aujourd’hui ; qu’il ne démontre pas le lien entre la perte alléguée de chiffre d’affaires et les prétendus travaux.

Selon l'article 1134 dans sa version applicable au présent litige, devenu 1103 du code civil, les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Selon l'article 1147 devenu 1231 du code civil, celui qui invoque un préjudice résultant d'une faute de son co-contractant doit établir un manquement au contrat qui les lie ou à son obligation d'exécuter de bonne foi ses obligations, ainsi que l'étendue du préjudice causé par cette faute.

Aux termes de l'article 1719 du code civil, le bailleur est tenu de délivrer au preneur un local lui permettant d'exercer la destination contractuellement prévue par le bail, d’entretenir les locaux en état de servir à l'usage pour lequel ils ont été loués et d’en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

En l’espèce, M. [I] qui allègue des désordres subis dans son local commercial du fait de travaux entrepris par la RIVP sur l’immeuble dont dépendaient ses locaux ne verse aux débats aucun élément de nature à caractériser le trouble de jouissance et le préjudice allégués.

M. [I] se contente de produire un article extrait du site Internet « Le Parisien » en date du 25 septembre 2019 concernant la réhabilitation d’un immeuble de la RIVP situé [Adresse 5], et un article extrait du site d’une « Association [Adresse 12] » daté du 29 décembre 2012, concernant le projet de réhabilitation de l’immeuble [Adresse 2], immeuble dont dépendent les locaux objet du bail.

Il produit par ailleurs une série de photographies non datées mettant en évidence le sol d’un local sale de poussière, et des dessous de meubles dégradés, ainsi que des photographies de l’extérieur d’un immeuble avec des barrières de chantier. Toutefois, M. [I] ne produit aucun échange avec la RIVP concernant d’éventuels désordres qu’il aurait subis dans son local, aucun justificatif du fait que les boites aux lettres auraient été supprimées, aucune déclaration de sinistre. Alors qu’une cession de fonds de commerce régulière est intervenue entre la société Profix et M. [I], laquelle incluait le droit au bail, M. [I] déclare n’avoir jamais souscrit d’assurance pour son local, alors qu’il était bien titulaire d’un bail commercial.

En outre, M. [I] verse aux débats des déclarations de revenus au titre des années 2016, 2017 et 2018 mettant en évidence des revenus industriels et commerciaux déclarés en baisse chaque année, sans qu’aucun lien ne puisse être établi entre cette baisse de revenus et les désordres allégués dans son local.

Il résulte de ces éléments que M. [I] ne démontre ni les manquements allégués de la RIVP à son obligation de délivrance et de jouissance paisible, ni le préjudice qu’il aurait subi.

En conséquence, les demandes en paiement de dommages et intérêts de M. [I] seront rejetées.

Sur la demande en paiement d’une indemnité d’éviction

M. [I] soutient qu’en application de l’article L. 145-14 du code de commerce, la RIVP qui a refusé de renouveler le contrat de bail arrivé à échéance le 31 décembre 2017, l’a empêché de céder son fonds et doit être considérée comme l’ayant évincé. Il estime que l’indemnité d’éviction qui lui est due doit être calculée au regard du droit au bail convenu lors de l’acquisition du fonds de commerce, soit 10.000 euros, augmenté des différents frais et pertes liés à l’impossibilité d’exploiter son fonds de commerce estimés à 40.000 euros, soit une indemnité totale de 50.000 euros.

La RIVP expose que M. [I] était venu aux droits de la société Profix au titre du bail commercial renouvelé le 1er janvier 2009 ; que le bail commercial arrivé à échéance le 31 décembre 2017 s’est poursuivi par tacite prolongation ; que la RIVP ne lui a jamais donné congé ; que le bail a été résilié du fait du constat de l’acquisition de la clause résolutoire par le juge des référés par ordonnance du 13 décembre 2019 du fait des impayés de loyers de M. [I], de sorte qu’aucune indemnité d’éviction n’est due.

Aux termes de l’article L. 145-14 du code du commerce, « Le bailleur peut refuser le renouvellement du bail. Toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement.
Cette indemnité comprend notamment la valeur marchande du fonds de commerce, déterminée selon les usages de la profession, augmentée éventuellement des frais normaux de déménagement et de réinstallation, ainsi que les frais et droits de mutation à payer pour un fonds de même valeur, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre ».

En l’espèce, il ressort de l’acte de cession du fonds de commerce de la société Profixe à M. [I] que cette cession incluait le droit au bail consenti à la société Profixe, renouvelé le 24 novembre 2010 pour une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 2009, jusqu’au 31 décembre 2017, et que la RIVP ne s’est pas opposée à cette cession.

M. [I] justifie avoir interrogé la RIVP en décembre 2017 et janvier 2018 sur la conclusion d’un nouveau bail compte tenu de l’échéance du 31 décembre 2017. Il n’est pas contesté que la RIVP n’a pas donné suite à ces courriers de sorte que le bail du 24 novembre 2010 s’est poursuivi par tacite prolongation, sans que M. [I] ne soit évincé de son local.

Il résulte de ces éléments qu’en l’absence de congé donné à M. [I] par le bailleur ou de refus de renouvellement adressé à une éventuelle demande de renouvellement, le preneur n’a pas été évincé de son local et ne peut prétendre à aucune indemnité d’éviction.

Le bail liant les parties a fait l’objet d’un constat d’acquisition de la clause résolutoire par ordonnance du juge des référés du 13 décembre 2019, à la suite d’importants impayés de loyers non régularisés par M. [I]. Cette résiliation imputable aux manquements du preneur n’ouvre pas droit à une indemnité d’éviction à son profit.

En conséquence, la demande de paiement d’une indemnité d’éviction à hauteur de 50.000 euros sera rejetée.

Sur la demande subsidiaire d’indemnisation de la perte du fonds de commerce

M. [I] fait valoir que si l’indemnité d’éviction n’était pas retenue, le bailleur devrait indemniser la perte de son fonds de commerce causée par sa mauvaise foi, en application de l’article 1240 du code civil ; que la RIVP a diligenté une procédure d’expulsion alors qu’il ignorait l’existence des procédures mises en œuvre à son encontre et qu’il n’était donc pas en mesure de se défendre ; qu’il n’a reçu aucun acte, ni à l’adresse de son local, la boite aux lettres étant supprimée, ni à son adresse personnelle ; que la RIVP a également fait preuve de mauvaise foi en faisant espérer un renouvellement de bail alors qu’elle ne l’envisageait pas ; qu’il estime son préjudice à 50.000 euros.

La RIVP expose que M. [I] ne justifie pas de l’absence de boite aux lettres ni du quantum de sa demande ; qu’il ressort de la signification du commandement de payer du 13 août 2019 et de l’assignation du 20 septembre 2019 que l’huissier a laissé un avis de passage sous la porte du local ; que le juge de l’exécution a débouté M. [I] de l’intégralité de ses demandes tendant à faire annuler les actes de procédure diligentés par la RIVP ; que la RIVP a agit de bonne foi dans la préservation de ses droits.

L'article 1134 dans sa version applicable au présent litige, devenu 1103 du code civil, dispose que les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Comme rappelé précédemment, selon l'article 1147 devenu 1231 du code civil, celui qui invoque un préjudice résultant d'une faute de son co-contractant doit établir un manquement au contrat qui les lie ou à son obligation d'exécuter de bonne foi ses obligations, ainsi que l'étendue du préjudice causé par cette faute.

En l’espèce, il est constant que M. [I] a interrompu le paiement des loyers à compter de la fin de l’année 2017. Il ne justifie pas que les boites aux lettres auraient été supprimées, le privant de toute possibilité d’avoir connaissance des procédures menées à son encontre du fait du manquement à son obligation de payer les loyers.

Il ressort du procès-verbal de signification du commandement de payer que M. [I] était absent à son passage mais que l’huissier a constaté la présence du nom du preneur sur la boite aux lettres ainsi que l’enseigne commerciale sur l’immeuble. Sur les procès-verbaux de signification des autres actes de procédure, il est constaté que M. [I] est toujours absent et l’avis de passage est laissé soit sous la porte du local, soit entre les mains du gardien.

M. [I] a indiqué dans ses conclusions devant le juge de l’exécution versées aux débats qu’il avait quitté les locaux loués depuis plusieurs mois lors de la signification des différents actes de procédure. C’est donc de son propre fait qu’il n’a pas eu connaissance de ces actes, et non du fait d’une mauvaise foi de la bailleresse.

Par ailleurs, il ne ressort d’aucune des pièces versées aux débats que la RIVP a fait espérer un renouvellement de bail au profit de M. [I] qu’elle aurait par la suite refusé.

M. [I] qui échoue à caractériser une quelconque mauvaise foi de la bailleresse dans l’exercice de ses prérogatives contractuelles, ainsi que tout autre manquement contractuel, sera débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la demande de restitution du dépôt de garantie

M. [I] expose qu’à l’occasion de la cession du fonds de commerce à son profit, la créance de la société Profix à l’égard de la RIVP au titre du dépôt de garantie lui a été transmise ; que la RIVP, qui entend conserver ce dépôt de garantie en raison des impayés de loyers, n’a pas mentionné ce point au juge des référés alors que cela aurait réduit le montant de la condamnation de M. [I] ce qui atteste encore de la mauvaise foi de la bailleresse.

La RIVP fait valoir que M. [I] n’a pas réglé les loyers et indemnités d’occupation relatives aux trois dernières années de son occupation de sorte qu’il est débiteur de la somme de 32.828 euros après déduction du dépôt de garantie ; elle estime être fondée à conserver le dépôt de garantie pour ce motif.

Le dépôt de garantie est une somme versée par le preneur en vue d’assurer le bailleur de la bonne exécution des obligations découlant du bail. Il est restitué au preneur lors de la restitution des lieux, sous réserve des compensations pouvant être effectuées avec les sommes dont le preneur pourrait être débiteur au titre notamment de loyers impayés ou de réparations locatives.

En l’espèce, il ressort de l’acte de cession du fonds de commerce en date du 30 avril 2016 que le dépôt de garantie était à cette date de 6.564,40 euros.

Il ressort du commandement de payer du 13 août 2019 et des écritures de M. [I] qu’il a cessé de payer les loyers en décembre 2017.

Par ordonnance du 13 décembre 2019, le juge des référés a constaté l’acquisition de la clause résolutoire au 13 septembre 2019 à minuit et condamné M. [I] à payer une somme provisionnelle de 24.889,51 euros au titre du solde des loyers, charges, accessoires et indemnités d’occupation.

A l’exception de la saisie attribution réalisée sur les comptes de M. [I] auprès de la Société Générale à hauteur de 2.888,40 euros, M. [I] ne prétend ni ne justifie avoir réglé aucune somme à la RIVP depuis l’ordonnance de référé.

En conséquence, la demande de restitution du dépôt de garantie de 6.564,40 euros sera rejetée, la RIVP étant bien fondée à conserver cette somme en compensation des sommes dues par M. [I].

Sur la demande de limitation de la dette à la charge de M. [I] et la demande de délais de paiement

M. [I] soutient qu’il a signé un contrat de travail avec la société Labo Prothèse Dentaire Carena le 25 mars 2019 et que le décompte des arriérés de loyers ne peut donc aller au-delà du 31 mars 2019. Il estime que la créance de la RIVP doit donc être limitée à 14.680,35 euros (21.244,75 € - 6.564,40 €) selon le décompte de la bailleresse.

La RIVP fait valoir que M. [I] ne peut se prévaloir d’avoir abandonné les locaux à compter de mars 2019, sans en avertir la bailleresse et sans délivrer de congé, pour être déchargé du paiement des loyers. Elle estime qu’il reconnait ainsi l’abandon des locaux et l’impossibilité de prétendre à une indemnité d’éviction.

L'article 1134 dans sa version applicable au présent litige, devenu 1103 du code civil, dispose que les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. L'article 1728 du même code énonce que le paiement du prix du bail aux termes convenus constitue l'une des deux obligations principales du preneur.

En l’espèce, le fait que M. [I] ait conclu un contrat de travail à compter du 25 mars 2019 et qu’il ait abandonné les locaux loués ne peut suffire à le décharger de son obligation de paiement des loyers, en l’absence de tout congé délivré au bailleur.

En conséquence, M. [I] sera débouté de sa demande de limitation de la dette arrêtée au 31 mars 2019.

En l’absence de demande de paiement formulée par la RIVP, la demande de délais de paiement de M. [I] est sans objet.

Sur les demandes accessoires

M. [I] qui succombe à l’instance sera condamné aux entiers dépens de l’instance dont distraction au profit de la SELAS LGH & Associés, en la personne de Me Catherine Hennequin, avocat, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Condamné aux dépens, il sera également condamné à payer à la RIVP la somme de 3.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sera débouté de sa demande sur ce même fondement.

*

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

Déboute M. [X] [I] de sa demande de dommages et intérêts de 10.000 euros au titre d’un préjudice de délivrance et de jouissance,

Déboute M. [X] [I] de sa demande en paiement de 23.563 euros au titre d’une perte de revenus entre 2017 et 2019,

Déboute M. [X] [I] de sa demande d’indemnité d’éviction,

Déboute M. [X] [I] de sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 50.000 euros,

Déboute M. [X] [I] de sa demande de restitution du dépôt de garantie d’un montant de 6.564,40 euros,

Déboute M. [X] [I] de sa demande de limitation de la créance de la RIVP à la somme de 14.680,35 euros,

Dit que la demande de délais de paiement de M. [X] [I] est sans objet,

Condamne M. [X] [I] à payer à la Régie Immobilière de la Ville de [Localité 9] la somme de 3.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute M. [X] [I] de sa demande sur ce même fondement,

Condamne M. [X] [I] aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de la SELAS LGH & Associés, en la personne de Me Catherine Hennequin, avocat,

Fait et jugé à Paris le 16 Juillet 2024.

Le Greffier Le Président

Christian GUINAND Sophie GUILLARME


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 18° chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 21/04146
Date de la décision : 16/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-16;21.04146 ?
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