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15/07/2024 | FRANCE | N°23/11717

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Loyers commerciaux, 15 juillet 2024, 23/11717


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




Loyers commerciaux


N° RG 23/11717
N° Portalis 352J-W-B7H-C2ZUL



N° MINUTE : 4

Assignation du :
13 Septembre 2023


Jugement avant dire droit
[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :


Expert : [Y] [M][2]

[2]
[Adresse 2]
[Localité 10]





JUGEMENT
rendu le 15 Juillet 2024

DEMANDERESSE

S.A. HSBC CONTINENTAL EUROPE
[Adresse 3]
[Localité 8]

représentée par Maître Séverine VALADE, avoc

ate au barreau de PARIS, avocate plaidante, vestiaire #C0987



DEFENDERESSE

S.C.I. DU [Adresse 5]-[Adresse 6]
[Adresse 4]
[Localité 7]

représentée par Maître Fleur GAFFINEL, avocate au barreau de PARIS, ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

Loyers commerciaux


N° RG 23/11717
N° Portalis 352J-W-B7H-C2ZUL

N° MINUTE : 4

Assignation du :
13 Septembre 2023

Jugement avant dire droit
[1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

Expert : [Y] [M][2]

[2]
[Adresse 2]
[Localité 10]

JUGEMENT
rendu le 15 Juillet 2024

DEMANDERESSE

S.A. HSBC CONTINENTAL EUROPE
[Adresse 3]
[Localité 8]

représentée par Maître Séverine VALADE, avocate au barreau de PARIS, avocate plaidante, vestiaire #C0987

DEFENDERESSE

S.C.I. DU [Adresse 5]-[Adresse 6]
[Adresse 4]
[Localité 7]

représentée par Maître Fleur GAFFINEL, avocate au barreau de PARIS, avocate plaidante, vestiaire #K0030

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Jean-Christophe DUTON, Vice-président, Juge des loyers commerciaux
Siégeant en remplacement de Monsieur le Président du Tribunal judiciaire de Paris, conformément aux dispositions de l'article R.145-23 du code de commerce ;

assisté de Camille BERGER, Greffière

DEBATS

A l’audience du 03 Juin 2024 tenue publiquement

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

FAITS ET PROCEDURE

Par acte sous seing privé du 17 juillet 1995, la SCI [Adresse 5]-[Adresse 6], a donné à bail à la SA CCF aux droits de laquelle est venu la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE, un local commercial (rez-de-chaussée et sous-sol) dépendant d'un immeuble situé [Adresse 5] dans le [Localité 9], pour une durée de douze années, à compter du 1er août 1995 pour se terminer le 31 juillet 2007.

La destination est la suivante : toutes opérations de banque, finances, crédit, arbitrage, cautionnement, courtage, commission et toutes opérations se rattachant directement ou indirectement à l'objet social dès lors qu'elles seront utiles à sa réalisation avec possibilité d'installer des distributeurs ou guichets automatiques.

Par acte sous seing privé du 16 avril 2010, le bail a été renouvelé à compter du 1er janvier 2009 pour se terminer le 31 décembre 2017, moyennant un loyer au principal de 328.510 euros.

Par acte extrajudiciaire du 29 mars 2019, la SCI [Adresse 5]-[Adresse 6] a fait délivrer un congé au preneur avec offre de renouvellement à compter du 1er octobre 2019 moyennant un loyer de 357.323 euros.

Aux termes d'un traité d'apport partiel d'actifs ayant pris effet au 1er janvier 2024, le droit au bail des locaux loués, a été transféré à la SA CCF.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 23 septembre 2021 et par acte extrajudiciaire du 24 septembre 2021, la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE, aux droits de laquelle s'est substituée la SA CCF a notifié à la bailleresse un mémoire préalable tendant à la fixation du loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2019 à la somme annuelle de 125.000 euros au principal.

Par exploit de commissaire de justice du 13 septembre 2023, la SA HSBC CONTINENTAL EUROPE, aux droits de laquelle s'est substituée la SA CCF, a fait assigner la SCI [Adresse 5]-[Adresse 6] devant le juge des loyers commerciaux du tribunal judiciaire de Paris aux fins de faire fixer judiciairement en substance le loyer du bail renouvelé à la somme mentionnée dans son mémoire préalable.

Dans son mémoire notifié le 30 avril 2024 (dans une forme non contestée par les parties) la SA CCF demande au juge des loyers commerciaux de :

- fixer à 125.000 euros l'an en principal le loyer du bail renouvelé à effet du 1er octobre 2019, dont elle bénéficie sur les locaux situés au rez-de-chaussée et au sous-sol du [Adresse 5], dans le [Localité 9] ;
- ordonner le remboursement par la SCI [Adresse 5]-[Adresse 6] de la quote-part de loyers versée, depuis le 1er octobre 2019, excédant le loyer fixé judiciairement, majorée de la TVA et des intérêts au taux légal depuis le 1er octobre 2019, puis à compter de chaque échéance contractuelle ;
- ordonner l'anatocisme ;
- condamner la SCI [Adresse 5]-[Adresse 6] au paiement d'une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la SCI [Adresse 5]-[Adresse 6] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Séverine Valade (SELARL Barbier Associes), avocat au Barreau de Paris ;
- Au cas où le Juge des loyers commerciaux s'estimerait insuffisamment informé, ordonner une expertise conformément à l'article R.145-30 du code de commerce. Dans ce cas, fixer le loyer provisionnel à 125.000 euros par an en principal à effet du 1er octobre 2019 jusqu'à la fixation définitive ;
- En cas d'expertise, réserver les frais et dépens de l'instance.

Dans son mémoire en réplique notifié le 31 mai 2024 (dans une forme non contestée par les parties), la SCI [Adresse 5]-[Adresse 6] demande au juge des loyers commerciaux de :

A titre principal,
- débouter la SA CCF de l'ensemble de ses demandes ;
- fixer le loyer du bail renouvelé au 1er octobre 2019 à la valeur locative en considération de l'usage des locaux loués ;
- fixer le prix du bail renouvelé au 1er octobre 2019 à la somme annuelle de 402.800 euros hors taxes et hors charges, toutes les autres clauses, charges et conditions du bail expiré demeurant inchangées, sous réserve des adaptations inhérentes aux dispositions de la loi du 18 juin 2014 dite "Loi Pinel ";
- ordonner la majoration de la valeur locative des locaux loués de 9 % pour tenir compte des avantages consentis au preneur (faculté de sous-location partielle, libre cession, accession en fin de jouissance, etc.) ;

A titre subsidiaire,
- désigner tel expert qu'il plaira à Madame ou Monsieur le Président en application des dispositions de l'article R.145-30 du code de commerce, avec pour mission de :
o convoquer les parties et, dans le respect du principe du contradictoire,
o se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission,
o visiter les locaux litigieux et les décrire,
o entendre les parties en leurs dires et explications,
o procéder à l'examen des faits qu'allèguent les parties,
o rechercher la valeur locative des locaux loués au 1er octobre 2019,
o rendre compte du tout et donner son avis motivé,
o dresser un rapport de ses constatations et conclusions.
- fixer le loyer provisionnel pendant la durée de l'instance au montant du dernier loyer contractuel dû au titre du bail et la date de renouvellement, lequel sera indexé chaque année dans les conditions de l'article 3 du bail.

L'audience de plaidoirie s'est tenue le 3 juin 2024.
La décision a été mise en délibéré au 15 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le principe du renouvellement du bail

Les parties s'accordent sur le principe du renouvellement du bail à compter du 1er octobre 2019 mais demeurent en désaccord sur le montant du loyer du bail renouvelé. Il y a lieu de le constater.

Sur la fixation du montant du loyer du bail renouvelé

En vertu de l'article L 145-33 du code de commerce, le montant des loyers des baux commerciaux renouvelés ou révisés doit correspondre à la valeur locative.
A défaut d'accord, cette valeur est déterminée d'après :

1- les caractéristiques du local concerné ;
2- la destination des lieux ;
3- les obligations respectives des parties ;
4- les facteurs locaux de commercialité ;
5- les prix couramment pratiqués dans le voisinage.

Les articles R 145-2 à R 145-11 du code de commerce précisent la consistance de ces éléments.

Selon l'article L 145-34 du même code, à moins d'une modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33, le taux de variation du loyer applicable lors de la prise d'effet du bail à renouveler, si sa durée n'est pas supérieure à neuf ans, ne peut excéder la variation, intervenue depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, publiés par l'Institut national de la statistique et des études économiques. A défaut de clause contractuelle fixant le trimestre de référence de cet indice, il y a lieu de prendre en compte la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires, calculée sur la période de neuf ans antérieure au dernier indice publié.

En outre, selon l'article L. 145-36 du code de commerce, les éléments permettant de déterminer le prix des baux des terrains, des locaux construits en vue d'une seule utilisation et des locaux à usage exclusif de bureaux sont fixés par décret en Conseil d'Etat.

L'article R. 145-11 du même code dispose que le prix du bail des locaux à usage exclusif de bureaux est fixé par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, sauf à être corrigés en considération des différences cons-tatées entre le local loué et les locaux de référence.

Les dispositions des deuxième et troisième alinéas de l'article R. 145-7 sont en ce cas applicables.

Selon l'article R.145-7 alinéas 2 et 3, à défaut d'équivalence, ils peuvent, à titre indicatif, être utilisés pour la détermination des prix de base, sauf à être corrigés en considération des différences constatées entre le local loué et les locaux de référence.

Les références proposées de part et d'autre portent sur plusieurs locaux et comportent, pour chaque local, son adresse et sa description succincte. Elles sont corrigées à raison des différences qui peuvent exister entre les dates de fixation des prix et les modalités de cette fixation.

Il est acquis que lorsque la valeur locative est inférieure au montant du loyer plafonné résultant de l'évolution des indices à la date du renouvellement, le loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative sans qu'il soit nécessaire pour le preneur d'établir une quelconque modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L 145-33.

Il ressort également des dispositions légales susvisées que le loyer des locaux à usage exclusif de bureaux échappe à la règle du plafonnement et doit être fixé à la valeur locative par référence aux prix pratiqués pour des locaux équivalents, corrigés, le cas échéant, pour tenir compte des différences de situation ou de consistance entre ces locaux de comparaison et les locaux loués.

En l'espèce, la SA CCF soutient que la qualification d'usage exclusif de bureau doit être écartée.

La SCI [Adresse 5]-[Adresse 6] soutient que les locaux pris à bail sont à usage exclusif de bureaux.

La clause du bail relative à la destination stipule : " Les locaux loués ne pourront être utilisés, pendant la durée ci-dessus définie du présent bail que pour l'exploitation par le preneur de son fonds de commerce de banque, finances, crédit, arbitrage, cautionnement, courtage, commission et toutes opérations se rattachant directement ou indirectement à l'objet social dès lors qu'elles seront utiles à sa réalisation, avec possibilité d'installer des distributeurs ou guichets automatiques ".

La commune intention des parties vise l'exercice, dans les locaux pris à bail, d'activités exclusivement intellectuelles liés à l'activité bancaire, sans dépôt de marchandises. Même si l'adjectif " exclusif " n'est pas utilisé, l'utilisation de la locution adverbiale " ne ...que " qui exprime la négation restrictive (" ne pourront être utilisés, (...), que pour l'exploitation par le preneur de son fonds de commerce de banque, finances, crédit, arbitrage, cautionnement, courtage, commission et toutes opérations se rattachant directement ou indirectement à l'objet social "), confirme l'usage à vocation intellectuelle, étant précisé que l'objet social du preneur vise en substance, les prestations de services d'investissement.

C'est à tort que la SA CCF croit pouvoir écarter la qualification d'usage exclusif de bureau au motif que le bailleur autorise la cession du droit au bail pour pour toute autre activité compatible avec la destination des locaux loués, alors que cette compatibilité doit nécessairement s'apprécier au regard de la nature intellectuelle des activités exercées, ce qui confirme une fois de plus la restriction d'usage.

Dès lors que la clause de destination ne vise que des activités intellectuelles sans dépôt de marchandises, il doit être déduit de la commune intention des parties que les lieux loués sont à usage exclusif de bureaux.

S'agissant des estimations sur la valeur locative, l'écart entre les estimations des parties est significatif. En l'état des moyens exposés, il convient de rechercher et rassembler les éléments d'appréciation des faits invoqués par les parties. Ces éléments ne peuvent résulter des vérifications personnelles du juge ou d'un constat. Dès lors, il est nécessaire de recourir à une mesure d'expertise demandée subsidiairement par les deux parties.

Il convient de fixer pendant la durée de l'instance un loyer provisionnel égal au montant du loyer contractuel en principal, en application des dispositions de l'article L.145-57 du code de commerce.

L'exécution provisoire de la présente décision sera ordonnée comme étant nécessaire.

Il convient de réserver les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des loyers commerciaux, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Constate, par l'effet du congé avec offre de renouvellement délivré le 29 mars 2019 par la SCI [Adresse 5]-[Adresse 6] à la SA CCF, le principe du renouvellement du bail concernant les locaux (rez-de-chaussée et sous-sol) dépendant d'un immeuble situé [Adresse 5] dans le [Localité 9], à compter du 1er octobre 2019.

Avant dire droit pour le surplus :

Ordonne une mesure d'expertise et désigne en qualité d'expert :

[Y] [M]
[Adresse 2] [Localité 10],
[XXXXXXXX01] - [Courriel 13]

avec mission de :

* convoquer les parties, et, dans le respect du principe du contradictoire,
* se faire communiquer tous documents et pièces nécessaires à l'accomplissement de sa mission,
* visiter les locaux litigieux (rez-de-chaussée et sous-sol) dépendant d'un immeuble situé [Adresse 5] dans le [Localité 9] et de les décrire,
* entendre les parties en leurs dires et explications,
* procéder à l'examen des faits qu'allèguent les parties,
* rechercher la valeur locative à la date du 1er octobre 2019 des lieux litigieux (rez-de-chaussée et sous-sol) dépendant d'un immeuble situé [Adresse 5] dans le [Localité 9] au regard des caractéristiques du local, de la destination des lieux, des obligations respectives des parties, des facteurs locaux de commercialité, des prix couramment pratiqués dans le voisinage, en retenant tant les valeurs de marché que les valeurs fixées judiciairement, en application des dispositions des articles L.145-33 et R 145-3 à R 145-8 du code de commerce,
* rendre compte du tout et donner son avis motivé,
* dresser un rapport de ses constatations et conclusions.

Dit que l'expert sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et qu'il déposera l'original de son rapport au greffe de la juridiction avant le 30 juin 2025 ;

Fixe à la somme de 3.500 euros la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, somme qui devra être consignée par la SA CCF à la régie du tribunal judiciaire de Paris (tribunal de Paris, atrium sud 1er étage, [Adresse 12], [Localité 11]) au plus tard le 5 septembre 2024 inclus, avec une copie de la présente décision ;

Dit que l'affaire sera rappelée le 06 novembre 2024 à 09h30 pour vérification du versement de la consignation ;

Dit que, faute de consignation de la provision dans ce délai, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ;

Désigne le juge des loyers commerciaux aux fins de contrôler le suivi des opérations d'expertise ;

Fixe le loyer provisionnel pour la durée de l'instance au montant du loyer contractuel en principal, outre les charges ;

Sursoit à statuer dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert ;

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision ;

Réserve les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à PARIS, le 15 juillet 2024.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT
C. BERGER J-C. DUTON


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Loyers commerciaux
Numéro d'arrêt : 23/11717
Date de la décision : 15/07/2024
Sens de l'arrêt : Expertise

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-15;23.11717 ?
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