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11/07/2024 | FRANCE | N°24/53574

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, 11 juillet 2024, 24/53574


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS








N° RG 24/53574 -
N° Portalis 352J-W-B7I-C4PEP

N° : 16-CB

Assignation du :
21 mai 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:


ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 11 juillet 2024



par Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Clémence BREUIL, Greffier.
DEMANDERESSE

PARIS HABITAT-OPH
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté p

ar Maître Claire-marie DUBOIS-SPAENLE de , avocats au barreau de PARIS - #P0498


DEFENDERESSE

La société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître R...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


N° RG 24/53574 -
N° Portalis 352J-W-B7I-C4PEP

N° : 16-CB

Assignation du :
21 mai 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 11 juillet 2024

par Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Clémence BREUIL, Greffier.
DEMANDERESSE

PARIS HABITAT-OPH
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Maître Claire-marie DUBOIS-SPAENLE de , avocats au barreau de PARIS - #P0498

DEFENDERESSE

La société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Raphaël BENILLOUCHE de la SELARL RDB ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS - #P0519

DÉBATS

A l’audience du 06 Juin 2024, tenue publiquement, présidée par Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente, assistée de Clémence BREUIL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Suivant acte sous seing privé du 8 novembre 2010, l'établissement public PARIS HABITAT OPH (ci-après " Paris Habitat OPH "), a renouvelé le bail commercial consenti à la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE portant sur des locaux situés [Adresse 1], pour une durée de neuf ans, moyennant le paiement d'un loyer annuel de 22.857,83 euros hors taxes et hors charges, payable trimestriellement d'avance.

Ce bail qui est arrivé à échéance a été tacitement reconduit.

Des loyers étant restés impayés, le bailleur lui a fait délivrer, par exploit du 18 janvier 2024, un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au bail, pour un montant en principal de 96.584,97 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 10 janvier 2024.

Se prévalant de l'acquisition de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail, Paris Habitat a, par exploit délivré le 21 mai 2024, fait citer la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de voir :
" A titre principal :
- Constater que, par l'effet du commandement de payer du 18 janvier 2024, la clause résolutoire insérée au renouvellement de bail commercial dont est titulaire la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE est définitivement et irrévocablement acquise depuis le 19 février 2024, cette dernière étant depuis cette date dépourvue de tout droit ou titre d'occupation des locaux sis [Adresse 1] à [Localité 5] ;

En conséquence,
- Ordonner l'expulsion immédiate et sans délai de la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE, ainsi que celle de tous occupants de son chef, des locaux sis [Adresse 1] à [Localité 5], et ce avec l'assistance d'un serrurier et/ou de la force publique si besoin est ;
- Condamner la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE au paiement d'une astreinte provisoire d'un montant de 100 € par jour de retard à compter du quinzième jour suivant la signification de la décision à intervenir, à défaut d'avoir spontanément restitué les lieux loués et d'en avoir rendu les clés à l'EPIC PARIS HABITAT-OPH ;
- Dire que le président du Tribunal Judiciaire de LYON, statuant en référé, pourra liquider l'astreinte qui aura été fixée ;
- Dire que le sort des meubles et autres objets mobiliers garnissant les lieux sera réglé selon les dispositions des articles L.433-1 et suivants et R.433-1 et suivant du code des procédures civiles d'exécution ;
- Condamner par provision la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE à verser à l'EPIC PARIS HABITAT-OPH la somme de 103 417,39 € au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation impayés selon décompte arrêté au 17 mai 2024, et ce avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;
- Ordonner la capitalisation des intérêts ;

- Condamner par provision la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE au paiement à l'EPIC PARIS HABITAT-OPH d'une indemnité journalière d'occupation de 100 €, outre les charges locatives, à compter du 19 février 2024, date d'effet de la clause résolutoire, et jusqu'à la restitution des lieux ;

A titre subsidiaire,
- Dire qu'à défaut de respect par la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE des délais de paiement qui pourraient lui être accordés, ou d'absence de règlement des loyers et charges à leur échéance contractuelle, la clause résolutoire insérée au bail commercial du 8 novembre 2010 sera alors définitivement acquise, et l'expulsion des lieux pourra être immédiatement poursuivie ;

En tout état de cause,
- Condamner la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE à verser l'EPIC PARIS HABITAT-OPH la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE au paiement de tous les dépens qui comprendront le coût du commandement de payer du 18 janvier 2024, de l'assignation, de la signification et l'exécution de l'ordonnance à intervenir. ".

L'affaire a été plaidée à l'audience du 6 juin 2024.

Paris Habitat, tout en maintenant les termes de son assignation, actualise sa demande de provision au titre de l'arriéré locatif à la somme de 103.246,01 euros au 4 juin 2024, 2ème trimestre 2024 inclus et indique s'opposer à la demande de délais de la défenderesse, notamment en raison de la mauvaise foi de cette dernière.

Par conclusions en réplique déposées à l'audience et soutenues oralement, la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE demande au juge des référés de :

" À titre principal,
- Juger la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ;
- Juger PARIS HABITAT OPH irrecevable et mal fondée en ses demandes, fins et conclusions et l'en Débouter purement et simplement ;
- Juger que la clause résolutoire n'est pas acquise ;

A titre subsidiaire :
- Ordonner la suspension des effets de la clause résolutoire ;
- Octroyer à la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE un délai de 24 mois pour apurer sa dette locative ;

A titre infiniment subsidiaire :
- Octroyer à la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE un délai de 24 mois pour quitter le local commercial ;
- Fixer l'indemnité d'occupation au montant du loyer actuel ;
- Octroyer à la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE un délai de 24 mois pour apurer sa dette locative ;
- Octroyer les délais de grâce prévus à l'article 1343-5 du code civil ;

En tout état de cause,

- Condamner PARIS HABITAT OPH à verser à la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE la somme de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance. ".

Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens, il est renvoyé à l'acte introductif d'instance, aux écritures et aux notes d'audience.

La décision a été mise en délibéré au 11 juillet 2024.

MOTIFS

Sur l'acquisition de la clause résolutoire

Aux termes de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

Le juge des référés n'est toutefois pas tenu de caractériser l'urgence, au sens de l'article 834 du code de procédure civile, pour constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de droit d'un bail.

L'article L.145-41 du code de commerce dispose que " toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai ".

En l'espèce, le contrat de bail du 8 novembre 2010 stipule une clause résolutoire, qui prévoit en substance qu'à défaut de paiement d'un seul terme de loyer ou accessoires à son échéance, ou en cas d'inexécution d'une seule des conditions du bail, celui-ci pourra être résilié de plein droit un mois après un commandement de payer demeuré infructueux.

Le commandement du 18 janvier 2024 mentionne le délai d'un mois pour régler les causes du commandement et vise la clause résolutoire. Il reprend les dispositions des articles L.145-41 et L.145-17, I, du code de commerce.

Un décompte des sommes dues y est joint, permettant au locataire d'en critiquer le cas échéant les causes.

Il ressort du décompte produit que les causes de ce commandement n'ont pas été acquittées dans le mois de sa délivrance, de sorte que le bail s'est trouvé résilié de plein droit à la date du 19 février 2024 par l'effet de l'acquisition de la clause résolutoire.

Sur la demande de provision

Aux termes de l'article 835 alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

L'octroi d'une provision suppose le constat préalable par le juge de l'existence d'une obligation non sérieusement contestable au titre de laquelle la provision est demandée. Cette condition intervient à un double titre : elle ne peut être ordonnée que si l'obligation sur laquelle elle repose n'est pas sérieusement contestable et ne peut l'être qu'à hauteur du montant non sérieusement contestable de cette obligation, qui peut d'ailleurs correspondre à la totalité de l'obligation.

Cette condition est suffisante et la provision peut être octroyée, quelle que soit l'obligation en cause. La nature de l'obligation sur laquelle est fondée la demande de provision est indifférente, qui peut être contractuelle, quasi-délictuelle ou délictuelle.

En l'espèce, il n'est pas contesté que la dette locative arrêtée au 4 juin 2024 (deuxième trimestre 2024 inclus) s'élève à la somme de 103.246,01 euros.

Il sera donc alloué au bailleur la somme provisionnelle de 103.246,01 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 4 juin 2024, terme du deuxième trimestre 2024 inclus, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision.

Sur la demande de délais

Aux termes de l'article L.145-41 du code de commerce, " les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge ".

L'article 1343-5 du code civil dispose que " Le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ".

Le défendeur sollicite des délais de paiement à hauteur de 24 mois, en faisant valoir sa bonne foi, ses efforts de paiement, que la dette n'a presque pas augmenté depuis l'année 2021 et ce malgré le fait qu'elle ait rencontré des difficultés financières pendant la crise sanitaire du Covid-19.

Paris Habitat s'oppose à cette demande, exposant que le preneur n'a effectué aucun règlement depuis le mois d'avril 2023.
Il produit diverses décisions juridictionnelles illustrant le contexte contentieux dans lequel s'inscrivent les relations contractuelles entre les parties.

La défenderesse ne produit, parmi les pièces comptables qu'elle verse aux débats, aucun élément postérieur aux années 2019 et 2020, de sorte que la présente juridiction n'est pas en mesure d'apprécier si elle dispose d'une trésorerie ou de perspectives financières de nature à lui permettre d'apurer sa dette dans les délais sollicités.

Dans ces conditions, et alors que la dette locative a augmenté depuis la délivrance du commandement de payer, il y a lieu de rejeter la demande de délais de paiement.

***

En conséquence de la résiliation du bail, l'obligation de la défenderesse de quitter les lieux n'étant dès lors pas contestable, il convient d'accueillir la demande d'expulsion dans les conditions précisées au dispositif. Le concours de la force publique étant suffisamment comminatoire pour s'assurer de l'exécution de l'obligation de quitter les lieux, il n'y a pas lieu de prononcer une astreinte.

En occupant sans droit ni titre les lieux loués depuis l'acquisition de la clause résolutoire le 19 février 2024, le défendeur cause un préjudice au propriétaire, résultant de l'indisponibilité du bien et de la perte des loyers et charges.

Ce préjudice sera réparé jusqu'au départ définitif du preneur par l'octroi d'une indemnité d'occupation équivalente au montant non sérieusement contestable du loyer, des charges et des taxes applicables, dûment justifié au stade de l'exécution, soit pour le moment la somme trimestrielle de 6.868,38 euros HC HT correspondant au montant de la dernière échéance trimestrielle sur le décompte produit, daté du 4 juin 2024.

Il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts, les conditions de l'article 1343-2 du code civil étant réunies.

Sur les demandes accessoires

Succombant à l'instance, la défenderesse sera condamnée au paiement des dépens, comprenant le coût du commandement de payer, en application des dispositions de l'article 696 du même code.

Il n'apparaît par ailleurs pas inéquitable de condamner la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE au paiement de la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,

Renvoyons les parties à se pourvoir au fond ainsi qu'elles en aviseront, mais dès à présent par provision, tous les moyens des parties étant réservés :

Constatons l'acquisition de plein droit de la clause résolutoire stipulée au contrat de bail à la date du 19 février 2024 ;

Disons que la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE devra libérer les locaux situés [Adresse 1] et, faute de l'avoir fait, ordonnons son expulsion ainsi que celle de tous occupants de son chef, avec le cas échéant, le concours de la force publique ;

Rappelons que le sort des meubles sera réglé conformément aux dispositions des articles L.433-1 et suivants et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

Condamnons la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE à payer à l'établissement public PARIS HABITAT OPH :
* la somme de 103.246,01 euros à titre de provision à valoir sur les loyers, charges indemnités d'occupation restés impayés au 4 juin 2024, deuxième trimestre 2024 inclus, avec intérêt au taux légal à compter de la présente ordonnance ;
* une indemnité d'occupation trimestrielle équivalente au montant du loyer et des charges, soit pour le moment la somme de 6.868,38 euros HC HT et ce, jusqu'à la libération effective des lieux,
* la somme de 1.500 euros au titre des frais irrépétibles ;

Rejetons la demande de délais de paiement ;

Ordonnons la capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil ;

Disons n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;

Condamnons la société SIMONE TEINTURERIE DE LUXE aux dépens, comprenant le coût du commandement de payer (394,81 euros) ;

Rappelons que la présente ordonnance bénéficie de plein droit de l'exécution provisoire.

Ainsi ordonné et mis à disposition au greffe le 11 juillet 2024.

Le Greffier, Le Président,

Clémence BREUIL Emmanuelle DELERIS


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Service des référés
Numéro d'arrêt : 24/53574
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée au fond (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;24.53574 ?
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