TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
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N° RG 23/56278 -
N° Portalis 352J-W-B7H-C2RPV
N° : 5-CB
Assignation du :
17 août 2023
[1]
[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 11 juillet 2024
par Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Clémence BREUIL, Greffier.
DEMANDERESSES
La SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE TEMPLIO
[Adresse 1]
[Localité 8]
La SOCIETE CIVILE IMMOBILIERE PASTOURO
[Adresse 1]
[Localité 8]
représentées par Maître Nathalie METAIS de la SCP SCP A & A, avocats au barreau de PARIS - #P0067
DEFENDERESSE
La S.N.C. [Adresse 5]
[Adresse 3]
[Localité 7]
représentée par Maître Laëtitia GUILLET de la SELEURL LGLAW AVOCAT, avocats au barreau de PARIS - #C1721
DÉBATS
A l’audience du 06 Juin 2024, tenue publiquement, présidée par Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente, assistée de Clémence BREUIL, Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
La SCI TEMPLIO est propriétaire, au sein de l'immeuble du [Adresse 4], des lots n°139, 140, 141, 142 et 168 répartis sur le rez-de-chaussée et le 1er étage.
La SCI PASTOURO est propriétaire dans le même immeuble, des lots de copropriété n° 93 et 07, auxquels sont attachées des caves d'un immeuble situé [Adresse 6], le tout réparti sur le rez-de-chaussée et un niveau de sous-sol.
L'ensemble de ces lots a été réuni à la suite d'une ouverture pratiquée entre les deux immeubles, autorisée par les deux copropriétés.
Souhaitant céder leurs lots, la SCI TEMPLIO et la SCI PASTOURO ont conclu avec M. [H] [N], représenté par la société CONSTRUCTA ASSET MANAGEMENT, qui a manifesté son intention d'acquérir lesdits lots, deux baux dérogatoires d'une durée de 12 mois, à effet au 2 novembre 2021, dans l'attente de l'obtention de l'accord des deux copropriétés sur le projet de travaux de M. [N] et d'un permis de construire purgé de tout recours.
Par deux lettres recommandées du 3 octobre 2022, les SCI TEMPLIO et PASTOURO ont invité leur locataire à quitter les locaux.
Le preneur ayant exprimé le souhait de voir prolongés les baux, les parties ont conclu le 15 novembre 2022, deux nouveaux baux à effet au 1er novembre 2022, d'une durée de 6 mois, à la signature desquels la SNC [Adresse 5] s'est substituée à M. [H] [N].
Compte tenu de la complexité du projet présenté par la SNC [Adresse 5], les SCI TEMPLIO et PASTOURO ont de nouveau consenti à prolonger les baux commerciaux jusqu'au 31 juillet 2023.
Par courrier officiel du 3 juillet 2023, le conseil de la SNC [Adresse 5] a sollicité une nouvelle prolongation des baux avec réduction de loyer, au motif que l'assemblée générale des copropriétaires, dont la réunion était nécessaire à la levée d'une des conditions suspensives de la vente, n'avait pas pu se réunir.
Par courrier officiel du 7 juillet 2023, le conseil des SCI TEMPLIO et PASTOURELLE a refusé cette demande et invité la SNC [Adresse 5] à quitter les lieux.
Par courrier officiel du 25 juillet 2023, le conseil de la SNC [Adresse 5] répondait que le refus des bailleurs de prolonger les baux précaires constituait une faute, et sollicitait en conséquence le paiement de la somme de 804.385,14 € au titre de la perte de dépenses et d'investissement.
Reprochant à la SNC [Adresse 5] de refuser de rendre les clés des locaux, la SCI TEMPLIO et la SCI PASTOURO ont, par exploit en date du 17 août 2023, fait assigner la SNC [Adresse 5], devant le juge des référés de la juridiction de céans, aux fins de voir :
" - ORDONNER l'expulsion, dans les huit jours de la signification de l'ordonnance à intervenir, de la société [Adresse 5] et de tous occupants de son chef des lieux loués situés [Adresse 4], de justifier de l'acquit des charges locatives et de lui remettre les clés ;
- AUTORISER la SCI TEMPLIO à expulser la société [Adresse 5] des lieux en faisant procéder, s'il y a lieu, à l'ouverture des portes avec l'assistance de la force publique, faire constater et estimer les réparations locatives par un commissaire de justice qui sera commis à cet effet assisté s'il l'estime utile d'un technicien ;
- AUTORISER la SCI TEMPLIO à conserver la totalité du montant du dépôt de garantie ;
- ORDONNER la séquestration, aux frais de la société [Adresse 5] et à ses risques et périls, des meubles laissés dans les lieux loués, pour sûreté des loyers échus et des charges collectives ;
- CONDAMNER la société [Adresse 5] à payer à la SCI TEMPLIO, à compter du 1er août 2023, à titre d'indemnité d'occupation équivalente à 200% du loyer actuelle, soit 16.000 euros ;
- CONDAMNER la société [Adresse 5] à verser la somme de 2.500 euros à la SCI TEMPLIO au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- ORDONNER l'expulsion, dans les huit jours de la signification de l'ordonnance à intervenir, de la société [Adresse 5] et de tous occupants de son chef des lieux loués situés [Adresse 6], de justifier de l'acquit des charges locatives et de lui remettre les clés ;
- AUTORISER la SCI PASTOURO à expulser la société [Adresse 5] des lieux en faisant procéder, s'il y a lieu, à l'ouverture des portes avec l'assistance de la force publique, faire constater et estimer les réparations locatives par un commissaire de justice qui sera commis à cet effet assisté, s'il l'estime utile d'un technicien ;
- AUTORISER la SCI PASTOURO à conserver la totalité du montant du dépôt de garantie ;
- ORDONNER la séquestration, aux frais de la société [Adresse 5] et à ses risques et périls, des meubles laissés dans les lieux loués, pour sûreté des loyers échus et des charges locatives ;
- CONDAMNER la société [Adresse 5] à payer à la SCI PASTOURO, à compter du 1er août 2023, à titre d'indemnité d'occupation équivalente à 200% du loyer actuelle, soit 24.000 euros ;
- CONDAMNER la société [Adresse 5] à verser la somme de 2.500 euros à la SOCIETE CIVILE IMMOBI.LIERE PASTOURO au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;
- CONDAMNER la société [Adresse 5] aux entiers dépens. "
L'affaire a été entendue à l'audience du 6 juin 2024.
Par des conclusions déposées et soutenues à l'audience, les SCI TEMPLIO et PASTOURO ont maintenu les moyens et prétentions contenus dans leur acte introductif d'instance.
En réponse, la SNC [Adresse 5] sollicite de :
" - REJETER l'ensemble des demandes, fins et conclusions des SCI PASTOURO et TEMPLIO ;
- ORDONNER une expertise judiciaire
- COMMET pour y procédure tel expert qu'il plaira au Tribunal avec pour mission de :
o Déterminer la valeur locative des bien situés respectivement au rez de chaussée des [Adresse 6] et [Adresse 2] à [Localité 10] détenu par les SCI PASTOURO et TEMPLIO
o Déterminer la valeur vénale des biens respectivement au rez de chaussée des [Adresse 6] et [Adresse 2] à [Localité 10] détenu par les SCI PASTOURO et TEMPLIO
o Se faire communiquer par les parties tous documents ou pièces qu'il estimera nécessaires à l'accomplissement de sa mission notamment les titres de propriétés et entendre, si besoin est seulement, tous sachants ; prendre connaissance de l'ensemble des documents versés aux débats
o Se rendre sur les lieux, en présence des parties ou à défaut celles-ci régulièrement convoquées par lettre recommandée avec accusé de réception ; visiter et décrire les biens situés en rez de chaussée des [Adresse 6] et [Adresse 2] à [Localité 10]
o Apporter à la juridiction éventuellement saisie les éléments qui permettront la fixation définitive de l'indemnité d'occupation susceptiblement due
-DIRE ET JUGER que le contrôle et la taxation de l'expertise seront assurés par le juge chargé du contrôle de l'expertise ;
- DIRE que l'expert devra accomplir sa mission en présence des parties ou elles dûment convoquées, les entendre en leurs explications et répondre à l'ensemble de leurs derniers dires récapitulatifs conformément aux nouvelles dispositions de l'article 276 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER la SCI PASTOURO et la SCI TEMPLIO in solidum au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 ainsi qu'aux entiers dépens. "
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l'exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l'assignation introductive d'instance et aux conclusions déposées par les parties.
MOTIFS DE LA DECISION
Au préalable, il convient de souligner qu'il n'y a pas lieu de reprendre, ni d'écarter dans le dispositif de la présente décision, les demandes tendant à “dire et juger que'', telles que figurant dans le dispositif des conclusions des parties, lorsqu'elles portent sur des moyens ou éléments de fait relevant des motifs et non des chefs de décision devant figurer dans la partie exécutoire de l'ordonnance.
Sur le trouble manifestement illicite
Aux termes de l'article 835, alinéa 1er, du code de procédure civile, le président du tribunal peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le dommage imminent s'entend du dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer et le trouble manifestement illicite résulte de toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit.
La seule méconnaissance d'une réglementation n'est pas suffisante pour caractériser l'illicéité d'un trouble.
Le juge des référés doit se placer, pour ordonner ou refuser des mesures conservatoires ou de remise en état, à la date à laquelle il prononce sa décision.
Il dispose d'un pouvoir souverain pour juger non seulement de l'imminence d'un dommage, mais aussi de la nécessité d'en prévenir la réalisation ; il en va de même s'agissant d'apprécier l'existence d'un trouble manifestement illicite et d'ordonner la mesure de remise en état qui lui paraît s'imposer pour le faire cesser.
Il est rappelé que le maintien sans droit ni titre dans des locaux loués est constitutif d'un trouble manifestement illicite.
L'article 1103 du code civil dispose : " Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. "
Selon l'article 1737 du même code, " Le bail cesse de plein droit à l'expiration du terme fixé, lorsqu'il a été fait par écrit, sans qu'il soit nécessaire de donner congé. "
Au soutien de leurs prétentions, les SCI TEMPLIO et PASTOURO font valoir que le trouble manifestement illicite est caractérisé par le maintien dans les lieux de la SNC [Adresse 5], alors que les baux courte durée qu'elles lui avaient consenti ont expiré. En réponse aux écritures en défense, elles soutiennent que la défenderesse ne peut soutenir le moyen tiré du manquement à leurs obligations contractuelles, alors qu'elle l'a déjà soulevé dans le cadre d'une instance au fond introduite à son initiative et pendante devant le tribunal judiciaire de Paris ; que contrairement à ce que soutient la défenderesse, les baux signés sont des baux de courte durée et non des baux précaires, et que la nature de ces contrats ressort clairement des stipulations desdits baux ; qu'elles n'ont jamais souhaité prolonger la durée des baux consentis ; que le maintien dans les lieux de la défenderesse a pour seul but d'amener les parties demanderesses à renégocier à la baisse le prix de vente des biens.
La SNC [Adresse 5] réplique que les SCI TEMPLIO et PASTOURO ont manqué à leurs obligations contractuelles prévues dans l'offre du 4 octobre 2021, en refusant la prolongation des baux alors que l'assemblée générale des copropriétaires a été décalée en octobre 2023 ; qu'ainsi leur responsabilité est engagée du fait qu'elle a été privée de purger l'audit prévu et de réaliser la condition suspensive d'obtention de l'autorisation de la copropriété ; que les SCI TEMPLIO et PASTOURO ont manqué à l'obligation de bonne foi dans l'exécution des conventions conclues entre les parties, au motif d'une part, qu'il était convenu entre les parties que tant que les conditions préalables à la signature de la promesse n'étaient pas remplies, les baux devaient être poursuivis, et d'autre part, que les bailleresses ont refusé de négocier le prix initial convenu alors que l'audit a révélé des éléments justifiant que ce prix soit revu à la baisse ; qu'il existe une contestation sérieuse tenant au fait que les baux étaient accessoires à l'offre d'acquisition de sorte que la nature précaire du 2ème bail signé le 1er novembre 2022 est sérieusement contestable et peut être requalifié en bail commercial ; qu'il est nécessaire en l'espèce d'interpréter tant la nature du bail du 1er novembre 2022 que le terme convenu entre les parties, ce que le juge des référés n'a pas le pouvoir de faire.
En l'espèce, il ressort de la lettre d'intention d'acquisition des lots appartenant aux SCI TEMPLIO et PASTOURO du 4 octobre 2021, que les parties ont considéré la signature de baux dérogatoires de 12 mois sur la totalité de l'ensemble immobilier à effet au 1er novembre 2021 ; que pendant toute la durée des baux, M. [H] [N] pourrait réaliser les démarches auprès de la mairie de [Localité 9] et des deux copropriétés pour obtenir les accords sur son projet de travaux ; que les conditions suspensives au transfert de propriété sont notamment constituées par l'obtention de l'accord des deux copropriétés et d'un permis de construire purgé.
Les parties ont alors conclu deux baux précaires expirant le 31 octobre 2022, puis deux baux de courte durée signés le 15 novembre 2022 à effet au 1er novembre 2022, pour une durée de 6 mois expirant le 30 avril 2023, suivis de deux avenants du 31 mars 2023 fixant le terme de ces baux au 31 juillet 2023.
Contrairement à ce que soutient la partie défenderesse, la lettre d'intention du 4 octobre 2021 n'impose pas que les baux consentis se poursuivent jusqu'à la réalisation des conditions suspensives, mais prévoit seulement que le preneur dispose de la durée des baux pour effectuer les démarches nécessaires à la réalisation de la vente.
En outre, comme le soutiennent à raison les parties demanderesses, il ressort clairement des baux courte durée à effet au 1er novembre 2022, ainsi que des avenants les prolongeant, que ces contrats seraient soumis aux dispositions de l'article L. 145-5 du code de commerce, qui sont mentionnées tant sur la page de garde des baux que dans l'article 2, qui stipule que " Conformément aux dispositions de l'article L. 145-5 du Code de commerce, les Parties soussignées entendent déroger, en toutes ses dispositions, au statut des baux commerciaux édictés par le Code de commerce. ".
Par ailleurs, certes l'assemblée générale des copropriétaires, qui devait se tenir le 22 juin 2023 et lors de laquelle la partie défenderesse devait présenter son projet de travaux à la copropriété, a été reportée au mois d'octobre 2023, mais il est observé que la SNC [Adresse 5] ne justifie pas les raisons pour lesquelles ledit dossier de projet n'a été déposé auprès du syndic qu'en mars 2023, soit plus d'un an et demi après la conclusion du premier bail. Elle n'explique pas non plus en quoi le refus allégué des demanderesses de renégocier le prix de vente des locaux aurait impacté l'exécution de bonne foi des contrats conclus entre les parties.
Ainsi, il résulte de l'ensemble de ces éléments que la SNC [Adresse 5] n'apporte aucun élément permettant à la fois d'établir que les SCI TEMPLIO et PASTOURO auraient manifestement manqué à leurs obligations contractuelles, et de questionner la qualification des baux courte durée signés le 15 novembre 2022.
Enfin, il ressort des pièces produites au débat qu'à la date du 31 juillet 2023, le représentant du preneur a refusé de remettre les clés du local au commissaire de justice qui s'est présenté pour les récupérer, alors que le bail était expiré et que, comme développé précédemment, il n'existait aucune obligation manifeste des SCI TEMPLIO et PASTOURO d'accorder une nouvelle prolongation.
Dans ces conditions, le trouble manifestement illicite est caractérisé, de sorte qu'il y a lieu de faire droit à la demande d'expulsion sollicitée par les SCI TEMPLIO et PASTOURO.
Sur la demande de provision
Aux termes de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.
L'octroi d'une provision intervient à un double titre : elle ne peut être ordonnée que si l'obligation sur laquelle elle repose n'est pas sérieusement contestable et ne peut l'être qu'à hauteur du montant non sérieusement contestable de cette obligation, qui peut d'ailleurs correspondre à la totalité de l'obligation.
Cette condition est suffisante et la provision peut être octroyée, quelle que soit l'obligation en cause. La nature de l'obligation sur laquelle est fondée la demande de provision est indifférente, qui peut être contractuelle, quasi-délictuelle ou délictuelle.
Il appartient au demandeur de prouver l'existence de l'obligation, puis au défendeur de démontrer qu'il existe une contestation sérieuse susceptible de faire échec à la demande. L'existence d'une contestation sérieuse s'apprécie à la date de la décision et non à celle de la saisine de la juridiction.
Les parties demanderesses exposent que l'indemnité d'occupation vise à indemniser le bailleur de l'occupation sans droit ni titre des locaux ; que cette indemnité, de par son caractère indemnitaire, ne peut constituer une clause pénale.
La partie défenderesse oppose que le juge des référés n'a pas compétence pour une demande de fixation et de paiement d'une indemnité d'occupation ; que la clause prévoyant une indemnité d'occupation correspondant au double du montant du loyer constitue une clause pénale susceptible d'être modérée par le juge du fond ; que les demanderesses ne subissent aucun préjudice puisque les loyers sont régulièrement réglés et qu'aucune offre d'achat à un prix supérieur à celui qu'elle a proposé n'a été présenté.
En l'espèce, l'article 2 des avenants du 15 novembre 2022 stipule que " Dans le cas où le Preneur refuserait de quitter les Locaux à la fin de l'occupation, il pourrait y être contraint par simple ordonnance de référé du Président du Tribunal Judiciaire de Paris et sera redevable d'une indemnité d'occupation fixée à 200% du montant du loyer. "
Si comme le soutiennent les parties demanderesses, l'indemnité d'occupation vise à indemniser le bailleur de l'occupation illicite de son local, il est toutefois relevé que le montant manifestement élevé de l'indemnité prévue au bail excède le revenu locatif dont elles se trouvent privées du fait de la résiliation du bail et est susceptible de s'analyser en une clause pénale que le juge du fond peut réduire si elle est manifestement excessive au regard de la situation financière du locataire. Elle relève donc de l'appréciation de ce juge et ne peut donc être accueillie devant le juge des référés, juge de l'évidence, qu'à concurrence du montant du loyer courant, qui n'est pas contesté par la partie défenderesse, charges en sus, et auquel le bailleur peut prétendre en cas de maintien dans les lieux après résiliation du bail.
Quant à la demande de conservation du dépôt de garantie, l'article du bail du 15 novembre 2022 prévoit que " Cette somme est remise au Bailleur à titre de nantissement. Elle restera entre les mains du Bailleur jusqu'à la fin du Bail en garantie du règlement de toutes sommes que le Preneur pourrait devoir au Bailleur à sa sortie, étant précisé que le dernier terme de loyer ne sera pas imputable sur le dépôt ". Or comme le soutient à juste titre la partie défenderesse, il n'est pas démontré que celle-ci serait débitrice du règlement des loyers contractuellement prévus. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu à référé sur ce chef de demande.
Sur la demande d'expertise
La SNC [Adresse 5] soutient que la désignation d'un expert est indispensable pour déterminer la valeur locative du local ainsi que sa valeur vénale qui permettra de fixer le prix de vente des locaux sur lequel les parties s'opposent.
Les parties demanderesses répliquent que cette demande est dénuée de tout fondement ; que la question de la valeur locative n'a d'intérêt qu'au cours d'une procédure de renouvellement de bail ou de révision de loyer ; que l'indemnité d'occupation ne correspond pas à la valeur locative du bien, puisqu'elle a vocation à assurer la réparation intégrale du préjudice subi par le bailleur.
Il est rappelé que, conformément à l'article 6 du code de procédure civile, les parties ont la charge d'alléguer les faits propres à fonder leurs prétentions.
Or en l'espèce, force est de constater que la SNC [Adresse 5] ne fonde sa demande sur aucun texte, et ne justifie d'aucun élément permettant d'asseoir une mesure d'instruction.
En conséquence, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande.
Sur les demandes accessoires
Dès lors qu'il est partiellement fait droit aux demandes des SCI TEMPLIO et PASTOURO, la SNC [Adresse 5] sera condamnée aux dépens.
Par ailleurs, l'équité et les circonstances de l'espèce commandent de condamner la SNC [Adresse 5] à payer à chacune des SCI TEMPLIO et PASTOURO la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Nous, juge des référés, statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,
Ordonnons l'expulsion, dans les huit jours de la signification de la présente ordonnance, de la société [Adresse 5] et de tous occupants de son chef des lieux loués situés [Adresse 4], de justifier de l'acquit des charges locatives et de lui remettre les clés ;
Ordonnons l'expulsion, dans les huit jours de la signification de l'ordonnance à intervenir, de la société [Adresse 5] et de tous occupants de son chef des lieux loués situés [Adresse 6], de justifier de l'acquit des charges locatives et de lui remettre les clés ;
Autorisons la SCI TEMPLIO à expulser la société [Adresse 5] des lieux situés [Adresse 4] en faisant procéder, s'il y a lieu, à l'ouverture des portes avec l'assistance de la force publique, faire constater et estimer les réparations locatives par un commissaire de justice qui sera commis à cet effet assisté s'il l'estime utile d'un technicien ;
Autorisons la SCI PASTOURO à expulser la société [Adresse 5] des lieux situés [Adresse 6] en faisant procéder, s'il y a lieu, à l'ouverture des portes avec l'assistance de la force publique, faire constater et estimer les réparations locatives par un commissaire de justice qui sera commis à cet effet assisté, s'il l'estime utile d'un technicien ;
Disons n'y avoir lieu à référé sur la demande de la SCI TEMPLIO et la SCI PASTOURO de conservation des dépôts de garantie prévus aux baux signés ;
Ordonnons la séquestration, aux frais de la société [Adresse 5] et à ses risques et périls, des meubles laissés dans les lieux loués sis [Adresse 4], pour sûreté des loyers échus et des charges collectives ;
Ordonnons la séquestration, aux frais de la société [Adresse 5] et à ses risques et périls, des meubles laissés dans les lieux loués sis [Adresse 6], pour sûreté des loyers échus et des charges collectives ;
Fixons à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la SNC [Adresse 5] à la SCI TEMPLIO, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;
Fixons à titre provisionnel l'indemnité d'occupation due par la SNC [Adresse 5] à la SCI PASTOURO, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clés, à une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;
Déboutons la SNC [Adresse 5] de sa demande d'expertise ;
Condamnons la SNC [Adresse 5] aux dépens ;
Condamnons la SNC [Adresse 5] à payer à chacun de la SCI TEMPLIO et la SCI PASTOURO la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Fait à Paris le 11 juillet 2024.
Le Greffier, Le Président,
Clémence BREUIL Emmanuelle DELERIS