TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Le :
Expédition exécutoire délivrées à : Me BLORET-PUCCI #T1
Copie certifiée conforme délivrée à : Me BUSCAIL #C2367
■
3ème chambre
1ère section
N° RG 23/10921
N° Portalis 352J-W-B7H-C2MTP
N° MINUTE :
Assignation du :
26 juillet 2023
JUGEMENT
rendu le 11 juillet 2024
DEMANDERESSE
S.A. CHRISTIAN DIOR COUTURE
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Gaëlle BLORET-PUCCI de l’AARPI BCTG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #T0001
DÉFENDEURS
S.A. SOCIETE DE GESTION DU [Adresse 3] (S.G.M.M)
[Adresse 7]
[Localité 5]
S.C. LE [Adresse 3]
[Adresse 7]
[Localité 5]
représentées par Me Jérôme BUSCAIL de la SELARL DBK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2367
Monsieur [Y] [J] - Intervenant forcé
[Adresse 3]
[Localité 9]
Défaillant
Décision du 11 juillet 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 23/10921
N° Portalis 352J-W-B7H-C2MTP
Monsieur [M] [W]
[Adresse 1]
chez INSER-ASAF n°016162
[Localité 6]
Défaillant
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Anne-Claire LE BRAS, 1ère Vice-Présidente Adjointe
Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Monsieur Malik CHAPUIS, Juge,
assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière,
DÉBATS
A l’audience du 07 mai 2024 tenue en audience publique devant Madame Anne-Claire LE BRAS et Madame Elodie GUENNEC, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 11 juillet 2024.
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
En premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE
Fondée en 1946, la société Christian Dior Couture a pour activité la création et la commercialisation d'articles de haute couture ainsi que de prêt à porter haut de gamme, de maroquinerie, d'accessoires, de souliers, de montres et de joaillerie.
Elle est titulaire de nombreuses marques françaises et européennes enregistrées, parmi lesquelles:
-La marque verbale française “CHRISTIAN DIOR” enregistrée auprès de l'INPI le 22 février 1988, sous le n°1451018, régulièrement renouvelée, notamment en classes 6, 8, 9, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 40, 41 et 42;
-La marque de l’Union européenne semi-figurative “Dior” enregistrée auprès de l'EUIPO le 14 avril 2009, sous le n°006463046, régulièrement renouvelée, en classes 14, 24, 25, 42;
-La marque de l’Union européenne semi-figurative “CD” enregistrée auprès de l'EUIPO le 17 février 2010, sous le n°008927436, en classes 24, 25 et 35.
- La marque de l’Union européenne semi-figurative “Dior” enregistrée auprès de l'EUIPO le 25 octobre 2005, sous le n°004705398, régulièrement renouvelée, en classes 18, 24 et 25.
- La marque française semi-figurative “CD” enregistrée auprès de l'INPI le 21 octobre 2013, sous le n°4041336 en classes 9, 14, 18 et 25.
Créé en 1942, le [Adresse 3] est un des marchés aux puces de la ville de [Localité 9], marché d'art et d'antiquités. La SCI [Adresse 3] se présente comme propriétaire des murs de ce marché. La Société de gestion du [Adresse 3] indique avoir, quant à elle, pour objet la gestion et la location des différents stands composant le marché.
Dénonçant la commercialisation, au sein du [Adresse 3], de produits contrefaisant ses marques, la société Christian Dior Couture a fait constater par un commissaire de justice, le 21 mai 2022, l'offre à la vente et la vente, au sein du local situé à droite en entrant dans le marché par la [Adresse 8], identifié comme étant le stand n°25, d'un produit qui serait une contrefaçon de ses marques.
Afin de connaître l'identité et les coordonnées des propriétaires et locataires de ces locaux, la société Christian Dior Couture a fait délivrer, le 7 juillet 2022, une sommation interpellative aux sociétés Le [Adresse 3] et Société de gestion du [Adresse 3].
En l'absence de réponse de leur part, la société Christian Dior Couture leur a adressé, par l'intermédiaire de son avocat, une lettre de mise en demeure le 22 juillet 2022, leur demandant par ailleurs de faire cesser par tout moyen la poursuite de tels actes de contrefaçon et, à tout le moins, de justifier de l'envoi d'une notification formelle au commerçant exploitant le local commercial visé par la sommation interpellative du 7 juillet 2022, l'enjoignant de cesser immédiatement et définitivement le commerce de produits contrefaisant ses marques à peine de résiliation du contrat de bail.
Par un courriel du 28 juillet 2022, Mme [O], gérante des deux sociétés Le [Adresse 3] et Société de gestion du [Adresse 3], a sollicité un délai afin de réunir les informations requises, ce que la société Christian Dior Couture a accepté.
Par lettre du 8 septembre 2022, la Société de gestion du [Adresse 3] a finalement répondu à la sommation interpellative ne pas pouvoir communiquer les informations demandées, s’agissant de données personnelles relatives à ses locataires. Aussi, elle a indiqué avoir interrogé la CNIL afin de savoir si elle est habilitée à transmettre à la demanderesse ces informations et avoir pris des mesures parmi lesquelles un rappel, par voie d'affichage dans le marché, de l'interdiction de commercialiser des produits contrefaisants.
Le 8 octobre 2022, la société demanderesse a toutefois de nouveau fait constater par un procès-verbal dressé par un commissaire de justice, l'offre à la vente et la vente, au sein du même stand du [Adresse 3], de produits qui seraient une contrefaçon de ses marques.
Par une ordonnance du 18 avril 2023, le juge des référés a ordonné aux sociétés Le [Adresse 3] et Société de gestion du [Adresse 3] de fournir à la société Christian Dior Couture, par l'intermédiaire de leur avocat, l'ensemble des informations en leur possession s'agissant de l'identité des occupants des locaux commerciaux situés dans le [Adresse 3], notamment le local n° 25 selon le plan du marché communiqué sur le site, et en particulier leurs coordonnées professionnelles et personnelles complètes ainsi que la nature, la date et une copie du contrat des occupants.
Par courriel des 5 et 10 mai 2023, le conseil des sociétés Le [Adresse 3] et Société de gestion du [Adresse 3] a communiqué le contrat liant les sociétés défenderesses à l'occupant du stand n°25 et l'ensemble des informations en leur possession s'agissant de l'identité dudit occupant, à savoir M. [W].Un contrat de renouvellement de sous-bail commercial conclu le 4 avril 2013 a été transmis.
Le 3 juin 2023, la société Christian Dior Couture a de nouveau fait constater par un procès-verbal de constat d'achat de commissaire de justice, l'offre à la vente et la vente, au sein du même stand, situé dans le [Adresse 3], de produits revêtus de ses marques.
Par acte de commissaire de justice du 26 juillet 2023, la société Christian Dior Couture a fait assigner M. [W] en contrefaçon de marques, aux côtés de la Société de gestion du [Adresse 3] et de la société Le [Adresse 3].
Les sociétés défenderesses ayant, en cours d'instance, informé les parties que le stand objet des procès-verbaux de constat serait le stand n°26, dont le locataire est M. [J], et non le stand n°25, la société Christian Dior Couture a, par un acte de commissaire de justice du 23 février 2024, fait assigner en intervention forcée M. [J]. Le juge de la mise en état a prononcé la jonction des deux instances.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 avril 2024, la société Christian Dior Couture demande au tribunal, aux visas des articles L. 713-1, L. 713-2, L. 713-3, L.716-7-1 et L. 716-4-6, L. 716-4-9, L. 716-4-10 et suivants du code de la propriété intellectuelle et de l'article 1728 du code civil, de :A titre liminaire :
- Prendre acte que les Société de gestion du [Adresse 3] et [Adresse 3] désignent M. [Y] [J] en tant que locataire exploitant du local dans lequel les achats ont été constatés par les procès-verbaux des 8 octobre 2022, 21 mai 2022 et 3 juin 2023 et engagent ainsi leur responsabilité en leur qualité d'intermédiaires ;
- Ordonner aux Société de gestion du [Adresse 3] et [Adresse 3] de fournir à la demanderesse, par l'intermédiaire de son avocat, une copie du contrat les liant audit occupant du local commercial dans lequel les achats ont été constatés par les procès-verbaux des 8 octobre 2022, 21 mai 2022 et 3 juin 2023 ;
Ensuite,
- La juger recevable et bien fondée en son action, en sa qualité de titulaire des marques françaises et/ou de l'Union Européenne DIOR ;
- Constater l'offre à la vente et la vente dans le local commercial du local dans lequel les achats ont été constatés par les procès-verbaux des 8 octobre 2022, 21 mai 2022 et 3 juin 2023 détenu par les Société de gestion du [Adresse 3] et [Adresse 3] et exploité par M. [Y] [J], de produits revêtus des marques DIOR ;
- Juger qu'au regard des éléments de preuve qu'elle produit, les produits ainsi offerts à la vente et vendus sont revêtus de la reproduction illicite, ou à tout le moins, de l'imitation illicite des marques DIOR et constituent par conséquent des produits contrefaisants ;
En conséquence :
- Interdire à M. [Y] [J] désigné par les Société de gestion du [Adresse 3] et [Adresse 3] comme le locataire du local dans lequel les achats ont été constatés par les procès-verbaux des 8 octobre 2022, 21 mai 2022 et 3 juin 2023, de, directement ou indirectement, détenir, d'offrir à la vente, de distribuer ou de commercialiser, des produits revêtus d'une marque lui appartenant immédiatement et sous astreinte provisoire de 5.000 euros par produit passé un délai d'une semaine, soit (7) jours, à compter de la signification du jugement à intervenir ;
- Enjoindre à M. [Y] [J] désigné par les Société de gestion du [Adresse 3] et [Adresse 3] comme le locataire du local dans lequel les achats ont été constatés par les procès-verbaux des 8 octobre 2022, 21 mai 2022 et 3 juin 2023 de communiquer à la demanderesse, par l'intermédiaire de son avocat, l'ensemble des documents ou informations suivants, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de un (1) mois à compter de la signification du jugement à intervenir (i) les noms et adresses de ses fournisseurs, (ii) les quantités de produits contrefaisants commercialisées, livrées, reçues ou commandées, (iii) ainsi que les prix d'achat et de revente desdits produits, et ce pour les 5 années précédant la date de délivrance de la présente assignation;
- Condamner M. [Y] [J] désigné par les Société de gestion du [Adresse 3] et [Adresse 3] comme le locataire du local dans lequel les achats ont été constatés par les procès-verbaux des 8 octobre 2022, 21 mai 2022 et 3 juin 2023 à verser à la somme de 30.000 euros à la demanderesse à titre de dommages et intérêts du fait des actes de contrefaçon de marque relevés, sauf à parfaire au regard des éléments qui seront fournis par ledit locataire dans le cadre de la présente procédure ;
- Ordonner aux Société de gestion du [Adresse 3] et [Adresse 3] de justifier qu'elles ont engagé et poursuivi la résiliation du contrat de bail du local dans lequel les achats ont été constatés par les procès-verbaux des 8 octobre 2022, 21 mai 2022 et 3 juin 2023, sous astreinte de 1.000 € par jour de retard passé un délai d'un (1) mois à compter de la signification du jugement à intervenir constatant la contrefaçon des marques Christian Dior ;
- Juger que le Tribunal se réserve la liquidation des astreintes ;
- Condamner solidairement les Société de gestion du [Adresse 3] et [Adresse 3] et M. [Y] [J] désigné par ces dernières comme leur locataire du local dans lequel les achats ont été constatés par les procès-verbaux des 8 octobre 2022, 21 mai 2022 et 3 juin 2023 à lui payer la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens;
- Dire qu'il ne sera fait aucune exception à l'exécution provisoire du jugement à venir.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 avril 2024, les sociétés Société de gestion du [Adresse 3] et Le [Adresse 3] demandent au tribunal, aux visas de l'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, de l'article 3 de la directive 2004/48/CE, des articles 32-1 et 700 du code de procédure civile, de la jurisprudence et des pièces, de :A titre principal,
- Juger que le locataire du stand n°25 n'est pas celui ayant commercialisé les produits litigieux ;
- Juger que les défenderesses ont pris toutes les mesures légalement admissibles afin d'informer et de coopérer avec la société Christian Dior Couture lorsqu'elles se sont aperçues de l'erreur portant sur les numéros de stand incriminés.
- Juger qu'il n'y a pas lieu d'assortir d'astreinte la demande de résiliation du bail portant sur le stand n°25.
- Constater que les Société de gestion du [Adresse 3] et [Adresse 3] s'engage à résilier le sous-bail dérogatoire portant sur le stand n°26 en cas de condamnation de M. [J] pour des faits de contrefaçon.
En conséquence :
- Juger qu'il n'y a pas lieu d'assortir d'astreinte la demande de résiliation du bail ;
- Juger serait particulièrement inéquitable de faire peser le coût de l'action sur les sociétés Société de gestion du [Adresse 3] et [Adresse 3] et que de surplus les condamner solidairement avec le contrefacteur s'apparenterait à une mesure punitive.
En conséquence:
- Débouter la société Christian Dior Couture des demandes qu'elle a formulées au titre de l'article 700.
À titre reconventionnel:
- Juger que la présente procédure diligentée par la société Christian Dior Couture à l'encontre des sociétés Société de gestion du [Adresse 3] et [Adresse 3] est abusive ;
En conséquence :
- Condamner la société Christian Dior Couture à payer la somme de 1.000€ au titre d'amende civile et à verser aux sociétés Société de Gestion du [Adresse 3] et [Adresse 3] la somme de 4.000,00€ chacune, au titre de dommages-intérêts aux fins de réparation de leur préjudice du fait de cette procédure abusive ;
En tout état de cause :
- Condamner la société Christian Dior Couture à payer à la Société de Gestion du [Adresse 3] et la société [Adresse 3] la somme de 6.000,00€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner la société Christian Dior Couture aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2024 et l'audience est fixée au 7 mai 2024.
Bien que régulièrement assignés, M. [W] et M. [J] n'ont pas constitué avocats.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2024.
MOTIFS
Sur la caractérisation de la contrefaçon de marques
Moyens des parties
La société Christian Dior Couture se prévaut de trois procès-verbaux de constat d’achats dressés les 21 mai, 8 octobre 2022 et 3 juin 2023, établissant la vente de produits, en l’occurrence un tee shirt, un sac et un ensemble comportant une chemise et un short, reproduisant ses marques à l’identique. Elle souligne qu’il ressort des procès-verbaux de constat précités que les achats ont été réalisés dans “le premier stand à droite en entrant dans le [Adresse 3] par la [Adresse 8]”. Si ce stand est apparu, à la lecture du plan mis à disposition sur internet, comme étant le n°25, elle précise que les sociétés défenderesses ont indiqué en cours d’instance qu’il s’agit en réalité du stand 26 dont il est affirmé que M. [J] est locataire.
Appréciation du tribunal
S’agissant des marques de l’Union européenne, l'article 9 du règlement (UE) 2017/1001 du parlement européen et du conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne intitulé “Droit conféré par la marque de l'Union européenne”, dispose que :1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.
2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque :
a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée ; […]
3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2 :
a) d'apposer le signer sur les produits ou sur leur conditionnement ;
b) d'offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe ou de fournir des services sous le signe ; […]
L'article L. 717-1 du code de propriété intellectuelle dispose que constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 13 et 15 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne.
S'agissant des marques françaises, conformément aux dispositions de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1° D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée [...].
L'article L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle précise que sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants :1° L'apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;
2° L'offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l'offre ou la fourniture des services sous le signe ;
3° L'importation ou l'exportation des produits sous le signe ;
4° L'usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale ;
5° L'usage du signe dans les papiers d'affaires et la publicité ;
6° L'usage du signe dans des publicités comparatives en violation des dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-7 du code de la consommation ;
7° La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée.
Ces actes et usages sont interdits même s'ils sont accompagnés de mots tels que : " formule, façon, système, imitation, genre, méthode”.
Aux termes des dispositions de l'article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle.
La caractérisation de la contrefaçon est subordonnée à la démonstration de l'usage du signe litigieux dans la vie des affaires, c'est-à-dire dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique (CJUE, 12 nov. 2002, aff. C-206/01, Arsenal).
En l'espèce, la société Christian Dior Couture produit aux débats:
- un procès-verbal de constat d'achat par un tiers acheteur dressé le 21 mai 2022 par Me [B] [N], commissaire de justice, au terme duquel ce dernier indique s'être rendu au [Adresse 3], et avoir constaté l'achat “dans le premier stand à droite en entrant dans le [Adresse 3] par la [Adresse 8]” d’un tee-shirt vert uni portant sur la poitrine le signe “CD” et sur l'étiquette cousue dans l'encolure le signe Dior, pour une somme de 40 euros;
- un procès-verbal de constat par un tiers acheteur dressé le 8 octobre 2022 par Me [B] [N], commissaire de justice, au terme duquel ce dernier indique s'être rendu au [Adresse 3], et avoir constaté l'achat “dans le premier stand à droite en entrant dans le [Adresse 3] par la [Adresse 8]” , dans un sac en nylon blanc revêtu de la mention “Dior”, d'un sac à main en toile et cuir gris portant les initiales “CD” en lettres dorées sur le rabat à l'avant du sac ainsi qu'en toutes lettres sur une étiquette en cuir cousue à l'intérieur, pour une somme de 80 euros;
- un procès-verbal de constat par un tiers acheteur dressé le 3 juin 2023 par Me [B] [N], huissier de justice, au terme duquel ce dernier indique s'être rendu au [Adresse 3] et avoir constaté l'achat “dans le premier stand à droite par l'entrée du marché donnant sur la [Adresse 8]” d'un ensemble portant la marque Christian Dior composé d'un haut qui est une sorte de chemisette en polyester et d'un bas qui est un short assorti. Le commissaire de justice constate que le haut et le bas sont couverts d'un imprimé “Dior” orange, blanc et bleu, pour une somme de 70 euros.
Les vêtements et accessoires objets des constats ont été communiqués au tribunal ce qui permet d’étayer les conclusions des trois analyses des produits réalisées par la société Christian Dior Couture, mettant en évidence les différences de qualité évidentes entre les produits authentiques de la demanderesse et les produits achetés au [Adresse 3] liées aux étiquettes, aux finitions et doublures des produits.
S'agissant d'une reproduction à l'identique des marques françaises et de l'Union européenne de la société Christian Dior Couture sur des produits identiques à ceux pour lesquels les marques sont enregistrées, à savoir 18 (sacs à main) et 25 (vêtements), la contrefaçon des marques est caractérisée, sans qu'il soit nécessaire d'établir un risque de confusion.
Si le commissaire de justice a initialement déduit du plan du [Adresse 3] dont il disposait, que le premier stand à droite par l'entrée du marché donnant sur la [Adresse 8] dans lequel les achats ont été réalisés est le stand n°25, les sociétés défenderesses ont, pendant le cours de l'instance, informé la demanderesse d'une erreur, mise en lumière par le procès-verbal de constat qu’elles ont fait dresser par Me [F], commissaire de justice à [Localité 9], le 23 octobre 2023. Ce procès-verbal permet en effet de constater que les stands 25 et 26bis sont en réalité situés à l'extérieur du [Adresse 3] et que le premier stand à droite en entrant est le stand n°26, dont lessociétés défenderesses indiquent qu'il est loué par M. [Y] [J].
Bien que le contrat de bail ne soit pas produit aux débats, les sociétés défenderesses affirment qu’il s’agit de leur locataire et produisent une "autorisation de transmission des données personnelles" signée par M. [J] le 8 novembre 2023 au terme de laquelle il autorise, en sa qualité de locataire du stand n°26, la transmission de la copie de son bail à la société Christian Dior Couture. Cette affirmation est d’ailleurs confortée par l’extrait du répertoire SIRENE de l’INSEE, actualisé au 15 février 2024, produit par la demanderesse, dont il ressort que M. [J] est entrepreneur individuel depuis le 24 janvier 2014 et qu’il exerce son activité au stand n°26 du [Adresse 3] à [Localité 9]. Ce dernier a été attrait, en conséquence, à la présente instance; il n’y a toutefois pas lieu de “prendre acte” que les défenderesses désignent M. [J] comme locataire, une telle demande n’étant pas une prétention au sens de l’article 4 du code de procédure civile.
Au regard de l'ensemble de ces considérations, il y a lieu de considérer que la contrefaçon des marques françaises et de l'Union européenne de la société Christian Dior Couture par M. [J] est démontrée.
Sur la réparation de la contrefaçon de marques
Moyens des parties
La société Christian Dior Couture dénonce une atteinte portée à ses marques, éléments d'actif de grande valeur. Elle estime que l'offre en vente et la vente des produits contrefaisants, sur une longue période, engendre une baisse de leur valeur patrimoniale et une atteinte à leur réputation, celles-ci se trouvant apposées sur des produits de piètre qualité, vendus dans des points de vente qui ne répondent pas aux critères habituels de qualité de la marque. A ce titre, en sus d'une mesure d'interdiction et d'un droit d'information, la société Christian Dior Couture demande au tribunal de condamner le locataire du local n°26 à lui payer des dommages-intérêts à hauteur de 30.000 euros afin de compenser son préjudice résultant de l'important détournement de la valeur de ses marques, banalisées et dévalorisées.
Appréciation du tribunal
L'article 130 alinéa 1. du règlement (UE) 2017/1001 du parlement européen et du conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne dispose que: 1. Lorsqu'un tribunal des marques de l'Union européenne constate que le défendeur a contrefait ou menacé de contrefaire une marque de l'Union européenne, il rend, sauf s'il a des raisons particulières de ne pas agir de la sorte, une ordonnance lui interdisant de poursuivre les actes de contrefaçon ou de menace de contrefaçon. Il prend également, conformément au droit national, les mesures propres à garantir le respect de cette interdiction.
L'article L. 717-2 du code de la propriété intellectuelle dispose que les dispositions des articles L. 716-4-10, L. 716-4-11 et L. 716-8 à L. 716-13 sont applicables aux atteintes portées au droit du titulaire d'une marque de l'Union européenne.
Aux termes des dispositions de l’article L. 716-4-11 du code de la propriété intellectuelle, en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise.
Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur.
Il convient, compte-tenu des faits retenus, d’interdire à M. [J], de détenir, offrir à la vente, distribuer ou commercialiser des produits reproduisant les marques françaises et européennes de la société Christian Dior Couture, dans les conditions prévues au dispositif de la présente décision.
En application de l'article L. 716-10-4 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.
Enfin, l’article L. 716-4-9 du code de la propriété intellectuelle dispose que si la demande lui en est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d’une procédure civile prévue au présent titre, peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des produits argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon et qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services. La production de documents ou d’informations peut être ordonnée s’il n’existe pas d’empêchement légitime.
En l’espèce,la société Christian Dior Couture est bien fondée à demander réparation pour l’atteinte à ses titres de propriété industrielle et le préjudice moral qu’elle subit, dans la mesure où la commercialisation des articles litigieux de prêt-à-porter et accessoires, de piètre qualité et au sein d’un marché, alors que la marque est associée à une image d’excellence, de prestige et de luxe, contribue à sa banalisation et à sa dépréciation.
Il convient de réparer le préjudice subi, dont il faut souligner qu’il est démontré par les différents constats d’achat qu’il a duré au moins un an même si les procès-verbaux ne constatent que l’achat de trois articles, par la condamnation de M. [J] à payer à la société Christian Dior Couture la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Il sera par ailleurs fait droit à la demande de droit d’information selon les modalités prévues au dispositif de la présente décision.
Sur les demandes dirigées à l'encontre des sociétés Le [Adresse 3] et société de gestion du [Adresse 3]
Moyens des parties
La société Christian Dior Couture soutient que les deux sociétés défenderesses, en ce qu'elles sont respectivement propriétaire et gestionnaire du stand n°26 loué à M. [J], qui y a commercialisé des produits contrefaisants, ont la qualité d'intermédiaires au sens de l'article L.716-6-4 du code de la propriété intellectuelle. Rappelant qu'en application de l'article 1728 du code civil le locataire doit user de la chose louée raisonnablement, la société demanderesse soutient que le bailleur engage sa responsabilité dès lors qu'il n'est pas intervenu pour faire cesser le trouble causé par son locataire. Elle s'estime donc fondée à demander non seulement la communication d'une copie du contrat de bail, mais encore la condamnation des sociétés défenderesses à procéder à la résiliation du contrat de bail et à l'éviction du locataire du local dans un délai contraint et sous astreinte.
La Société de gestion du [Adresse 3] et la société Le [Adresse 3] exposent que toutes les demandes dirigées à l'encontre du stand n°25 doivent être rejetées pour être mal dirigées, soulignant avoir dûment averti les parties l’instance, dès que l'erreur de lecture du plan a été décelée. Elles ajoutent avoir toujours coopéré avec la demanderesse et s'être montrées diligentes, tant et si bien qu'aucune faute ne peut leur être reprochée de nature à engager leur responsabilité civile. Elles ajoutent que le bailleur n'a pas une obligation de surveillance de son locataire et qu'il n'a pas les compétences pour reconnaître seul des produits de contrefaçon. Elle estime en outre que le prononcé d'une mesure tendant à l'expulsion du locataire indélicat sous astreinte est disproportionnée alors qu’elles ne s'opposent nullement à procéder à la résiliation dudit bail sur simple présentation de la décision de justice condamnant M. [J].
Appréciation du tribunal
Le droit de propriété intellectuelle bénéficie, au même titre que le droit de propriété, d’une protection à titre de droit fondamental, reconnue par le Conseil Constitutionnel, comme par la CEDH. En cas de conflit entre ces droits fondamentaux, il revient aux Etats membres la tâche de les concilier de façon équilibrée au regard d’une mise en balance des intérêts.
Il doit ensuite être rappelé que l’article 9.1 de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative à la protection des droits de la propriété intellectuelle, transposé à l’article L. 716-4-6 du code de la propriété intellectuelle dans sa rédaction issue de l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 permet, en référé ou sur requêtes, que soient prises des mesures à l’égard des intermédiaires dont les services sont utilisés pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle. Il dispose que les États membres veillent à ce que les autorités judiciaires compétentes puissent, à la demande du requérant: a) rendre à l'encontre du contrevenant supposé une ordonnance de référé visant à prévenir toute atteinte imminente à un droit de propriété intellectuelle, à interdire, à titre provisoire et sous réserve, le cas échéant, du paiement d'une astreinte lorsque la législation nationale le prévoit, que les atteintes présumées à ce droit se poursuivent, ou à subordonner leur poursuite à la constitution de garanties destinées à assurer l'indemnisation du titulaire du droit; une ordonnance de référé peut également être rendue, dans les mêmes conditions, à l'encontre d'un intermédiaire dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle; les injonctions à l'encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit d'auteur ou à un droit voisin sont couvertes par la directive 2001/29/CE. [...]
L’article 11 de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative à la protection des droits de la propriété intellectuelle du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle prévoit que les États membres veillent également à ce que les titulaires de droits puissent demander une injonction à l'encontre des intermédiaires dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle, sans préjudice de l'article 8, paragraphe 3, de la directive 2001/29/CE.
Interprétant les dispositions de la directive précitée, la Cour de justice de l’Union européenne, dans un arrêt rendu le 12 juillet 2011 (aff. C-324/09, L’Oréal SA et autres contre eBay International AG, et autres) a dit pour droit que: L’article 11, troisième phrase, de la directive 2004/48/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, relative au respect des droits de propriété intellectuelle, doit être interprété en ce sens qu’il exige des États membres d’assurer que les juridictions nationales compétentes en matière de protection des droits de la propriété intellectuelle puissent enjoindre à l’exploitant d’une place de marché en ligne de prendre des mesures qui contribuent, non seulement à mettre fin aux atteintes portées à ces droits par des utilisateurs de cette place de marché, mais aussi à prévenir de nouvelles atteintes de cette nature. Ces injonctions doivent être effectives, proportionnées, dissuasives et ne doivent pas créer d’obstacles au commerce légitime. Ces injonctions doivent avoir ainsi pour finalité non seulement d’interdire la poursuite de l’infraction, commise par le contrefacteur, mais également de pouvoir obtenir à l’égard des prestataires de services en ligne, des injonctions pour faire cesser les atteintes aux droits du titulaire et pour prévenir toute nouvelle atteinte aux intérêts concernés (point 130 à 133).
Décision du 11 juillet 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 23/10921
N° Portalis 352J-W-B7H-C2MTP
L’article 11 précité ne doit pas être interprété restrictivement (point 134) et les mesures imposées aux prestataires en ligne relèvent du droit national (point 135).
Les mesures exigées de la part du prestataire du service en ligne concerné ne peuvent consister en une surveillance active de l’ensemble des données de chacun de ses clients afin de prévenir toute atteinte future (point 139) et ne doivent pas créer d’obstacles au commerce légitime (point 140).
Des injonctions à la fois effectives et proportionnées peuvent être adressées aux prestataires qui peuvent être contraints au moyen d’une injonction judiciaire, s’ils ne décident pas, de leur propre initiative, de suspendre l’auteur de l’atteinte à des droits de propriété intellectuelle pour éviter que de nouvelles atteintes de cette nature par le même commerçant aux mêmes marques (point 141).
Dans un arrêt du 7 juillet 2016 (aff. C-494/15, Tommy Hilfiger Licensing LLC et autres contre Delta Center a.s.), la Cour de justice de l’Union européenne assimile « l’opérateur qui fournit à des tiers un service de location ou de sous-location d’emplacements sur une place de marché, grâce auquel ceux-ci ont un accès à cette place et y proposent à la vente des marchandises contrefaisantes de produits de marque » à un « intermédiaire dont les services sont utilisés par un tiers pour porter atteinte à un droit de propriété intellectuelle », au sens de ladite disposition » et pour lequel, les injonctions pouvant lui être adressées sont les mêmes que celles pouvant être adressées aux intermédiaires sur une place de marché en ligne, énoncées par la Cour dans l’arrêt du 12 juillet 2011, L’Oréal e.a. (C-324/09, EU:C:2011:474).
Enfin, il importe de rappeler qu’en application des articles 1728 et 1729 du code civil, le bailleur doit s’assurer que son locataire use raisonnablement de la chose louée.
En l’espèce, la société Le [Adresse 3] et la Société de gestion du [Adresse 3] se présentent respectivement comme la propriétaire et la gestionnaire de location du stand n°26, faisant partie du [Adresse 3] dans le marché aux puces de [Localité 9], dans lequel il est établi que les constats d’achats ont été réalisés et dont elles indiquent qu’il est loué par M. [J].
Ainsi, ces deux sociétés mettent à disposition d’un commerçant, auteur de contrefaçons de marques, un local utilisé pour proposer à la vente des articles dont le caractère contrefaisant est établi. Elles en ont été informées en amont de la procédure. Elles ont donc la qualité d’intermédiaire au sens de la directive précitée et des injonctions peuvent être prononcées à leur encontre.
Par conséquent, outre la communication du contrat de bail, il sera fait injonction au bailleur et à son gestionnaire de procéder à la résiliation du contrat de bail le liant à son locataire contrefacteur, dans un délai de 3 mois, soit un délai raisonnable. Cette mesure, qui permet de protéger les droits de propriété intellectuelle de la demanderesse en mettant fin à une atteinte établie et en prévenant une atteinte ultérieure, n’engendre pas des dépenses excessives ni ne fait obstacle au commerce légitime. En effet, le bailleur n’est pas privé, par cette décision, de son droit d’exploiter le local par l’intermédiaire d’un nouveau locataire. Il a en effet la possibilité de résilier le bail lorsque son locataire n’use pas de manière raisonnable de la chose louée.
Certes, les sociétés Le [Adresse 3] et la Société de gestion du [Adresse 3] justifient de diligences à la fois pour rappeler à leur locataire l’interdiction de commercialiser des produits contrefaisants, pour mettre en demeure les locataires indélicats ou répondre, dans le cadre légal, aux injonctions de la demanderesse. Cependant, ces démarches se sont révélées insuffisantes pour mettre fin aux faits délictueux puisque les trois procès-verbaux de constat réalisés sur une année démontrent la persistance des faits de contrefaçon. Les sociétés bailleresses n’ont pas décidé, de leur propre initiative, de suspendre l’auteur de l’atteinte à des droits de propriété intellectuelle pour éviter de nouvelles atteintes par le même locataire à l’endroit des mêmes titulaires de droits. Elles affirment ne pas s’opposer à mettre fin au bail mais subordonnent leurs diligences à la décision de justice. La mesure d’injonction pour les y contraindre apparaît ainsi d’autant plus nécessaire et proportionnée.
Par conséquent, l’injonction délivrée aux sociétés défenderesses dans les termes du dispositif de la décision doit être assortie d’une mesure à caractère dissuasif afin d’assurer son exécution effective.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive
Moyens des parties
La Société de gestion du [Adresse 3] et la société Le [Adresse 3] estiment que la procédure diligentée à leur encontre est abusive dans la mesure où la société Christian Dior Couture cherche à leur faire supporter le coût du procès, avec des velléités punitives.
La société Christian Dior Couture conteste le fait que les sociétés défenderesses aient activement coopéré, comme elles l'affirment. En effet, elle soutient qu'il lui a fallu attendre la délivrance de l'acte introductif d'instance pour que le plan exact soit communiqué, et qu'en dépit du fait que le marché est devenu un haut lieu de la contrefaçon, articles de presse à l'appui, les sociétés ont encaissé leurs loyers sans agir pour que ces commerces illicites cessent.
Appréciation du tribunal
L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
En application de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
A titre liminaire, il sera rappelé que l’amende civile visée à l’article 32-1 du code de procédure civile ne saurait être mis en oeuvre que de la propre initiative du tribunal saisi, les parties ne pouvant avoir aucun intérêt moral au prononcé d’une amende civile à l’encontre de l’adversaire.
Par ailleurs, s’agissant de la demande de dommages-intérêts, la circonstance que les demandes de la société Christian Dior Couture soient au moins partiellement accueillies en leurs prétentions conduit à constater l’absence de caractère abusif de la procédure.
La demande de dommages-intérêts pour procédure abusive doit être rejetée.
Sur les demandes annexes
Succombant, M. [J], la Société de gestion du [Adresse 3] et la société le [Adresse 3] seront condamnés in solidum aux dépens de l’instance.
Supportant les dépens, M. [J] sera condamné in solidum avec la Société de Gestion du [Adresse 3] et la société le [Adresse 3] à payer à la société Christian Dior Couture la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’exécution provisoire de la présente décision est de droit.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal,
Fait interdiction à M. [J], directement ou indirectement, de détenir, offrir à la vente, distribuer ou commercialiser des produits reproduisant les marques de l’Union européenne n°006463046, 008927436, ainsi que les marques françaises n°1451018 et 4041336 appartenant à la société Christian Dior Couture à compter de la signification de la présente décision sous astreinte provisoire de 500 euros par infraction constatée à l’issue d’un délai de 10 jours à compter de la signification de la présente décision, courant pendant un délai de six mois;
Ordonne à M. [J] de communiquer à la société Christian Dior Couture les noms et adresses de ses fournisseurs, les quantités de produits contrefaisants commercialisés, livrés, reçus ou commandés ainsi que les prix d’achat et de revente desdits produits dans les cinq ans précédant l’assignation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, courant pendant un délai de deux mois;
Condamne M. [J] à payer à la société Christian Dior Couture la somme de 10.000 euros en réparation des faits de contrefaçon;
Ordonne aux sociétés Le [Adresse 3] et Société de gestion du [Adresse 3] de communiquer à la société Christian Dior Couture une copie du contrat de bail portant sur le local commercial ayant fait l’objet des procès-verbaux de constat d’achat des 8 octobre 21 mai 2022 et 3 juin 2023, loué par M. [J] (stand n°26);
Ordonne aux sociétés Le [Adresse 3] et Société de gestion du [Adresse 3] de justifier qu’elles ont engagé et poursuivi la résiliation du contrat de bail du local dans lequel les achats ont été constatés par les procès-verbaux des 8 octobre et 21 mai 2022 et 3 juin 2023 (stand n°26) loué par M. [J], sous astreinte de 150 euros par jour de retard passé un délai de 3 mois à compter de la signification de la présente décision, courant pendant un délai de 3 mois;
Réserve au tribunal la liquidation des astreintes;
Déboute les sociétés Le [Adresse 3] et Société de gestion du [Adresse 3] de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et d’amende civile;
Rejette le surplus;
Condamne in solidum M. [J] et les sociétés Le [Adresse 3] et Société de gestion du [Adresse 3] aux dépens de l’instance;
Condamne in solidum M. [J], la Société de Gestion du [Adresse 3] et la société le [Adresse 3] à payer à la société Christian Dior Couture la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure;
Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit par provision.
Fait et jugé à Paris le 11 juillet 2024
La Greffière La Présidente
Caroline REBOUL Anne-Claire LE BRAS