La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2024 | FRANCE | N°23/10920

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 3ème chambre 1ère section, 11 juillet 2024, 23/10920


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Le :
Expédition exécutoire délivrée à : Me BLORET-PUCCI #T1
Copies certifiées conformes délivrées à : Me BUSCAIL #C2367, Me NEZLIOUI #C303




3ème chambre
1ère section

N° RG 23/10920
N° Portalis 352J-W-B7H-C2MTT

N° MINUTE :

Assignation du :
26 juillet 2023







JUGEMENT
rendu le 11 juillet 2024




DEMANDERESSES

S.A.S. LACOSTE
[Adresse 1]
[Localité 3]

Société NIKE INNOVATE CV
[Adresse 9],
[L

ocalité 7], OREGON, [Localité 7] (USA)

représentées par Me Gaëlle BLORET-PUCCI de l’AARPI BCTG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #T0001


DÉFENDEURS

S.A. SOCIETE DE GESTION DU [Adr...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Le :
Expédition exécutoire délivrée à : Me BLORET-PUCCI #T1
Copies certifiées conformes délivrées à : Me BUSCAIL #C2367, Me NEZLIOUI #C303

3ème chambre
1ère section

N° RG 23/10920
N° Portalis 352J-W-B7H-C2MTT

N° MINUTE :

Assignation du :
26 juillet 2023

JUGEMENT
rendu le 11 juillet 2024

DEMANDERESSES

S.A.S. LACOSTE
[Adresse 1]
[Localité 3]

Société NIKE INNOVATE CV
[Adresse 9],
[Localité 7], OREGON, [Localité 7] (USA)

représentées par Me Gaëlle BLORET-PUCCI de l’AARPI BCTG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #T0001

DÉFENDEURS

S.A. SOCIETE DE GESTION DU [Adresse 8] (S.G.M.M)
[Adresse 5]
[Localité 4]

S.C. LE [Adresse 8]
[Adresse 5]
[Localité 4]

représentées par Me Jérôme BUSCAIL de la SELARL DBK, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2367

Décision du 11 juillet 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 23/10920
N° Portalis 352J-W-B7H-C2MTT

Monsieur [F] [R]
domicilié : chez LE [Adresse 8] – stands 80 et 103
[Adresse 2]
[Localité 6]

représenté par Me Naïma NEZLIOUI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0303

S.A.S.U. ARIS
[Adresse 8]
[Adresse 2]
[Localité 6]

Défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Claire LE BRAS, 1ère Vice-Présidente Adjointe
Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Monsieur Malik CHAPUIS, Juge,

assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 07 mai 2024 tenue en audience publique devant Madame Anne-Claire LE BRAS et Madame Elodie GUENNEC, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 11 juillet 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Les sociétés Lacoste et Nike innovate ont pour activité la confection et la commercialisation d’articles vestimentaires, ainsi que d’accessoires, de textiles, de parfums, de produits de maroquinerie et de chaussures.
La société Lacoste est titulaire de nombreuses marques françaises enregistrées, parmi lesquelles : - La marque verbale “Lacoste” enregistrée auprès de l'INPI le 22 mai 1987, sous le n°1410063, régulièrement renouvelée, notamment en classe 25 ;

Décision du 11 juillet 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 23/10920
N° Portalis 352J-W-B7H-C2MTT

- La marque figurative suivante enregistrée auprès de l’INPI le 18 décembre 2002, sous le n°3199970, régulièrement renouvelée, notamment en classe 25 :

- La marque figurative suivante enregistrée auprès de l'INPI le 28 janvier 1987, sous le n°1391442, régulièrement renouvelée, notamment en classe 25 :

La société Nike innovate est également titulaire de nombreuses marques françaises enregistrées, parmi lesquelles : - La marque verbale “Nike” enregistrée auprès de l'INPI le 26 mai 1989, sous le n°1533030, régulièrement renouvelée, notamment en classe 25 ;

- La marque figurative suivante enregistrée auprès de l’INPI le 26 mai 1989, sous le n°1533029, régulièrement renouvelée, notamment en classe 25 :

- La marque semi-figurative « Nike » enregistrée auprès de l'INPI le 19 septembre 1984, sous le n°1284327, régulièrement renouvelée, notamment en classe 25 :

Créé en 1942, le [Adresse 8] est un des marchés aux puces de la ville de [Localité 6], marché d'art et d'antiquités. La SCI [Adresse 8] se présente comme propriétaire des murs de ce marché. La Société de gestion du [Adresse 8] indique avoir, quant à elle, pour objet la gestion et la location des différents stands composant le marché.
Dénonçant la commercialisation, au sein du [Adresse 8], de produits contrefaisant ses marques, la société Lacoste a fait constater par un commissaire de justice, le 21 mai 2022, l'offre à la vente et la vente, au sein du local situé à l’angle inférieur droit de l’îlot central gauche (le plus long), identifié comme étant le stand n°80, d'un produit qui serait une contrefaçon de ses marques.
Le même jour, la société Nike innovate a également fait constater par un commissaire de justice l’offre à la vente et la vente, au sein du local situé à l’angle supérieur droit de l’îlot central gauche (le plus long), identifié comme le stand n°103, d’un produit qui serait une contrefaçon de ses marques.
Afin de connaître l'identité et les coordonnées des propriétaires et locataires de ces locaux, les sociétés Lacoste et Nike innovate ont fait délivrer, le 07 juillet 2022, une sommation interpellative aux sociétés Le [Adresse 8] et Société de gestion du [Adresse 8].
En l'absence de réponse de leur part, les sociétés Lacoste et Nike innovate leur ont adressé, par l'intermédiaire de leur avocat, une lettre de mise en demeure le 22 juillet 2022, leur demandant par ailleurs de faire cesser par tout moyen la poursuite de tels actes de contrefaçon et, à tout le moins, de justifier de l'envoi d'une notification formelle au commerçant exploitant le local commercial visé par la sommation interpellative du 07 juillet 2022, l'enjoignant de cesser immédiatement et définitivement le commerce de produits contrefaisant leurs marques à peine de résiliation du contrat de bail.
Par un courriel du 28 juillet 2022, Mme [U], gérante des deux sociétés Le [Adresse 8] et Société de gestion du [Adresse 8], a sollicité un délai afin de réunir les informations requises, ce que les sociétés Lacoste et Nike innovate ont accepté.
Par lettre du 08 septembre 2022, la Société de gestion du [Adresse 8] a finalement répondu à la sommation interpellative ne pas pouvoir communiquer les informations demandées, s’agissant de données personnelles relatives à ses locataires. Aussi, elle a indiqué avoir interrogé la CNIL afin de savoir si elle est habilitée à transmettre à la demanderesse ces informations et avoir pris des mesures parmi lesquelles un rappel, par voie d'affichage dans le marché, de l'interdiction de commercialiser des produits contrefaisants.
Le 08 octobre 2022, la société Nike innovate a toutefois de nouveau fait constater par un procès-verbal dressé par un commissaire de justice, l'offre à la vente et la vente, au sein du même stand n°80 du [Adresse 8], de produits qui seraient une contrefaçon de ses marques.
Par une ordonnance du 18 avril 2023, le juge des référé a ordonné aux sociétés Le [Adresse 8] et Société de gestion du [Adresse 8] de fournir aux sociétés Lacoste et Nike innovate, par l'intermédiaire de leur avocat, l'ensemble des informations en leur possession s'agissant de l'identité des occupants des locaux commerciaux situés dans le [Adresse 8], notamment les locaux n°80 et 103, selon le plan du marché communiqué sur le site, et en particulier leurs coordonnées professionnelles et personnelles complètes ainsi que la nature, la date et une copie du contrat des occupants.
Par courriel des 05 et 10 mai 2023, le conseil des sociétés Le [Adresse 8] et Société de gestion du [Adresse 8] a communiqué le contrat liant les sociétés défenderesses à l'occupant des stands n°80 et 103 et l'ensemble des informations en leur possession s'agissant de l'identité dudit occupant, à savoir M. [R]. Des contrats de sous-bail dérogatoire conclus le 16 octobre 2019 ont été transmis. La consultation du registre du commerce et des sociétés de Bobigny a révélé que M. [R] était le président de la société Aris.

Le 03 juin 2023, les sociétés Lacoste et Nike innovate ont de nouveau fait constater par un procès-verbal de constat d'achat de commissaire de justice, l'offre à la vente et la vente, au sein de nouveaux stands, situé dans le [Adresse 8], de produits revêtus de leurs marques.
Par actes de commissaire de justice des 26 et 28 juillet 2023, les sociétés Lacoste et Nike innovate ont fait assigner M. [R] et la société Aris en contrefaçon de marques, aux côtés de la Société de gestion du [Adresse 8] et de la société Le [Adresse 8].
Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 avril 2024, les sociétés Lacoste et Nike innovate demandent au tribunal, aux visas des articles L. 713-1, L. 713-2, L. 713-3, L.716-7-1 et L. 716-4-6, L. 716-4-10 et suivants du code de la propriété intellectuelle et de l'article 1728 du code civil, de :- Les juger recevables et bien fondées en leur action, en leur qualité de titulaire des marques françaises et/ou de l'Union Européenne Nike et Lacoste ;
- Constater l'offre à la vente et la vente dans les locaux commerciaux n°67 et 108 détenus par les Société de gestion du [Adresse 8] et [Adresse 8] et exploités par M. [F] [R] de produits revêtus des marques Nike et Lacoste ;
- Constater que M. [R] est président de la société Aris, enregistrée au Registre du commerce et des sociétés de Bobigny sous le n°844 751 966, dont le siège social est sis [Adresse 8], [Adresse 2] [Localité 6], et dont l’activité déclarée est la « Commerce de détail de biens d’occasion en magasin » ;
- Juger qu'au regard des éléments de preuve produits par les société Nike innovate et Lacoste, les produits ainsi offerts à la vente et vendus sont revêtus de la reproduction illicite, ou à tout le moins, de l'imitation illicite des marques Nike et Lacoste et constituent par conséquent des produits contrefaisants ;
En conséquence :
- Interdire à M. [R] et à la société Aris de, directement ou indirectement, détenir, offrir à la vente, distribuer ou commercialiser des produits revêtus des marques leur appartenant en tous lieux sur le territoire national et sous astreinte provisoire de 5.000 euros par produit passé un délai d'une semaine, soit (7) jours, à compter de la signification du jugement à intervenir ;
- Enjoindre à M. [R] et à la société Aris de communiquer auxdemanderesses, par l'intermédiaire de son avocat, l'ensemble des documents ou informations suivants, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à l'issue d'un délai de un (1) mois à compter de la signification du jugement à intervenir (i) les noms et adresses de ses fournisseurs, (ii) les quantités de produits contrefaisants commercialisées, livrées, reçues ou commandées, (iii) ainsi que les prix d'achat et de revente desdits produits, et ce depuis la prise d’effets des contrats de baux concernés soit depuis le 1er octobre 2019 ;
- Condamner solidairement M. [R] et la société Aris à verser à chacune des demanderesses la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts du fait des actes de contrefaçon de marque relevés, sauf à parfaire au regard des éléments qui seront fournis par M. [R] et la société Aris dans le cadre de la présente procédure ;
- Débouter les Société de gestion du [Adresse 8] et [Adresse 8] de leurs demandes reconventionnelles au titre de la procédure abusive et de l’amende civile ;
- Juger que le Tribunal se réserve la liquidation des astreintes ;
- Condamner solidairement les Société de gestion du [Adresse 8] et [Adresse 8], M. [R] et la société Aris à payer la somme de 10.000 euros à chacune des sociétés Nike innovate et Lacoste au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens;
- Dire qu'il ne sera fait aucune exception à l'exécution provisoire du jugement à venir.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 avril 2024, les sociétés Société de gestion du [Adresse 8] et Le [Adresse 8] demandent au tribunal, aux visas de l'article L.716-4-6 du code de la propriété intellectuelle, de l'article 3 de la directive 2004/48/CE, des articles 32-1 et 700 du code de procédure civile, de la jurisprudence et des pièces, de :A titre principal,
- Juger que dès lors que les baux relatifs aux stand 80 et 103 ont été résiliés le 3 mai 2023 soit bien avant l’assignation, les demandes formulées par les sociétés Nike et Lacoste à l’encontre des sociétés Société de gestion du [Adresse 8] et [Adresse 8] sont sans objet ;
En conséquence :
- Débouter les sociétés Nike et Lacoste de l’ensemble de leurs demandes formulées à leur encontre ;
- Juger qu’il serait particulièrement inéquitable de faire peser le coût de l'action sur les sociétés Société de gestion du [Adresse 8] et [Adresse 8] et que, au surplus, les condamner solidairement avec le contrefacteur s'apparenterait à une mesure punitive
En conséquence :
- Débouter les sociétés Nike, Dior, Lacoste des demandes qu'elles ont formulées au titre de l'article 700.
À titre reconventionnel:
- Juger que la présente procédure diligentée par les sociétés Nike et Lacoste à l'encontre des sociétés Société de gestion du [Adresse 8] et [Adresse 8] est abusive ;
En conséquence :
- Condamner les sociétés Nike et Lacoste à payer la somme de 1.000,00€ au titre d'amende civile et à verser aux sociétés Société de Gestion du [Adresse 8] et [Adresse 8] la somme de 4.000,00€ chacune, au titre de dommages-intérêts aux fins de réparation de leur préjudice du fait de cette procédure abusive ;
En tout état de cause :
- Condamner les sociétés Nike et Lacoste à payer à la Société de Gestion du [Adresse 8] et la société [Adresse 8] la somme de 6.000,00€ au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner les sociétés Nike et Lacoste aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 07 février 2024, M. [F] [R] demande au tribunal de :A titre principal,
- Dire que M. [R] n’est pas le contrefacteur ;
- Constater l’absence de précisons des constats d’huissier ;
- Débouter les demanderesses de l’ensemble de leur demande.
A titre subsidiaire,
- Revenir à de plus juste proportion concernant la demande de dommages et intérêts ;

- Condamner les demanderesses à verser chacune la somme de 3 000 euros chacun au titre de l’article 700 cpc.

Bien que régulièrement assignés, la société Aris n’a pas constitué avocat.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 mai 2024.

MOTIFS

A titre liminaire, il sera rappelé que conformément à l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
Par ailleurs, bien que les demanderesses sollicitent de « Constater l'offre à la vente et la vente dans les locaux commerciaux n°67 et 108 détenus par les Société de gestion du [Adresse 8] et [Adresse 8] et exploité par M. [F] [R] de produits revêtus des marques Nike et Lacoste ; », les procés-verbaux de constat fournis et les développements des sociétés Lacoste et Nike innovate portent sur les locaux n°80 et 103. Le tribunal estime donc que les numéros de stand présents dans le dispositif sont une erreur de plume qu’il convient de corriger.
Sur la caractérisation de la contrefaçon de marques

Moyens des parties

Les sociétés Lacoste et Nike se prévalent de trois procès-verbaux de constat d’achats dressés les 21 mai et 8 octobre 2022, établissant la vente de produits, en l’occurrence trois ensembles de survêtement comportant une veste et un jogging, reproduisant leurs marques à l’identique. Elles soulignent qu’il ressort des procès-verbaux de constat précités que les achats ont été réalisés dans les stands n°80 et 103 dont M. [R] est locataire.

M. [R] ne conteste pas la véracité des éléments contenus dans les procès-verbaux mais considère qu’ils sont incomplets et ne peuvent prouver la contrefaçon, dans la mesure où l’origine des produits vendus est incertaine, car les constats ne font pas état de l’endroit où le vendeur a pris la pièce vendue (sur son stand, dans un local de stockage ou sur un stand voisin).
Appréciation du tribunal

Conformément aux dispositions de l'article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :1° D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée [...].

L'article L. 713-3-1 du code de la propriété intellectuelle précise que sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants :1° L'apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;
2° L'offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l'offre ou la fourniture des services sous le signe ;
3° L'importation ou l'exportation des produits sous le signe ;
4° L'usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale ;
5° L'usage du signe dans les papiers d'affaires et la publicité ;
6° L'usage du signe dans des publicités comparatives en violation des dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-7 du code de la consommation ;
7° La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée.
Ces actes et usages sont interdits même s'ils sont accompagnés de mots tels que : « formule, façon, système, imitation, genre, méthode ».

Aux termes des dispositions de l'article L. 716-4 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur.Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4 du code de la propriété intellectuelle.

La caractérisation de la contrefaçon est subordonnée à la démonstration de l'usage du signe litigieux dans la vie des affaires, c'est-à-dire dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique (CJUE, 12 nov. 2002, aff. C-206/01, Arsenal).
En l'espèce, les sociétés Lacoste et Nike innovate produisent aux débats :
- un procès-verbal de constat d'achat par un tiers acheteur dressé le 21 mai 2022 par Me [B] [J], commissaire de justice, au terme duquel ce dernier indique s'être rendu au [Adresse 8], et avoir constaté l'achat « dans le stand situé à l’angle inférieur droit de l’îlot central gauche (le plus long) », identifié comme le stand n°80, d’un survêtement composé d’une veste de survêtement verte, jaune et blanche, portant sur la poitrine le logo en forme de crocodile vert de Lacoste, de couleur verte, et d’un pantalon de survêtement vert et blanc portant sur la hanche gauche le logo en forme de crocodile de Lacoste de couleur verte, pour une somme de 40 euros.

- un procès-verbal de constat par un tiers acheteur dressé le 08 octobre 2022 par Me [B] [J], commissaire de justice, au terme duquel ce dernier indique s'être rendu au [Adresse 8], et avoir constaté l'achat « dans le stand en face à gauche, en entrant dans le [Adresse 8] par la [Adresse 2] », identifié comme le stand n°80, d’un survêtement composé d’une veste et d’un pantalon de couleur bleu marine portant le logo Nike en forme de virule connu sous le nom de « Swoosh » sur la poitrine et la hanche, pour une somme de 45 euros.

- un procès-verbal de constat par un tiers acheteur dressé le 21 mai 2022 par Me [B] [J], commissaire de justice, au terme duquel ce dernier indique s'être rendu au [Adresse 8], et avoir constaté l'achat « dans le stand situé à l’angle supérieur droit de l’îlot central gauche (le plus long) », identifié comme le stand n°103, d’un survêtement composé d’une veste de survêtement verte et blanche, avec à la taille une bande orange fluo, portantsur la poitrine le logo dit « Swoosh » de Nike en noir, et d’un pantalon de survêtement vert et blanc portant sur la hanche gauche le logo dit « Swoosh » de Nike en noir, pour une somme de 50 euros.

Les vêtements et accessoires objets des constats ont été communiqués au tribunal ce qui permet d’étayer les conclusions des trois analyses des produits réalisées par les sociétés Lacoste et Nike innovate, mettant en évidence les différences de qualité évidentes entre les produits authentiques de la demanderesse et les produits achetés au [Adresse 8] liées aux étiquettes, aux finitions et matériaux des produits.
S'agissant d'une reproduction à l'identique des marques françaises des sociétés Lacoste et Nike innovate sur des produits identiques à ceux pour lesquels les marques sont enregistrées, à savoir ceux de la classe 25 (vêtements), la contrefaçon des marques est caractérisée, sans qu'il soit nécessaire d'établir un risque de confusion.
En exécution de l’ordonnance de référé du 18 avril 2023, les sociétés [Adresse 8] et Société de gestion du [Adresse 8] ont identifié M. [R] comme étant le locataire exploitant des stands n°80 et 103 depuis le 16 octobre 2019.
Par ailleurs, les procès verbaux versés au débat attestent que les tiers acheteurs entre dans les stands les mains vides et en ressortent avec un sac comprenant le produit argué de contrefaçon. Aucun élément ne permet de douter que les pièces achetées proviennent bel et bien du stand en cause.
Au regard de l'ensemble de ces considérations, il y a lieu de considérer que la contrefaçon des marques françaises des sociétés Lacoste et Nike par M. [R] est démontrée.
La société Aris permettant à M. [R] d’exploiter son activité de vente, celle-ci sera condamnée solidairement avec son président.

Sur la réparation de la contrefaçon de marques

Moyens des parties

Les sociétés Lacoste et Nike innovate dénoncent une atteinte portée à leurs marques, éléments d'actif de grande valeur. Elles estiment que l'offre en vente et la vente des produits contrefaisants, sur une longue période, engendre une baisse de leur valeur patrimoniale et une atteinte à leur réputation, celles-ci se trouvant apposées sur des produits de piètre qualité, vendus dans des points de vente qui ne répondent pas aux critères habituels de qualité de leurs marques. A ce titre, en sus d'une mesure d'interdiction et d'un droit d'information, les sociétés Lacoste et Nike innovate demandent au tribunal de condamner le locataire du local n°80 et 103 à leur payer des dommages-intérêts à hauteur de 30.000 euros chacune afin de compenser leurs préjudices résultant de l'important détournement de la valeur de leurs marques, banalisées et dévalorisées.
Appréciation du tribunal

Aux termes des dispositions de l’article L. 716-4-11 du code de la propriété intellectuelle, en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée.La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise.
Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur.

Il convient, compte-tenu des faits retenus, d’interdire à M. [R] et à la société Aris, de détenir, offrir à la vente, distribuer ou commercialiser des produits reproduisant les marques des sociétés Lacoste et Nike innovate, dans les conditions prévues au dispositif de la présente décision.
En application de l'article L. 716-10-4 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement :1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

Enfin, l’article L. 716-4-9 du code de la propriété intellectuelle dispose que si la demande lui en est faite, la juridiction saisie au fond ou en référé d’une procédure civile prévue au présent titre, peut ordonner, au besoin sous astreinte, afin de déterminer l’origine et les réseaux de distribution des produits argués de contrefaçon qui portent atteinte aux droits du demandeur, la production de tous documents ou informations détenus par le défendeur ou par toute personne qui a été trouvée en possession de produits argués de contrefaçon et qui fournit des services utilisés dans de prétendues activités de contrefaçon ou encore qui a été signalée comme intervenant dans la production, la fabrication ou la distribution de ces produits ou la fourniture de ces services. La production de documents ou d’informations peut être ordonnée s’il n’existe pas d’empêchement légitime.
En l’espèce, les sociétés Lacoste et Nike innovate sont bien fondées à demander réparation pour l’atteinte à leurs titres de propriété industrielle et le préjudice moral qu’elles subissent, dans la mesure où la commercialisation des articles litigieux de prêt-à-porter, de piètre qualité et au sein d’un marché, alors que les marques sont associées à une image d’excellence, de prestige et de luxe, contribue à leur banalisation et à leur dépréciation.
Il convient de réparer le préjudice subi, dont il faut souligner qu’il est démontré par les différents constats d’achat qu’il a duré au moins un an même si les procès-verbaux ne constatent que l’achat de trois articles, par la condamnation in solidum de M. [R] et la société Aris à payer aux sociétés Lacoste et Nike innovate la somme de 10.000 euros chacune à titre de dommages-intérêts.
Il sera par ailleurs fait droit à la demande de droit d’information selon les modalités prévues au dispositif de la présente décision.
La Société de gestion du [Adresse 8] et la société Le [Adresse 8] justifient avoir notifié à M. [R] la résiliation des deux contrats de sous-baux pour les stands n°80 et 103 avec effet le 31 mai 2023. M. [R] a contresigné cette lettre remise en mains propres le 03 mai 2023, actant ainsi la résiliation des baux dérogatoires. Selon un procès verbal établi le 23 octobre 2023 à la requête des défenderesses, les locaux n°80 et 103 sont fermés.Le tribunal relève que les demanderesses ne forment plus à l’encontre de ces sociétés de demandes aux fins d’injonction de communication d’une copie du contrat de bail et de condamnation à prononcer la résiliation du bail et évincer le locataire du local, lesquelles sont devenues sans objet.
Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive

Moyens des parties

La Société de gestion du [Adresse 8] et la société Le [Adresse 8] estiment que la procédure diligentée à leur encontre est abusive dans la mesure où les sociétés Lacoste et Nike innovate cherchent à leur faire supporter le coût du procès, avec des velléités punitives.
Les sociétés Lacoste et Nike innovate contestent le fait que les sociétés défenderesses aient activement coopéré, comme elles l'affirment. En effet, elles soutiennent qu'il leur a fallu attendre la délivrance de l'acte introductif d'instance pour que le plan exact soit communiqué, et qu'en dépit du fait que les mesures prises par les défenderesses à l’encontre de leur locataire aient fini par porter leurs fruits, elles n’en ont pas informé les demanderesses et ont attendu d’être assignées devant le présent tribunal pour produire les pièces en attestant.
Appréciation du tribunal

L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En application de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10.000 euros sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
A titre liminaire, il sera rappelé que l’amende civile visée à l’article 32-1 du code de procédure civile ne saurait être mis en oeuvre que de la propre initiative du tribunal saisi, les parties ne pouvant avoir aucun intérêt moral au prononcé d’une amende civile à l’encontre de l’adversaire.
Par ailleurs, s’agissant de la demande de dommages-intérêts, la circonstance que les sociétés Lacoste et Nike innovate voient une partie de leurs demandes prospérer conduit à constater l’absence de caractère abusif de la procédure à l’encontre des défenderesses dont elles démontrent qu’elles ont attendu d’être assignées devant le tribunal pour justifier de leurs diligences à l’égard de leur locataire.
La demande de dommages-intérêts pour procédure abusive doit être rejetée.
Sur les demandes annexes

Succombant, M. [R] et la société Aris et les sociétés Le [Adresse 8] et Société de gestion du [Adresse 8] seront condamnés in solidum aux dépens de l’instance.
Supportant les dépens, M. [R] et la société Aris seront condamnés in solidum à payer aux sociétés Lacoste et Nike innovate la somme de 5.000 euros chacune sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’équité commande, en revanche, de ne pas faire droit à la demande des sociétés Lacoste et Nike innovate au titre de l’article 700 du code de procédure civile à l’encontre des sociétés Le [Adresse 8] et Société de gestion du [Adresse 8].
L’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal,

Fait interdiction à M. [R] [F] et à la société Aris, directement ou indirectement, de détenir, offrir à la vente, distribuer ou commercialiser des produits reproduisant les marques françaises n°1410063, 3199970 et 1391442 appartenant à la société Lacoste, et les marques françaises n°1533030, 1533029 et 1284327 appartenant à la société Nike innovate à compter de la signification de la présente décision sous astreinte provisoire de 500 euros par infraction constatée à l’issue d’un délai de 10 jours à compter de la signification de la présente décision, courant pendant un délai de six mois ;

Ordonne à M. [R] [F] et à la société Aris de communiquer aux sociétés Lacoste et Nike innovate les noms et adresses de ses fournisseurs, les quantités de produits contrefaisants commercialisés, livrés, reçus ou commandés ainsi que les prix d’achat et de revente desdits produits depuis la prise d’effet des baux concernés soit depuis le 16 octobre 2019, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, courant pendant un délai de deux mois ;

Condamne in solidum M. [R] et la société Aris à payer aux sociétés Lacoste et Nike innovate la somme de 10.000 euros chacune en réparation des faits de contrefaçon ;

Réserve au tribunal la liquidation de l’astreinte ;

Déboute les sociétés Le [Adresse 8] et Société de gestion du [Adresse 8] de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et d’amende civile ;

Rejette le surplus ;

Condamne in solidum M. [R] [F] et la société Aris et les sociétés Le [Adresse 8] et Société de gestion du [Adresse 8] aux dépens de l’instance ;

Condamne in solidum M. [R] [F] et la société Aris à payer aux sociétés Lacoste et Nike innovate la somme de 5.000 euros chacune sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure ;

Déboute les sociétés Lacoste et Nike innovate de leur demande sur ce même fondement à l’encontre des sociétés Le [Adresse 8] et Société de gestion du [Adresse 8] ;

Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit par provision.

Fait et jugé à Paris le 11 juillet 2024

La Greffière La Présidente
Caroline REBOUL Anne-Claire LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 3ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 23/10920
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;23.10920 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award