La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/07/2024 | FRANCE | N°22/05920

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 18° chambre 1ère section, 11 juillet 2024, 22/05920


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:





18° chambre
1ère section

N° RG 22/05920
N° Portalis 352J-W-B7G-CWRKL

N° MINUTE : 5

contradictoire

Assignation du :
11 Mai 2022








JUGEMENT
rendu le 11 Juillet 2024


DEMANDERESSE

S.A.R.L. LE COMPTOIR DU [Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]

représentée par Me François DE LASTELLE du CABINET DE LASTELLE PIALOUX, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant ,

vestiaire #P0070,
et par Maître Olivier DARCET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant




DÉFENDEURS

Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble [Adresse 4], représenté par son synd...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:

18° chambre
1ère section

N° RG 22/05920
N° Portalis 352J-W-B7G-CWRKL

N° MINUTE : 5

contradictoire

Assignation du :
11 Mai 2022

JUGEMENT
rendu le 11 Juillet 2024

DEMANDERESSE

S.A.R.L. LE COMPTOIR DU [Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]

représentée par Me François DE LASTELLE du CABINET DE LASTELLE PIALOUX, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant , vestiaire #P0070,
et par Maître Olivier DARCET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DÉFENDEURS

Syndicat des Copropriétaires de l’immeuble [Adresse 4], représenté par son syndic en exercice, la société JEAN CHARPENTIER SOPAGI SA,
dont le siège social se situe au [Adresse 3],

représentée par Maître Guillaume ANQUETIL de l’AARPI ANQUETIL ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D0156

Décision du 11 Juillet 2024
18° chambre 1ère section
N° RG 22/05920 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWRKL

Madame [C] [E]
[Adresse 1]
[Localité 6]

Monsieur [D] [E]
[Adresse 5]
[Localité 8]

Tous deux représentés par Me Sylvie LACROIX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0874

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Diana SANTOS CHAVES, Juge, statuant en juge unique,

assistée de Monsieur Christian GUINAND, Greffier principal,

DÉBATS

A l’audience du 29 Avril 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2024.
Puis, le délibéré a été prorogé au 11 juillet 2024.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

Par acte sous seing privé en date du 28 juillet 2011, la SARL Comptoir de la Main d’Or a cédé son droit au bail portant sur des locaux commerciaux situés [Adresse 4], à [Localité 2], à la société Aubexco, en présence des bailleurs, Mme [C] [E] et M. [D] [E] (ci-après les « consorts [E] »), le bail prévoyant l’activité de « EBENISTERIE D’ART – ACHAT, IMPORT-EXPORT, FABRICATION, RESTAURATION DE MEUBLES, OBJET D’ART, ANTIQUITES ET ARTICLES RELATIFS A LA DECORATION » et un loyer annuel en principal de 17.000 euros.

Par acte du même jour, le bail en cours a été résilié et remplacé par un nouveau bail entre les consorts [E] et la société Aubexco, pour une activité de « VENTE DE PRODUITS AUMENTAIRES, DE PRODUITS FRAIS - LIBRAIRIE, EBENISTERIE D’ART, MEUBLES ET DECORATION, VENTE DE VINS ET SPIRITUEUX, CAFE AVEC RESTAURATION SANS EXTRACTION », pour une durée de 9 ans à compter du 1er août 2011, moyennant un loyer annuel en principal de 24.480 euros hors taxes et hors charges.

Par avenant du 1er août 2011, les parties sont convenues que « Si le Preneur souhaite exercer une activité de restauration avec extraction il devra demander toutes les autorisations administratives et légales pour obtenir l’extraction dans l’activité de restauration et en justifier au bailleur. Il devra prendre à sa charge les frais liés aux démarches nécessaires afin d’obtenir l’autorisation d’exploiter un restaurant ».

Par avenant du 5 novembre 2013, la société Aubexco a transféré le bail des locaux à sa filiale, la SARL Le Comptoir du [Adresse 4] créée pour exploiter le restaurant dans les locaux.

Le preneur souhaitant céder son droit au bail, par courrier du 14 janvier 2019, il a sollicité du bailleur une modification de l’avenant au bail afin de clarifier l’option donnée au preneur entre une activité de restauration avec ou sans extraction, estimant que l’option d’une restauration avec extraction avait déjà été exercée avec les autorisations adéquates.

Par courrier du 15 novembre 2019, les consorts [E] faisaient valoir que les installations de la société Le Comptoir du [Adresse 4] n’étaient pas conformes aux termes de l’avenant du 28 juillet 2011.

Par exploit du 15 avril 2022, les consorts [E] ont fait délivrer à la société Le Comptoir du [Adresse 4] une sommation visant la clause résolutoire du bail de « faire démonter le conduit d’extraction installé sans accord de la copropriété ni autorisation des bailleurs et de remettre en état le mur sur lequel il a été installé ».

La sommation vise également les dispositions de l’article L. 145-17 du code de commerce permettant au bailleur de refuser le renouvellement du bail sans indemnité s’il justifie d’un motif grave et légitime à l’encontre du locataire.

Par acte du 2 mai 2022, le preneur a protesté à la sommation et fait opposition à ses effets et notifié cette protestation au syndicat des copropriétaires par acte du 4 mai 2022.

Par actes extrajudiciaires en date des 11 et 13 mai 2022, la société Le Comptoir du [Adresse 4] a fait assigner les consorts [E] et le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 4] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
« Juger la Société LE COMPTOIR DU [Adresse 4] recevable et bien fondée en son instance,
Juger que l’Assemblée Générale du Syndicat des Copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4] a [Localité 2] du 20 novembre 2013 a valablement autorisé par sa résolution n° 17 l’indivision [E] à installer un dispositif d’extraction, qui a été mis en œuvre dans la courette de l’immeuble.
Juger que le Comptoir du [Adresse 4] a procédé à l’installation du système d’extraction avec l’autorisation préalable de la copropriété et avec l‘accord des bailleurs.
Annuler en conséquence la sommation délivrée le 15 avril 2022 par les consorts [E] à la SARL le Comptoir du [Adresse 4], la déclarer nulle et de nul effet.
Au cas ou par impossible l’autorisation d’installer une extraction serait jugée non acquise aux consorts [E],
Juger que les consorts [E] par sa résolution n° 17r, en ne faisant pas le nécessaire pour obtenir du syndicat des copropriétaires l’autorisation d’installer cette extraction dont avait besoin le preneur pour exploiter conformément à son bail, ont manqué à leur obligation de délivrance à son égard et tenus des conséquences de ce manquement.
Juger que les consorts [E] tenus d’une obligation de délivrance de la chose louée envers le Comptoir du [Adresse 4] ont manqué au respect de cette obligation en ne délivrant pas au preneur un local conforme à la destination prévue par le bail.
Juger en outre et à titre surabondant que Madame [C] [E] et Monsieur [D] [E], en contestant l’existence d'une autorisation qu'ils avaient eux-mêmes obtenue et qu‘eux seuls pouvaient demander, puis en s’abstenant d’exercer contre la copropriété les recours nécessaires à la jouissance paisible du preneur et à l’exploitation du fonds conformément au bail, puis au surplus en leur délivrant une sommation de démonter l’installation d’extraction alors qu’ils lui en devaient l’autorisation que la garantie au titre de leur obligation de délivrance, ont manqué à l’obligation de loyauté qui pèse sur toute partie dans l’exécution de ses obligations contractuelles dommageables.
Juger en conséquence que les consorts [E] ont commis des fautes dans l’exécution du bail dont ils doivent réparation a la SARL LE COMPTOIR DU [Adresse 4].
En réparation condamner in solidum monsieur et madame [E] à payer à la SARL LE COMPTOIR DU [Adresse 4] au titre des préjudices subis, la somme de 150.000 € sauf à parfaire
Condamner en outre les consorts [E] à restituer, à titre de dommages et intérêts complémentaires à la SARL le Comptoir du [Adresse 4] le montant de la majoration do 20% de loyer qu'ils ont indument perçue pour obtention d‘une autorisation de restauration avec extraction dont ils ne disposaient pas.
Prononcer l'anatocisme sur l'ensemble des sommes réclamées.
Déclarer opposable au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE [Adresse 7] la décision à venir.
Juger que l’exécution provisoire n’est pas incompatible avec la nature de l’affaire.
Condamner in solidum Madame [C] [E] et Monsieur [D] [E] et tout contestant à payer à la SARL LE COMPTOIR DU [Adresse 4] la somme de 10 000 € en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner in solidum Madame [C] [E] et Monsieur [D] [E] et tout contestant aux entiers dépens ».

Les défendeurs ont constitué avocat mais n’ont pas conclu.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er juin 2023. L'affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 29 avril 2024.

Le 23 avril 2024, les consorts [E] ont notifié des conclusions contenant une demande de rabat de clôture et de renvoie de l’affaire à la mise en état pour permettre à toutes les parties à l’instance de conclure sur tous les points. Le 24 avril 2024, les consorts [E] ont notifié par message RPVA des conclusions au fond sur le litige.

Par conclusions notifiées par messages RPVA successivement les 24 et 25 avril 2024, la société Le Comptoir du [Adresse 4] a demandé le rejet de la demande de rabat de l’ordonnance de clôture et le rejet des conclusions notifiées le 24 avril 2024 par les consorts [E].

A l’audience du 29 avril 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 8 juillet 2024, prorogé au 11 juillet 2024, date à laquelle le jugement a été rendu par mise à disposition au greffe.

*

MOTIFS DU JUGEMENT

Il sera rappelé à titre liminaire qu’en application de l’article 4 du code de procédure civile, les demandes tendant à voir « donner acte », « dire et juger », « constater » ne constituent pas des prétentions en ce qu’elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi, ces demandes n’étant que le rappel des moyens invoqués. Elles ne donneront donc pas lieu à mention au dispositif.

Sur la demande de révocation de l’ordonnance de clôture

Les consorts [E] soutiennent qu’ils n’ont pas eu connaissance des bulletins de procédure émis par le greffe de la 18ème Chambre du tribunal en raison de dysfonctionnements de la plate-forme Ebarreau, et qu’ils n’ont donc pas déposé de conclusions en réponse.

La société Le Comptoir du [Adresse 4] estime que les défendeurs ne font état d’aucune cause grave au sens de l’article 803 du code de procédure civile justifiant le rabat de l’ordonnance de clôture.

Aux termes de l’article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office, à l’exception notamment des demandes de révocation de l’ordonnance de clôture.

Selon l’article 803 du même code, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue. L'ordonnance de clôture peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats, par décision du tribunal.

En l’espèce, les consorts [E] qui allèguent d’un dysfonctionnement de la plateforme e-barreau ne produisent aucun justificatif au soutien de cet argument. Au contraire, il ressort du message adressé par le juge de la mise en état aux parties le 29 mars 2024 qu’après vérification, toutes les parties ont été destinataires de tous les bulletins de procédure, y compris le calendrier de procédure et l’annonce de la clôture de l’instruction.

En l’absence de cause grave au sens de l’article 803 du code de procédure civile, la demande de révocation de l’ordonnance de clôture des consorts [E] sera rejetée et les conclusions notifiées le 24 avril 2024 seront déclarées irrecevable.

Sur la demande de nullité de la sommation du 15 avril 2022

La société Le Comptoir du [Adresse 4] fait valoir :
- que les bailleurs ne peuvent prétendre que l’activité autorisée par le bail est uniquement celle de restauration sans extraction ;
- qu’ils ne peuvent prétendre qu’ils n’ont pas autorisé l’installation du système d’extraction alors qu’ils ont eux-mêmes sollicité l’autorisation de l’assemblée générale des copropriétaires dans l’intérêt du preneur et qu’ils ont majoré le loyer de 20% en raison de l’adjonction de l’activité de restauration avec extraction,
- que la résolution n°17, soumise à l’assemblée générale des copropriétaires le 20 novembre 2013, visant à autoriser l’installation d’un système d’extraction, a recueilli une majorité de voix favorables,

- que les bailleurs ne peuvent prétendre que l’assemblée générale du 28 juin 2021 a refusé de ratifier les travaux d’installation de l’extraction alors que la résolution proposée par les bailleurs portait sur l’absence de nuisances,
- que l’assemblée générale du 28 juin 2021 n’a pas exigé le retrait pur et simple de l’extraction et la remise en état du mur mais qu’elle a uniquement voté une autorisation d’ester en justice et la fixation d’un budget à cette fin qui a été rejeté,
- que les motifs invoqués au soutien de la sommation visant la clause résolutoire du bail et le refus de renouvellement du bail étant inexacts, les actes doivent être invalidés.

Selon l'article 1134 devenu 1103 et 1104 du code civil, les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et ils doivent être exécutés de bonne foi.

Selon l'article L. 145-41 du code de commerce, un contrat de bail commercial peut contenir une clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat, si elle ne produit effet qu'un mois après un commandement de payer ou une sommation d'exécuter infructueux, le commandement ou la sommation devant, à peine de nullité, mentionner ce délai. La loi prévoyant une possibilité de régularisation faisant échec au jeu de la clause résolutoire, le commandement ou la sommation doit informer clairement le locataire du montant qui lui est réclamé ou des manquements reprochés et être suffisamment précis pour permettre au locataire d’identifier les causes des manquements et leur cessation. En outre, l'automaticité du mécanisme de la clause résolutoire prive d'effet un commandement délivré par un bailleur qui fait usage de mauvaise foi de ses prérogatives contractuelles.

En l'espèce, le contrat de bail du 28 juillet 2011 liant les parties prévoit une clause résolutoire intitulée « X - Clause résolutoire » stipulant qu'à défaut d’exécution d’une quelconque des obligations du bail, notamment l’utilisation des locaux non conforme à leur destination, et après l'expiration d'un délai d'un mois suivant une mise en demeure d’exécuter, le bail serait résilié de plein droit.

Par acte d'huissier en date du 15 avril 2022, les consorts [E] ont fait signifier à la société Le Comptoir du [Adresse 4] une sommation visant la clause résolutoire du bail de « faire démonter le conduit d’extraction installé sans accord de la copropriété ni autorisation des bailleurs, et de remettre en état le mur sur lequel il a été installé ».

La sommation rappelle que par avenant du 1er août 2011, les parties sont convenues que « si le preneur souhaitait exercer une activité de restauration avec extraction, il devrait demander toutes les autorisations administratives et légales pour obtenir l’extraction et en justifier au bailleur » ainsi que prendre en charge les démarches nécessaires pour obtenir l’autorisation d’exploiter le restaurant. Les bailleurs estiment que « Il s’avère que LE COMPTOIR DU [Adresse 4] a procédé à l’installation d’un système d’extraction sans autorisation préalable de la copropriété et sans accord des bailleurs. Le 28 juin 2022 l’assemblée générale des copropriétaires s’est prononcée contre la ratification des travaux d’installation d’une extraction de fumée effectués par la société LE COMPTOIR DU [Adresse 4], et a exigé le retrait pur et simple de ladite extraction, ainsi que la remise en état du mur endommagé par lesdits travaux ».

L’article « II – Destination des locaux » du bail du 28 juillet 2011 stipule que l’activité autorisée est « Vente de produits alimentaires, de produits frais, librairie, ébénisterie d’art, meubles et décoration, vente de vins et spiritueux, café avec restauration sans extraction ».

L’avenant du 1er août 2011 stipule cependant que « si le Preneur souhaite exercer une activité de restauration avec extraction il devrait demander toutes les autorisations administratives et légales pour obtenir l’extraction dans l’activité de restauration et en justifier au bailleur. Il devra prendre à sa charge les frais liés aux démarches nécessaires afin d’obtenir l’autorisation d’exploiter un restaurant ».

Il ressort de l’avenant au contrat de bail, signé 4 jours après le bail, que les parties ont expressément convenu de la possibilité pour le preneur d’exercer une activité de restauration avec extraction, sous réserve de justifier au bailleur de l’obtention des autorisations nécessaires. Ces autorisations se comprennent nécessairement comme celles de tiers au contrat, l’avenant matérialisant l’accord de principe du bailleur pour une telle activité. Il ne peut, en effet, être soutenu que les bailleurs n’auraient pas autorisé l’activité de restauration avec extraction à moins de vider de sens l’avenant signé par les parties le 1er août 2011.

L’accord des bailleurs pour l’exercice d’une telle activité, qui entrainait nécessairement l’installation d’un système d’extraction, ressort également de la demande d’inscription d’une résolution à l’assemblée générale des copropriétaires pour autoriser l’indivision [E] à procéder à l’installation d’un conduit d’extraction dans la courette, demande faite au syndic de copropriété par courrier recommandé en date 3 juin 2013 adressé par l’administrateur de bien des consorts [E]. Seul le bailleur avait le pouvoir de solliciter une telle autorisation d’installation à l’assemblée générale des copropriétaires, ce qu’ils ont fait, attestant là encore de leur accord pour l’installation du système d’extraction.

Il ressort, en outre, des multiples échanges de courriers versés aux débats par la société Le Comptoir du [Adresse 4], entre le preneur et l’administrateur de biens des consorts [E], que les parties ont longuement échangé sur la possibilité offerte par le règlement de copropriété d’installer une activité de restauration dans le local commercial, sur l’autorisation à demander à l’assemblée générale des copropriétaires, et sur les modalités d’installation du système d’extraction, en particulier l’utilisation de conduits déjà existants ou l’installation d’un nouveau conduit.

Après avoir fait l’objet d’un premier refus de l’assemblée générale des copropriétaires, il ressort du procès-verbal de l’assemblée générale du 20 novembre 2013 que la résolution n° 17 intitulée « Autorisation à donner à l’indivision [E] de procéder à l’installation d’un conduit d’extraction exposant dans la courette » a reçu une majorité de votes favorables, à savoir 271 voix pour, contre 257 voix contre. Les consorts [E] ont voté favorablement à cette résolution qu’ils avaient proposée et n’ont exercé aucun recours, de sorte que leur autorisation pour l’installation d’un système d’extraction n’est pas contestable.

Le procès-verbal de cette assemblée générale comporte une note du Syndic à la suite de la résolution n° 17 indiquant qu’à la suite d’une erreur de calcul, la résolution 17 a été déclarée rejetée lors de l’assemblée générale « alors que ses votes tendaient en réalité à son approbation ». Le syndic expose ensuite des éléments du débat tenu lors de la réunion et conclut « Il en résulte que l’assemblée générale n’a pas été en mesure de se prononcer valablement sur les résolutions 16 et 17 ». Il convient de relever que cette note confuse du syndic est en contradiction avec la décision prise par l’assemblée générale des copropriétaires. Il ressort, en effet, de ce procès-verbal, d’une part que la résolution n° 17 a bien été soumise au vote des copropriétaires malgré le débat qui l’a précédée et les questions techniques qui pouvaient rester à trancher, d’autre part que la résolution a reçu l’approbation de l’assemblée des copropriétaires, ainsi que cela ressort des votes détaillés dans le procès-verbal et de la note du syndic.

Il ressort encore des pièces versées aux débats que cette décision de l’assemblée générale des copropriétaires n’a fait l’objet d’aucun recours, ce qui n’est pas contredit par le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble qui n’a pas conclu dans la présente instance. Il n’est fait état d’aucune procédure qui aurait été introduite en raison des travaux d’installation du système d’extraction du preneur, ce qui aurait dû être le cas si ces travaux avaient été réalisés en contravention avec la décision de l’assemblée générale des copropriétaires.

La sommation du 15 avril 2022 fait état d’une autre résolution votée ultérieurement par l’assemblée générale, la résolution n° 21 de l’assemblée du 28 juin 2021 (et non 28 juin 2022 comme indiqué dans la sommation), portant sur « A la demande de l’indivision [E] : autorisation définitive à donner concernant l’installation du conduit d’extraction à la charge du copropriétaire demandeur », laquelle n’a pas été adoptée, ayant reçu une majorité de voix contre. Cette résolution est précédée d’un « rappel historique » du syndic, selon lequel « l’indivision [E] n’avait jamais demandé au syndicat des copropriétaires l’autorisation à exécuter les travaux d’installation du conduit d’extraction effectué sans autorisation donc, par le locataire de ce local commercial ».

Il ne revient pas au tribunal, dans le cadre de la présente instance qui oppose bailleur et preneur, de trancher d’éventuelles contradictions de résolutions successives votées par la même assemblée générale des copropriétaires. Il convient cependant de relever que le « rappel historique » ayant précédé le vote de la résolution n° 21 de l’assemblée du 28 juin 2021 n’est pas conforme à l’historique des assemblées générales de la copropriété du [Adresse 4] et qu’il est en contradiction avec l’assemblée générale du 20 novembre 2013.

En tout état de cause, il est constant que le système d’extraction litigieux a été installé après l’autorisation donnée par l’assemblée générale du 20 novembre 2013, de sorte que les termes de la sommation sont invalides.

La société Le Comptoir du [Adresse 4] produit enfin une autorisation de la Maire de [Localité 9] en date du 19 décembre 2014, autorisant la création d’une gaine d’évacuation sur cour.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que l’installation du système d’extraction du restaurant exploité par la société Le Comptoir du [Adresse 4] a été autorisée par les bailleurs, par l’assemblée générale des copropriétaires du 20 novembre 2013, et qu’elle a reçu les autorisations administratives requises.

En l’absence d’infraction au bail et à ses avenants liant les parties, la sommation de faire démonter le conduit d’extraction sera déclarée nulle et de nul effet.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Le Comptoir du [Adresse 4]

La société Le Comptoir du [Adresse 4] expose :
- qu’en ne fournissant pas au preneur l’autorisation nécessaire à l’activité prévue au bail, le bailleur n’a pas respecté ses obligations qui en découlent,
- que les bailleurs ont manqué à leur obligation de délivrance entrainant un préjudice pour le preneur qui leur est directement imputable,
- que les bailleurs font obstruction à la vente du fonds de commerce que le preneur tente de réaliser depuis plusieurs années, la perte des acquéreurs potentiels constituant un préjudice,
- que l’impossibilité de vendre son commerce constitue une atteinte aux prérogatives qu’il tient de la propriété de son bail dont il ne peut disposer librement,

- qu’en contestant l’autorisation dont bénéficiait le preneur et en s’abstenant d’exercer les recours nécessaires à sa jouissance paisible, puis en délivrant une sommation de faire, les bailleurs ont commis un manquement à l’obligation de loyauté leur incombant,
- qu’elle estime son préjudice à la somme de 150.000 euros à parfaire ainsi qu’à 20% du loyer payé qu’il convient aux bailleurs de restituer, cette majoration étant liée à une autorisation de restauration avec extraction qu’ils ont par la suite contestée.

Selon l'article 1134 dans sa version applicable au présent litige, devenu 1103 du code civil, les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Selon l'article 1147 devenu 1231 du code civil, celui qui invoque un préjudice résultant d'une faute de son co-contractant doit établir un manquement au contrat qui les lie ou à son obligation d'exécuter de bonne foi ses obligations, ainsi que l'étendue du préjudice causé par cette faute.

Aux termes de l'article 1719 du code civil, le bailleur est tenu de délivrer au preneur un local lui permettant d'exercer la destination contractuellement prévue par le bail sans pouvoir se décharger de cette obligation essentielle du bail sur le preneur par une clause particulière du contrat.

En l’espèce, il est constant que la société Le Comptoir du [Adresse 4] a exercé l’activité de restauration avec extraction dans les locaux qui lui ont été délivrés par les consorts [E]. La demanderesse n’établit pas avoir été empêchée d’exercer l’activité prévue au bail, de sorte que la responsabilité des bailleurs ne peut être retenue sur le fondement du manquement à l’obligation de délivrance.

Le montant du loyer stipulé au bail du 28 juillet 2011 et dans l’avenant du 1er août 2011 sans lien avec le fait que l’activité exercée soit avec ou sans extraction, et compte tenu du fait que le preneur a exercé l’activité avec extraction, la demande de restitution d’une partie du loyer n’est pas justifiée.

Il ressort, en revanche, des pièces versées aux débats que les consorts [E] ont contesté l’autorisation d’activité qu’ils avaient antérieurement donnée, la sommation de faire du 15 avril 2022 caractérisant ce changement de positionnement ; qu’ils n’ont pas formé de recours contre les dernières décisions de l’assemblée générale des copropriétaires qui entrent en conflit avec la destination autorisée dans le bail et qui sont susceptibles de porter préjudice au preneur dans sa volonté de céder son bail. Ces comportements des bailleurs caractérisent un manquement à l’obligation de bonne foi dans l’exercice de leurs prérogatives contractuelles qui cause un préjudice au preneur.

La société Le Comptoir du [Adresse 4] évalue son préjudice à 150.000 euros sans toutefois justifier ce montant. Elle produit des courriers de son conseil faisant état à plusieurs reprises depuis 2019 de projets de cession du bail, lesquels n’auraient pu aboutir en raison des difficultés avec la copropriété. Il n’est toutefois pas justifié de l’état d’avancement de ces négociations avec d’éventuels cessionnaires, ni du lien entre l’échec de ces négociations et l’attitude des bailleurs.

Au regard des manquements des bailleurs qui ont nécessairement causé un préjudice au preneur contraint d’engager une procédure judiciaire pour se défendre d’une sommation de faire irrégulière, les consorts [E] seront condamnés solidairement à payer au demandeur la somme de 10.000 euros.

Sur les demandes accessoires

Le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 4] dans le [Localité 2] étant partie à l’instance, le présent jugement lui est opposable.

Les consorts [E] succombant à titre principal à l’instance seront condamnés in solidum aux entiers dépens.

Ils seront condamnés in solidum à payer à la demanderesse la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

*

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

Dit n’y avoir lieu à révocation de l’ordonnance de clôture du 1er juin 2023,

Déclare irrecevables les conclusions notifiées par voie électronique le 24 avril 2024 par les consorts [E],

Déclare nulle et de nul effet la sommation délivrée par les consorts [E] par acte extrajudiciaire du 15 avril 2022, visant la clause résolutoire du bail du 28 juillet 2011,

Condamne solidairement Mme [C] [E] et M. [D] [E] à payer à la SARL Le Comptoir du [Adresse 4] la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation du 13 mai 2022,

Dit que les intérêts au taux légal dus au moins pour une année entière seront capitalisés en application de l’article 1154 ancien du code civil,

Déboute la SARL Le Comptoir du [Adresse 4] de sa demande de restitution de 20% des loyers versés à titre de dommages et intérêts complémentaires,

Dit que la présente décision est opposable au Syndicat des copropriétaires de l’immeuble du [Adresse 4], partie à l’instance,

Condamne in solidum Mme [C] [E] et M. [D] [E] à payer à la SARL Le Comptoir du [Adresse 4] la somme de 4.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum Mme [C] [E] et M. [D] [E] aux entiers dépens de l’instance,

Fait et jugé à Paris le 11 Juillet 2024.

Le Greffier Le Président

Christian GUINAND Diana SANTOS CHAVES


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 18° chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 22/05920
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;22.05920 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award