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11/07/2024 | FRANCE | N°22/01053

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 3ème chambre 1ère section, 11 juillet 2024, 22/01053


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :
Expédition exécutoire délivrée à : Me CHOLAY #B242
Copie certifiée conforme délivrée à : Me MASSOT #G252




3ème chambre
1ère section

N° RG 22/01053
N° Portalis 352J-W-B7G-CV5OX

N° MINUTE :

Assignation du :
17 janvier 2022










JUGEMENT
rendu le 11 juillet 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. MAISON DES GRANDS CRUS
Château de [Localité 2]
[Localité 2]

représentée par Me Pierre MASSOT de la SELARL ARENAIRE,

avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0252


DÉFENDERESSES

S.A.R.L. LE SOUFFLOT
[Adresse 4]
[Localité 3]

S.A.S. LE [D]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Me Martine CHOLAY...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :
Expédition exécutoire délivrée à : Me CHOLAY #B242
Copie certifiée conforme délivrée à : Me MASSOT #G252

3ème chambre
1ère section

N° RG 22/01053
N° Portalis 352J-W-B7G-CV5OX

N° MINUTE :

Assignation du :
17 janvier 2022

JUGEMENT
rendu le 11 juillet 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. MAISON DES GRANDS CRUS
Château de [Localité 2]
[Localité 2]

représentée par Me Pierre MASSOT de la SELARL ARENAIRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0252

DÉFENDERESSES

S.A.R.L. LE SOUFFLOT
[Adresse 4]
[Localité 3]

S.A.S. LE [D]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Me Martine CHOLAY, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #B0242 & Me Michèle TRESSE de la SCP BOUCHARD & TRESSE, avocat au barreau de DIJON, avocat plaidant

Décision du 11 juillet 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 22/01053
N° Portalis 352J-W-B7G-CV5OX

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Claire LE BRAS, 1ère Vice-Présidente Adjointe
Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Monsieur Malik CHAPUIS, Juge,

assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière

DÉBATS

A l’audience du 12 février 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 16 mai 2024.
Le délibéré a été prorogé en dernier lieu au 11 juillet 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

1. La société Maison des Grands Crus (la société MGC) a pour activités le négoce de vins fins et spiritueux, l’hébergement touristique, la location de salles et la fourniture de prestations de services et d’accueil, qu’elle exerce au Chateau de [Localité 2], [Localité 2], sur la route des Grands Crus, sous la dénomination « Maison Prosper [D] » et l’enseigne « Prosper [D] ».

2. Elle est titulaire de :

- la marque verbale française « [D] » n°4277317, déposée le 3 juin 2016, et enregistrée le 23 septembre 2016 pour désigner en classes 32, 33, 39 et 43 les « Boissons sans alcool ; apéritifs et cocktails sans alcool ; boissons gazeuses sans alcool ; les Boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ; vins ; vins effervescents ; vins pétillants ; vins mousseux ; crémants ; visites touristiques, y compris les visites offertes dans le cadre de l’œnotourisme ; services hôteliers ; services de restauration [alimentation] ; services de bars ; informations et conseils en matière d’œnologie et de dégustations de vins ; initiation à la dégustation de vins [services de bars] ».

- la marque verbale de l’Union européenne « [D] » n°016074866, déposée le 24 novembre 2016 sous priorité du dépôt français précité et enregistrée le 29 mai 2017, pour désigneren classes 32, 33, 39 et 43 les « Boissons sans alcool ; apéritifs et cocktails sans alcool ; boissons gazeuses sans alcool ; les Boissons alcoolisées (à l’exception des bières) ; vins ; vins effervescents ; vins pétillants ; vins mousseux ; crémants ; visites touristiques, y compris les visites offertes dans le cadre de l’œnotourisme ; services hôteliers ; services de restauration [alimentation] ; services de bars ; informations et conseils en matière d’œnologie, à savoir informations et conseils en matière de vins dans le cadre de la fourniture de boissons et de dégustations de vins [services de bars] ; dégustation de vins [services de bars] ».

- la marque verbale française renouvelée « PROSPER [D] » n°95581186, déposée le 19 juillet 1995, pour désigner les produits de la classe 33 : « vins, spiritueux et liqueurs ».

- la marque verbale de l’Union européenne « PROSPER [D] » n°012831871, déposée et enregistrée le 29 avril 2014, revendiquant l’ancienneté de la marque française précitée, pour désigner les produits de la classe 33 : « vins, spiritueux et liqueurs ».

3. Elle exploite également un site marchand sous le nom de domaine « www.[010].com » réservé depuis le 13 octobre 2010, sur lequel elle présente la Maison Prosper [D] et ses vins, le domaine de [Localité 11], le château historique de [Localité 2] et propose différents services (vente en ligne des vins de la Maison des Grands Crus, chambres d’hôte, visite de caves, balades à vélo, restaurant etc...). Elle est réservataire en outre, depuis le 13 juillet 2000, du nom de domaine « www.[08].com » qui est exploité et renvoie à la page d’accueil du site internet de la Maison [D].
3. Les sociétés Le Soufflot et Le [D] exploitent chacune un fonds de commerce de restauration, brasserie, traiteur : la première exploite depuis mars 2019 Le [D] Restaurant, [Adresse 4] à [Localité 3] ; la seconde exploite depuis décembre 2020 Le [D] Restaurant à [Localité 5]. La société Le Soufflot assure la promotion de son restaurant Le [D] restaurant sur internet sous le nom de domaine www.[06].fr, qu’elle a réservé depuis le 12 avril 2019 et la société Le [D], celle de son restaurant sur le site internet enregistré sous le nom de domaine « www.[07].fr ».
4. Reprochant à ces deux sociétés de porter atteinte à ses marques, nom commercial, enseigne et nom de domaine en utilisant le signe “Le [D]” et le signe pour vendre des services de restauration et de dégustation de vins identiques et similaires aux siens, la société MGC a, après vaine mise en demeure du 20 septembre 2021, assigné par actes d’huissier du 17 janvier 2022 les sociétés Le Soufflot et Le [D] devant le tribunal judiciaire de Paris en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale et parasitaire aux fins de faire cesser les actes litigieux, obtenir l’interdiction de leur poursuite et la réparation de leur préjudice.
7. Les instances enrôlées sous les n° RG 22/01054 et RG 22/01053 ont été jointes par décision du juge de la mise en état du 31 mai 2022 sous ce dernier numéro.
8. Par conclusions d’incident notifiées par voie électronique du 10 novembre 2022, la société MGC a soulevé l’irrecevabilité pour défaut d’intérêt à agir des demandes reconventionnelles des sociétés Le Soufflot et [D] en déchéance des marques française n° 4277317 et de l’Union européenne n° 016074866 « [D] » ainsi qu’en nullité de la marque française « Prosper [D] » devant le juge de la mise en état, lequel a joint l’incident au fond.
9. Par conclusions d’incident notifiées par RPVA le 9 février 2023, la société Le Soufflot et la société Le [D] ont soulevé une fin de non-recevoir tirée de la demande reconventionnelle de déchéance de la marque française [D] n° 4277317 qu’elles demandent au juge de la mise en état de prononcer. Ce dernier a également joint cet incident au fond.

10. Dans ses conclusions n°4 notifiées par voie électronique le 12 mai 2023, la société MGC demande au tribunal, au visa des articles L. 713-2, L. 716-4 et L. 716 du code de la propriété intellectuelle et 9 du Règlement du Règlement (UE) n°2017/1001 sur la marque de l’Union européenne (RMUE) et des articles 1240 et suivants du code civil, de :
-Déclarer la société MGC recevable et bien fondée en son action à l’encontre des Sociétés Le Soufflot et Le [D] ;
Sur le mal fondé de la fin de non-recevoir invoquée par les sociétés Le Soufflot et Le [D] pour défaut d’usage sérieux
-Juger que la fin de non-recevoir invoquée par les sociétés Le Soufflot et Le [D] pour défaut d’exploitation de la marque française [D] n° 4277317, fondée sur l’article L716-4-3 du Code de la propriété intellectuelle, est mal fondée et les en débouter ;
-Juger que l’argument du défaut d’exploitation de la marque européenne [D] n° 016074866 invoqué par les sociétés Le Soufflot et Le [D] sur le fondement de l’article L.716-4-3 du code de la propriété intellectuelle, qui prévoit une fin de non-recevoir, est mal fondé ; et débouter les défenderesses de leur demande à ce titre ;
-Juger que les sociétés Le Soufflot et Le [D] sont irrecevables et mal fondées en leurs fins de non-recevoir, initialement soulevées devant le juge de la mise en état ;
Sur les demandes en déchéance formées par les sociétés Le Soufflot et Le [D]
-Juger que la demande reconventionnelle en déchéance des marques « [D] » FR n°4277317 et MUE n°016074866 est irrecevable pour les classes 32 et 39 pour défaut d’intérêt à agir des sociétés Le Soufflot et Le [D] ;
- Juger que la demande reconventionnelle en déchéance formée par les défenderesses et visant les marques « [D] » FR n°4277317 et MUE n°016074866 est en tout état de cause mal fondée ;
- Débouter les sociétés Le Soufflot et Le [D] de leurs demandes reconventionnelles en déchéance des marques « [D] » FR n°4277317 et MUE n°016074866 ;
Sur la contrefaçon et la concurrence déloyale et parasitaire
-Juger que l’usage par les sociétés Le Soufflot et Le [D] des signes « Le [D] » / « [D] Restaurant » pour désigner des services de restauration, de vente et de dégustation de vins constitue un acte de contrefaçon de la marque française « [D] » n°4277317, de la marque de l’UE « [D] » n°016074866, de la marque française « Prosper [D] » n°95581186 et de la marque de l’UE « Prosper [D] » n°01283187, en ce qu’elles désignent les classes 33 et 43 au sens des articles L. 731-2 et L.716-4 du code de la propriété intellectuelle et 9 du RMUE ;
-Juger que l’usage des noms de domaine www.[06].fr et www.[07].fr pour commercialiser et faire connaître des services de restauration, de vente et de dégustation de vins constitue un acte de contrefaçon de la marque française « [D] » n°4277317, de la marque de l’UE « [D] » n°016074866, de la marque française « Prosper [D] » n°95581186 et de la marque de l’UE « Prosper [D] » n°012831871, en ce qu’elles désignent les classes 33 et 43, au sens des articles L. 713-2 et L. 716-4 du Code de la propriété intellectuelle et 9 du RMUE;
- Rejeter la fin de non-recevoir soulevée par les sociétés Le Soufflot et Le [D] s’agissant de l’action en concurrence déloyale, l’usage par la société MGC de son nom commercial, son enseigne et son nom de domaine étant antérieur à l’ouverture des restaurants litigieux en 2019 ;
-Juger qu’en utilisant les signes « Le [D] » / « [D] Restaurant” pour désigner des activités de restauration, de vente et de dégustation de vins, les sociétés Le Soufflot et Le [D] ont porté atteinte au nom commercial et l’enseigne Prosper [D] antérieurs et ont ainsi commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au sens des articles 1240 et suivants du code civil;
-Juger qu’en utilisant les noms de domaine www.[06].fr et www.[07].fr pour commercialiser et faire connaître des activités de restauration, de vente et de dégustation de vins, les sociétés Le Soufflot et Le [D] ont porté atteinte au nom de domaine de la demanderesse www.[010].com et ont ainsi commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au sens des articles 1240 et suivants du code civil ;

-Interdire aux sociétés Le Soufflot et Le [D] la poursuite des actes de contrefaçon des marques « [D] » FR n°4277317 et MUE n°016074866, et « Prosper [D] » FR n°95581186 et MUE n°012831871, sur quelque support et de quelque manière que ce soit, au besoin sous astreinte ;
-Interdire aux sociétés Le Soufflot et Le [D] de faire usage, d’une quelconque manière que ce soit et à quelque titre que ce soit, des signes « Le [D] » / « [D] Restaurant » ;
-Ordonner au besoin sous astreinte, le transfert des noms de domaine www.[06].fr et www.[07].fr au nom de la société MGC aux frais des sociétés Le Soufflot et Le [D] ;
- Ordonner, au besoin sous astreinte dans un délai déterminé par le Tribunal, la destruction de tous les supports, y compris notamment enseignes, menus, cartes, étiquettes, brochures commerciales sur lesquels la dénomination « [D] » est reproduite, aux frais exclusifs des sociétés Le Soufflot et Le [D] à charge pour ces dernières d’en justifier, sur simple demande de la demanderesse ;
- Condamner in solidum les sociétés Le Soufflot et Le [D] à payer à la société MGC la somme de 30 000 euros chacune au titre des préjudices découlant de la contrefaçon ;
- Condamner in solidum les sociétés Le Soufflot et Le [D] à payer à la société MGC la somme de 20 000 euros chacune au titre des préjudices découlant de la concurrence déloyale et du parasitisme ;
- Ordonner la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues au choix de la société MGC et aux frais in solidum des sociétés Le Soufflot et Le [D] dans la limite d’un plafond hors taxes global de 15 000 euros pour l’ensemble des trois publications, et ce, au besoin, à titre de dommages et intérêts complémentaires ;
Sur la demande reconventionnelle en nullité formée par les sociétés Le Soufflot et Le [D]
- Juger que la demande reconventionnelle en nullité de la marque française « Prosper [D] » n°4860971 du 13 avril 2022 est irrecevable pour défaut d’intérêt à agir des sociétés Le Soufflot et Le [D] ;
- Juger que la demande reconventionnelle en nullité de la marque française « Prosper [D] » n°4860971 du 13 avril 2022 est en tout état de cause mal fondée ;
- Débouter les sociétés Le Soufflot et Le [D] de leur demande reconventionnelle en nullité de la marque française « Prosper [D] » n°4860971 ;
Sur la demande reconventionnelle pour prétendue procédure abusive des sociétés Le Soufflot et Le [D]
-Juger mal fondées les demandes des sociétés Le Soufflot et Le [D] pour prétendue procédure abusive et les en débouter ;
En tout état de cause,
- Juger l’ensemble des demandes, fins et conclusions des sociétés Le Soufflot et Le [D] irrecevables et mal fondées et les en débouter ;
- Condamner in solidum les sociétés Le Soufflot et Le [D] à payer à la société MGC la somme de 10 000 euros chacune sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

- Condamner in solidum les sociétés Le Soufflot et Le [D] aux entiers dépens, lesquels comprendront notamment les frais de constat, dont distraction au profit de la SELARL Arenaire, Avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

11. Dans leurs conclusions responsives n°3 notifiées par voie électronique le 11 mai 2023, les sociétés Le Soufflot et Le [D] demandent au tribunal, au visa des articles L712-2, L714-5, L716-3, L716-3-1, L714-5 du code de la propriété intellectuelle, 127 du règlement EU 2017/1001, 1240 du code civil, 700 du code de procédure civile, de :
- Dire et juger les sociétés Le Soufflot et Le [D] recevables et bien fondées en l’ensemble de leurs demandes ;
Sur les incidents joints au fond
- Dire et juger les sociétés Le Soufflot et Le [D] recevables et bien fondées en leur demande de déchéance de la marque française [D] n° 4277317 du 3 juin 2016 ;
- Dire et juger les sociétés Le Soufflot et Le [D] recevables en leur demande de nullité de la Marque Prosper [D] n°4860971 du 12 avril 2022 sur le fondement de l’article L712-2 du code de la propriété intellectuelle ;
- Dire et juger la société MGC irrecevable et mal fondée en son incident ;
- Débouter la société MGC de l’ensemble de ses demandes découlant de la fin de non-recevoir initialement soulevée devant le juge de la mise en état par conclusions d’incident signifiées le 10 novembre 2022 ;
- Dire et juger que la société MGC ne justifie pas de l’exploitation de la marque française [D] n° 4277317 déposée le 3 juin 2016 pour la période s’écoulant du 10 février 2018 au 10 février 2023 ;
- Prononcer la déchéance de la marque française [D] n° 4277317 déposée le 3 juin 2016;
- Dire et juger irrecevables l’ensemble des demandes de la société MGC, marque française [D] n° 4277317 du 3 juin 2016 pour défaut d’exploitation de la dite marque conformément aux dispositions de l’article L716-4-3 du Code de la propriété intellectuelle ;
Sur la marque européenne [D]
- Dire et juger que la société MGC ne justifie pas de l’exploitation de la marque européenne [D] n°016074866 du 24 novembre 2016 pour la période s’écoulant du 8 septembre 2017 au 8 septembre 2022 ;
- Prononcer la déchéance de la marque européenne [D] n° 016074866 du 24 novembre 2016;
- Dire et juger mal fondées l’ensemble des demandes de la société MGC pour défaut d’exploitation de la marque européenne [D] n° 016074866 du 24 novembre 2016 conformément aux dispositions de l’article L716-4-3 du code de la propriété intellectuelle ;
Sur la demande de contrefaçon
- Dire et juger que la dénomination sociale et l’enseigne Le [D] des sociétés Le [D] et Le Soufflot ne constituent pas une contrefaçon de la marque française [D] n°4277317, de la marque européenne [D] n°016074866, de la marque française Prosper [D] n°95581186 et de la marque européenne Prosper [D] n°012831871 invoquées par la demanderesse ;
- Débouter la société MGC de l’ensemble de ses demandes en contrefaçon ;
Sur la demande de concurrence déloyale et parasitaire
- Déclarer irrecevable l’action en concurrence déloyale de la sociétés MGC fondée sur son nom commercial et enseigne en cette dernière est en réalité postérieure à l’enseigne des défenderesses;
- Dire et juger que l’utilisation de l’enseigne et dénomination sociale Le [D] ne constitue pas un acte de concurrence déloyale portant atteinte au nom commercial et à l’enseigne de la société MGC ;
- Dire et juger que la société MGC ne justifie d’aucun préjudice ;
- Rejeter la demande en concurrence déloyale de la société MGC ;
Au surplus,
- Dire et juger que le dépôt de la marque Prosper [D] en cours de procédure constitue un dépôt de mauvaise foi ;
- Prononcer la nullité de la marque Prosper [D] n°4860971 du 12 avril 2022 sur le fondement de l’article L712-2 du code de la propriété intellectuelle ;
- Dire et juger que l’action de la société MGC est abusive ;
- Condamner la société MGC à payer à la société Le Soufflot la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- Condamner la société MGC à payer à la société Le [D] la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- Condamner la société MGC à payer à la société Le Soufflot la somme de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société MGC à payer à la société Le [D] la somme de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la société MGC aux entiers dépens, tant l’action principale que des incidents joints au fond, dont distraction au profit de Me Cholay, avocat du barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
12. L’ordonnance de clôture a été prononcée le 16 mai 2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Préalablement, le tribunal est saisi par les sociétés Le Soufflot et Le [D], au dispositif de leurs conclusions, de demandes aux fins de :
- voir déclarer irrecevables les demandes de la société MGC à l’égard de la marque française « [D] » n° 4277317 pour défaut d’usage de ladite marque qu’elles fondent sur l’article L. 716-4-3 du code de la propriété intellectuelle qui s’applique au moyen pour défaut d’usage sérieux de la marque soulevé en défense à une action en contrefaçon, et qui s’analyse en une fin de non-recevoir.
- juger mal fondée la société MGC en ses demandes, pour défaut d’exploitation de la marque de l’Union européenne « [D] », sur le fondement de l’article 127 du Règlement 2017/1001 qui qualifie l’exception de déchéance, de moyen de défense au fond et non de fin de non-recevoir.
- « prononcer la déchéance » des marques française et de l’Union européenne « [D] ». Ces demandes reconventionnelles en déchéance relèvent de l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, dont la recevabilité est soumise aux exigences de l’article 70 du code de procédure civile.

Sur la fin de non-recevoir pour défaut d’usage sérieux de la marque française « [D] » soulevée par les sociétés Le Soufflot et Le [D]
Les sociétés Le Soufflot et Le [D] concluent à l’irrecevabilité de la demande en contrefaçon de la société MGC à l’égard de la marque française « [D] » n° 4277317 pour défaut d’exploitation de ladite marque, fondant leur demande sur l’article L. 716-4-3 du code de la propriété intellectuelle qui s’applique au moyen de défaut d’usage sérieux de la marque soulevé en défense à une action en contrefaçon, et qui s’analyse en une fin de non-recevoir. Elles estiment en revanche que la demande tendant à juger mal fondée la société MGC en ses demandes pour défaut d’exploitation de la marque de l’Union européenne « [D] », fondée sur l’article 127 du Règlement 2017/1001 qui qualifie l’exception de déchéance de moyen de défense au fond, n’est pas une fin de non-recevoir.
Elles soutiennent, après avoir rappelé que l’examen de l’usage sérieux doit être effectué pour les produits et services pour lesquels les marques sont enregistrées, que la société MGC ne produit aucune preuve de cet usage pour la période de cinq ans précédant le 10 février 2023 pour la marque française « [D] », dates à laquelle les demandes de déchéance ont été introduites, sous quelque forme que ce soit, et pour aucun des produits ou services visés par ces marques. Elles estiment que l’usage de la demanderesse de la marque française et européenne « Prosper [D] » pour du vin ne peut valoir usage des marques « [D] » sous une forme modifiée, la marque « Prosper [D] » étant dotée de son propre pouvoir attractif, et ce d’autant plus que le terme « [D] » est le nom de la rue du restaurant des défenderesses.
La société MGC expose rapporter la preuve de l’usage sérieux pour les produits et services des classes 33 et 43 de ses marques française n°95581186 et de l’UE n°012831871 « Prosper [D] », lequel signe constituant un usage sous une forme modifiée de ses marques « [D] ». Elle soutient que l’élément dominant réside dans l’usage du patronyme « [D] », en ce que l’ajout du prénom « Prosper » n’est pas de nature à altérer le caractère distinctif.
Réponse du tribunal
Selon l’article 122 du code de procédure civile, « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ».
Aux termes de l’article L716-4-3 du code de la propriété intellectuelle : « Est irrecevable toute action en contrefaçon lorsque, sur requête du défendeur, le titulaire de la marque ne peut rapporter la preuve :
1° Que la marque a fait l'objet, pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée et qui sont invoqués à l'appui de la demande, d'un usage sérieux au cours des cinq années précédant la date à laquelle la demande en contrefaçon a été formée, dans les conditions prévues à l'article L. 714-5 ;
2° Ou qu'il existait de justes motifs pour son non-usage ».
Il appartient dès lors désormais au demandeur à une action en contrefaçon, à peine d’irrecevabilité, de justifier d’un usage sérieux de la marque qu’il invoque, au cours des cinq ans précédant la demande en contrefaçon.
Par ailleurs, l’article 127 du Règlement (UE) n° 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne impose aux tribunaux de considérer la marque comme valide, à moins que le défendeur n'en conteste la validité par une demande reconventionnelle en déchéance ou en nullité. Il dispose (paragraphe 3) que dans les actions en contrefaçon, l'exception de déchéance de la marque de l'Union européenne présentée par une voie autre qu'une demande reconventionnelle est recevable lorsque le défendeur fait valoir que la déchéance de la marque de l'Union européenne pourrait être prononcée pour défaut d'usage sérieux à l'époque où l'action en contrefaçon a été intentée.
Cet article est intitulé « présomption de validité - défenses au fond », de sorte que l’exception de déchéance face à une action en contrefaçon est une défense au fond, et non une fin de non-recevoir, contrairement aux défenses contre les actions en contrefaçon fondées sur une marque française.
L’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, dispose dans des termes similaires à l’article 18 du Règlement n°2017/1001 (UE) n°2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne : « Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.
Est assimilé à un tel usage: (...) b) L'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif ; (...)
La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.
La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu ».
L’usage sérieux de la marque doit être établi pour chacun des produits ou services couverts par son enregistrement et visés par la demande en contrefaçon. Cet usage doit être sérieux et effectué à titre de marque, c'est-à-dire conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l'exclusion d'usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque.
De plus, l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque s’apprécie en tenant compte des usages du secteur économique concerné, de la nature de ces produits ou de ces services, des caractéristiques du marché, de l’étendue et de la fréquence de l’usage de la marque. (CJUE 19 décembre 2012, C-149/11, Leno Merken Bv/hagelkruis Beheer bv, point 29).
L'usage d'une marque sous une forme modifiée n'altérant pas son caractère distinctif permet à son propriétaire d'échapper à la déchéance de ses droits y compris lorsque la forme différente sous laquelle la marque est exploitée est elle-même enregistrée en tant que marque (CJUE, 25 oct. 2012, aff. C-553/11, Bernard Rintisch c/ Klaus). L’usage sous une forme modifiée d’une marque est admis, si tant est que la modification porte sur un élément négligeable, de telle sorte que les deux signes seront toujours considérés comme globalement équivalents (TPICE, 23 février 2006, aff. T-194/03).
Peut être considéré comme une modification n’altérant pas le caractère distinctif d’un signe, la variation de couleurs, la suppression d’une préposition dans un ensemble verbal, la modification de la police d’écriture ou l’ajout de termes purement descriptifs.
En l'espèce, les sociétés Le Soufflot et Le [D] invoquent l’irrecevabilité de la demande en contrefaçon de marque formée par la société MGC et visant les produits et services en classes 33 et 43, pour absence de démonstration d’un usage sérieux de ladite marque. En l’occurrence, elles poursuivent le défaut d’usage sérieux de la marque française « [D] » n° 4277317 déposée le 3 juin 2016, par la société MGC pour désigner des produits en classes 32, 33, 39 et 43.
La société MGC ayant introduit sa demande en contrefaçon par assignation du 17 janvier 2022, il lui appartient en conséquence de démontrer avoir fait un usage sérieux de cette marque sur le territoire français, au cours de la période comprise entre le 17 janvier 2017 et le 17 janvier 2022, par elle-même ou avec son consentement, pour les produits et services pour lesquels cette marque est enregistrée.
La société MGC fait valoir que les preuves d'exploitation versées aux débats établissent un usage sérieux de la marque dont elle est titulaire, que ce soit sous une forme identique à l'enregistrement et/ou sous une forme modifiée n'altérant pas le caractère distinctif de la marque concernée.
Elle produit devant le tribunal des extraits du site internet www.[010].com et extraitwhois attestant de la première date de réservation de ce nom de domaine et de celui www.[08].com, outre des extraits Google montrant que la recherche avec ce nom de domaine renvoie au nom de domaine www.[010].com, des extraits du site www.chateau-st-aubin.com et les captures d’écran issues du site internet www.archive.org relatives à l’ancienne version du site disponible à l’adresse www.[09].com, des extraits du compte instagram « Prosper [D] », des citations dans la presse et dans les guides des vins qu’elle commercialise sous l’étiquette Prosper [D], une vidéo du domaine Prosper [D], enfin des factures éditées par la société MGC.
Ces pièces ne prouvent cependant aucune exploitation effective et sérieuse du signe « [D] » pour les produits et services en classe 33 et 43.
La société MGC considère l’usage du signe “Prosper [D]” comme une forme modifiée du signe « [D] », mais il y a lieu de relever que les pièces 2.7.1 a et b qu’elle produit concernent essentiellement des factures dont, pour certaines, la date ne correspond pas à la période à laquelle la preuve d’un usage sérieux doit être rapportée, et où le signe “Prosper [D]” n’est pas utilisé à titre de marque ; la pièce 2.7.2 comporte des brochures et plaquettes de communication non datées, et la pièce 2.7.4 concerne la carte des tarifs de vins proposés au domaine Prosper [D]. Ces pièces sont sans pertinence pour démontrer un usage sérieux.
La société MGC produit en revanche une pièce 2.7.3 qui porte sur les vins qu’elle commercialise sur l’étiquette desquels est apposé le signe « Prosper [D] ». Cependant, d’un point de vue visuel, ce signe comporte le terme « Prosper » placé en phase d’attaque ce qui en change la perception, le signe « [D] » étant ainsi constitué de deux éléments verbaux au lieu d’un. Sur le plan phonétique, le signe « Prosper [D] » ne sera pas prononcé de la même manière, celui-ci étant plus long et ajoutant une sonorité inexistante dans la marque « [D] ». Enfin, conceptuellement, le signe « Prosper [D] » se différencie de « [D] », en ce que le terme « Prosper » est lui-même un élément distinctif vis-à-vis des produits et services visés.
En définitive, la forme « Prosper [D] » constitue une modification non négligeable de la marque « [D] », en ce qu’elle est de nature à altérer le caractère distinctif du signe tel qu’enregistré initialement et ne peut donc valoir usage sérieux de la marque française « [D] ».
Dès lors, il y a lieu de considérer que les éléments de preuve produits par la demanderesse ne permettent pas d’établir, pendant la période de référence, que la marque française « [D] » n° 4277317 a été utilisée pour les produits et services qu’elle désigne en classes 33 et 43 et visés par la demande en contrefaçon.
Il s’en déduit que la demande de la société MGC en contrefaçon de la marque française « [D] » n° 4277317 est irrecevable pour défaut d’usage sérieux pour les produits et services en classes 33 et 43 au cours des cinq années précédant la date à laquelle la demande en contrefaçon a été formée.
En revanche, l’article 127 du Règlement 2017/1001 qualifiant l’exception de déchéance de la marque de l’Union européenne de moyen de défense au fond, celui-ci sera examiné en même temps que la demande en contrefaçon.
Sur les demandes reconventionnelles en déchéance et en nullité
1. Sur la recevabilité
a) Sur la demande reconventionnelle en déchéance de la marque française “[D]” n°4277317 et de la marque UE « [D] » n° 016074866 pour les classes 32 et 39
Moyen des parties
La société MGC soutient que les demandes reconventionnelles en déchéance de la marque française n°4277317 “[D]” et de la marque UE n° 016074866 pour les produits et services des classes 32 (boissons sans alcool) et 39 (visites touristiques) sont irrecevables pour ces classes de produits et services faute d’un intérêt légitime à agir en l’absence d’un lien suffisant de ces demandes avec l’action en contrefaçon au principal dont seules les classes 33 et 43 sont invoquées.
Les sociétés Le Soufflot et Le Mauffoux contestent n’avoir intérêt à agir que pour les produits et services visés en classes 33 et 43, considérant qu’elles ont intérêt à former une demande reconventionnelle en déchéance non seulement pour les produits et services invoqués au fond par la demanderesse dans son assignation, c’est-à-dire tous ceux visés à leur dépôt, mais aussi pour l’ensemble des produits et services relevant du même secteur d’activité, ce qui serait le cas, selon elle, s’agissant de l’oenotourisme répertorié en classe 39, qui est une activité en rapport direct avec le vin, mais aussi des boissons non alcoolisées de la classe 33, puisqu’elles sont servies dans leurs restaurants. Elles ajoutent que la demande reconventionnelle en déchéance d’une marque de l’Union européenne constitue en application de l’article 127 du Règlement 2017/1001 un moyen de défense au fond.
Réponse du tribunal
Selon l’article 122 du code procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable, en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Il résulte de la combinaison des articles L.714-5 du code de la propriété intellectuelle et 70 du code de procédure civile que la partie poursuivie en contrefaçon a intérêt à se défendre en formant une demande reconventionnelle en déchéance pour les produits ou services invoqués et pour ceux relevant du même secteur d'activité (Com, 26 janvier 2022, pourvoi n°20-12.508).
En l’espèce, aux termes de ses dernières écritures, la société MGC reproche aux sociétés défenderesses la contrefaçon de la marque française « [D] » n° 4277317 et de la marque de l’UE « [D] » n°016074866, outre celle des marques française et de l’Union européenne «Prosper [D] », respectivement n°95581186 et 012831871, en ce qu’elles désignent les produits et services des classes 33 et 43, qui couvrent pour la première les boissons alcoolisées, dont les vins et pour la seconde les services de restauration notamment. Il importe donc peu que la société MGC ait évoqué les produits et services des classes 32 et 39 dans l’exposé des faits de son assignation.
Les sociétés Le Soufflot et Le [D] soulèvent à titre reconventionnel la déchéance de la marque française pour la totalité des produits et services visés à son dépôt, soit ceux des classes 32, 33, 39 et 43 et non pour les seuls produits et services invoqués au titre de la contrefaçon, c’est à dire ceux de la classe 33 et 43. En outre, les produits et services des classes 32, qui concerne les boissons sans alcool, et 39, qui concerne les visites touristiques, y compris dans le cadre de l’oenotourisme, ne relèvent pas du même secteur d’activité que celui des sociétés Le Soufflot et Le [D] dont il est constant qu’elles ne sont ni l’une ni l’autre des fabricants de boissons non alcoolisées, ni des prestataires de services de « visites touristiques ».
Les sociétés Le Soufflot et Le [D] n’ont donc pas intérêt à se défendre en formant une demande reconventionnelle en déchéance pour les produits ou services des classes 32 et 39, en ce qu’ils ne sont pas invoqués par la société MGC, ni ne relèvent du même secteur d’activité.
Il n’existe ainsi pas de lien suffisant entre la demande reconventionnelle en déchéance, en ce qu’elle porte sur les produits et services de la classe 32 et de la classe 39, et la demande originaire en contrefaçon, limitée aux produits et services des classes 33 et 43.
Les sociétés Le [D] et Le Soufflot sont donc irrecevables en leur demande reconventionnelle en déchéance de la marque française [D] n°4277317 s’agissant des produits et services relevant des classes 32 et 39 et recevables en leur demande reconventionnelle en déchéance de cette marque pour les produits et services des classes 33 et 43.
S’agissant de la marque de l’Union européenne « [D] », par analogie avec la solution retenue par la CJUE (8 juin 2023, C-654/21, LM) à propos d’une demande reconventionnelle en nullité d’une marque de l’Union européenne dans une décision aux termes de laquelle elle a dit pour droit que « l’article 124, sous d), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne, lu en combinaison avec l’article 128, paragraphe 1, de celui-ci, doit être interprété en ce sens qu’une demande reconventionnelle en nullité d’une marque de l’Union européenne peut concerner l’ensemble des droits que le titulaire de cette marque tire de l’enregistrement de celle-ci, sans que cette demande reconventionnelle soit restreinte, dans son objet, par le cadre contentieux défini par l’action en contrefaçon », il n’y pas lieu de restreindre la demande reconventionnelle en déchéance de la marque communautaire « [D] » pour la totalité des produits et services qu’elle désigne en classes 32, 33, 39 et 43, aux produits et services des classes 33 et 43 pour lesquels la demande principale en contrefaçon est formée.
Les sociétés Le Soufflot et Le [D] sont donc recevables en leur demande de déchéance de la marque de l’Union européenne « [D] » n° 016074866 pour l’ensemble des produits et services couverts à l’enregistrement en classes 32, 33, 39 et 43.
b) Sur la demande en nullité de la marque “Prosper [D]” n°4860971 :
Moyens des parties
La société MGC soutient que les sociétés défenderesses seraient irrecevables en leur demande reconventionnelle en nullité de la marque française « Prosper [D] » n°4860971 déposée et enregistrée le 12 avril 2022, faute d’un intérêt à agir, du fait de l’absence de lien suffisant de cette demande avec celle principale en contrefaçon qui n’invoque pas la marque visée par la nullité.
Les sociétés Le Soufflot et Le [D] opposent en substance qu’il existe un lien suffisant au sens de l’article 70 du code de procédure civile lorsque la demande reconventionnelle a la même cause ou est fondée sur le même fait générateur que l’action initiale ; qu’en l’espèce, il existe un lien direct entre la marque française “Prosper [D]” n°4860971 déposée le 13 avril 2022, en cours de procédure, et les marques antérieures, nom commercial et dénomination “Prosper [D]” telles que désignés dans l’assignation délivrée le 17 janvier 2022, caractérisant ainsi la mauvaise foi de la société MGC qui a cherché à faire échouer l’action en déchéance de ses marques antérieures “Prosper [D]”.

Réponse du tribunal
Aux termes de l’article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen, qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.
Selon les articles 31 et 70, alinéa 1er, du même code, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention et les demandes reconventionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.
En l’espèce, la société MGC reproche aux sociétés défenderesses la contrefaçon de la marque française «Prosper [D] » n° 95581186 déposée le 19 juillet 1995 pour désigner les vins, spiritueux et liqueurs en classe 33. Les sociétés Le Soufflot et Le [D] établissent que la société MGC a déposé en cours d’instance, le 12 avril 2022, la marque française « Prosper [D] », n° 4860971 pour les produits et services en classes 32, 33, 39 et 43.
La nullité de la marque « Prosper [D] » n°4860971 soulevée en défense s’analyse en une demande reconventionnelle dont la recevabilité est subordonnée à la démonstration d’un intérêt à agir et d’un lien suffisant de rattachement de cette demande à la prétention originaire en contrefaçon de la demanderesse. En l’occurrence, l’intérêt à agir des sociétés Le Soufflot et Le [D] en nullité de la marque « Prosper [D] » n°4860971 nonobstant son dépôt postérieur à l’action en contrefaçon de la marque employant le même signe verbal n° 95581186, réside dans l’avantage que leur procurerait, au regard de la poursuite de leur activité de restaurant, le rejet tant de l’action en contrefaçon de la marque antérieure qui leur est opposée pour des produits en classe 33, que de la demande additionnelle en concurrence déloyale et parasitaire visant le nom commercial et l’enseigne Prosper [D], en raison, notamment, de l’emploi du même élément verbal “[D]” pour des produits et services argués comme identiques ou similaires.
La demande reconventionnelle en nullité de la marque française n°4860971 déposée par la même demanderesse présente donc un lien suffisant avec les demandes originaires de cette dernière visant les signes invoqués, soit la marque antérieure, l’enseigne et le nom commercial “Prosper [D]”. Elle est donc recevable.
La fin de non-recevoir soulevée par la société MGC pour défaut d’intérêt des sociétés Le Soufflot et Le [D] à agir en nullité de la marque française n°4860971 sera, en conséquence, rejetée.
c) Sur l’action en concurrence déloyale
Les sociétés défenderesses demandent de voir déclarer l’action en concurrence déloyale de la société MGC fondée sur son nom commercial et enseigne comme irrecevable, en ce que cette dernière est postérieure à l’enseigne des défenderesses.
En application de l’article 768 alinéa 2 du code de procédure civile qui dispose que « le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion », la demande des sociétés défenderesses tendant à voir déclarer irrecevable l’action en concurrence déloyale de la société MGC n’étant soutenue par aucun moyen développé dans le corps de leurs écritures, il y a lieu de considérer que cette contestation soulevée en défense de l’action en concurrence déloyale est insusceptible d’être accueillie.
2.- Au fond
a) Sur la déchéance des marques « [D] » française n°4277317 et de l’Union européenne n°016074866
Moyens des parties
Les sociétés Le Soufflot et Le [D] exposent que l’examen de l’usage sérieux doit être effectué pour les produits et services pour lesquels les marques sont enregistrées. Elles soutiennent que la société MGC ne produit aucune preuve de cet usage pour la période de cinq ans précédant respectivement le 8 septembre 2022 pour la marque UE « [D] » et le 10 février 2023 pour celle française « [D] », dates auxquelles les demandes de déchéance ont été introduites, sous quelque forme que ce soit, et pour aucun des produits ou services visés par ces marques. Elles estiment que l’usage de la demanderesse de la marque française et européenne « Prosper [D] » pour du vin ne peut valoir usage des marques « [D] » sous une forme modifiée, la marque « Prosper [D] » étant dotée de son propre pouvoir attractif, et ce d’autant plus que le terme « [D] » est le nom de la rue du restaurant des défenderesses.
La société MGC expose rapporter la preuve de l’usage sérieux pour les produits et services des classes 33 et 43 de ses marques française n°95581186 et de l’UE n°012831871 « Prosper [D] », lequel signe constituant un usage sous une forme modifiée de ses marques « [D] ». Elle soutient que l’élément dominant réside dans l’usage du patronyme « [D] », en ce que l’ajout du prénom « Prosper » n’est pas de nature à altérer le caractère distinctif. Elle fait valoir en tout état de cause que les marques « [D] » n°4277317 et n°016074866 restent opposables aux défenderesses jusqu’à l’issue du délai de 5 ans à compter de leur enregistrement, soit respectivement jusqu’au 23 septembre 2021 et 29 mai 2022, alors même que les faits litigieux ont débuté le 11 mars 2019 par la société Le Soufflot et le 10 décembre 2020 par la société Le [D].
Réponse du tribunal
L’article 18 du Règlement (UE) n°2017/1001 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur la marque de l’Union européenne, applicable à la date d’effet de la demande de déchéance, dispose qu’est constitutif d’un usage sérieux l’usage de la marque de l’Union européenne sous une forme qui diffère par des éléments n’altérant pas le caractère distinctif de la marque dans la forme sous laquelle elle a été enregistrée, que la marque soit ou non enregistrée sous la forme utilisée au nom du titulaire.
L’article 58, paragraphe 1, a) du même règlement dispose que « Le titulaire de la marque de l'Union européenne est déclaré déchu de ses droits, sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans une action en contrefaçon :
a) si, pendant une période ininterrompue de cinq ans, la marque n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux dans l'Union pour les produits ou les services pour lesquels elle est enregistrée, et qu'il n'existe pas de justes motifs pour le non-usage. [...]
Dans des termes similaires à l’article 18 du Règlement n°2017/1001, l’article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, dispose : « Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans.
Est assimilé à un tel usage: (...) b) L'usage de la marque sous une forme modifiée n'en altérant pas le caractère distinctif ; (...)
La preuve de l'exploitation incombe au propriétaire de la marque dont la déchéance est demandée. Elle peut être apportée par tous moyens.
La déchéance prend effet à la date d'expiration du délai de cinq ans prévu au premier alinéa du présent article. Elle a un effet absolu ».
Cette disposition doit être interprétée à la lumière de l’article 10 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 qui fixe pour point de départ du délai de 5 ans la date à laquelle la procédure d’enregistrement est terminée, soit à la date de publication de l’enregistrement de la marque française au BOPI conformément à l’article R. 712-23, 1° du code de la propriété intellectuelle et pour les marques de l'Union européenne, à compter de la publication de l'enregistrement au Bulletin des marques de l’Union européenne.
Dans le cas d’une demande en déchéance par voie reconventionnelle, le terme de la période quinquennale de non-usage est fixé par le droit de l'Union et non par le droit procédural interne. Ce terme correspond à la date de présentation de la demande reconventionnelle. La CJUE (17 décembre 2020, aff. C-607/19) a en effet dit pour droit que « l' article 51, paragraphe 1, sous a), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la [marque de l'Union européenne], doit être interprété en ce sens que, dans le cas d'une demande reconventionnelle en déchéance des droits attachés à une marque de l'Union européenne, la date à prendre en compte pour déterminer si la période ininterrompue de cinq ans figurant à cette disposition est arrivée à son terme est celle de l'introduction de cette demande ».
Le raisonnement appliqué par la Cour de justice aux marques de l'Union européenne est directement transposable aux marques nationales protégées dans un État membre, en ce qu’il s'appuie sur la date de prise d'effet de la déchéance, qui est la même que l'on considère le règlement (article 62) ou la directive n° 2015/2436 (article 47).
L’usage sérieux de la marque doit être établi pour chacun des produits ou services couverts par son enregistrement et visés par la demande en déchéance (Com, 29 janvier 2013, n°11-28.596). Cet usage doit être sérieux et effectué à titre de marque, c'est-à-dire conformément à sa fonction essentielle qui est de garantir l'identité d'origine des produits ou des services pour lesquels elle a été enregistrée, aux fins de créer ou de conserver un débouché pour ces produits et services, à l'exclusion d'usages de caractère symbolique ayant pour seul objet le maintien des droits conférés par la marque.
De plus, l’usage sérieux d'une marque doit reposer sur des éléments concrets et objectifs qui prouvent une utilisation effective et suffisante de la marque sur le marché concerné (TUE, 27 septembre 2007, La Mer Technology/OHMI – Laboratoires Goëmar (La Mer), T-418/03, point 59 ; TUE, 15 septembre 2011, Centrotherm Systemtechnik GmbH / OHMI, T-434/09, point 30). L’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque s’apprécie en tenant compte des usages du secteur économique concerné, de la nature de ces produits ou de ces services, des caractéristiques du marché, de l’étendue et de la fréquence de l’usage de la marque. (CJUE 19 décembre 2012, C-149/11, Leno Merken Bv/hagelkruis Beheer bv, point 29).
L'usage d'une marque sous une forme modifiée n'altérant pas son caractère distinctif permet à son propriétaire d'échapper à la déchéance de ses droits y compris lorsque la forme différente sous laquelle la marque est exploitée est elle-même enregistrée en tant que marque (CJUE, 25 oct. 2012, aff. C-553/11, Bernard Rintisch c/ Klaus). L’usage sous une forme modifiée d’une marque est admis, si tant est que la modification porte sur un élément négligeable, de telle sorte que les deux signes seront toujours considérés comme globalement équivalents (TPICE, 23 février 2006, aff. T-194/03).
Peut être considéré comme une modification n’altérant pas le caractère distinctif d’un signe, la variation de couleurs, la suppression d’une préposition dans un ensemble verbal, la modification de la police d’écriture ou l’ajout de termes purement descriptifs.
En l'espèce, les sociétés Le Soufflot et Le [D] ont formé la présente demande en déchéance par conclusions au fond signifiées le 8 septembre 2022 de l’UE « [D] », avant de signifier des conclusions d’incident le 9 février 2023 pour leur demande de déchéance de la marque française « [D] ». Elles invoquent à juste titre comme période de référence les cinq années précédant ces dates, soit du 8 septembre 2017 au 8 septembre 2022 pour la marque de l’Union européenne « [D] » et du 9 février 2018 au 9 février 2023 (et non pas 10 février comme indiqué de manière erronée) pour la marque française « [D] ».
Il appartient en conséquence à la société MGC, titulaire des marques sur ces périodes, de démontrer en avoir fait un usage sérieux entre ces dates, sur une partie substantielle du territoire de l’Union européenne et, pour la marque française, en France, par elle-même ou avec son consentement, pour les produits et services pour lesquels ces marques sont enregistrées, étant rappelé que la demande en déchéance de la marque française n’est recevable que pour les produits et services en classe 33 et 43 et que la demande en déchéance de la marque de l’Union européenne est recevable pour la totalité des produits et services enregistrés en classe 32, 33, 39 et 43.
Or, s’agissant de la marque française « [D] », la société MGC a échoué à démontrer un usage sérieux de celle-ci pendant les cinq années qui se sont écoulées entre le 17 janvier 2017 et le 17 janvier 2022 et ne le prouve pas davantage pour la totalité de la période comprise jusqu’au 8 septembre 2022 date à laquelle elle a formé sa demande reconventionnelle.
Quant à la marque de l’Union européenne « [D] », il y a lieu de considérer que les éléments de preuve produits par la demanderesse ne permettent pas non plus d’établir, pendant la période de référence, c’est- à-dire du 9 février 2018 jusqu’au 9 février 2023, qu’elle a été utilisée pour les produits et services qu’elle désigne en classe non seulement 33 et 43 mais aussi 32 et 39.
En application de l'article L. 714-5 précité du code de la propriété intellectuelle, selon lequel la déchéance ne peut prendre effet avant l'expiration du délai de cinq ans, la déchéance de ces deux marques ne peut débuter qu’à l’issue de ce délai qualifié par la CJUE (21 déc. 2016, aff. C-654/15, Länsförsäkringar Ab c/ Matek A/S, point 26) de délai de « grâce » conféré au titulaire pour entamer un usage sérieux de sa marque, au cours duquel il peut se prévaloir du droit exclusif conféré par celle-ci pour l’ensemble des produits et services, sans devoir démontrer un tel usage.
Il résulte de l’article R. 712-23, 1°, du code de la propriété intellectuelle selon lequel la date à laquelle une marque française est réputée enregistrée est celle du BOPI dans lequel l’enregistrement est publié, que lorsque la marque n’a jamais été exploitée, le délai quinquennal de déchéance commence à courir à la date de publication au BOPI (Com., 9 nov. 2010, n°09-13.144 ; Com., 15 déc. 2009, n° 08-21.214). La déchéance de la marque française « [D] » n° 4277317, déposée le 3 juin 2016 et enregistrée le 23 septembre 2016, ne peut donc produire effet qu’à l’issue de la période de cinq ans, soit à compter du 23 septembre 2021. De même, la déchéance de la marque de l’Union européenne « [D] » n° 016074866, déposée le 24 novembre 2016, ne peut produire effet qu’à l’issue du délai de cinq ans courant à compter de la date de l’enregistrement de la marque le 29 mai 2017, soit le 29 mai 2022.
En considération de l’ensemble de ces éléments, il y a lieu de prononcer la déchéance partielle de la marque française « [D] » pour les produits et services de la classe 33 et 43 à compter du 23 septembre 2021 et la déchéance totale de la marque de l’Union européenne “[D]” pour défaut d’exploitation de la marque pour les produits et services qu’elle désigne en classes 32, 33, 39 et 43 à compter du 29 mai 2022.
Décision du 11 juillet 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 22/01053
N° Portalis 352J-W-B7G-CV5OX

b) Sur la nullité de la marque française « Prosper [D] » n°4860971 du 13 avril 2022
Moyens des parties
La société MGC soutient que le dépôt de sa marque française n°4860971 “Prosper [D]” du 13 avril 2022 a été effectué dans le cadre de l’ouverture de son nouveau restaurant, en juillet 2022, dénommé “Prosper” pour désigner spécifiquement des services de restauration en classe 43, qu’elle proposait déjà dans son chateau de [Localité 11] puis de [Localité 2] depuis de nombreuses années, l’enregistrement du signe s’inscrivant dans la logique de ses projets commerciaux pour le développement de ses marques “[D]” et “Prosper [D]” qu’elle exploite déjà depuis de nombreuses années.
Les sociétés Le Soufflot et Le [D] répliquent que le signe “Prosper [D]” a été déposé au cours de la procédure pour des produits et services correspondant à son activité, en toute mauvaise foi et en fraude de ses droits, afin de pouvoir lui opposer une marque pour les services de restauration pour caractériser la contrefaçon et faire échec à la déchéance pour défaut d’usage sérieux des marques antérieures de la société demanderesse.
Réponse du tribunal
Selon l’article L. 712-6, alinéa 1, du code de la propriété intellectuelle, « Si un enregistrement a été demandé soit en fraude des droits d’un tiers, soit en violation d’une obligation légale ou conventionnelle, la personne qui estime avoir un droit sur la marque peut en revendiquer sa propriété en justice. ».
Depuis l’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019, l’article L. 711-2 prévoit que “Ne peuvent être valablement enregistrés et, s'ils sont enregistrés, sont susceptibles d'être déclaré nuls :(...) 11° Une marque dont le dépôt a été effectué de mauvaise foi par le demandeur.” Aucune disposition du code de la propriété intellectuelle n’envisageait, avant l’entrée en vigueur de cette disposition le 15 décembre 2019, la fraude autrement que dans le cadre de l'action en revendication. En vertu toutefois de l’adage selon lequel “la fraude corrompt tout”, l’enregistrement frauduleux d’une marque pouvait toujours être annulé et il était à cet égard constamment jugé « qu’un dépôt de marque est entaché de fraude lorsqu’il est effectué dans l’intention de priver autrui d’un signe nécessaire à son activité » (Com., 25 avril 2006, pourvoi n° 04-15.641).
Par un arrêt rendu le 11 juin 2009 (Aff. C- 529/07, Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli), la Cour de justice de l'Union Européenne a dit pour droit que « l'existence de la mauvaise foi du demandeur, au sens de (cet) article, doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce » (point 37) et « existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement d’un signe en tant que marque et, notamment, premièrement, le fait que le demandeur sait ou doit savoir qu’un tiers utilise un signe identique ou similaire pour un produit ou un service identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé, deuxièmement, l’intention du demandeur d’empêcher ce tiers de continuer à utiliser un tel signe ainsi que, troisièmement, le degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l’enregistrement est demandé » (point 35) et que « l'intention du demandeur au moment pertinent est un élément subjectif qui doit être déterminé par référence aux circonstances objectives du cas d'espèce ».
Il s'en déduit que « l'intention du déposant au moment du dépôt des demandes d'enregistrement est un élément subjectif qui doit être déterminé par référence à l'ensemble des facteurs pertinents propres au cas d'espèce, lesquels peuvent être postérieurs au dépôt » (Com., 3 février 2015, n°13-18.025).
En l’espèce, au moment du dépôt le 13 avril 2022 de la marque « Prosper [D] » n° 4860971 pour les produits et services notamment en classe 43 couvrant les services de restauration, la société MGC est titulaire des marques française n°95581186 et européenne n°012831871 « Prosper [D] » pour désigner les produits de la classe 33, essentiellement des vins, ainsi que des marques française n° 4277317 et européenne n° 016074866 « [D] » pour désigner notamment les services de restauration en classes 43.
Or, il est établi que les marques « [D] », qui sont les seules enregistrées pour des services de restauration, n’ont fait l’objet d’aucun usage sérieux et encourent la déchéance pour ces services, cependant que les marques « Prosper [D] » française n°95581186 et européenne n°012831871 ne couvrent pas les services de restauration. En outre, si les pièces que la société MGC produit démontrent une exploitation effective de ces marques pour des services relatifs à l’achat, vente et dégustation de vins, il ne ressort pas des pièces qu’elle invoque que des services de restauration étaient proposés auparavant dans son château de [Localité 11] puis de [Localité 2], encore moins depuis de très nombreuses années, comme elle le soutient.
Dans ce contexte, il apparaît qu’en déposant le 13 avril 2022 la marque « Prosper [D] » n° n° 4860971 notamment pour les services en classe 43 couvrant les services de restauration, puis en ouvrant en juin 2022 un restaurant sous le nom commercial « Prosper » au sein du Chateau de [Localité 2], alors qu’elle avait introduit le 17 janvier 2022 à l’encontre des défenderesses la présente instance en contrefaçon de ses marques françaises et de l’Union europenne « [D] » et « Prosper [D] », leur reprochant l’usage des signes « Le [D] » et « [D] Restaurant » pour désigner notamment des services de restauration et l’usage des noms de domaine www.[06].com et www.[07].fr pour commercialiser et promouvoir notamment des services de restauration, la société MGC savait au moment du dépôt de la marque en litige que les sociétés Le Soufflot et Le [D] utilisaient un signe similaire « [D] » pour un service identique de restaurant à celui ouvert sous le nom commercial « Prosper », prêtant à confusion avec le signe « Prosper [D] » dont l’enregistrement est demandé. En outre, le dépôt de la marque « Prosper [D] » dont il est demandé l’annulation pour des services de restauration qui n’étaient pas alors couverts par les marques éponymes dont elle est titulaire, n’a pour but que de faire échec à la déchéance pour défaut d’usage sérieux des marques « [D] » pour les services de restauration. De même, le dépôt de la marque « Prosper [D] » suivi deux mois plus tard de l’ouverture du restaurant, également en cours de procédure, sous l’enseigne « Prosper » et non « Prosper [D] » traduit à suffisance l’intention de la société MGC d’entraver les activités de restauration des défenderesses visées par l’assignation en contrefaçon de ses marques qu’elle leur a délivrée.
L’ensemble des ces éléments démontrant que le dépôt a été réalisé de mauvaise foi par la société MGC uniquement pour les besoins de la cause, il y a lieu de faire droit à la demande d’annulation de la marque semi-figurative française « Prosper [D] » n°4860971 enregistrée le 13 avril 2022 pour désigner les produits et services visés en classe 32, 33, 39 et 43.

Sur les demandes principales de la société MGC

1. - Sur la contrefaçon des marques « [D] » et « Prosper [D] »

Moyen des parties

La société MGC reproche aux sociétés défenderesses des actes de contrefaçon de ses marques françaises et européennes « [D] » et « Prosper [D] » par l’usage des signes « Le [D] », « [D] Restaurant », « Le [D] Restaurant », ainsi que des noms de domaine www.[06].fr et www.[07].fr, sur les sites internet, menus, cartes des vins, pages instagram et facebook, pour désigner des produits et services identiques et similaires. Elle ajoute, s’agissant des marques « [D] », que celles-ci restent opposables aux défenderesses, quand bien même celles-ci rapporteraient la preuve de l’absence d’usage sérieux, et cela jusqu’à l’issue d’un délai de cinq ans à compter de leur enregistrement, soit le 23 septembre 2021 pour la marque française « [D] » et le 29 mai 2022 pour la marque de l’Union européenne « [D] ».

Les sociétés Le Soufflot et Le [D] répliquent que la contrefaçon alléguée doit s’apprécier uniquement sur le fondement des marques « Prosper [D] », les demandes formées sur le fondement des marques « [D] » étant irrecevables pour partie et infondées pour le surplus. Elle opposent en effet qu’en raison du défaut d’exploitation de la marque de l’Union européenne « [D] » dont la société MGC ne justifie pas, cette dernière est mal fondée en ses demandes.
Elles exposent l’absence d’usage de la marque « [D] » à titre de marque tant pour du vin que pour des restaurants et l’absence d’activité de restauration sous la marque « Prosper [D] » dont elles estiment qu’elle n’est utilisée que pour désigner du vin. Elles ajoutent que le signe « Le [D] / [D] Restaurant » est exclusivement exploité sous une forme figurative à titre d’enseigne pour désigner leur restaurant respectif et ne contrefait pas les marques de la société MGC.

Appréciation du tribunal

À titre liminaire, la demande en contrefaçon formée par la société MGC étant irrecevable pour défaut d’usage sérieux de la marque française « [D] » pour les produits et services enregistrées en classe 33 et 43, et la demande en contrefaçon de cette marque ne visant pas les produits et services en classe 32 et 39, le tribunal examinera la demande de la société MGC en contrefaçon uniquement de sa marque de l’Union européenne « [D] » et de ses marques française et de l’Union européenne « Prosper [D] ».

Les défenderesses soutiennent que la déchéance de la marque européenne n°016074866 « [D] » ayant été prononcée pour la totalité des produits et services couverts à l’enregistrement, la contrefaçon ne devrait être examinée qu’au regard des marques française n°95581186 et européenne n°012831871 « Prosper [D] ». 

Toutefois, la CJUE, par arrêt du 26 mars 2020 (Cooper International Spirits e. a., C-622/18), a dit pour droit que l'article 5, § 1, sous b), l'article 10, § 1, alinéa 1, et l'article 12, § 1, alinéa 1, de la directive 2008/95/CE du Parlement européen et du Conseil du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des Etats membres sur les marques, lus conjointement avec le considérant 6 de celle-ci, doivent être interprétés en ce sens qu'ils laissent aux Etats membres la faculté de permettre que le titulaire d'une marque déchu de ses droits à l'expiration du délai de cinq ans à compter de son enregistrement pour ne pas avoir fait de cette marque un usage sérieux dans l'Etat membre concerné pour les produits ou les services pour lesquels elle avait été enregistrée conserve le droit de réclamer l'indemnisation du préjudice subi en raison de l'usage, par un tiers, antérieurement à la date d'effet de la déchéance, d'un signe similaire pour des produits ou des services identiques ou similaires prêtant à confusion avec sa marque, précisant, à cet égard, qu'il convient d'apprécier, au cours de la période de cinq ans suivant l'enregistrement de la marque, l'étendue du droit exclusif conféré au titulaire, en se référant aux éléments résultant de l'enregistrement de la marque et non pas par rapport à l'usage que le titulaire a pu faire de cette marque pendant cette période.

Il est admis par conséquent que la déchéance d'une marque, prononcée en application de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2019-1169 du 13 novembre 2019, tels qu'interprété à la lumière des articles 5, § 1, sous b), 10 et 12 de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008, ne produisant effet qu'à l'expiration d'une période ininterrompue de cinq ans sans usage sérieux, son titulaire est en droit de se prévaloir de l'atteinte portée à ses droits sur la marque qu'ont pu lui causer les actes de contrefaçon intervenus avant sa déchéance (Com., 4 novembre 2020, pourvoi n° 16-28.281).

Il s’en déduit que la déchéance de la marque de l’Union européenne « [D] » n° 016074866 ne produisant effet qu’à compter du 29 mai 2022, la marque reste opposable aux défenderesses jusqu’à cette date.

La société MGC est donc recevable à agir en contrefaçon de ses marques de l’Union Européenne « [D] » n° 16074866, outre celles « Prosper [D] ».

Aux termes de l’article L. 713-1 du code de la propriété intellectuelle,« l'enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu'il a désignés ».

En application de l’article L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, « Est interdit, sauf autorisation du titulaire de la marque, l'usage dans la vie des affaires pour des produits ou des services :
1° D'un signe identique à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée ;
2° D'un signe identique ou similaire à la marque et utilisé pour des produits ou des services identiques ou similaires à ceux pour lesquels la marque est enregistrée, s'il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion incluant le risque d'association du signe avec la marque. »

L’article L. 713-3-1 du même code dispose que « Sont notamment interdits, en application des articles L. 713-2 et L. 713-3, les actes ou usages suivants :
1° L'apposition du signe sur les produits ou sur leur conditionnement ;
2° L'offre des produits, leur mise sur le marché ou leur détention à ces fins sous le signe, ou l'offre ou la fourniture des services sous le signe ;
3° L'importation ou l'exportation des produits sous le signe ;
4° L'usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale ;
5° L'usage du signe dans les papiers d'affaires et la publicité ;
6° L'usage du signe dans des publicités comparatives en violation des dispositions des articles L. 122-1 à L. 122-7 du code de la consommation ;
7° La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée.
Ces actes et usages sont interdits même s'ils sont accompagnés de mots tels que : " formule, façon, système, imitation, genre, méthode " ».

L’article L.716-4 du code de la propriété intellectuelle dispose en outre que « L'atteinte portée au droit du titulaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits attachés à la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2 à L. 713-3-3 et au deuxième alinéa de l'article L. 713-4. »

Dans le cas des marques de l’Union européenne, l’atteinte au droit exclusif conféré par la marque est qualifiée de contrefaçon, engageant la responsabilité civile de son auteur, par l’article L. 717-1
du code de propriété intellectuelle qui dispose que « Constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur la violation des interdictions prévues aux articles 9, 10, 13 et 15 du règlement (UE) 2017/1001 du 14 juin 2017 sur la marque de l'Union européenne. »

Selon l’article 9 § 1 du règlement (UE) 2017/1001 précité, « 1. L'enregistrement d'une marque de l'Union européenne confère à son titulaire un droit exclusif.
2. Sans préjudice des droits des titulaires acquis avant la date de dépôt ou la date de priorité d'une marque de l'Union européenne, le titulaire de cette marque de l'Union européenne est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe pour des produits ou services lorsque:
a) ce signe est identique à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée;
b) ce signe est identique ou similaire à la marque de l'Union européenne et est utilisé pour des produits ou services identiques ou similaires aux produits ou services pour lesquels la marque de l'Union européenne est enregistrée, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque;
(...)
3. Il peut notamment être interdit, en vertu du paragraphe 2:
a) d'apposer le signe sur les produits ou sur leur conditionnement;
b) d'offrir les produits, de les mettre sur le marché ou de les détenir à ces fins sous le signe, ou d'offrir ou de fournir des services sous le signe;
c) d'importer ou d'exporter les produits sous le signe;
d) de faire usage du signe comme nom commercial ou dénomination sociale ou comme partie d'un nom commercial ou d'une dénomination sociale;
e) d'utiliser le signe dans les papiers d'affaires et la publicité;
f) de faire usage du signe dans des publicités comparatives d'une manière contraire à la directive 2006/114/CE.
Décision du 11 juillet 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 22/01053
N° Portalis 352J-W-B7G-CV5OX

Interprétant les dispositions rédigées en termes identiques de l'article 5 § 1 de la première Directive du Conseil du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques (89/104/CEE), la Cour de Justice des Communautés européennes a dit pour doit que, constitue un risque de confusion au sens de ce texte, le risque que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (CJCE, 29 septembre 1998, C-39/97, Canon, point 29 ; 22 juin 1999, C-342/97, Lloyd Schuhfabrik, C-342/97).

Selon cette même jurisprudence, l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce (CJCE, 11 novembre 1997, Sabel, C-251/95, point 22), cette appréciation globale impliquant une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte (voir arrêt Canon, point 17).

Afin d'apprécier le degré de similitude existant entre les marques concernées, la juridiction nationale doit déterminer leur degré de similitude visuelle, auditive et conceptuelle et, le cas échéant, évaluer l'importance qu'il convient d'attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés ainsi que de leurs éléments distinctifs et dominants (voir arrêt Lloyd Schuhfabrik, C-342/97). Enfin, pour apprécier la similitude entre des produits ou des services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits ou ces services ; ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (voir arrêt Canon, C-39/97, point 23).

En l’espèce, il est constant que la société MGC est titulaire de la marque verbale française et de celle de l’Union européenne « Prosper [D] » respectivement n°95581186, déposée le 19 juillet 1995, et n° 012831871, déposée et enregistrée le 29 avril 2014, chacune pour désigner les produits de la classe 33 : « vins, spiritueux et liqueurs ». Elle établit, au moyen de l'extrait Kbis respectivement de la société Le Soufflot et de la société Le [D], que la première exploite un fonds de commerce de restaurant, brasserie, traiteur, sis [Adresse 4], [Localité 3], depuis le 11 mars 2019 et la seconde une activité de « restauration, traiteur, vente de vins », [Adresse 1] [Localité 5], depuis le 10 décembre 2020. Elle produit deux constats d’huissier en date du 28 novembre 2021, deux captures d’écran des enseignes des restaurants et des extraits de leurs comptes facebook et instagram respectifs, qui établissent que le signe « [D] » / « [D] restaurant » est utilisé sous une forme verbale et semi-figurative à titre d’enseigne (ci-dessous reproduite), de noms de domaine, sur les sites internet www.[06].fr et www.[07].fr, sur les menus, cartes de vins et pages facebook pour présenter les services de restauration et la carte des vins respectifs des deux restaurants.

Le signe litigieux « [D] » / « [D] Restaurant » ne constituant pas une reproduction à l'identique des marques « Prosper [D] », dont est titulaire la société MGC, il importe de rechercher s'il est similaire aux marques verbales telles qu'elles ont été enregistrées et plus particulièrement si, au regard d'une appréciation des degrés de similitude entre les signes et entre les produits et/ou services désignés, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public concerné.

Au regard de la nature des produits et services concernés, le public pertinent est le consommateur de services de restauration et de vins ; son degré d’attention est moyen.

La société MCG est titulaire des marques française et européenne « Prosper [D] » pour notamment les vins en classe 33, cependant qu’il est établi et non contesté que les sociétés Le Soufflot et Le [D] utilisent les signes « Le [D] / [D] Restaurant » en tant qu’enseigne, nom de domaine, comptes facebook et instagram qui usent du même logo que celui utilisé à titre d’enseigne, pour désigner des services de restauration. Or, ces services s’accompagnent nécessairement de la fourniture de boissons, alcoolisées ou non qui en constituent le complément nécessaire et indispensable, de sorte qu’ils présentent un lien étroit et obligatoire avec les vins, spiritueux et liqueurs de la marque « Prosper [D] » en ce que les premiers ont notamment pour objet la fourniture des seconds, lesquels sont consommés et proposés dans le cadre de la prestation des premiers, ainsi qu’en attestent les cartes des vins des deux restaurants présentées sur leurs sites et comptes respectifs.
Il en résulte que les services de restauration étant similaires par complémentarité aux vins, liqueurs et spiritueux couverts par les marques « Prosper [D] », les signes en conflit sont exploités pour des produits et services similaires.
Les marques françaises et de l’Union européenne « [D] » étant protégées pour les vins et boissons alcoolisées en classe 33 et pour les services de « restauration, bars, dégustation de vin, initiation à la dégustation de vins » en classe 43, les signes litigieux utilisés par les défenderesses pour des services de restauration sont donc identiques pour partie et similaires par complémentarité pour le reste.
D’un point de vue visuel, nonobstant leur forme verbale ou semi-figurative, les signes litigieux postérieurs reprennent tous à l’identique l’élément « [D] », qui, correspondant à un nom de famille, revêt un caractère distinctif et dominant de la marque. En outre, les éléments figuratifs (couleur du logo et stylisation de la police de caractères) du signe « [D] Restaurant » ne sont pas dominants au point de rendre l’élément verbal « [D] » négligeable, dès lors que les éléments verbaux sont pour les consommateurs plus distinctifs que les éléments figuratifs. Le terme “[D]” demeure l’élément dominant et distinctif nonobstant l’ajout de l’article « le » » dans le signe « Le [D] » ou www.[06].fr, de l’élément purement descriptif « restaurant » dans le signe “(Le)[D] Restaurant” ou encore de l’indication géographique « [Localité 5] » dans le nom de domaine www.[07].fr. Les signes litigieux présentent donc une similitude visuelle assez forte avec les marques « [D] ».

En revanche, ils présentent des différences visuelles avec les marques « Prosper [D] », dans la mesure où celles-ci sont composées de deux éléments parmi lesquels [D] n’est pas le terme d’attaque contrairement aux signes en litige, y compris lorsqu’ils sont précédés de l’article « le » qui tend à s’effacer, par sa brièveté (2 lettres), devant le terme « [D] ». Il y a donc une faible similitude visuelle avec la marque Prosper [D].

Sur le plan phonétique, l’élément commun « [D] » prédomine dans les signes litigieux et les termes « le », « restaurant » et « chablis » apposés dans les signes litigieux occupent une place secondaire du fait de leur caractère descriptif et non appropriable. Le terme « [D] » crée ainsi une consonance qui se repète dans chacun des signes en présence, pouvant laisser penser au consommateur que les produits et services proposés sous ces signes proviennent d’un seul et même groupe ayant plusieurs entités. Phonétiquement, les signes litigieux postérieurs sont similaires aux marques antérieures « [D] ».

En revanche, la marque « Prosper [D] » est composée de 4 syllabes, les deux premières syllabes d’attaque du terme « Prosper » reléguant, par l’allitération interne en p qui le caractérise et le rend distinctif, la prononciation du terme second, tandis que les signes « Le [D] », « [D] restaurant », « Le [D] restaurant », www.[06].fr » et « www.[07].fr » sont composés de 3, de 5, voire de 6 syllabes selon les signes, avec des attaques variables « Le » ou « [D] » et des finales également différentes : « restaurant », [D] » ou encore « [Localité 5] ». Il en résulte une impression d’une faible similitude phonétique.

Enfin, sur un plan conceptuel, le fait que les signes en présence renvoient au même nom patronymique « [D] » confère une similitude intellectuelle avec les marques « [D] ». A l’inverse, si la marque « Prosper [D] » composée d’un prénom et d’un patronyme évoque un personnage d’une autre époque, celle des années 1930, le terme « Prosper » conférant le caractère distinctif de la marque par sa rareté et son caractère suranné, les signes des défenderesses - soit les enseignes et noms de domaine « [D] restaurant », « Le [D] restaurant », « www.[06].fr », « www.[07].fr » - évoquent un lieu, en particulier « le » lieu, que vient souligner l’emploi du mot « le » devant « [D] », en l’occurrence celui de restaurants, notamment celui installé dans la rue éponyme du nom d’un ancien maire de [Localité 3],[I] [D]. Il n’existe donc pas de similitude conceptuelle entre les signes des défenderesses utilisés pour des restaurants dont ils intègrent de surcroît l’activité dans le signe lui-même (« [D] restaurant », « Le [D] restaurant ») et la marque « Prosper [D] » de la demanderesse pour désigner du vin.

Ainsi, la comparaison des signes en présence fait ressortir une faible similitude sur le plan visuel, et phonétique et l’absence de ressemblances sur le plan conceptuel s’agissant des marques « Prosper [D] ».

Il en résulte que la similitude entre les services de restauration et les vins sera ici compensée par l’absence de similitude conceptuelle mais aussi par les différences visuelle et auditive des signes en présence qui seront nécessairement perçues par le public pertinent dont l’attention est moyenne. Il s’en déduit que le public pertinent ne sera pas amené ici à attribuer une origine commune aux produits et services de sorte que la contrefaçon n’est pas établie.

A l’inverse, la comparaison des signes en présence fait ressortir une similitude sur le plan visuel, phonétique et conceptuel avec la marque « [D] », de sorte que l’identité des services concernés de restauration alliée à la forte similitude entre les signes en cause pris dans leur ensemble entraîne un risque de confusion, le consommateur d’attention moyenne étant amené à attribuer aux services proposés une origine commune et, en particulier, pourrait être amené à penser que les services proposés par les défenderesses sont une diversification dans les prestations de la société MGC, ou à tout le moins que les sociétés en litige sont liées économiquement.
Les sociétés défenderesses opposent toutefois une absence d’usage sérieux de la marque de l’Union européenne « [D] », au moment de l’introduction de l’action en contrefaçon de la société MGC le 17 janvier 2022. Il ressort des pièces examinées plus avant que pas davantage que pour la demande reconventionnelle en déchéance, la société MGC ne démontre un usage sérieux de sa marque dans la période de cinq années qui précède son action en contrefaçon, pour les produits et services enregistrés en classes 33 et 43.
En conséquence, la société MGC sera déboutée de sa demande en contrefaçon par imitation tant de la marque verbale de l’Union européenne n° 016074866 « [D] », que des marques verbales française et de l’Union européenne « Prosper [D] » dont elle est titulaire.
La société MGC sera déboutée de ses demandes subséquentes en réparation de son préjudice pour contrefaçon.
En outre, la déchéance des marques « [D] » étant prononcée, les mesures d’interdiction et de destruction sollicitées, ainsi que de transfert des noms de domaine litigieux, sont devenues sans objet. Il en est de même, en l’absence de contrefaçon, pour les marques « Prosper [D] ».
2. - Sur la concurrence déloyale et le parasitisme
Moyens des parties
La société MGC soutient que l’utilisation du signe « Le [D] » par les défenderesses pour désigner des services de restauration est de nature à créer un risque de confusion et d’association auprès du public, d’autant plus que les restaurants sont très proches du Château de [Localité 2], et porte atteinte à son nom commercial et à son enseigne « Prosper [D] » ainsi qu’à son nom de domaine www.[010].com. Elle fait valoir que les défenderesses bénéficient à moindre frais de l’image de prestige associée au nom « [D] » acquise au prix d’investissements humains et financiers importants ; que les atteintes commises à chacun de ses signes distinctifs, dénomination sociale, enseigne, nom commercial et noms de domaine, constituent des faits distincts des actes de contrefaçon ; que son nom commercial et enseigne « Prosper [D] » bénéficient d’un usage antérieur au nom litigieux « Le [D] », c’est-à-dire avant l’ouverture en 2019 des restaurants des défenderesses ; que son enseigne jouit d’une notoriété non contestable pour ses activités de chambre d’hôte et de restauration.
Les sociétés défenderesses opposent l’absence de faits distinctifs de ceux allégués au titre de la contrefaçon dès lors que les faits de concurrence déloyale par utilisation du signe Le [D]/[D] Restaurant et celle des noms de domaine www.[06].fr et www.[07].fr pour commercialiser du vin et des services de restauration ne sont pas distincts de ceux en contrefaçon des marques « Prosper [D] », signes qui constituent sa marque, sa dénomination sociale, son enseigne ainsi que son nom de domaine. Elles soutiennent que la demanderesse ne rapportent pas la preuve de l’utilisation effective du nom commercial Prosper [D] pour les activités qu’elle revendique ; que le nom de domaine www.[010].com est uniquement rattaché à la commercialisation de vins ; que le nom commercial Prosper [D] est exploité pour le négoce de vins, tandis que la modification de cette activité concerne seulement l’objet social de la société MGC ; que celle-ci ne démontre aucun risque confusion entre le nom commercial Prosper [D] et l’enseigne des restaurants le [D], pas plus qu’elle ne démontre le grief de parasitisme ; qu’elles-mêmes n’exercent aucune activité de vente de vin, seulement de restaurant.
Réponse du Tribunal
L’article 1240 du code civil dispose que tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
Aux termes de l’article 1241 du code civil, chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce, ce qui implique qu’un signe ou un produit qui ne fait pas l’objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l’absence de faute, laquelle peut être constituée par la création d’un risque de confusion sur l’origine du produit dans l’esprit de la clientèle, circonstance attentatoire à l’exercice paisible et loyal du commerce.
L’appréciation de cette faute au regard du risque de confusion doit résulter d’une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l’imitation, l’ancienneté de l’usage, l’originalité et la notoriété de la prestation copiée (Com, 10 juillet 2018, n°16-23.694).
La concurrence déloyale exige la preuve d’une faute relevant de faits distincts de ceux allégués au titre de la contrefaçon (Com, 16 déc. 2008, n°07-17.092).
En outre, le parasitisme se définit comme l’ensemble des comportements par lequel un agent économique s’immisce dans le sillaged’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts et de son savoir-faire.
Enfin, un préjudice, fut-il simplement moral, s'infère nécessairement de la caractérisation d'actes de concurrence déloyale (Com, 12 février 2020, n°17-31.614).
En l’espèce, les faits invoqués par la société MGC au titre de la concurrence déloyale, à savoir l’usage par les défenderesses des signes « Le [D] », « [D] Restaurant » et des noms de domaine www.[06].fr et www.[07].fr, ne sont pas distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon de la marque verbale «Prosper [D] » dès lors que ce signe constitue sa dénomination sociale, son enseigne et son nom de domaine.
En outre, la société MGC se prévaut du nom commercial et de l’enseigne Prosper [D] pour des activités de « vente de vins fins et spiritueux et de prestations diverses dont les services de restauration » et ce depuis 150 ans, alors, d’une part, qu’il ressort de l’extrait K Bis de la société qu’elle n’a acquis le fonds de commerce Prosper [D] que le 30 juillet 2018 dans le cadre d’une procédure collective, d’autre part, qu’elle ne démontre aucune activité de restauration sous le nom Prosper [D]. De surcroît, le restaurant qu’elle a ouvert en cours de procédure, en tout état de cause, n’a pour enseigne que Prosper et non Prosper [D], et la promotion de ses services de chambres d’hôte sur un site internet désormais archivé, www.[09].com, ou sur divers sites de référencement qu’elle produit aux débats, ne comporte aucune mention d’un service de restaurant.
Elle ne justifie pas non plus de l’utilisation du nom commercial Prosper [D] pour un service de restauration, de surcroît antérieur à l’ouverture des restaurants sous la dénomination litigieuse.
Par ailleurs, le nom de domaine www.[010].com est rattaché uniquement à la commercialisation de vins, alors que l’activité des défenderesses est celle de restaurant.
Enfin, la demanderesse ne caractérise et n’établit aucun préjudice distinct de celui causé par la contrefaçon de marque, pas plus qu’elle ne caractérise le grief de parasitisme qu’elle allègue.
En conséquence, la société MGC sera déboutée de sa demande indemnitaire à ce titre.
Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive
Moyens des parties
Les sociétés Le Soufflot et Le [D] exposent que la société MGC savait que ses marques « [D] » n’étaient pas exploitées et qu’il ne pouvait y avoir contrefaçon entre l’enseigne des restaurants Le [D] et ses marques Prosper [D] pour des vins, au point de redéposer une marque « prosper [D] » en cours de procédure pour des services de restauration. Elles estiment qu’elle a ainsi engagé une action pour tenter de s’approprier un monopole sur le nom [D], tout en évitant de répondre sur l’absence d’exploitation de ses marques « [D] ».
La société MGC conteste toute mauvaise foi de sa part et assure n’avoir cherché à qu’à faire sanctionner des actes de contrefaçon de ses marques qui auraient été commis en toute connaissance de cause.
Réponse du Tribunal
L'exercice d'une action en justice ne peut constituer un abus de droit que dans des circonstances particulières le rendant fautif. En l’espèce, alors qu’elle savait que ses marques française et européenne « [D] » n’étaient pas exploitées et qu’elles encouraient le prononcer de leur déchéance et que ses marques « Prosper [D] » n’étaient déposées que pour du vin, la société MGC a déposé, qui plus est en cours de procédure, la marque « Prosper [D] » pour des services de restauration et d’hébergement. Aussi en engageant une action en contrefaçon de ses marques « [D] » et « Prosper [D] » qu’elle savait ne pouvoir prospérer, la société MGC a commis une faute ayant fait dégénérer en abus son droit d’agir en justice et qui sera réparée en allouant à chacune des parties la somme de 2.500 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Sur les demandes accessoires
Parties perdantes au sens de l’article 699 du code de procédure civile, la société MGC supportera les dépens qui pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile et sera condamnée à payer à chacune des sociétés défenderesses la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Il est rappelé que l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS,
Le tribunal,
Déclare irrecevable la demande de la société Maison des Grands Crus en contrefaçon de la marque française « [D] » n° 4277317 pour les produits et services des classes 33 et 43, pour défaut d’usage sérieux de la marque s’agissant de ces produits et services au cours des cinq années précédant la date à laquelle la demande en contrefaçon a été formée;
Déclare les sociétés Le Soufflot et Le [D] recevables en leur demande reconventionnelle en nullité de la marque française “Prosper [D]” n°4860971 ;
Ecarte le moyen soulevé par les sociétés défenderesses d’irrecevabilité de la demande au titre de la concurrence déloyale formée par la société Maison des Grands Crus ;
Déclare les sociétés Le Soufflot et Le [D] recevables en leur demande reconventionnelle en déchéance des droits sur la marque de l’Union européenne « [D] » n° 016074866 pour les produits et services couverts en classes 32, 33, 39 et 43.
Déclare les sociétés Le Soufflot et Le [D] irrecevables en leur demande reconventionnelle formée au titre de la déchéance des droits sur la marque française « [D] » n°4277317 déposée le 3 juin 2016 pour les classes 32 et 39 ;
Déclare les sociétés Le [D] et Le Soufflot recevables en leur demande reconventionnelle en déchéance de la marque française [D] n°4277317 pour les produits et services enregistrés en classes 33 et 43 ;
Prononce la déchéance partielle, pour défaut d’usage sérieux, des droits de la société Maison des Grands Crus sur la marque verbale française n°4277317 « [D] » sur l'ensemble des produits visés à son enregistrement à l'exclusion de ceux visés en classe 32 et en classe 39 et ce, à compter du 23 septembre 2021 ;
Prononce la déchéance totale, pour défaut d’usage sérieux, des droits de la société Maison des Grands Crus sur la marque verbale de l’Union européenne n° 016074866 « [D] » pour l'ensemble des produits visés à son enregistrement et ce, à compter du 29 mai 2022 ;
Déclare nul l’enregistrement de la marque française « Prosper [D] » n° 4860971 frauduleusement déposée le 12 avril 2022 par la société Maison des Grands Crus ;
Dit que la partie la plus diligente devra transmettre le jugement devenu définitif à l’INPI afin que soit inscrite au registre des marques l’annulation de l’enregistrement de la marque « Prosper [D] » n° 18 4 496 085 ;
Dit que la partie la plus diligente devra porter à la connaissance de l’EUIPO la présente décision devenue définitive afin que soit inscrite au registre des marques de l’Union européenne la déchéance prononcée de la marque de l’Union européenne n°016074866 ;
Ordonne la transmission du présent jugement à l’INPI, à l’initiative de la partie la plus diligente, et inscription sur les registres des marques de la déchéance prononcée de la marque française n°4277317 ;
Déclare la société Maison des Grands Crus recevable en sa demande en contrefaçon de sa marque de l’Union européenne « [D] » n° 016074866 ;
Déboute la société Maison des Grands Crus de sa demande fondée sur la contrefaçon des marques verbales de l’Union européenne « [D] » n° 016074866, « Prosper [D] » française n° 95581186 et de l’Union européenne n° 012831871 ;
Déboute la société Maison des Grands Crus de ses demandes subséquentes aux fins d’interdiction, de transfert des noms de domaine, de destruction et de publication ;
Déboute la société Maison des Grands Crus de sa demande au titre de la concurrence déloyale et parasitisme ;
Condamne la société Maison des Grands Crus à payer à la société Le Soufflot et à la société Le [D] chacune la somme de 2.500 euros pour procédure abusive ;
Condamne la société Maison des Grands Crus aux dépens, qui pourront être recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la société Maison des Grands Crus à payer à la société Le Soufflot et à la société Le [D] chacune la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rappelle que la présente décision est exécutoire de droit par provision.

Fait et jugé à Paris, le 11 juillet 2024

La Greffière La Présidente
Caroline REBOUL Anne-Claire LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 3ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 22/01053
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;22.01053 ?
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