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10/07/2024 | FRANCE | N°24/04973

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 10 juillet 2024, 24/04973


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Madame [C] [P]
Madame [Y] [P]

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Karim BOUANANE

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 24/04973 - N° Portalis 352J-W-B7I-C43WL

N° MINUTE :
10 JCP






JUGEMENT
rendu le mercredi 10 juillet 2024


DEMANDERESSE
Etablissement public PARIS HABITAT OPH, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Karim BOUANANE, avocat au barreau de PARIS,

vestiaire : #E1971

DÉFENDERESSES
Madame [C] [P], domiciliée : chez Mme [O] [P], [Adresse 1]
non comparante, ni représentée

Madame [Y] [P], domiciliée : chez Mme [O] [P...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Madame [C] [P]
Madame [Y] [P]

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Karim BOUANANE

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/04973 - N° Portalis 352J-W-B7I-C43WL

N° MINUTE :
10 JCP

JUGEMENT
rendu le mercredi 10 juillet 2024

DEMANDERESSE
Etablissement public PARIS HABITAT OPH, dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Karim BOUANANE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E1971

DÉFENDERESSES
Madame [C] [P], domiciliée : chez Mme [O] [P], [Adresse 1]
non comparante, ni représentée

Madame [Y] [P], domiciliée : chez Mme [O] [P], [Adresse 1]
non comparante, ni représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Romain BRIEC, Juge, juge des contentieux de la protection
assisté de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 31 mai 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 10 juillet 2024 par Romain BRIEC, Juge assisté de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier

Décision du 10 juillet 2024
PCP JCP fond - N° RG 24/04973 - N° Portalis 352J-W-B7I-C43WL

EXPOSE DU LITIGE

Par actes sous seing privé des 10 janvier 1996 et 4 décembre 2004, l’OPAC de Paris, désormais dénommé PARIS HABITAT OPH, a donné à bail à Madame [O] [P] un appartement à usage d'habitation avec cave accessoire situé [Adresse 2].

La locataire est décédée le 12 mars 2023.

Par courrier en date du 2 mai suivant, Madame [Y] [P], fille de la preneuse, a sollicité le transfert du bail. Elle a réitéré, par courrier du 6 juin 2023, sa demande de transfert à son profit ainsi qu’à celui de sa sœur Madame [C] [P]. PARIS HABITAT OPH a alors sollicité à plusieurs reprises la transmission des justificatifs de revenus.

En l’absence de retour et par actes de commissaire de justice du 7 mai 2024 PARIS HABITAT OPH a fait assigner Madame [Y] [P] et Madame [C] [P] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
Le constat de la résiliation de plein droit du bail au 12 mars 2023,L'expulsion immédiate de Madame [Y] [P] et Madame [C] [P] et tous occupants de leur chef, sans bénéfice du délai de deux mois de l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution, avec assistance de la force publique au besoin et avec séquestration des biens et objets mobiliers,Leur condamnation in solidum à lui verser une indemnité d'occupation correspondant aux loyers actualisés augmentés des charges, outre une majoration de 30%, jusqu'à libération des lieux,Leur condamnation in solidum à lui verser la somme de 9153,16 euros, correspondant à l’arriéré d’indemnités d'occupation et de charge de 14 179,47 euros au 6 mars 2024, échéance de février 2024 incluse,Leur condamnation in solidum à lui verser la somme de 800 euros au titre des frais irrépétibles outre aux entiers dépens.
L’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 31 mai 2024.

A l'audience, PARIS HABITAT OPH, représenté par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif et a précisé que l’arriéré locatif s’élevait à 391,04 euros au jour du décès de la locataire.

Bien que régulièrement assignées à étude, Madame [Y] [P] et Madame [C] [P] n'ont pas comparu ni ne se sont faits représenter. En application de l'article 473 du code de procédure civile, il sera statué par jugement réputé contradictoire.

L'affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 10 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur le transfert du bail et ses conséquences

Il résulte de l'article 14 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 que lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès. A défaut de personnes remplissant les conditions prévues au présent article, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire.

Toutefois, s’agissant d’un logement HLM, en application de l'article 40 de loi du 6 juillet 1989 précitée, ce transfert est soumis à deux autres conditions cumulatives : d'une part, le demandeur au transfert doit remplir les conditions d’attribution des logements HLM, et d'autre part, le logement doit être adapté à la taille de son ménage.

En outre, les articles L.441-1 et R.441-1 du code de la construction et de l'habitation prévoient les conditions d'attribution des logements des organismes d'habitation à loyer modéré en fonction de critères fixés par décret en Conseil d'État et tenant compte en particulier du patrimoine, de la composition, du niveau de ressources et des conditions de logement actuelles du ménage, de l'éloignement des lieux de travail, de la mobilité géographique liée à l'emploi et de la proximité des équipements répondant aux besoins des demandeurs.

En l'espèce, il est constant que Madame [Y] [P] et Madame [C] [P] n’ont pas communiqué à PARIS HABITAT OPH l’ensemble des justificatifs de ressources sollicités, à même d’apprécier si elles remplissaient ou pas les conditions d’attribution d’un logement HLM. Non comparantes, elles n’en ont pas plus fait état à l’audience utile.

Dès lors, les conditions du droit au transfert du bail ne sont pas réunies de sorte que le bail s'est trouvé résilié à la date du décès de la locataire, soit le 12 mars 2023.

Madame [Y] [P] et Madame [C] [P] étant sans droit ni titre depuis le 13 mars 2023, il convient d'ordonner leur expulsion ainsi que l'expulsion de tous occupants de leur chef, selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.

Aucune circonstance particulière de l’espèce ne justifie que le délai de deux mois, prévu par les dispositions des articles L. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, soit réduit ou supprimé. Il convient d'indiquer en conséquence que passé le délai de deux mois suivant la signification du commandement d'avoir à libérer les lieux, il pourra être procédé à cette expulsion, avec le concours de la force publique.

Il sera rappelé que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution dont l’application relève, en cas de difficulté -laquelle n'est à ce stade que purement hypothétique-, de la compétence du juge de l’exécution et non de la présente juridiction.

Sur les demandes en paiement

Sur la créance successorale

En application des articles 724 et 1404 du code civil, les enfants du défunt sont saisis de plein droit de tous les biens, droits et actions de la succession et ils peuvent ainsi entrer en possession du patrimoine successoral.

Ils disposent toutefois d'une option successorale aux termes de l'article 768 du code civil, leur permettant d'accepter purement et simplement la succession, de l'accepter à concurrence de l'actif net ou d'y renoncer, option qui s'exerce dans un délai de dix ans selon l'article 780 du code civil. Un créancier peut contraindre l'héritier à opter conformément à l'article 771 du code civil. Par ailleurs, l'acceptation pure et simple peut être tacite en application de l'article 782 du code civil lorsque l'héritier fait un acte qui suppose nécessairement son intention d'accepter.

A défaut d'option, l'héritier, saisi de plein droit des biens, droits et actions du défunt être poursuivi par les créanciers de la succession, sauf à lui à renoncer à celle-ci (Cass. 1re Civ., 19 septembre 2019, n°18-18.433), le cas échéant jusqu'en cause d'appel si en première instance le défendeur n'avait exercé qu'une défense au fond sans impliquer d'intention d'accepter la succession (Cass. 1re civ., 3 déc. 2002 n°00-13.785).

Enfin, en application des articles 873 et 875 du code civil, les héritiers qui acceptent purement et simplement une succession répondent indéfiniment des dettes et charges qui en dépendent et en sont tenus personnellement pour leur part successorale, sauf leur recours, soit contre leurs cohéritiers, soit contre les légataires universels, à raison de la part pour laquelle ils doivent y contribuer.

Il résulte du rappel de ces textes tels qu'appliqués par la jurisprudence qu'en principe, la condamnation au paiement d'une dette successorale d'un enfant du défunt ne peut être accueillie qu'en cas d'acceptation de la succession, le cas échéant intervenue tacitement au cours de l'instance à défaut pour le défendeur de se prévaloir d'une renonciation à succession ou de présenter une défense au fond conservatoire en se réservant son option successorale, et qu'en présence de plusieurs héritiers acceptants, la condamnation de l'un seul ne peut être prononcée pour le tout mais uniquement à concurrence de la part qu'il recueille dans la succession.

En l'espèce, le décompte versé aux débats par PARIS HABITAT OPH montre que l’arriéré locatif de la locataire s’élevait au jour de son décès à 2207,86 euros, échéance de février 2023 incluse. Or, PARIS HABITAT OPH ne produit pas d'acte authentique ou sous seing privé aux termes duquel les successibles auraient pris la qualité d'héritiers acceptant et valant acceptation expresse. De même, il n'est justifié ni même allégué d'aucun acte précis qui pourrait constituer une acceptation tacite. Enfin, le créancier n'a nullement sommé les successibles de prendre parti par acte extrajudiciaire. Dès lors, lors de la présente instance, Madame [Y] [P] et Madame [C] [P] avaient conservé la faculté d'opter.

Elles ne sauraient donc en l’état être condamnées au paiement de cette somme de 2207,86 euros.

Sur l’indemnité d’occupation

Le maintien dans les lieux postérieurement à la date d’expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire privé de la jouissance de son bien. Il revient au juge de fixer le montant de cette réparation sous la forme d'indemnité d'occupation, dont le montant dépend de son appréciation souveraine.

En l'espèce, le bailleur sollicite que l'indemnité d'occupation soit égale au montant du loyer et des charges avec une majoration de 30% à titre de dommages et intérêts. Or, il ne justifie pas de la nécessité d'une telle majoration par rapport au montant loyer. L'indemnité d'occupation sera par conséquent fixée à un montant égal au montant des loyers et charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi.

Le décompte produit fait état d'un arriéré d'indemnité d'occupation de 10254,57 euros, échéance de mai 2024 incluse. Il sera relevé que les sommes portées au décompte au titre des « loyers » et des « charges » après le jour du décès de la locataire, qui correspondant aux indemnités d’occupation, ne différent pas de celles enregistrées avant cette date. La majoration de 30% sollicitée n’a donc pas été appliquée dans le décompte. Seules, les aides perçues antérieurement au décès de la locataire sont supprimées à compter de l’échéance de mars 2023, ce qui n’est pas contestable en raison du fait que Madame [Y] [P] et Madame [C] [P] sont occupantes sans droit ni titre. Par suite, les sommes portées au débit du décompte à compter du décès de la locataire sont justifiées.

Dès lors, celles-ci sont redevables in solidum de la somme de 8046,71 euros (10254,57-2207,86) à titre d’indemnité d’occupation depuis le 12 mars 2023, somme arrêtée au 27 mai 2024, échéance de mai 2024 incluse.

Madame [Y] [P] et Madame [C] [P] seront en outre condamnées in solidum à une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal au loyer et charges qui auraient été dus si le bail s’était poursuivi à compter du 28 mai 2024 et jusqu’à la libération définitive des lieux.

Sur les demandes accessoires

Les défenderesses, qui succombent, supporteront les dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il sera alloué à Madame [Y] [P] et Madame [C] [P] la somme de 500 euros sur le fondement de l‘article 700 du code de procédure civile.

Il sera rappelé que l'exécution provisoire est de droit, en application de l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe réputé contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE la résiliation du contrat de bail liant PARIS HABITAT OPH et Madame [O] [P] relativement au logement sis situé [Adresse 2] à la date du décès de la locataire le 12 mars 2023 ;

ORDONNE en conséquence à Madame [Y] [P] et Madame [C] [P] de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze jours à compter de la signification du présent jugement ;

DIT qu’à défaut pour Madame [Y] [P] et Madame [C] [P] d’avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, PARIS HABITAT OPH pourra, deux mois après la signification d’un commandement de quitter les lieux, faire procéder à leur expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de leur chef, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique ;

DIT n'y avoir lieu à ordonner l'enlèvement, le transport et la séquestration des meubles éventuellement laissés sur place et rappelle que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

CONDAMNE in soliudm Madame [Y] [P] et Madame [C] [P] à verser à PARIS HABITAT OPH la somme de 8046,71 euros (décompte arrêté au 27 mai 2024 incluant la mensualité de mai 2024), correspondant à l'arriéré d'indemnités d’occupation depuis le 12 mars 2023 ;

CONDAMNE in solidum Madame [Y] [P] et Madame [C] [P] à verser à PARIS HABITAT OPH une indemnité mensuelle d’occupation d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges (633,39 euros en mai 2024), tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi, à compter du 28 mai 2024 et jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l'expulsion) ;

CONDAMNE in solidum Madame [Y] [P] et Madame [C] [P] à verser à PARIS HABITAT OPH la somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [Y] [P] et Madame [C] [P] aux dépens de l'instance ;

REJETTE le surplus des demandes ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.

Le greffier Le juge des contentieux
de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 24/04973
Date de la décision : 10/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 19/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-10;24.04973 ?
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