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10/07/2024 | FRANCE | N°24/04412

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 10 juillet 2024, 24/04412


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Me Pauline BINET


Copie exécutoire délivrée
le :
à Monsieur [P] [Z]


Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 24/04412 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4WKP

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le mercredi 10 juillet 2024


DEMANDERESSE
La CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] (CCM DE [Localité 4])
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Pauline BINET, avocat au barre

au de PARIS, vestiaire : #G0560


DÉFENDEUR
Monsieur [P] [Z]
demeurant chez Monsieur [Z] [G], [Adresse 2]
comparant en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Romain BRIEC, Juge des c...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Me Pauline BINET

Copie exécutoire délivrée
le :
à Monsieur [P] [Z]

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/04412 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4WKP

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le mercredi 10 juillet 2024

DEMANDERESSE
La CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] (CCM DE [Localité 4])
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Pauline BINET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #G0560

DÉFENDEUR
Monsieur [P] [Z]
demeurant chez Monsieur [Z] [G], [Adresse 2]
comparant en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Romain BRIEC, Juge des contentieux de la protection
assisté de Coraline LEMARQUIS, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 07 mai 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 10 juillet 2024 par Romain BRIEC, Juge des contentieux de la protection
assisté de Coraline LEMARQUIS, Greffier

Décision du 10 juillet 2024
PCP JCP fond - N° RG 24/04412 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4WKP

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 1er septembre 2022, Monsieur [P] [Z] a ouvert par voie électronique un compte de dépôt n°[XXXXXXXXXX01] auprès de la société LA CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4].

En outre, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] a consenti à Monsieur [P] [Z] un crédit P3/P4 n°10278 02524 00021826602 qui est un paiement par carte bancaire chez un commerçant partenaire remboursable par échelonnement.

Le compte courant présentant un solde débiteur dès le 30 novembre 2022 et le crédit étant impayé depuis décembre 2022, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] a fait assigner Monsieur [P] [Z] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, par acte de commissaire de justice en date du 18 avril 2024, en paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
-16415,48 euros au titre du solde du compte débiteur, avec intérêts contractuels au taux contractuel de 5,77% à compter du 6 septembre 2023, avec capitalisation des intérêts,
-478,64 euros au titre du crédit, avec intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2023,
-3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 7 mai 2024.

A cette audience, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4], représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance. La forclusion, la nullité, la déchéance du droit aux intérêts contractuels (FIPEN, notice d'assurance, FICP, vérification solvabilité, découvert en compte pendant plus de 3 mois dans présentation d'une offre préalable de crédit) et légaux ont été mis dans le débat d'office, sans que le demandeur ne présente d'observations supplémentaires sur ces points.

Monsieur [P] [Z] a comparu à l’audience. Il a contesté avoir ouvert le compte bancaire objet du litige et s’est dit victime d’une usurpation d’identité. Il a ajouté avoir déposé plainte.

Le défendeur a été autorisé à produite la copie de sa plainte par note en délibéré au plus tard le 15 mai 2024.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 10 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, il sera reelvé que le défendeur n’a pas produit de note en délibéré comme il y avait été autorisé.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.

L'article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d'office tous les moyens tirés de l'application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l'audience du 7 mai 2024.

L'article L.312-39 du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restantes dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L'article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l'article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.

Il sera procédé à l'examen du compte bancaire puis du prêt.

Sur le découvert bancaire

Sur la signature du contrat

Aux termes de l'article 1366 du code civil, l'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité. L'article 1367 du même code ajoute que la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache.

Il en résulte qu'il existe deux types de signatures dites électroniques, la différence se situant au niveau de la charge de la preuve :
-la signature électronique " qualifiée ", répondant aux conditions de l'article 1367 du code civil et obtenue dans les conditions fixées par le décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 (auquel s'est substitué le décret n°2017-1416 du 28 septembre 2017 lequel renvoie au règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014), laquelle repose sur un certificat qualifié de signature électronique délivré au signataire par un prestataire de services de certification électronique (PSCE) notamment après identification du signataire, signature dont la fiabilité est présumée,
-la signature électronique " simple " ne répondant pas à ces conditions (signature accompagnée d'un certificat électronique qui n'est pas qualifié ou sans vérifications de l'identité du signataire) et qui n'est pas dépourvue de toute valeur, mais pour laquelle il appartient à la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] de justifier en outre que les exigences de fiabilité de l'article 1367 du code civil sont respectées, à savoir l'identification de l'auteur et l'intégrité de l'acte, pour la vérification desquels sont examinés les éléments extérieurs suivants : production de la copie de la pièce d'identité, absence de dénégation d'écriture, paiement de nombreuses mensualités, échéancier de mensualités, existence de relations contractuelles antérieures entre le signataire désigné et son cocontractant etc.

En l'espèce, aucun certificat de PSCE n'a pas été produit, de sorte que la signature électronique ne saurait être qualifiée et sa fiabilité ne saurait donc être présumée.

Or, on peut constater que si la copie de la pièce d'identité est présentée, les conditions dans lesquelles l'identité a été vérifiée ne sont pas précisées (aucun lien n'étant établi entre le contrat signé électroniquement et les conditions générales d'utilisation du service de signature électronique produites non datées et non signées) et il n'est produit aucun élément permettant de garantir l'intégrité de l'acte signé électroniquement. Les signatures de Monsieur [P] [Z] apposée sur le contrat électronique et sur sa carte d’identité sont très différentes, cette dernière signature laissant lire par exemple les lettres “C” et “A” correspondants aux initiales du défendeur alors que tel n’est pas du tout le cas sur la signature du contrat électronique. En outre, l'adresse de Monsieur [P] [Z] figurant au contrat n'est pas celle portée sur la carte nationale d'identité laquelle est située à [Localité 5]. Dans ces conditions, la production d'un relevé d'abonnement téléphonique du mois d'août 2022, portant mention de la même adresse que celle indiquée au contrat, est insuffisante pour justifier de l'authenticité de la signature électronique, d'autant plus que le relevé bancaire met en évidence que la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] a prélevé des frais pour " adresse erronée " dès octobre 2022 et que l'essentiel des paiements par carte ont été effectué en Ile de France. En ces conditions, la régularité de la signature n'est pas justifiée et la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] sera déboutée de ses demandes relative au solde du découvert en compte.

Sur le prêt

Sur la preuve du contrat

L'article 1359 du code civil pose que l'acte juridique portant sur une somme ou une valeur excédant 1500 euros doit être prouvé par écrit sous signature privée ou authentique. L'article 1361 du même code précise qu'il peut être suppléé à l'écrit par l'aveu judiciaire, le serment décisoire ou un commencement de preuve par écrit corroboré par un autre moyen de preuve.

Aux termes de l'article 1362 du même code, constitue un commencement de preuve par écrit tout écrit qui, émanant de celui qui conteste un acte ou de celui qu'il représente, rend vraisemblable ce qui est allégué. Peuvent être considérés par le juge comme équivalant à un commencement de preuve par écrit les déclarations faites par une partie lors de sa comparution personnelle, son refus de répondre ou son absence à la comparution.

L'exigence d'une offre préalable de crédit n'est pas une condition d'existence du prêt mais de sa régularité. En l'absence de contrat, le prêteur dispose de la possibilité de rapporter l'existence du prêt conformément aux règles du droit de la preuve du code civil (Civ. 1ère, 05/11/2009, n° 08-18824).

Le contrat de crédit consenti par un professionnel du crédit est un contrat consensuel qui se forme par la seule rencontre de volontés (et donc sans exigence d'une forme particulière) et qu'il n'est donc pas plus un contrat réel (Civ. 1e, 27 juin 2006, 05-16905). Il s'ensuit qu'à la différence d'un contrat réel, l'existence même du contrat ne dépend pas de la preuve de la remise des fonds mais de l'accord des parties.

Le caractère consensuel du contrat de crédit d'un professionnel à un consommateur ne dispense pas le prêteur qui sollicite l'exécution de l'obligation de restitution de l'emprunteur de rapporter la preuve de son obligation préalable de remise des fonds (Civ. 1e, 14 janvier 2010, n° 08-13160).

En l'espèce, la régularité de la signature électronique du contrat d'ouverture du compte bancaire n'étant pas reconnue, la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] n'apporte aucun commencement de preuve par écrit provenant de Monsieur [P] [Z] pour justifier de l'existence du prêt allégué. En ces conditions, la régularité de la signature n'est pas justifiée et la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] sera déboutée de ses demandes relative au prêt.

Sur les demandes accessoires

La CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4], qui succombe, supportera les dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité commande de n'allouer aucune somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

REJETTE les demandes de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] ;

CONDAMNE la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] aux dépens ;

REJETTE la demande de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE [Localité 4] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Le greffier Le juge des contentieux de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 24/04412
Date de la décision : 10/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-10;24.04412 ?
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