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10/07/2024 | FRANCE | N°24/03801

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 10 juillet 2024, 24/03801


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Maître Sébastien MENDES GIL

Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Monsieur [B] [T]

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 24/03801 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4RND

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le mercredi 10 juillet 2024


DEMANDERESSE
La société SOGEFINANCEMENT, société par actions simplifiée
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Sébastien MENDES

GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #P0173


DÉFENDEUR
Monsieur [B] [T]
demeurant chez Monsieur [M] [U] - [Adresse 3]
ci-devant et actuellem...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Maître Sébastien MENDES GIL

Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Monsieur [B] [T]

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/03801 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4RND

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le mercredi 10 juillet 2024

DEMANDERESSE
La société SOGEFINANCEMENT, société par actions simplifiée
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #P0173

DÉFENDEUR
Monsieur [B] [T]
demeurant chez Monsieur [M] [U] - [Adresse 3]
ci-devant et actuellement [Adresse 1]
comparant en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Romain BRIEC, Juge des contentieux de la protection
assisté de Coraline LEMARQUIS, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 07 mai 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 10 juillet 2024 par Romain BRIEC, Juge des contentieux de la protection
assisté de Coraline LEMARQUIS, Greffier

Décision du 10 juillet 2024
PCP JCP fond - N° RG 24/03801 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4RND

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 30 octobre 2019, la SAS SOGEFINANCEMENT a consenti à Monsieur [B] [T] un crédit personnel d'un montant en capital de 20000 euros remboursable au taux nominal de 3,83% (soit un TAEG de 3,90%) en 79 mensualités de 286,82 euros hors assurance.

Des échéances étant demeurées impayées, la SAS SOGEFINANCEMENT a fait assigner Monsieur [B] [T] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, par acte de commissaire de justice en date du 19 mars 2024, en paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
-16360,96 euros au titre du crédit, avec intérêts contractuels au taux de 3,83% à compter du 11 septembre 2023, avec prononcé de la résiliation judiciaire aux torts de l'emprunteur si le tribunal estimait la déchéance du terme irrégulière, et avec capitalisation des intérêts,
-500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Au soutien de sa demande, la SAS SOGEFINANCEMENT fait valoir que les mensualités d'emprunt n'ont pas été régulièrement payées, ce qui l'a contraint à prononcer la déchéance du terme le 11 septembre 2023, rendant la totalité de la dette exigible. Elle précise que le premier incident de paiement non régularisé se situe au 2 avril 2022 et que sa créance n'est ainsi pas forclose.

L'affaire a été appelée et retenue à l'audience du 7 mai 2024.

A cette audience, la SAS SOGEFINANCEMENT, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance. La forclusion, la nullité, la déchéance du droit aux intérêts contractuels (FIPEN, notice d'assurance, FICP, vérification solvabilité) et légaux ont été mis dans le débat d'office, sans que le demandeur ne présente d'observations supplémentaires sur ces points.

Monsieur [B] [T] a comparu à l'audience. Il a reconnu le principe et le montant de sa dette et a sollicité des délais de paiement pour pouvoir l'apurer. Il a indiqué percevoir 1400 euros de ressources, être tenu au paiement d'un loyer mensuel de 250 euros et avoir un enfant à charge.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 10 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016.

L'article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d'office tous les moyens tirés de l'application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l'audience du 7 mai 2024.

L'article L.312-39 du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restantes dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application de l'article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L'article D.312-16 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l'article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n'a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu'après vérification de la régularité de la signature du contrat, de l'absence de cause de nullité du contrat, de l'absence de forclusion de la créance, de ce que le terme du contrat est bien échu et de l'absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la signature du contrat

Aux termes de l'article 1366 du code civil, l'écrit électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité. L'article 1367 du même code ajoute que la signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache.

Il en résulte qu'il existe deux types de signatures dites électroniques, la différence se situant au niveau de la charge de la preuve :
-la signature électronique " qualifiée ", répondant aux conditions de l'article 1367 du code civil et obtenue dans les conditions fixées par le décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 (auquel s'est substitué le décret n°2017-1416 du 28 septembre 2017 lequel renvoie au règlement (UE) n° 910/2014 du Parlement européen et du Conseil du 23 juillet 2014), laquelle repose sur un certificat qualifié de signature électronique délivré au signataire par un prestataire de services de certification électronique (PSCE) notamment après identification du signataire, signature dont la fiabilité est présumée,
-la signature électronique " simple " ne répondant pas à ces conditions (signature accompagnée d'un certificat électronique qui n'est pas qualifié ou sans vérifications de l'identité du signataire) et qui n'est pas dépourvue de toute valeur, mais pour laquelle il appartient à la SAS SOGEFINANCEMENT de justifier en outre que les exigences de fiabilité de l'article 1367 du code civil sont respectées, à savoir l'identification de l'auteur et l'intégrité de l'acte, pour la vérification desquels sont examinés les éléments extérieurs suivants : production de la copie de la pièce d'identité, absence de dénégation d'écriture, paiement de nombreuses mensualités, échéancier de mensualités, existence de relations contractuelles antérieures entre le signataire désigné et son cocontractant etc.

En l'espèce, aucun certificat de PSCE n'a pas été produit, de sorte que la signature électronique ne saurait être qualifiée et sa fiabilité ne saurait donc être présumée.

Il appartient donc à la SAS SOGEFINANCEMENT de prouver qu'il y a eu usage d'un procédé fiable d'identification garantissant le lien de la signature identifiant le signataire avec l'acte auquel la signature s'attache.

En l'espèce, on peut constater que la copie du passeport est présentée, que des pièces financières du débiteur sont versées au dossier (fiches de paie) et que le contrat a été partiellement exécuté. Enfin, Monsieur [B] [T] n'a pas constaté à l'audience avoir signé le contrat le prêt.

En ces conditions, et en l'absence de toute contestation du défendeur, la régularité de la signature sera reconnue.

Sur la nullité du contrat

Aux termes de l'article L.312-25 du code de la consommation, pendant un délai de sept jours à compter de l'acceptation du contrat par l'emprunteur, aucun paiement, sous quelque forme et à quelque titre que ce soit, ne peut être fait par le prêteur à l'emprunteur ou pour le compte de celui-ci, ni par l'emprunteur au prêteur.

La jurisprudence sanctionne la violation de ce texte par la nullité du contrat en vertu de l'article 6 du code civil, laquelle entraîne le remboursement par l'emprunteur du capital prêté (Ccass civ 1ère, 22 janvier 2009, 03-11.775).

En l'espèce, le déblocage des fonds a eu lieu le 13 novembre 2019, soit postérieurement au délai de sept jours précité courant à compter du 30 octobre 2019, de sorte qu'aucune nullité n'est encourue.

Sur la forclusion

L'article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur dans le cadre d'un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal d'instance dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Ainsi, le prêteur est forclos pour l'intégralité de sa créance, dès lors que deux ans se sont écoulés depuis la première échéance impayée et non régularisée.

La règle de computation de l'article 641 du code de procédure civile s'applique, de sorte que le délai expire le jour de la dernière année qui porte le même quantième que le jour de l'évènement qui fait courir le délai (Civ 1°,17 mars 1998, 96-15.567).

Le report d'échéances impayées à l'initiative du prêteur est sans effet sur la computation de ce délai (Civ. 1°, 28 octobre 2015, n° 14-23267). Il en est de même des annulations de retard.

Seul le réaménagement contractuel des seules échéances impayées emporte interruption du délai de forclusion au sens de ce texte et report du point de départ jusqu'au 1er incident non régularisé suivant. Le réaménagement de l'ensemble du prêt par simple avenant au contrat, sans novation, n'a aucun effet suspensif.

En l'espèce, le contrat de prêt a été réaménagé le 2 décembre 2020 au vu de l'historique du compte produit aux débats, ce qui a modifié l'économie générale du contrat en ce que d'une part, le prêteur a intégré dans le nouveau montant les pénalités et les intérêts échus impayés, et que, d'autre part, il y a allongement de la durée du prêt du fait de la baisse du montant des mensualités, ce qui a aussi une conséquence sur le coût final. La renégociation du prêt a ainsi entraîné une modification du montant emprunté et du coût du crédit. En ces conditions, les rééchelonnements intervenus dans des conditions irrégulières sans présentation d'une nouvelle offre de crédit qui aurait permis au débiteur défaillant non seulement de prendre conscience des conséquences financières dudit réaménagement quant au coût du crédit mais aussi éventuellement d'y renoncer, ne permet pas d'interrompre la forclusion. Il convient ainsi de recalculer le premier incident de paiement non régularisé, en prenant en compte les mensualités initiales du prêt.

En l'espèce, au regard de l'historique du compte produit, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu pour l'échéance de décembre 2021 de sorte que la demande effectuée le 19 mars 2024 est atteinte par la forclusion.

En conséquence, les demandes de la SAS SOGEFINANCEMENT seront rejetées.

Sur les demandes accessoires

La SAS SOGEFINANCEMENT, qui succombe, supportera les dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

L'équité commande de n'allouer aucune somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

REJETTE les demandes de la SAS SOGEFINANCEMENT ;

CONDAMNE la SAS SOGEFINANCEMENT aux dépens ;

REJETTE le surplus des demandes ;

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Le greffier Le juge des contentieux de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 24/03801
Date de la décision : 10/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-10;24.03801 ?
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