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09/07/2024 | FRANCE | N°24/02187

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp acr fond, 09 juillet 2024, 24/02187


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Maître Alexandre SUAY


Copie exécutoire délivrée
le :

à : Maître Jacques-Michel FRENOT

Pôle civil de proximité


PCP JCP ACR fond

N° RG 24/02187 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4DXX

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le 09 juillet 2024


DEMANDEURS

Monsieur [C] [W],
[Adresse 2]
représenté par Maître Jacques-Michel FRENOT de la SCP FRENOT - GUICHERD - COSSIC, avocats au barreau de PARI

S,

Madame [U] [Y] épouse [W],
[Adresse 2]
représentée par Maître Jacques-Michel FRENOT de la SCP FRENOT - GUICHERD - COSSIC, avocats au barreau de PARIS,

DÉFENDERESSE

S.C. LE V...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Maître Alexandre SUAY

Copie exécutoire délivrée
le :

à : Maître Jacques-Michel FRENOT

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR fond

N° RG 24/02187 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4DXX

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le 09 juillet 2024

DEMANDEURS

Monsieur [C] [W],
[Adresse 2]
représenté par Maître Jacques-Michel FRENOT de la SCP FRENOT - GUICHERD - COSSIC, avocats au barreau de PARIS,

Madame [U] [Y] épouse [W],
[Adresse 2]
représentée par Maître Jacques-Michel FRENOT de la SCP FRENOT - GUICHERD - COSSIC, avocats au barreau de PARIS,

DÉFENDERESSE

S.C. LE VILLAGE VICTOR HUGO,
[Adresse 1]
représentée par Maître Alexandre SUAY de l’AARPI Delvolvé Poniatowski Suay Associés, avocats au barreau de PARIS,

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Pascal CHASLONS, Vice-président, juge des contentieux de la protection assisté de Aurélia DENIS, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 26 mars 2024

JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort prononcé par mise à disposition le 09 juillet 2024 par Pascal CHASLONS, juge des contentieux de la protection assisté de Aurélia DENIS, Greffier

Décision du 09 juillet 2024
PCP JCP ACR fond - N° RG 24/02187 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4DXX

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant contrat du 01/12/2016, la SCI VILLAGE VICTOR HUGO avait donné en location à Monsieur [C] [W] et à Madame [U] [W] épouse [Y] un logement (6 pièces) situé [Adresse 2] à PARIS 75016 (3e étage). Le loyer pour cet appartement de 207,40 m² s'élevait en dernier lieu à 6290,71 €, outre 621 € au titre de la provision sur charges.

Par acte du 04/12/2023, la société civile VILLAGE VICTOR HUGO a fait délivrer à Monsieur [C] [W] et à Madame [U] [W] un commandement de payer visant la clause résolutoire contenue dans le bail et faisant état d'un impayé au principal de 48 194,99 €.

Par acte du 28/12/2023, Monsieur [C] [W] et Madame [U] [W] ont assigné la société civile VILLAGE VICTOR HUGO aux fins de la voir déboutée de sa demande en paiement et de sa demande en acquisition de la clause résolutoire et pour qu'il leur soit donné acte qu'ils se reconnaissaient être débiteurs de la somme de 48 194,99 €.

Monsieur [C] [W] et Madame [U] [W] ont réclamé qu'il leur soit accordé un délai de 24 mois pour régler leur dette locative. Ils ont réclamé également une indemnité de2000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les consorts [W] ont fait valoir les éléments suivants :

Ils avaient contesté à diverses reprises les montants réclamés au titre des charges, les considérant comme hors de proportion avec les charges réelles qui auraient dû leur être facturées.Ils se trouvaient en fait, au vu des pièces transmises, créditeurs d'un important trop-perçu sur la régularisation des charges, selon arrêté de compte du 05/11/2019.Il apparaissait qu'une consommation d'eau excessive à l'extrême leur avait été imputée pour laquelle la société bailleresse avait été interpellée, notamment par un mail du 15/06/2020, auquel avaient succédé d'autres mails, donnant lieu à des échanges jusqu'en septembre 2022.Au moment de la délivrance du commandement de payer, un contentieux était en cours avec une assignation à l'initiative des locataires pour obtenir des explications sur les charges contestées et non justifiées.
Dans ses conclusions en défense, la société civile LE VILLAGE VICTOR HUGO a demandé au principal le rejet des demandes des consorts [W] et notamment de leur demande de délai de paiement.

À titre reconventionnel, elle a formé les demandes suivantes :
la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire du bail aux torts exclusifs des locataires ;l'expulsion immédiate de Monsieur [C] [W] et de Madame [U] [W] et celle de tous occupants de leur chef, au besoin avec l'assistance de la force publique d'un serrurier ;qu'il soit ordonné le transport et la séquestration des meubles garnissant les lieux dans un local au garde-meuble au choix du bailleur, aux frais exclusifs des consorts [W] et ce, en garantie de toutes sommes dues ;la condamnation de Monsieur [C] [W] et de Madame [U] [W] au paiement d'une somme de 63 077,13 € au titre de la dette locative suivant décompte au 05/02/2024, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer ;la condamnation de Monsieur [C] [W] et de Madame [U] [W] au paiement d'une indemnité journalière d'occupation de 815,16 €, charges et taxes en plus ;qu'il soit ordonné que le dépôt de garantie d'un montant de 5190 € demeure acquis à la société bailleresse et vienne en compensation des sommes dues ;la condamnation des consorts [W] au paiement d'une indemnité de 5000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société civile LE VILLAGE VICTOR HUGO a rappelé les éléments suivants :

S'agissant des charges relatives à la consommation d'eau, le compteur des locataires avait été défaillant si bien qu'en 2018, un forfait leur avait été appliqué, étant précisé par ailleurs que le trop-perçu au titre des consommations 2018 et 2019 avait été restitué. Le compteur avait été remplacé en 2020, donnant lieu depuis à des relevés.Les régularisations de charges au titre des années 2016, 2017, 2018 et 2019 avaient été régulièrement adressées aux locataires.Les difficultés de paiement des locataires avaient été récurrentes, un premier commandement de payer ayant été notamment adressé dès le 23/07/2020.Un second commandement avait été signifié le 19/09/2022. Il s'en était suivi un jugement du juge des contentieux de la protection du 15/06/2023. Ce jugement avait constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire se trouvaient réunies mais avait accordé des délais de paiement suspensifs aux locataires. Il avait par ailleurs invité la société bailleresse à communiquer les justificatifs de charges 2020 et 2021, ce qui avait été effectué dans les délais impartis.De nouvelles défaillances étaient intervenues dans le règlement des loyers, tout paiement ayant cessé depuis juin 2023, suscitant la délivrance du commandement de payer visant la clause résolutoire du 04/12/2023.
La société civile LE VILLAGE VICTOR HUGO a considéré en premier lieu que la demande de délais de paiement des consorts [W] n'était pas fondée dans la mesure où les procédures passées témoignaient des efforts déjà consentis par les bailleurs alors que les locataires s'étaient montrés régulièrement défaillants. De plus aucun justificatif sérieux ne venait au soutien de cette demande de délais, spécialement quant à la capacité des locataires à régler leur dette. À cet égard, la société bailleresse a fait valoir que les consorts [W] ne démontraient pas avoir repris le paiement du loyer courant.

En second lieu, la société civile LE VILLAGE VICTOR HUGO a pris acte de la reconnaissance par les consorts [W] d'une dette locative de 48 194,99 €.

À l'audience, les consorts [W] ont renoncé à leur contestation au fond, s'agissant de la créance. Ils ont demandé un délai de un mois pour effectuer le paiement de la somme due au titre des loyers et charges.

À l'audience, la société civile LE VILLAGE VICTOR HUGO a maintenu sa demande reconventionnelle en acquisition de la clause résolutoire, résiliation de bail et expulsion.

La société civile LE VILLAGE VICTOR HUGO a indiqué que sa créance locative s'élevait à 70 518,20 €, échéance de mars 2024 comprise. Elle s'est opposée à l'octroi de délais de paiement et à la suspension des effets de la clause résolutoire. Elle a rappelé que le bail était un bail civil, le bien loué étant destiné à loger l'un des salariés de Monsieur [W].

Le conseil de la société civile LE VILLAGE VICTOR HUGO a adressé en délibéré une note datée du 26/04/2024. Il y a exposé qu'il confirmait le règlement par les consorts [W] de la somme de 77 959,27 €. La société défenderesse en conséquence ne contestait pas le règlement de la dette, intervenue tardivement selon elle. Toutefois, elle a maintenu l'intégralité de ses demandes reconventionnelles faites dans ses conclusions déposées à l'audience du 26/03/2024.

La société civile LE VILLAGE VICTOR HUGO a développé les éléments suivants :

Un précédent jugement était déjà intervenu le 15/06/2023. Il avait constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire étaient réunies mais il avait consenti des délais de paiement suspensifs au locataire.Les impayés avaient repris dès le mois de juin 2023, débouchant sur le commandement de payer du 04/12/2023.Les informations détenues par le bailleur sur la situation matérielle et financière des locataires ne permettaient pas de penser que ces derniers étaient en état d'assumer le paiement des loyers et charges.
MOTIVATIONS

Il convient de prendre acte de la renonciation des demandeurs à toute contestation au fond s'agissant de l'exigibilité de la créance de loyers et charges visée par le commandement de payer du 19/09/2022. Au demeurant, il apparaît qu'aucune pièce n'est produite à l'audience s'agissant des contestations initialement formulées et qui mettaient en cause le respect par la bailleresse de ses obligations et sa passivité à répondre aux interrogations des locataires quant aux régularisations de charges.

Sur la demande de délai des consorts [W] et en définitive, la dette locative ayant été réglée peu après l'audience de jugement, sur la demande de suspension des effets de la clause résolutoire, il convient de relever tout d'abord que le bail consenti aux époux [W] se trouvait hors du champ de la loi du 06/07/1989, correspondant aux termes mêmes du contrat de location à l'une des exclusions prévues à l'article 2 de la loi.

À cet égard, le bail spécifiait que le logement loué était destiné à être utilisé par le locataire pour y loger ses salariés ou un de ses mandataires sociaux.

Il figure dans le bail une clause résolutoire aux termes de laquelle, en cas de non-paiement par le locataire à sa date exacte d'une somme quelconque due au bailleur en vertu du bail en question, comme en cas d'inexécution de l'une des obligations qui pèsent sur le locataire, le contrat était résilié de plein droit, si bon semblait au bailleur, à l'expiration d'un délai de un mois après commandement de payer ou sommation d'exécuter demeuré infructueux.

Un commandement de payer a été délivré aux locataires le 04/12/2023.

Il apparaît qu'à ce jour, la somme visée dans le dit commandement au titre de la dette locative au principal, soit 48 194,99 € ne souffre pas de contestation, la contestation formulée de façon incidente dans l'assignation paraissant au demeurant incertaine et portant en tout état de cause seulement sur une partie de la somme réclamée.

Au-delà, à l'examen du décompte fait ressortir que la somme due n'a pas été réglée dans le mois du commandement de payer, soit au 04/01/2024, si bien que la clause résolutoire a été acquise à la date du 05/01/2024.

En tout état de cause, force est de relever tout d'abord, que le solde locatif s'était trouvé constamment débiteur depuis longtemps. Certes, un paiement important était intervenu en janvier 2023 mais celui-ci n'avait pas totalement éteint la dette. Les impayés avaient repris à partir de juin 2023, aboutissant à une dette de 70 518,20 € au 22/03/2024. À cet égard, aucun paiement n'avait été fait entre mai 2023 et avril 2024.

Malgré les engagements des consorts [W] dans leur assignation, aucune suite n'y a été donnée jusqu'à la date de l'audience, ne serait-ce que par un paiement partiel à compter de la délivrance de l'acte.

Par ailleurs, cela carence des consorts [W] dans le paiement de leur loyer n'était pas nouvelle puisqu'un jugement du 15/06/2023 avait constaté que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire avaient été acquises mais avait constaté que la clause résolutoire était réputée n'avoir jamais été acquise puisque la dette locative avait été apurée au dernier moment.

Enfin, aucune information n'a été apportée par les consorts [W] sur l'utilité pour eux du bail litigieux, qualifié de professionnel, le contexte de ce bail étant particulièrement flou. Il n'a pas été apporté non plus d'informations par les locataires sur la situation matérielle et financière du couple et sur leur capacité à répondre de façon régulière et aux échéances prévues à leur obligation de paiement des loyers et charges.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, étant précisé que le règlement de la dette est intervenu postérieurement à l'audience et largement après la délivrance du commandement de payer, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de suspension des effets de la clause résolutoire formée par les consorts [W].

En revanche, il y a lieu de faire droit à la demande reconventionnelle de la société bailleresse aux fins de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation de plein droit du bail, à sa demande en expulsion et accessoires et à sa demande en paiement d'une indemnité d'occupation, celle-ci devant être fixée au montant du loyer et des charges normalement exigibles si le bail s'était poursuivi.

La fixation de l'indemnité d'occupation à un montant supérieur au montant du loyer et des charges normalement exigibles constituerait, au vu des circonstances de l'espèce et de l'ancienneté relative du bail, une sanction manifestement excessive.

Compte tenu du paiement intervenu, paiement reconnu par la société civile LE VILLLAGE VICTOR HUGO, la demande de condamnation au paiement d'une dette locative est devenue sans objet.

La question de la conservation du dépôt de garantie ne saurait se poser avant la libération du logement par les locataires, le remboursement de ce dernier étant conditionné à l'état des lieux de sortie et à la dette exigible à cette date.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société civile LE VILLLAGE VICTOR HUGO les frais irrépétibles de l'instance.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort

Déboute Monsieur [C] [W] et Madame [U] [Y] épouse [W] de l'intégralité de leurs demandes, notamment de leur demande en suspension des effets de la clause résolutoire.
Déclare recevables les demandes reconventionnelles formées par la société civile LE VILLAGE VICTOR HUGO.
Constate la résiliation de plein droit à la date du 05/01/2024 du bail consenti le 01/12/2016 par la société civile LE VILLLAGE VICTOR HUGO à Monsieur [C] [W] et à Madame [U] [Y] épouse [W], portant sur le logement situé [Adresse 2] à [Localité 3] (3e étage).
Dit qu'à défaut par Monsieur [C] [W] et Madame [U] [Y] épouse [W] d'avoir volontairement quitté le logement deux mois après la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux délivré aux locataires, il sera procédé à leur expulsion et à celle de tous occupants de leur chef.
Dit que cette expulsion pourra intervenir si besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier et que le sort des meubles laissés dans les lieux sera régi selon les modalités fixées par les article L433-1 et 433-2 du code des procédures civiles d'exécution.
Constate que la demande en paiement d'une dette locative formée par la société civile LE VILLAGE VICTOR HUGO à l'encontre de Monsieur [C] [W] et de Madame [U] [Y] épouse [W] n'a plus d'objet, la dette ayant été intégralement réglé après l'audience, fait incontesté.
Condamne solidairement Monsieur [C] [W] et Madame [U] [Y] épouse [W] à payer à la société civile LE VILLLAGE VICTOR HUGO à compter du 01/04/2024 et jusqu'à totale libération des lieux, une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges normalement exigibles, avec possibilité de réviser le loyer et de régulariser les charges conformément au contrat de bail s'il n'avait été résilié et d'obtenir paiement du solde des charges récupérables sur justificatif.
Dit que l'indemnité d'occupation devra être réglée à terme au plus tard le 5 du mois suivant et au prorata temporis jusqu'à la libération du logement.
Condamne solidairement Monsieur [C] [W] et Madame [U] [Y] épouse [W] à payer à la société civile LE VILLLAGE VICTOR HUGO la somme de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties du surplus de leurs demandes.
Condamne Monsieur [C] [W] et Madame [U] [Y] épouse [W] solidairement aux dépens qui incluront le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire.
Rappelle que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision.

Fait et jugé à Paris le 09 juillet 2024

Le greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp acr fond
Numéro d'arrêt : 24/02187
Date de la décision : 09/07/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée au fond (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-09;24.02187 ?
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