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09/07/2024 | FRANCE | N°23/08383

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp acr fond, 09 juillet 2024, 23/08383


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Monsieur [S] [L] [N]


Copie exécutoire délivrée
le :

à : Me Claire BOUSCATEL

Pôle civil de proximité


PCP JCP ACR fond

N° RG 23/08383 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3FMK

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le 09 juillet 2024


DEMANDERESSE

Madame [W] [P] veuve [Y],
[Adresse 1] - [Localité 3]

représentée par Me Claire BOUSCATEL, avocat au barreau de PARIS,

DÉFENDEUR

Monsieur [S] [L] [N],
[Adresse 2] - [Localité 3]

comparant en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Pascal CHASLONS, Vice-président, juge des contentieux de la protection assisté de Aurélia DENIS,...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Monsieur [S] [L] [N]

Copie exécutoire délivrée
le :

à : Me Claire BOUSCATEL

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR fond

N° RG 23/08383 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3FMK

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le 09 juillet 2024

DEMANDERESSE

Madame [W] [P] veuve [Y],
[Adresse 1] - [Localité 3]

représentée par Me Claire BOUSCATEL, avocat au barreau de PARIS,

DÉFENDEUR

Monsieur [S] [L] [N],
[Adresse 2] - [Localité 3]

comparant en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Pascal CHASLONS, Vice-président, juge des contentieux de la protection assisté de Aurélia DENIS, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 26 mars 2024

JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort prononcé par mise à disposition le 09 juillet 2024 par Pascal CHASLONS, juge des contentieux de la protection assisté de Aurélia DENIS, Greffier

Décision du 09 juillet 2024
PCP JCP ACR fond - N° RG 23/08383 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3FMK

FAITS ET PROCEDURE

Par contrat du 30/06/1998, Madame [W] [P] veuve [Y] avait donné en location à Monsieur [S] [N] un logement situé [Adresse 2] à [Localité 3] (escalier C, 3ème étage) moyennant le paiement d'un loyer mensuel actualisé de 571,57 €, provisions sur charges comprises.

Par acte du 26/04/2023, Madame [W] [P] veuve [Y] a fait délivrer à Monsieur [S] [N] un commandement de payer visant la clause résolutoire et faisant état d'impayés à hauteur de 8647,27 €.

Par acte du 16/10/2023, Madame [W] [P] veuve [Y] a assigné Monsieur [S] [N] devant le tribunal judiciaire de de PARIS (juge des contentieux de la protection) aux fins d'obtenir :
la constatation de la résiliation de plein droit du bail à compter du 27/06/2023 du fait de l'acquisition de la clause résolutoire ; subsidiairement, le prononcé de la résiliation judiciaire du bail pour défaut de paiement des loyers et charges ;l'expulsion immédiate du locataire et de tous occupants de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier ; la séquestration des meubles et objets garnissant les lieux loués dans un garde-meuble désigné par Madame [Y], aux frais, risques et périls de Monsieur [N] ; le paiement de la somme de 11 480 € au titre des loyers et charges impayés au 26/09/2023, avec intérêts au taux légal à compter de 26/04/2023 ;le paiement de la somme de 1148 € au titre de la clause pénale ;le versement d'une indemnité d'occupation mensuelle de 1714,71 €, à compter de septembre 2023 jusqu'à la reprise effective des lieux.
Enfin, Madame [W] [P] veuve [Y] a réclamé une indemnité de 2500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile

Le Préfet de PARIS a été avisé de la présente affaire par notification avec accusé de réception électronique du 19/10/2023. Il a été justifié de la saisine de la CCAPEX.

Régulièrement cité, Monsieur [S] [N] a comparu. Il a rappelé qu'il occupait le logement depuis 28 ans et que sa bailleresse voulait le faire partir.

Il a contesté la créance invoquée par Madame [Y] en ce qu'elle comportait une part importante au titre de consommations d'eau. Monsieur [N] a totalement contesté le montant des charges de ce fait, estimant qu'il n'y avait jamais eu de fuite d'eau qui lui soit imputable.

Monsieur [N] a proposé son départ contre l'effacement de la dette. Mais il a indiqué aussi qu'il était prêt à payer la dette de loyer, calculée à partir de son montant de base et à rester dans le logement. Il a ajouté qu'il avait perdu son emploi fin 2022.

A l'audience, Madame [W] [P] veuve [Y] a actualisé sa créance, portant sa demande à 14 909,42 € au titre des loyers et charges impayés arrêtés au mois de mars 2024. Elle a rappelé qu'aucun paiement n'était intervenu depuis janvier 2023 et que le locataire ne faisait de paiements qu'une à deux fois par an.

Madame [Y] a reconnu que la créance invoquée comprenait une régularisation importante de consommation d'eau, soit autour de 7000 €, qui s'expliquait par une fuite importante dans les W-C constatée par un plombier.

Madame [Y] a proposé l'envoi en délibéré de documents relatifs aux relevés de compteur pour preuve des montants réclamés au titre des consommations d'eau.
MOTIVATIONS

Sur la créance et le bien-fondé des sommes réclamées au titre des régularisation de charges d'eau

La bailleresse a produit à l'instance :

un courrier explicatif du 20/02/2023 s'agissant de la régularisation des charges des années 2020 et 2021, précisant le report sur l'avis d'échéance d'avril 2023 de la somme de 7210,24 € ; ce courrier évoquait la possibilité d'échelonner la dette sur 24 mois :le décompte de charges du syndic sur les années 2020 et 2021, faisant ressortir au titre des consommations d'eau froide les sommes de 4249,77 € pour 2020 et de 3752,19 € pour 2021 ;le listing des relevés de compteurs à compter de 2020, relevés effectués par la société TECHEM ;une facture de l'entreprise GOSSELIN du 16/02/2023 et un devis de la même entreprise établi préalablement le 24/01/2023, prévoyant le remplacement du WC situé dans le logement loué à Monsieur [N].
Il n'est pas prétendu par Monsieur [N] qu'il ait signalé auprès de son bailleur une fuite des WC et qu'il ait réclamé des réparations ni en 2020, ni en 2021, ni en 2022. Monsieur [N] n'a pas prétendu non plus avoir contesté la créance augmentée des régularisations de charges après l'envoi du courrier ni même après la notification du commandement de payer.

Toutefois, étant précisé que le remplacement des WC a été assumé par le bailleur, ce dernier n'établit pas l'origine ni la teneur de la fuite à l'origine de la surconsommation d'eau, si bien qu'il ne peut être déterminé s'il y avait ou non une dégradation apparente ou une fuite apparente, pas plus qu'il ne peut être déterminé si cette fuite provenait ou non de la vétusté de l'installation sanitaire, étant précisé que rien n'établit que de quelconques travaux de réfection aient été effectués par le bailleur dans le logement depuis l'installation de Monsieur [N], le 30/06/1998.

Au-delà, force est de constater que la régularisation de charges faites par le mandataire de la bailleresse n'a été notifiée que le 20/02/2023, pour les exercices des années 2020 et 2021. Or, l'article 23 de la loi du 06/07/1989 fixe le principe de l'annualité de la régularisation de charges si bien que cette régularisation aurait du intervenir courant 2021 pour l'exercice 2020 et courant 2022 pour l'exercice 2021.

De plus, il apparaît que le syndic avait informé le mandataire susvisé du montant des charges récupérables pour 2020, y compris la consommation d'eau inhabituelle qui y figurait, le 28/07/2021. De même le syndic avait informé le dit mandataire du montant des charges récupérables pour 2021, y compris la consommation d'eau inhabituelle qui y figurait, le 11/03/2022.

Au vu de ce qui précède, l'absence de régularisation des charges dans les délais légaux a été une faute qui n'a pas permis à Monsieur [N] d'interpeller sa bailleresse en temps utile sur le caractère anormal de la consommation d'eau dès 2021, ce qui aurait au moins atténué pour partie le préjudice qui en résultait.

En tout état de cause, il appartient à la bailleresse de démontrer le caractère certain et exigible de sa créance au titre des régularisations tardives de charges. S'agissant des consommations excessives d'eau, dont les parties s'accordent qu'elles sont en lien avec la dégradation du WC, Monsieur [N], en tant que locataire n'est tenu au paiement d'une part, que de ses propres consommations d'eau dans le cadre de l'utilisation du logement loué, d'autre part que des consommations d'eau dont le caractère anormal a été causé par sa négligence.

En l'espèce, la négligence de Monsieur [N] en ce qu'il aurait omis de signaler un dysfonctionnement des WC dont il aurait eu connaissance n'a pas été démontrée.

Par ailleurs, la seule mention par le plombier du changement total des WC, sans que la cause des désordres soit précisément nommée, ne suffit pas à l'imputation des consommations qui en ont été la conséquence au locataire, puisqu'il n'est ni prouvé qu'il y ait eu de la part de ce dernier absence de réparations d'ordre locatif sur cet équipement, ni établi que la fuite, au vu de sa localisation, aurait été apparente.

Il convient donc d'écarter de la créance les sommes qui ressortent d'une surconsommation d'eau froide sur 2020 et sur 2021. Toutefois, Monsieur [N] conservera l'obligation de payer, à défaut de pouvoir estimer sa consommation réelle, les provisions sur charges qu'il a avancées.

Il sera donc déduit de la créance invoquée la somme totale de 7210,24 €.

L'examen du décompte des loyers et charges impayés fait ressortir, compte tenu de la déduction susvisée, une dette de loyers et charges de 7699,18 € au 25/03/2024 (étant précisé que Monsieur [N] n'a formé aucune contestation à l'audience quant au montant de l'échéance de loyer augmenté de la provision sur charges, comptabilisée après avril 2023).

Sur la résiliation en application de la clause résolutoire

Il est produit à l'instance :

le contrat de bail dans lequel est insérée une clause résolutoire applicable en cas de loyers et charges impayés ;un commandement de payer en date du 26/04/2023, faisant référence à cette clause résolutoire ; si ce commandement incluait les régularisations de charges litigieuses, il comprenait également les loyers courants, avec provisions sur charges, de février, mars et avril 2023, demeurés impayés ;un décompte actualisé des loyers et charges impayés au 25/03/2024.
Aux termes de l'article 24 de la loi n° 89-462 du 6 Juillet 1989 tel qu'applicable au litige, lorsque des loyers et charges sont impayés, la résiliation de plein droit du bail est acquise à raison de la clause résolutoire qui y figure, deux mois après le commandement de payer visant cette clause résolutoire, si celui-ci est demeuré infructueux.

Il apparaît en l'espèce d'une part, que les sommes visées au commandement, hors régularisations de charges d'eau, étaient effectivement dues à la date de délivrance de l'acte, d'autre part que le locataire ne s'en est pas acquitté totalement à la date du 26/06/2023.

Au vu de l'article 24 de La loi du 06/07/1989, tel qu'applicable au litige, il ne peut être accordé des délais de paiement au locataire que si ce dernier a justifié la reprise du paiement du loyer courant. De même, la suspension des effets de la clause résolutoire qui serait la conséquence de délais de paiement ne peut intervenir, sauf accord du bailleur, qu'en cas de reprise du paiement du loyer courant.

En l'espèce, force est de constater qu'aucun paiement n'a été effectué par Monsieur [N] depuis février 2023. Par ailleurs, Madame [Y] n'a pas consenti à l'octroi à son locataire de délai de paiements ni à la suspension des effets de la clause résolutoire.

En tout état de cause, Monsieur [N] n'établit pas qu'il aurait la capacité financière de continuer à assumer le paiement du loyer et de régler sa dette, relativement conséquente, de façon échelonnée.

Au vu des éléments qui précèdent, il convient de constater la résiliation du bail consenti à Monsieur [S] [N] à la date du 27/06/2023 et d'ordonner son expulsion dans les conditions prévues par la loi et avec toutes les conséquences qu'elle emporte.

Aucun élément de l'espèce ne correspond aux critères légaux permettant la suppression du délai de droit de deux mois à l'expulsion.

Sur l'indemnité d'occupation à échoir

Le locataire étant désormais occupant sans droit ni titre des lieux loués, il y a lieu d'indemniser Madame [W] [P] veuve [Y] du préjudice qui en résulte en fixant le montant de l'indemnité d'occupation due jusqu'à complète libération au montant des loyer et charges normalement exigibles, avec possibilité de réviser le loyer et de régulariser les charges conformément au bail s'il n'avait pas été résilié.

La fixation de l'indemnité d'occupation à un montant supérieur à celui du loyer et des charges normalement exigibles constituerait une sanction sans rapport avec le préjudice réellement subi par la bailleresse.

Sur les demandes accessoires

Au vu de l'ancienneté du bail, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de Madame [W] [P] veuve [Y] les frais irrépétibles de l'instance.

Au vu de la date de l'assignation, le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire de plein droit.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort

Constate la résiliation de plein droit à la date du 27/06/2023 du bail consenti le 30/06/1998 par Madame [W] [P] veuve [Y] à Monsieur [S] [N] portant sur le logement situé [Adresse 2] à [Localité 3] (escalier C, 3ème étage).
Ordonne l'expulsion de Monsieur [S] [N] et déboute ce dernier de sa demande de délais de paiement et de sa demande en suspension des effets de la clause résolutoire.
Dit qu'à défaut par Monsieur [S] [N] d'avoir volontairement quitté le logement deux mois après la signification du commandement d'avoir à quitter les lieux délivré au locataire, il sera procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef.
Dit que cette expulsion pourra intervenir si besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier et que le sort des meubles laissés dans les lieux sera régi selon les modalités fixées par les article L433-1 et 433-2 du code des procédures civiles d'exécution.
Condamne Monsieur [S] [N] à payer à Madame [W] [P] veuve [Y] la somme de 7699,18 € représentant le montant des loyers et charges impayés arrêtés au 25/03/2024, avec intérêts au taux légal à compter du 26/04/2023 sur 1437,03 € et à compter du 16/10/2023 sur le surplus.
Condamne Monsieur [S] [N] à payer à Madame [W] [P] veuve [Y] à compter du 01/04/2024 et jusqu'à totale libération des lieux, une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges normalement exigibles, avec possibilité de réviser le loyer et de régulariser les charges conformément au contrat de bail s'il n'avait été résilié et d'obtenir paiement du solde des charges récupérables sur justificatif.
Dit que l'indemnité d'occupation devra être réglée à terme au plus tard le 5 du mois suivant et au prorata temporis jusqu'à la libération du logement.
Déboute les parties du surplus de ses demandes.
Condamne Monsieur [S] [N] aux dépens qui incluront le coût du commandement de payer visant la clause résolutoire et les frais de notification à la préfecture.
Rappelle que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision.

Fait et jugé à Paris le 09 juillet 2024

le greffier le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp acr fond
Numéro d'arrêt : 23/08383
Date de la décision : 09/07/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée au fond (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-09;23.08383 ?
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