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09/07/2024 | FRANCE | N°23/07529

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp acr fond, 09 juillet 2024, 23/07529


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Me Marion LACOME D’ESTALENX


Copie exécutoire délivrée
le :

à : Me Eric SCHODER

Pôle civil de proximité


PCP JCP ACR fond

N° RG 23/07529 - N° Portalis 352J-W-B7H-C23AE

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le 09 juillet 2024


DEMANDEURS

Monsieur [D] [M],
[Adresse 1]
représenté par Me Marion LACOME D’ESTALENX, avocat au barreau de PARIS,

S.A. GARANTME
[Adresse 3]
re

présentée par Me Marion LACOME D’ESTALENX, avocat au barreau de PARIS,

DÉFENDEUR

Monsieur [I] [O],
[Adresse 2]
comparant en personne assisté de Me Eric SCHODER, avocat au barreau de PARIS,

...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :

à : Me Marion LACOME D’ESTALENX

Copie exécutoire délivrée
le :

à : Me Eric SCHODER

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR fond

N° RG 23/07529 - N° Portalis 352J-W-B7H-C23AE

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le 09 juillet 2024

DEMANDEURS

Monsieur [D] [M],
[Adresse 1]
représenté par Me Marion LACOME D’ESTALENX, avocat au barreau de PARIS,

S.A. GARANTME
[Adresse 3]
représentée par Me Marion LACOME D’ESTALENX, avocat au barreau de PARIS,

DÉFENDEUR

Monsieur [I] [O],
[Adresse 2]
comparant en personne assisté de Me Eric SCHODER, avocat au barreau de PARIS,

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Pascal CHASLONS, Vice-président, juge des contentieux de la protection assisté de Aurélia DENIS, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 26 mars 2024

JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort prononcé par mise à disposition le 09 juillet 2024 par Pascal CHASLONS, juge des contentieux de la protection assisté de Aurélia DENIS, Greffier

Décision du 09 juillet 2024
PCP JCP ACR fond - N° RG 23/07529 - N° Portalis 352J-W-B7H-C23AE

FAITS ET PROCEDURE

Par contrat signé électroniquement le 08/12/2021, Monsieur [D] [M] avait donné en location à Monsieur [I] [O] un appartement (une pièce) situé [Adresse 2] à [Localité 5] (lot n°6) moyennant le paiement d'un loyer mensuel actualisé de 682,02 €, outre 95 € au titre des provisions sur charges.

Par acte distinct du 10/12/2021, la société GARANTME s'était portée caution solidaire des engagements de Monsieur [I] [O] dans la limite de 108 mois et de 90 000 €.

Par acte du 06/04/2023, Monsieur [D] [M] et la société GARANTME ont fait délivrer à Monsieur [I] [O] un commandement de payer visant la clause résolutoire et faisant état d'impayés à hauteur de 3089,92 €.

Par acte du 24/08/2024, Monsieur [D] [M] a assigné Monsieur [I] [O] devant le tribunal judiciaire de de PARIS (juge des contentieux de la protection) aux fins d'obtenir :
la constatation de la résiliation de plein droit du bail à compter du 06/06/2023 du fait de l'acquisition de la clause résolutoire ; subsidiairement, le prononcé de la résiliation judiciaire du bail ;l'expulsion du locataire et de tous occupants de son chef, au besoin avec l'assistance de la force publique ; Le règlement du sort des meubles se trouvant sur place selon les modalités légales ; le paiement de la somme de 3852,99 € au titre des loyers et charges impayés, terme d'août 2023 inclus, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, la somme se répartissant en une condamnation au paiement d'une somme de 134,45 € au bénéfice de Monsieur [M] et en une condamnation au paiement d'une somme de 3718,54 € au bénéfice de la société GARANTME ;le versement d'une indemnité d'occupation mensuelle équivalente au montant des loyers et charges normalement exigibles, à compter de la résiliation du bail jusqu'à la reprise effective des lieux.
Enfin, Monsieur [D] [M] a réclamé une indemnité de 1000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les demandeurs ont indiqué que des quittances subrogatives avaient été délivrées successivement à la société GARANTME pour un montant total de 3718,54 €.

Le Préfet de [Localité 4] a été avisé de la présente affaire par notification avec accusé de réception électronique du 25/08/2023. Il a été justifié de la saisine de la CCAPEX.

Monsieur [I] [O], représenté par son avocat, a conclu au débouté des demandes. Il a réclamé solidairement à l'encontre du bailleur et de la caution le remboursement de la somme de 2667,96 € au titre d'un trop perçu.

Monsieur [O] s'est prévalu des articles 3 et 4 du décret du 27/07/2017. Il a rappelé que lorsque le logement vacant faisait l'objet d'une nouvelle location, le loyer du nouveau bail ne pouvait excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire. S'agissant de la dérogation liée à la réalisation de travaux, elle ne pouvait jouer en l'espèce dans la mesure où les travaux de réfection invoqués pour 12 100 € TTC ne faisaient l'objet d'aucun justificatif détaillé. Le loyer devait donc être maintenu à 574 € et non fixé à 659 €. Sur 24 mois, le trop-perçu s'élevait à 2040 €.

Monsieur [O] a par ailleurs fait état de frais facturés par la société GARANTME qui n'étaient pas justifiés, pour 611,85 € et 16,11 €.

Subsidiairement, Monsieur [O] a sollicité des délais de paiement et la suspension des effets de la clause résolutoire. Il a proposé de s'acquitter de sa dette sur 12 mois.

Plus subsidiairement, Monsieur [O] a sollicité un délai pour quitter les lieux.

Monsieur [D] [M] et la société GARANTME ont maintenu leurs demandes. Ils ont toutefois actualisé leur créance locative, réduisant leur demande à ce titre à 1141,48 €, se répartissant comme suit, soit 0 € pour Monsieur [M] et 1141,48 € pour la société GARANTME.

Monsieur [D] [M] et la société GARANTME ne se sont pas opposés à la demande de délais de paiement faite par Monsieur [O] ni à sa demande de suspension des effets de la clause résolutoire, toutefois dans la limite de 12 mois et avec clause de déchéance du terme.

S'agissant du loyer pratiqué, les demandeurs ont rappelé que le bail avait spécifié que des travaux d'amélioration ou de mise en conformité avec les caractéristiques de décence avaient été effectués depuis la fin du dernier contrat de location ou depuis le dernier renouvellement. Plus précisément, une réfection totale de l'appartement était intervenue pour un montant total de 12 100 € TTC.

S'agissant des sommes réglées au titre du cautionnement, les demandeurs ont précisé qu'elles se limitaient à 2473,35 €, la quittance subrogative du 31/03/2023 ayant été annulée.

Enfin, s'agissant des frais contestés par le défendeur, les demandeurs ont fait valoir que de telles sommes ne ressortaient pas du décompte produit, étant précisé que la somme de 16,11 € reprise par le commandement avaient été expurgée

Les demandeurs ont ajouté que les travaux réalisés avaient été justifiés par une facture, à hauteur d'une somme totale de 12 837 €.

MOTIVATIONS

Sur le loyer pratiqué et un trop perçu à ce titre

Selon l'article 3 du décret du 27/07/2017, lorsqu'un logement vacant fait l'objet d'une nouvelle location, le loyer du nouveau contrat de location ne peut excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire. Si aucune révision n'est intervenue au cours des 12 mois précédant la conclusion du nouveau contrat de location, le loyer appliqué au nouveau locataire ne peut excéder le dernier loyer appliqué au précédent locataire, révisé en fonction de la variation de l'indice de référence des loyers mentionnés au 2e alinéa du I de l'article 17-1 de la loi du 06/07/1989.

L'article 4 du décret du 27/07/2017 a prévu les dérogations au principe fixé par l'article 3.

En l'espèce, la dérogation qui correspondrait aux éléments de faits invoqués par le bailleur pour justifier de la hausse du loyer pourrait être celle prévue par le 1° et par le 3° de l'article 4 du décret du 27/07/2017.

Le 1° vise le cas où le bailleur a réalisé, depuis la conclusion du contrat de location initiale avec le précédent locataire ou au cas où le bail a été renouvelé, depuis son dernier renouvellement, des travaux d'amélioration ou de mise en conformité avec les caractéristiques de décence définis en application du premier et du deuxième alinéas de l'article 6 de la loi du 06/07/1989, portant sur les parties privatives ou sur les parties communes, et ce, pour un montant au moins égal à la moitié de la dernière année de loyer. La hausse du loyer annuel ne peut alors excéder 15 % du coût réel des travaux, toutes taxes comprises.

Selon le 3°, le loyer relatif à un logement qui a fait l'objet, depuis moins de 6 mois, de travaux d'amélioration d'un montant au moins égal à la dernière année de loyer peut être librement réévalué.

Concernant l'hypothèse du 1°, il ressort en l'espèce que les travaux invoqués se sont élevé TTC à 12 837 €, que la hausse de loyer annuel entre les deux baux a été de 1020 €, que la dernière année de loyer du précédent bail s'élevait à 6888 € et que la somme correspondant à 15 % du montant des travaux était de 1925,55 €.

Concernant l'hypothèse du 3°, il ressort en l'espèce que les travaux invoqués ont eu pour date de facturation le 17/11/2021 et que le bail consenti à Monsieur [O] avait pour date le 08/12/2021.

En conséquence, au vu des éléments qui précèdent, il peut être recherché si les travaux invoqués par le bailleur pouvaient permettre par dérogation l'augmentation de loyer pratiqué. Cette question doit faire néanmoins l'objet d'une interprétation stricte puisque le principe est celui du maintien du loyer du bail précédent.

La pièce présentée par Monsieur [M] pour établir la réalisation de travaux dans le logement litigieux, travaux effectués avant l'entrée dans les lieux de Monsieur [O], se limite à une facture du 17/11/2021.

Décision du 09 juillet 2024
PCP JCP ACR fond - N° RG 23/07529 - N° Portalis 352J-W-B7H-C23AE

Or, le contenu de cette facture est manifestement insuffisant.

Tout d'abord, si cette facture se réfère à un devis pour un appartement situé au 2ème étage, le juge ne saurait deviner qu'il s'agit de l'appartement litigieux puisque ni le bail, ni les actes délivrés par la suite, ne mentionnent quoi que ce soit sur ce point. Les mentions figurant au titre de l'objet du contrat visaient seulement le numéro de lot du logement loué.

Surtout, la facture s'est référé pour l'essentiel de son montant, soit 11 000 € HT, à un devis qui ne figure pas dans les pièces produites, si bien que l'objet, la nature et la teneur des travaux effectués s'avèrent totalement inconnus pour l'essentiel.

Au surplus, les échanges entre les parties sur cette question ne paraissent pas incité les demanderesses à fournir tous documents complémentaires utiles.

Il apparaît en conséquence la facture du 17/11/2021 ne permet pas d'établir qu'il y a eu une possibilité de dérogation au principe fixé par l'article 3 du décret du 27/07/2017. La simple mention au bail de la remise en état effectuée ne saurait compenser l'insuffisance de la facture susvisée puisque l'article 4 du décret du 27/07/2017 se réfère au coût « réel » des travaux.

Le bail consenti à Monsieur [O] fait ressortir un loyer appliqué au précédent locataire d'un montant de 574 €, la dernière révision étant intervenue le 01/04/2021 (soit moins d'un an avant la souscription du nouveau bail).

En conséquence, il ressort un trop-perçu de 2040 € au titre des loyers échus entre le 10/12/2021 et le 31/11/2023 (étant précisé que le premier loyer avait été payé pour l'intégralité du mois de décembre 2021 et que les dates retenues, notamment celle du 31/11/2023, découlent des écritures de Monsieur [O]).

Sur les frais indûment encaissés

Il a été produit à l'instance un décompte des sommes venant en débit et en crédit au titre de la dette locative entre le 10/12/2021 et 05/03/2024.

Il figure au débit une somme de 16,11 € sous une rubrique « loyer » sans qu'il puisse être déterminé à quoi ce montant correspond. De plus la même somme est mentionnée dans le décompte joint au commandement de payer sous l'intitulé « autre frais ».

Il sera remarqué que même s'il était considéré qu'il s'agisse d'un rappel de loyer, son montant ne permettait en rien d'en déduire la cause.

Il n'apparaît pas que l'imputation de cette somme soit justifiée. Il convient de l'écarter du décompte.

S'agissant de la somme de 611,85 €, elle ne résulte d'aucun des décomptes communiqués et rien ne démontre que Monsieur [O] ait payé une telle somme. Il n'y a donc pas lieu d'effectuer une quelconque déduction à ce titre sur le solde des loyers et charges impayés.

Sur la résiliation en application de la clause résolutoire

Monsieur [M] et la société GARANTME ne sauraient se prévaloir de bonne foi d'un commandement de payer visant la clause résolutoire dès lors que d'une part, le montant des loyer pratiqué n'était pas conforme aux dispositions légales, que d'autre part, cette irrégularité aboutissait à augmenter le loyer exigible de presque 15 % de son montant.

Il y a lieu en conséquence de débouter Monsieur [M] et la société GARANTME de leurs demandes aux fins de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire, aux fins d'expulsion et accessoires est en fixation et paiement d'une indemnité d'occupation.

Sur les loyers et charges échus et les délais de paiement

Si aucune des parties n'a demandé la compensation entre les loyers et charges impayés et les sommes dont le remboursement a été demandé au titre d'un trop-perçu de loyer, cette compensation ne peut que relever de l'évidence puisque les sommes réclamées par le bailleur ou son garant et les sommes réclamées par le locataire ont le même objet, soit les loyers et charges exigibles.

À partir d'un décompte actualisé, les demandeurs ont invoqué un reliquat au titre des loyers et charges impayées de 1141,48 €.

Il doit être retranché de la créance invoquée susvisée la somme de 2056,11 €.

Il en découle que ni Monsieur [M], ni la société GARANTME ne sont pas fondés à réclamer paiement d'une quelconque somme au titre de la dette locative. Il convient de les débouter de toute demande de ce chef.

En revanche il apparaît que Monsieur [O] est créditeur, au titre d'un trop-perçu de loyers et charges tel qu'exposé dans ses écritures, d'une somme de 914,63 €.

Sur les demandes accessoires

Étant précisé que Monsieur [O] a été à l'origine, quoiqu'il en soit, d'impayés de loyers et charges et qu'au surplus sa contestation sur le montant du loyer n'a été opposée que dans la présente procédure, il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais irrépétibles de l'instance.

Au vu de la date de l'assignation, la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de plein droit et aucun motif sérieux ne permet de l'écarter.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement et en premier ressort

Déboute Monsieur [D] [M] et la société GARANTME de l'intégralité de leurs demandes et notamment de leur demande en acquisition de la clause de résiliation de plein droit figurant au bail consenti à Monsieur [I] [O], de leur demande en expulsion du logement situé [Adresse 2] à [Localité 5] (lot n°6) et accessoires et de leur demande en fixation et paiement d'une indemnité d'occupation.
Condamne Monsieur [D] [M] et la société GARANTME, in solidum, à payer à Monsieur [I] [O] la somme de 914,63 € au titre de frais indus et d'un trop-perçu de loyer entre le 10/12/2021 et le 31/11/2023 (déduction ayant été fait des impayés de loyers et charges arrêtés au 05/03/2024).
Déboute Monsieur [I] [O] du surplus de ses demandes.
Condamne Monsieur [D] [M] et la société GARANTME in solidum aux dépens.
Rappelle que la présente décision est exécutoire de plein droit par provision.

Fait et jugé à Paris le 09 juillet 2024

le greffier le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp acr fond
Numéro d'arrêt : 23/07529
Date de la décision : 09/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-09;23.07529 ?
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