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09/07/2024 | FRANCE | N°23/05250

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 09 juillet 2024, 23/05250


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître LLAVADOR


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître GUERRIER

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/05250 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2FLO

N° MINUTE :
8 JCP






JUGEMENT
rendu le mardi 09 juillet 2024


DEMANDERESSE
S.C.I. MARSANG,
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître LLAVADOR, avocat au barreau de Paris, vestiaire #C1193


DÉFENDEU

R
Monsieur [N] [P],
demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître GUERRIER, avocat au barreau de Paris, vestiaire #P0208



COMPOSITION DU TRIBUNAL
Anne TOULEMONT, Vice-présidente, juge...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître LLAVADOR

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître GUERRIER

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/05250 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2FLO

N° MINUTE :
8 JCP

JUGEMENT
rendu le mardi 09 juillet 2024

DEMANDERESSE
S.C.I. MARSANG,
dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Maître LLAVADOR, avocat au barreau de Paris, vestiaire #C1193

DÉFENDEUR
Monsieur [N] [P],
demeurant [Adresse 2]

représenté par Maître GUERRIER, avocat au barreau de Paris, vestiaire #P0208

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Anne TOULEMONT, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection assistée de Laura JOBERT, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 15 mai 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 09 juillet 2024 par Anne TOULEMONT, Vice-présidente assistée de Laura JOBERT, Greffier

Décision du 09 juillet 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/05250 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2FLO

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 2 juin 2008 avec effet au 15 juin 2008, la SCI MARSANG a consenti à bail à Monsieur [N] [P] un bail d'habitation sur un appartement situé [Adresse 2].

La SCI a été constituée, le 10 février 2008, entre Monsieur [X] [H], Madame [V] [H], Madame [S] [H] et Monsieur [D] [H]. Elle est détenue, depuis le 7 décembre 2018, par Monsieur [X] [H] te Madame [V] [H], son épouse. Par acte authentique du 14 octobre 2022, Madame [H] [V] a fait donation à son fils Monsieur [Z] [H], d’une part de la SCI, en pleine propriété.

Par acte d'huissier en date du 15 novembre 2022, un congé pour reprise à effet du 14 juin 2023 a été délivré à Monsieur [N] [P].

C'est dans ce contexte que par acte d'huissier en date du 15 juin 2023, la SCI MARSANG a fait assigner Monsieur [N] [P] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de validation du congé, expulsion du défendeur avec assistance du commissaire de police et d'un serrurier, condamnation du défendeur à une indemnité d'occupation égale au montant du loyer et charges, soit la somme de 2384, 97 euros par mois, outre 180 euros par mois de provisions sur charge, jusqu'au départ effectif des lieux ainsi qu'à la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens, sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

Après deux renvois, à l’audience du 15 mai 2024, la SCI MARSANG, représentée par son conseil, a déposé des écritures, aux termes desquelles elle a réitéré les demandes de leur acte introduction d'instance. Au soutien de ses prétentions, la SCI MARSANG se fonde sur l'article 15 de la loi du 6 juillet 1989 et soutient que leur congé n'encourt aucune nullité, les délais étant respectés, la motivation de la reprise au bénéfice de Monsieur [Z] [H], associé, étant précisée, ce dernier disposant d’un emploi en région parisienne. Elle souligne le sérieux du motif de la reprise en ce que Monsieur [Z] [H] dispose d’un emploi en région parisienne. Elle rappelle, que l’âge du locataire au moment de la délivrance du congé, ne lui permet pas de bénéficier d’un relogement, conformément aux dispositions de l’article 15.III de la loi du 6 juillet 1989. Elle rétorque aux arguments avancés par le défendeur relativement à la publication au registre du commerce et des sociétés de la donation de parts à Monsieur [H] [Z], le 11 juillet 2023, soit postérieurement au congé, que l’acte de donation est un acte authentique, reçu par notaire le 14 octobre 2022. Elle ajoute, par ailleurs, qu’aucune fraude ne peut être relevée, la donation étant légitime, et le motif du congé pour reprise démontré. Sur la demande formée à titre subsidiaire de délais, elle sollicite le rejet,

Monsieur [N] [P], représenté par son conseil a également déposé des écritures aux termes desquelles il a sollicité l'annulation du congé, faute d’opposabilité, à titre principal, et de fraude à titre subsidiaire, et le rejet des demandes des bailleurs, et subsidiairement l'octroi d’un délai de 24 mois pour quitter les lieux, outre leur condamnation solidaire à la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [N] [P] soulève, à titre principal, la nullité du congé, au visa des article 13 de la loi du 6 juillet 1989, 1865 et 1690 du code civil, soutenant que ce n’est qu’à compter de la publication au registre du commerce, le 11 juillet 2023, que l’acte de donation est devenu opposable, alors que le congé date du 15 novembre 2022. A titre subsidiaire, il évoque la fraude, l’objectif réel est de donner congé avant ses 65 ans, la donation ayant eu lieu 4 semaines avant le congé. Il ajoute que le motif avancé pour justifier de la reprise n’est pas sérieux. Il demande des délais de 24 mois pour quitter les lieux et 4000 euros au titre des frais irrépétibles.

L'affaire a été mise en délibéré au 9 juillet 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la validation du congé

En application des dispositions de l'article 15-I de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le bailleur peut délivrer un congé pour reprise, six mois au moins avant l'échéance du bail. A l'expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d'occupation.

Quant à la forme du congé, à peine de nullité, les dispositions de l’article 15 I de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, qui permettent au bailleur de donner à son locataire un congé justifié par sa décision de reprendre ou de vendre le logement avec un délai de préavis de six mois, congé qui, à peine de nullité, doit indiquer le motif allégué et, en cas de reprise, les nom et adresse du bénéficiaire de la reprise ainsi que la nature du lien existant entre le bailleur et le bénéficiaire, lequel ne peut être que le bailleur lui-même ou l’un de ses proches limitativement énumérés, peuvent être invoquées, lorsque le bailleur est une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu’au quatrième degré, par la société au profit de l’un de ses associés en vertu de l’article 13 a) de cette loi.

Quant au motif du congé, il sera rappelé que depuis la loi ALLUR lorsqu'il donne congé à son locataire pour reprendre le logement, le bailleur justifie du caractère réel et sérieux de sa décision de reprise. Cette loi a ainsi opéré un renversement de la charge de la preuve puisqu'il appartient désormais au bailleur d'apporter des justifications au soutien de son congé pour reprise alors qu'auparavant il appartenait au locataire de rapporter la preuve d'une fraude manifeste. En cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues audit article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.

Le motif légitime d’un congé doit s’apprécier à la date où il est donné. Le contrôle du sérieux du motif ne saurait être un contrôle d'opportunité de la décision de reprise, le bailleur étant libre de reprendre son bien s'il compte réellement s'y installer sans que l'on puisse lui opposer l'existence d'un autre logement disponible.

Le congé des bailleurs du 15 novembre 2022 a donc été régulièrement délivré plus de six mois avant l'échéance précitée.

Il n’est pas contesté que la SCI MARSANG est une SCI familiale. Monsieur [N] [P] relève la nullité du congé, soutenant que, si l’article 15 I de la loi du 6 juillet 1989 peut bénéficier à un associé personne physique d’une SCI à caractère familial bailleresse, l’acte sous seing privé de donation de parts sociales n’était pas publié au registre du commerce et des sociétés à la date du 15 novembre 2022, date de notification du congé pour reprise à laquelle s’apprécient ses conditions de validité, de sorte que la qualité d’associé du bénéficiaire de la reprise n’était pas opposable aux tiers à cette date, peu important que l’acte soit un acte authentique.

L’article 1865 du code civil applicable aux sociétés civiles dispose, en son alinéa 1er, que la cession de parts sociales doit être constatée par écrit et qu’elle est rendue opposable à la société dans les formes prévues par l’article 1690, ou, si les statuts le stipulent, par transfert sur les registres de la société et, en son alinéa 2, qu’elle n’est opposable aux tiers qu’après accomplissement de ces formalités et après publication au registre du commerce et des sociétés et que ce dépôt peut être effectué par voie électronique. L’article 12 des statuts de la SCI MARSANG reprend les dispositions de cet article.

Il résulte de l’article 52 du décret n°78-704 du 3 juillet 1978 que la publicité de la cession de parts prescrite par l’article 1865 du code civil est accomplie par le dépôt, en annexe au registre du commerce et des sociétés, de l’original de l’acte de cession s’il est sous seing privé ou d’une copie authentique s’il est notarié. Il est également admis que, quand bien même l’acte n’aurait pas fait l’objet d’un dépôt selon ces modalités, la cession est opposable aux tiers si ont été publiés au registre du commerce et des sociétés les statuts de la société faisant apparaître le changement d’associés.

L'article 1865 du code civil, qui concerne la cession des parts sociales, expose clairement la nécessité de réaliser deux opérations distinctes s'agissant d'une part de rendre opposable à la société la cession en faisant application des dispositions de l'article 1690 du code civil et d'autre part de publier la cession.

Ainsi, la cession n’est ainsi devenue opposable que le 11 juillet 2023, date de publication au BODACC.

Il y a lieu de conclure que Monsieur [H] [Z] n’avait pas la qualité d’associée à la date de délivrance du congé. Le congé pour reprise ne peut, dès lors, qu’être annulé, les demandes subséquentes devenant sans objet.

Sur les demandes accessoires

Le défendeur, qui succombe sur le principal, supportera les dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il sera fait droit à la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur de 1500 euros.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

PRONONCE la nullité du congé pour reprise délivré le 15 novembre 2022 par la SCI MARSANG à Monsieur [N] [P] concernant le logement situé [Adresse 2], les demandes subséquentes d’expulsion, de versement d’une indemnité d’occupation devenant sans objet.

REJETTE le surplus des demandes des parties ;

CONDAMNE la SCI MARSANG à verser la somme de 1500 euros à monsieur [N] [P] au visa de l’article 700 du code de procédure pénale.

CONDAMNE la SCI MARSANG aux dépens ;

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

LE GREFFIER LE JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/05250
Date de la décision : 09/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-09;23.05250 ?
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