TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le : 08/07/2024
à : Me Audrey THIBAULT
Copie exécutoire délivrée
le : 08/07/2024
à : Me Victor BILLEBAULT
Pôle civil de proximité
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PCP JCP fond
N° RG 23/01348 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZCOR
N° MINUTE :
1/2024
JUGEMENT
rendu le lundi 08 juillet 2024
DEMANDERESSE
Madame [L] [E], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Victor BILLEBAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E1209
DÉFENDERESSE
Madame [Z] [M], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Audrey THIBAULT, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : PN730
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Romain BRIEC, Juge, juge des contentieux de la protection
assisté de Florian PARISI, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 06 mai 2024
JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 08 juillet 2024 par Romain BRIEC, Juge assisté de Florian PARISI, Greffier
Décision du 08 juillet 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/01348 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZCOR
EXPOSE DU LITIGE
Par contrat sous seing privé en date du 20 mars 2017, Madame [K] [M], aux droits de qui intervient Madame [Z] [M], a donné à bail en colocation à Madame [L] [E] un appartement à usage d'habitation situé [Adresse 2] moyennant un loyer mensuel de 600 euros, outre des provisions sur charges. Un dépôt de garantie de 600 euros a été versé par le preneur à l’entrée dans les lieux. A la suite du départ de colocataires, un nouveau bail a été signé le 20 juin 2018 puis à nouveau le 31 août 2020 (bail meublé avec comme preneurs deux colocataires dont Madame [L] [E]).
Madame [L] [E] a délivré congé le 25 février 2021 et l'état des lieux de sortie a été dressé amiablement le 31 mars 2021. La bailleresse a ensuite restitué à sa locataire la somme de 166 euros sur le montant de 600 euros du dépôt de garantie. Par courrier en date du 6 septembre 2021, Madame [L] [E] a mis en demeure la bailleresse de lui restituer l’intégralité du dépôt de garantie, outre la majoration légale.
Par actes de commissaire de justice en date du 9 février 2023, Madame [L] [E] a fait assigner Madame [Z] [M] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux d’obtenir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, le paiement de :
600 euros au titre du dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2022,60 euros par mois à compter du 31 mai 2021 jusqu’à la date de remise effective de la somme de 434 euros (600-166) au titre de la majoration des 10% du loyer, avec intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2022,504,70 euros en restitution des loyers indus, avec intérêts au taux légal à compter du 6 septembre 2022, 2320,32 euros en restitution des provisions sur charges indues, subsidiairement que Madame [L] [E] soit tenue de lui transmettre un récapitulatif des sommes versées au titre des charges sur la période de location ainsi que les justificatifs de l’existence et du montant des charges ayant fait l’objet de récupération,1500 euros de dommages et intérêts,1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Après plusieurs renvois, l’affaire a été appelée et retenue à l'audience du 6 mai 2024.
A l’audience, Madame [L] [E], représentée par son conseil, a fait viser des conclusions soutenues oralement, par lesquelles elle sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance.
Madame [Z] [M] a été représentée à l’audience utile. Elle a fait viser des conclusions développées oralement aux termes desquelles elle a sollicité le rejet des prétentions adverses et la condamnation de Madame [L] [E] à lui payer 3000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 8 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la restitution du dépôt de garantie et le compte entre les parties
Selon l'article 22 alinéa 3 de la loi n° 89-642 du 6 juillet 1989, le dépôt de garantie est restitué dans un délai maximal de deux mois à compter de la restitution des clés par le locataire, déduction faite, le cas échéant, des sommes restantes dues au bailleur et des sommes dont celui-ci pourrait être tenu, aux lieu et place du locataire, sous réserve qu'elles soient dûment justifiées. Ce délai est d'un mois lorsque l'état des lieux de sortie est conforme à l'état des lieux d'entrée. Le montant de ce dépôt de garantie ne porte pas intérêt au bénéfice du locataire.
A défaut de restitution dans les délais prévus, le dépôt de garantie restant dû au locataire est majoré d'une somme égale à 10 % du loyer mensuel en principal, pour chaque période mensuelle commencée en retard.
Sur la réévaluation du loyer
En application de l'article 140 VI de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans à compter de la publication de la présente loi, dans les zones mentionnées à l'article 17 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, la commune de [Localité 5] peut demander qu'un dispositif d'encadrement des loyers régi par le présent article soit mis en place.
A [Localité 5], le décret n°2019-315 du 12 avril 2019 a rendu ce dispositif expérimental applicable et un arrêté préfectoral du 4 juin 2020, entré en vigueur le 1er juillet 2020, a fixé les loyers de référence (le loyer de référence, le loyer de référence majoré et le loyer de référence minoré) pour la Ville de [Localité 5].
En l’espèce, au vu des pièces en défense, le loyer de référence majoré pour un appartement dans le [Localité 1] construit avant 1946 s’élevait au 1er septembre 2020 à 29,60 euros. Le bail du 31 août 2020 portant sur un appartement de 65 m² prévoit un loyer de 600 euros pour la location d’une chambre, soit un total de 1800 euros pour celle des trois chambres équivalent à 26,90 euros / m². Le montant dudit loyer est en conséquence conforme au dispositif d’encadrement des loyers.
Sur la réévaluation des charges
L'article 7 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que le locataire est tenu de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus au contrat.
En l’espèce, les pièces versées par Madame [Z] [M] aux débats pour étayer du calcul des charges récupérables sont de nature à justifier la somme retenue dans son solde de tout compte au titre de l’apurement des charges à hauteur de 180,58 euros (120,58+60).
Sur les dégradations locatives et le défaut d’entretien
En application des dispositions de l'article 7 c et d, le preneur est tenu d'une part, de répondre des dégradations et des pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive à moins qu'il ne prouve qu'elles n'ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement et, d'autre part, de prendre à sa charge l'entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l'ensemble des réparations locatives définies par décret en Conseil d'État. C’est au bailleur de rapporter la preuve de l’existence de dégradations locatives. Les dégradations sont notamment établies par comparaison entre l'état des lieux d'entrée et l'état des lieux de sortie lorsqu'ils sont établis contradictoirement.
Par ailleurs, l'entretien d'une chaudière est une obligation légale à la charge de l’occupant, précision faite que les articles R224-41-4 et suivants du Code de l’environnement prévoient que la chaudière doit être contrôlée chaque année par un professionnel agréé.
Enfin, selon l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l'espèce, pour justifier de sa restitution partielle du dépôt de garantie, Madame [Z] [M] invoque des dégradations locatives causées par les colocataires de son appartement donné à bail à la suite d’un dégât des eaux provoqué par la fuite de la machine à laver.
Or d’une part, s’agissant de la dégradation invoquée du parquet de la chambre de Madame [L] [E], il sera relevé que le dernier contrat de location du 31 août 2020 n’est accompagné d’aucun état des lieux d’entrée, à la différence des précédents baux. Pas plus Madame [Z] [M] n’établit que Madame [L] [E] était l’occupante de la « chambre n°3 » donnant sur cour, dont le parquet a été dégradé selon l’état des lieux de sortie. Aucune mention de l’identité de l’occupant de cette chambre n’apparaît en effet ni sur le contrat de bail, ni sur l’état des lieux de sortie, ni sur toute autre pièce. Les correspondances produites par chaque partie ne permettent pas non plus d’attribuer à Madame [L] [E] cette chambre n°3 donnant sur cour.
D’autre part, sur le meuble cuisine, si l’état des lieux de sortie signé par les parties fait référence à un « placard » abîmé suite au « dégât des eaux » (page 2), l’absence d’état des lieux d’entrée concomitant au contrat du 31 août 2020 exclut toute comparaison, ceci d’autant plus que l’état des lieux précédent du 22 juillet 2017 n’est pas complété s’agissant de décrire l’état du « placard » de la cuisine (page 9).
Sur les montants portés au solde de tout compte par Madame [L] [E] au titre de la reprise de meubles des locataires, la bailleresse ne prouve pas que ces sommes ont été fixées d’un commun accord avec Madame [L] [E], alors que cette dernière conteste dans ses écritures avoir donné un tel accord.
En revanche, l’entretien de la chaudière de l’appartement par les locataires n’est pas justifié si bien que Madame [L] [E] est redevable de la moitié du coût de la facture du 24 avril 2021 (l’appartement était loué par deux colocataires sur la période du 31 août 2020 au 31 mars 2021), soit la somme de 110 euros (220/2).
Sur les comptes entre les parties
Au final, les comptes entre les parties s'établissent comme suit :
– le locataire est redevable de la somme de 290,58 euros (110+180,58) au titre du manque d'entretien et de l’apurement des charges,
– le bailleur est redevable de la restitution du reliquat du dépôt de garantie, soit la somme de 434 euros (600 euros - 166 euros déjà versés).
Il en résulte que Madame [Z] [M] sera tenue de restituer à Madame [L] [E] la somme de 143,42 euros (434-290,58). Cette somme produira intérêts au taux légal à compter de la demande en justice, le justificatif d’envoi de la mise en demeure du 6 septembre 2021 par courrier avec AR n’étant pas produit par la demanderesse.
Par suite, Madame [Z] [M] sera également tenue au paiement de 60 euros par mois de retard dans la restitution du reliquat du dépôt de garantie (10% de 600 euros) à compter du 31 mai 2021, en application de l'article 22 alinéa 3 de la loi n° 89-642 du 6 juillet 1989, qui ne prévoit aucune modulation possible. Toutefois, cette pénalité ne sera appliquée que jusqu'à l'assignation du 9 février 2023 pour ne pas faire supporter au bailleur la durée de la procédure judiciaire, et pour éviter un enrichissement sans cause du locataire alors même que le montant de la pénalité risque de se retrouver d'une importance sans commune mesure avec le montant de l'impayé et le préjudice réel subi. Il en résulte que Madame [Z] [M] est redevable de la somme de 1140 euros (60x19), avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation.
Sur la demande indemnitaire
L’article 1231-6 du code civil dispose que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.
Par ailleurs, en application de l'article 1240 du même code, il est de jurisprudence constante que la faute, même non grossière ou dolosive suffit, lorsqu'un préjudice en résulte, à justifier une condamnation à des dommages-intérêts pour résistance abusive.
En l'espèce, Madame [L] [E] n’établit pas l’existence d’un préjudice autre que la non restitution du reliquat de dépôt de garantie, dont le retard est par ailleurs déjà indemnisé au titre de la pénalité légale de 10% mensuelle du loyer. En conséquence, sa demande sera rejetée.
Sur les demandes accessoires
Chaque partie conservera la charge de ses dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.
L’équité commande de n’allouer aucune somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera rappelé que l'exécution provisoire est de droit, en application de l'article 515 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,
CONDAMNE Madame [Z] [M] à restituer à Madame [L] [E] la somme de 143,42 euros au titre du reliquat du dépôt de garantie, avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 2023 ;
CONDAMNE Madame [Z] [M] à payer à Madame [L] [E] la somme de 1140 euros au titre de la pénalité due en l’absence de restitution du dépôt de garantie sur la période du 31 mai 2020 au 9 février 2023, avec intérêts au taux légal à compter du 9 février 2023 ;
REJETTE le surplus des demandes ;
DIT que chaque partie conservera la charge de ses dépens ;
RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Président et le Greffier susnommés.
Le greffier, Le président.