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08/07/2024 | FRANCE | N°21/06901

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 18° chambre 1ère section, 08 juillet 2024, 21/06901


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:





18° chambre
1ère section


N° RG 21/06901
N° Portalis 352J-W-B7F-CUOLR

N° MINUTE : 1

contradictoire

Assignation du :
17 Mai 2021









JUGEMENT
rendu le 08 Juillet 2024



DEMANDERESSE

Societé AEW [Localité 6] COMMERCES
venant aux droits de la Société ACTIPIERRE 3
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Camille GIBERT, avocat au barreau d

e PARIS, vestiaire #R0237




DÉFENDERESSE

S.A.R.L. AOSHIDA
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Maître Jacques RAYNALDY de la SCP LEICK RAYNALDY & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:

18° chambre
1ère section


N° RG 21/06901
N° Portalis 352J-W-B7F-CUOLR

N° MINUTE : 1

contradictoire

Assignation du :
17 Mai 2021

JUGEMENT
rendu le 08 Juillet 2024

DEMANDERESSE

Societé AEW [Localité 6] COMMERCES
venant aux droits de la Société ACTIPIERRE 3
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Camille GIBERT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0237

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. AOSHIDA
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Maître Jacques RAYNALDY de la SCP LEICK RAYNALDY & ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0164

Décision du 08 Juillet 2024
18° chambre 1ère section
N° RG 21/06901 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUOLR

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Diana SANTOS CHAVES, Juge, statuant en juge unique,

assistée de Monsieur Christian GUINAND, Greffier principal,

DÉBATS

A l’audience du 29 Avril 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 8 juillet 2024.

JUGEMENT

Rendue par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

Par acte sous seing privé en date du 10 février 2012, la société Actipierre 3, aux droits de laquelle est venue la SCPI AEW [Localité 6] Commerces, a donné à bail à la SARL Aoshida, des locaux à usage commercial situés [Adresse 1], à [Localité 7], pour une durée de 9 ans à compter du 14 février 2012, moyennant un loyer annuel en principal de 42.000 euros hors taxes et hors charges, pour une activité de " vente au détail de prêt-à-porter, chaussure et maroquinerie ".

Par exploit d'huissier en date du 28 juillet 2020, la société Aoshida a donné congé afin de libérer le local commercial, au plus tard, le 13 février 2021, terme du bail.

Par acte extrajudiciaire du 28 octobre 2020, la société Actipierre 3 a fait délivrer à la société Aoshida un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail pour un montant de 42.779,91 euros au titre de loyers et charges impayés pour les trois derniers trimestres 2020.

La restitution des locaux est intervenue à l'échéance du bail le 13 février 2021 avec établissement d'un état des lieux de sortie.

Le 30 avril 2021, la société Actipierre 3 fait délivrer à la société Aoshida une sommation de payer pour les loyers et charges qu'elle estimait impayés.

Par acte extrajudiciaire du 17 mai 2021, la société Actipierre 3 a fait assigner la société Aoshida devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins principales de paiement d'arriérés locatifs et frais de remise en état des locaux.

Une médiation a été ordonnée entre les parties le 9 décembre 2021, laquelle n'a pas abouti.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 mai 2023, la société AEW [Localité 6] Commerces, venant aux droits de la société Actipierre 3, demande au tribunal de :
" - RECEVOIR l'intégralité des moyens et prétentions de la société AEW [Localité 6] COMMERCES;
-REJETER les demandes et prétentions de la société AOSHIDA ;
- CONDAMNER la société AOSHIDA à verser à la société AEW [Localité 6] COMMERCES la somme en principal de 51 167,47 euros ;
- CONDAMNER la société AOSHIDA à verser à la société AEW [Localité 6] COMMERCES les intérêts de retard dus sur cette somme conformément aux dispositions du Bail et correspondant au taux EURIBOR trois mois, majoré de 600 points de base, avec un minimum de 10% par an, à compter du commandement de payer du 28 octobre 2020 ;
-PRONONCER la capitalisation des intérêts en application de l'article 1154 du Code civil ;
- CONDAMNER la société AOSHIDA à verser à la société AEW [Localité 6] COMMERCES une indemnité égale à 10% des sommes impayées conformément aux dispositions du Bail ;
- CONDAMNER la société AOSHIDA à verser à la société AEW [Localité 6] COMMERCES la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNER la société AOSHIDA aux entiers dépens ".

Par dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 février 2023, la société Aoshida demande au tribunal de :
" RECEVOIR la société AOSHIDA en ses demandes, fins et conclusions,
Y FAISANT DROIT,
A TITRE PRINCIPAL :
DECLARER irrecevable la société ACTIPIERRE 3, désormais dénommée AEW [Localité 6] COMMERCES, en toutes ses demandes, fins et conclusions.
A TITRE SUBSIDIAIRE :
DEBOUTER la société ACTIPIERRE 3, désormais dénommée AEW [Localité 6] COMMERCES, de toutes ses demandes, fins et conclusion.
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
ACCORDER à la société AOSHIDA les plus larges délais.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
CONDAMNER la société ACTIPIERRE 3, désormais dénommée AEW [Localité 6] COMMERCES, au paiement de la somme de 17 989,03 € au titre de la restitution du trop-perçu de charges.
CONDAMNER la société ACTIPIERRE 3, désormais dénommée AEW [Localité 6] COMMERCES, au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNER la société ACTIPIERRE 3, désormais dénommée AEW [Localité 6] COMMERCES, en tous les dépens de la présente instance. "

Conformément à l'article 455 du code procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits de la cause, des prétentions et des moyens.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 14 septembre 2023. L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 29 avril 2024, mise en délibéré au 8 juillet 2024, date à laquelle le jugement a été rendu par mise à disposition au greffe.

*

MOTIFS DU JUGEMENT

Il sera rappelé à titre liminaire que les demandes des parties tendant à voir "dire et juger" ou "constater" ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l'article 4 du code de procédure civile. Elles ne donneront donc pas lieu à mention au dispositif.

Sur la recevabilité des demandes de la société AEW [Localité 6] Commerces

La société Aoshida soutient qu'en application des dispositions de l'article 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020, l'assignation délivrée par le bailleur le 17 mai 2021, ainsi que le commandement de payer du 28 octobre 2020 et la sommation du 30 avril 2021 sont irrecevables en ce qu'ils ont été délivrés pendant une période protégée par les dispositions spéciales instituées pour protéger notamment certains locataires pendant la période de crise sanitaire. Elle soutient qu'elle justifie être éligible à ce système de protection et que la sanction de la délivrance de ces actes est qu'ils sont irrecevables.

La société AEW [Localité 6] Commerces fait valoir que la société Aoshida ne démontre pas être éligible au mécanisme de protection de l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 et qu'en tout état de cause, le mécanisme de protection instauré par ce texte n'interdit pas au bailleur d'engager des poursuites mais suspend simplement l'effet de ces poursuites jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois après la levée des mesures administratives. Elle estime que le mécanisme de l'article 14 a cessé de s'appliquer au plus tard le 30 août 2021.

Aux termes de l'article 789 du code de procédure civile dans sa version entrée en vigueur le 1er janvier 2020, "lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
[…]
6° Statuer sur les fins de non-recevoir.
[…]
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état".

En application de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

L'article 789 du code de procédure civile issu du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 est entré en vigueur le 1er janvier 2020 et les dispositions des 3° et 6° sont applicables aux instances introduites à compter de cette date.

En l'espèce, le moyen d'irrecevabilité soulevé par la société Aoshida et tiré de l'irrecevabilité de l'instance introduite pendant une période juridiquement protégée, qui vise à mettre fin à l'instance en la déclarant irrecevable sans examen au fond, est une fin de non-recevoir qui aurait dû être soulevée devant le juge de la mise en état en application de l'article 789 6° du code de procédure civile, sa cause n'étant pas postérieure au dessaisissement de ce magistrat.

En conséquence, la fin de non-recevoir soulevée par la société Aoshida est irrecevable devant le tribunal.

Au surplus, il est rappelé que le mécanisme de protection instauré par l'article 14 de la loi du 14 novembre 2020 n'a pas remis en cause l'exigibilité des loyers de la période Covid ni le droit d'action des bailleurs mais simplement suspendu le recouvrement et les éventuelles sanctions du non-paiement des loyers pendant une période juridiquement protégée, laquelle a pris fin deux mois après la fin des mesures de fermeture administrative pour le commerce considéré.

Sur la demande en paiement de la société AEW [Localité 6] Commerces

La société AEW [Localité 6] Commerces fait valoir que l'arriéré locatif concerne principalement les 2ème, 3ème, 4ème trimestre 2020 et le prorata du 1er trimestre 2021 lesquels sont exigibles malgré la période de crise sanitaire ; qu'elle n'a fait preuve d'aucune mauvaise foi dans ses relations contractuelles avec sa locataire dans la mesure où elle a examiné les différentes solutions proposées par la société Aoshida ; que la Cour de cassation a confirmé dans des arrêts de principe l'exigibilité des loyers de la période considérée et l'absence de manquement à l'obligation de délivrance du bailleur. En application de l'article 1103 du code civil, la bailleresse expose que la société Aoshida est redevable d'une somme de 51.167,47 euros selon décompte du 11 octobre 2022 incluant des arriérés de loyers et des régularisations de charges pour les années 2018 à 20220, ainsi que des refacturations de frais d'huissiers et de travaux de remise en état.

La société Aoshida soutient que la bailleresse a fait preuve de mauvaise foi en refusant tous les aménagements de dette sollicités pendant la période particulièrement sensible de crise sanitaire ayant affecté l'activité de son commerce. Elle estime que la bailleresse n'a pas consenti de franchise de loyer alors qu'elle l'avait proposé et que la société Aoshida a répondu aux informations demandées pour la mise en place de cette mesure. Elle estime ensuite que la bailleresse a refusé deux solutions proposées qui auraient été respectueuses de ses droits, d'une part la cession du droit au bail et d'autre part une demande de résiliation anticipée du bail pour le 13 juillet 2020. Elle fait valoir que l'attitude du bailleur qui a entrainé la création de la dette réclamée caractérise une violation de l'obligation de bonne foi. Elle conteste par ailleurs les demandes au titre des régularisations de charges et de travaux de remise en état.

* Sur le manquement allégué à l'obligation de bonne foi de la bailleresse

Selon les articles 1134 ancien et 1728 du code civil, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, elles doivent être exécutées de bonne foi et le preneur est tenu de deux obligations principales, d'user de la chose louée raisonnablement et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail et de payer le prix du bail aux termes convenus.

En l'espèce, il est constant que le bail ayant lié les parties prévoyait en son article VII - Obligations financières, et son article IX - Conditions particulières, l'obligation de payer un loyer annuel, par échéances trimestrielles et d'avance, ainsi qu'une contribution aux charges payable par provision trimestrielle avec régularisation au moment de l'arrêté de compte de charges annuelles.

Il ressort du relevé de compte arrêté au 11 octobre 2022, versé aux débats par la société AEW [Localité 6] Commerces, que la société Aoshida a interrompu le paiement de ses loyers et charges à compter des échéances du 2ème trimestre 2020, soit après le début de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 dont les mesures de police administratives ont affecté le fonctionnement des commerces.

Par courrier du 22 mai 2020, le gestionnaire de la bailleresse informait la société Aoshida de l'accord de celle-ci pour consentir des adaptations dans les modalités d'exécution du contrat de bail, en particulier la mensualisation du paiement des loyers. La bailleresse informait sa locataire qu'elle était d'accord pour envisager une annulation de loyers sous réserve de la production d'une attestation comptable permettant de justifier des difficultés financières de la locataire, et sous réserve du paiement des loyers jusqu'au mois de juin 2020.

La société Aoshida reproche à sa bailleresse de ne pas avoir donné suite à cette proposition alors qu'elle a fait établir l'attestation sollicitée qu'elle verse aux débats. Toutefois, il est constant qu'elle n'a pas répondu à la deuxième condition posée par la bailleresse et consistant dans le paiement des loyers jusqu'au mois de juin 2020. Elle ne justifie pas avoir relancé la bailleresse concernant cette proposition, ni sollicité d'autres adaptations sur les modalités de paiement des loyers.

A compter du mois de mai 2020, la société Aoshida a envisagé une cession de son droit au bail et a sollicité sa bailleresse notamment par courrier électronique du 20 mai 2020. Il ressort des pièces produites par la société AEW [Localité 6] Commerces que la bailleresse n'a pas opposé de refus à ce projet de cession auquel elle a accordé un suivi en indiquant à la locataire et à son conseil les conditions qui devaient être remplies selon le bail, et les documents qu'elle sollicitait pour donner son accord, ainsi que cela ressort des courriers électroniques du 25 mai 2020, du 2 juillet et du 21 juillet 2020. Il ressort de ces pièces que la société Aoshida n'a pas produit les pièces sollicitées permettant à sa bailleresse de donner son accord au projet de cession du droit au bail.

S'agissant enfin de la demande de résiliation anticipée du bail au 13 juillet 2020, compte tenu de l'arriéré locatif existant et non réglé par la locataire, il ne peut être reproché à la bailleresse de ne pas avoir donné suite à cette demande à laquelle elle était libre de ne pas accéder.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Aoshida échoue à démontrer une quelconque violation à l'obligation de bonne foi de la part de sa bailleresse, laquelle s'est montrée ouverte à la recherche de solutions permettant d'adapter les obligations contractuelles de la locataire pendant la période de crise sanitaire.

Il convient en conséquence d'examiner si les demandes en paiement sont bien fondées.

* Sur les demandes en paiement

La société AEW [Localité 6] Commerces sollicite le paiement de diverses sommes dont les travaux de remise en état des locaux induit par l'installation par la locataire d'un monte-charge non autorisée par le bailleur. Concernant les charges, elle estime que le relevé de compte atteste que des redditions de comptes ont été effectuées pour les charges antérieures à 2018, jamais contestées par la locataire, que les justificatifs de régularisations de charges sont produits pour les années 2018 à 2020, que la demande de justificatifs avant 2018 se heurte à la prescription quinquennale, que toutes les sommes demandées sont dues en application des stipulations du contrat de bail qui est antérieur à la loi Pinel.

La société Aoshida conteste les demandes en paiement relatives aux provisions pour charges qu'elle estime non justifiées en l'absence de régularisation de charges fournies pour les paiements effectués depuis 2012. Elle estime que les provisions versées doivent lui être intégralement remboursées, les justificatifs de charges transmis uniquement pour 2018 et 2019 étant insuffisants. Elle soutient que des charges facturées au regard de ces justificatifs sont contestables telles que les charges relevant de grosses réparations de l'article 606 du code civil ou les honoraires de gestion non justifiés. Elle estime également que la demande en paiement pour remise en état des locaux n'est pas justifiée en l'absence d'état des lieux d'entrée et l'état des lieux de sortie faisant apparaitre des locaux conformes aux stipulations contractuelles, l'installation d'un monte-charge par la société Aoshida n'étant pas démontrée. Elle fait valoir que de nombreuses sommes du relevé de compte produit ne sont pas justifiées telles que les frais d'huissiers qui sont par ailleurs réclamées dans les dépens.

Il résulte de l'article 1315 devenu 1353 du code civil que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Il appartient au preneur d'établir qu'il s'est libéré du paiement des sommes contractuellement dû entre les mains de son bailleur.

En l'espèce, la société AEW [Localité 6] Commerces verse aux débats un décompte locatif arrêté au 11 octobre 2022 dont il ressort diverses sommes dont elle réclame le paiement pour un montant total de 51.167,47 euros.

Les sommes relatives aux échéances de loyers dues à compter du 2ème trimestre 2020 et jusqu'à la restitution des locaux le 13 février 2021 ne sont pas contestées. Il est constant qu'elles n'ont pas été payées et qu'elles sont dues en application des stipulations contractuelles.

- Sur les charges

S'agissant des charges dont le paiement de provisions depuis 2012 est contesté par la locataire en l'absence de régularisations par la bailleresse, il ressort de l'article VII - Obligations financières du contrat de bail, que le preneur doit rembourser au bailleur les charges afférentes au local loué et que " ce remboursement s'effectuera par appel d'une provision trimestrielle versée par le Preneur avec chaque terme. Pour tenir compte de la fluctuation des charges, le Bailleur pourra sur présentation des justificatifs modifier le montant de la provision pour charges.
A la clôture de chaque période annuelle, le montant des provisions versé sera régularisé en fonction de l'arrêté de compte de charges annuelles. "

La société AEW [Localité 6] Commerces produit un relevé de compte locatif couvrant toute la durée du bail dont il ressort que la bailleresse a effectivement procédé à des régularisations de charges pendant le cours du bail. Pour autant, elle ne justifie pas avoir produit les justificatifs des régularisations pour la période de 2012 à 2018 à l'occasion de ces régularisations et elle ne les produit pas davantage dans le cadre de la présente procédure.

En application des dispositions de l'article 789 du code de procédure civile, la bailleresse est irrecevable à invoquer la prescription de la demande de remboursement de charges non justifiées pour les années antérieures à 2018, une telle prescription qui n'a pas été soulevée devant le juge de la mise en étant ne pouvant plus être utilement invoquée devant le tribunal.

Au regard du décompte des provisions pour charges établi par la société Aoshida, et en l'absence de justificatifs pour ces provisions relatives aux années 2012 à 2018, la société AEW [Localité 6] Commerces sera condamnée à rembourser à la société Aoshida la somme de 11.917,23 euros (provisions pour charges 2012 à 2017 inclus).

S'agissant des charges relatives aux années 2018, 2019 et 2020, la société AEW [Localité 6] Commerces verse aux débats les répartitions de charges annuelles ainsi que les comptes de charges établis par le syndic de copropriété.

La société Aoshida conteste l'imputabilité au preneur de certaines sommes qui sont portées sur ces relevés, en particulier les appels de fonds relatifs au ravalement de courette, à la réfection de couverture, aux travaux édicule toiture, ainsi qu'aux honoraires de gestion.

Il ressort cependant de l'article VII - Obligations financières, 2°) Charges, du bail du 10 février 2012, antérieur à la loi du 18 juin 2014 dite " Pinel ", que le preneur remboursera au bailleur notamment les honoraires de gestion de l'administrateur de biens, les honoraires du syndic, toutes les dépenses d'entretien et de mise en conformité, " y compris les grosses réparations définies aux articles 605 et 606 du code civil ".

Il résulte de ces stipulations que la bailleresse pouvait imputer au preneur les honoraires de gestion. S'agissant des travaux, la bailleresse verse aux débats le procès-verbal d'assemblée générale des copropriétaires ayant voté les travaux dont il ne ressort pas qu'ils sont liés à la vétusté. Ces travaux dont la bailleresse confirme qu'ils relèvent de l'article 606 du code civil, ont été mis à la charge du preneur par l'effet des stipulations contractuelles, de sorte que l'imputabilité de ces charges au preneur ne peut être contestée.

Il résulte de ces éléments que les sommes réclamées au titre des régularisations de charges pour les années 2018, 2019 et 2020 sont dûment justifiées.

- Sur les frais d'huissiers

L'article VII - Obligations financières, 5°) Frais, du contrat de bail, stipule que tous les frais, droits et honoraires, notamment frais d'huissier, à l'occasion d'actions engagées pour obtenir l'exécution du contrat par le preneur, seront supportées par le preneur.

Il résulte du relevé de compte locataire arrêté au 11 octobre 2022, produit par la bailleresse à l'appui de sa demande en paiement, que des frais d'huissier y sont reportés. Au regard des pièces versées aux débats, ces frais correspondent au commandement de payer délivré le 28 octobre 2020 et à la sommation de payer du 30 avril 2021, de sorte que ces frais sont justifiés et leur imputabilité au preneur fondée sur les stipulations contractuelles.

- Sur le coût des travaux de remise en état

Il résulte de l'article VI - Charges et conditions, 3°) du contrat de bail que le preneur doit obtenir l'autorisation préalable et écrite du bailleur avant tous travaux entrainant percement de murs ou planchers, installation de machinerie.

La société AEW [Localité 6] Commerces verse aux débats l'état des lieux de sortie établi le 12 février 2021 avec le preneur dont il ressort la présence d'un monte-charge dans la boutique, reliant le rez-de-chaussée au sous-sol. Elle produit également le procès-verbal d'état des lieux établi à la sortie du précédent locataire, le 17 janvier 2012, soit moins d'un mois avant l'entrée dans les lieux de la société Aoshida, dont il ressort que le rez-de-chaussée et le sous-sol étaient reliés non par un monte-charge mais par une trappe avec un escalier en bois dont des photographies figurent au constat.

En l'absence d'état des lieux d'entrée de la société Aoshida, compte tenu de la proximité des dates de sortie du précédent locataire et d'entrée de la société Aoshida, la preuve de la modification des locaux par la société Aoshida sans autorisation du bailleur est suffisamment établie.

La bailleresse verse aux débats le devis et la facture des travaux réalisés pour la dépose du monte-charge et la mise en place d'un escalier en bois pour accéder au sous-sol.

Il en résulte que le montant des travaux et leur imputabilité au preneur est suffisamment établie.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la demande en paiement de la société AEW [Localité 6] Commerces est justifiée et que la société Aoshida sera condamnée au paiement de la somme de 51.167,47 euros, selon décompte établi au 11 octobre 2022.

La bailleresse sera condamnée à rembourser à la société Aoshida la somme de 11.917,23 euros au titre des provisions pour charges relatives aux années 2012 à 2018 dont il n'a pas été justifié.

Par application des articles 1289 ancien et suivants du code civil, la compensation jouera de plein droit entre les sommes dues réciproquement par les parties, à hauteur de la plus faible.

Sur la demande de condamnation aux intérêts et pénalités contractuels

La société AEW [Localité 6] Commerces sollicite l'application de l'intérêt de retard contractuellement prévu ainsi que la pénalité de 10% en cas d'inexécution contractuelle.

La société Aoshida estime que ces demandes sont formées de mauvaise foi en raison de l'interdiction des pénalités de retard prévues par l'article 4 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020.

L'article 1152 ancien, devenu 1231-5 du code civil dispose que lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

Aux termes de l'article 1153 devenu 1231-6 du code civil, les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal.

En l'espèce, il ressort de l'article VII - Obligations financières, 4°) du contrat de bail, qu'en cas de non-paiement à échéance du loyer dû, le bailleur percevra, 15 jours après une mise en demeure infructueuse, un intérêt de retard calculé sur le taux EURIBOR trois mois, majoré de 600 points de base, avec un minimum de 10% par an, ainsi d'une pénalité à hauteur de 10% des sommes restées impayées.

Le mécanisme de protection instauré par l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ayant pris fin après la fin des mesures administratives ayant affecté l'activité de la société Aoshida, les pénalités contractuelles ne peuvent être écartées sur ce seul fondement.

En revanche, les deux clauses qui déterminent par avance, et de manière forfaitaire pour la seconde, l'indemnisation du préjudice subi par le bailleur du fait du retard de paiement et de l'absence de paiement doivent s'analyser comme des clauses pénales.

Eu égard au contexte de crise sanitaire sans précédent, qui a eu pour conséquence des mesures de fermeture administrative des commerces non essentiels dont celui de la société Aoshida, qui a durablement affecté l'activité de la défenderesse, et compte tenu du fait qu'il n'est pas établi qu'elle avait déjà eu des impayés avant les fermetures administratives liées à la crise sanitaire, ces clauses apparaissent manifestement excessives.

Au regard de ce contexte très particulier, le montant de l'intérêt de retard appliqué aux sommes dues sera ramené au taux d'intérêt légal et la majoration forfaitaire sera ramenée à 1.000 euros.

En application de l'article 1154 du code civil dans sa version applicable au présent litige, les intérêts échus dus au moins pour une année entière sur l'ensemble de ces sommes seront capitalisés.

Sur la demande de délais de paiement

Selon l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier. Néanmoins, il appartient au débiteur de justifier le bien-fondé de sa demande, ses difficultés et sa bonne foi.

En l'espèce, la société Aoshida ne conteste pas n'avoir procédé à aucun règlement de loyer en gage de sa bonne foi depuis la restitution des locaux, laissant le bailleur confronté à des impayés pendant plusieurs années. Elle ne justifie d'aucun document relatif à sa situation financière actuelle de sorte qu'elle ne permet pas au tribunal d'apprécier sa situation ni d'envisager un quelconque échelonnement de la dette.

En conséquence, la demande de délais sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

La société Aoshida succombant à l'instance sera condamnée aux entiers dépens.

Elle sera condamnée à payer à la société AEW [Localité 6] Commerces la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande sur ce même fondement.

*
PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

Déclare irrecevable la fin de non-recevoir soulevée par la SARL Aoshida,

Condamne la SARL Aoshida à payer à la SCPI AEW [Localité 6] Commerces la somme de 51.167,47 euros au titre des arriérés de loyers et charges,

Dit que les intérêts au taux légal courront sur les sommes ci-dessus allouées à compter du présent jugement,

Dit que les intérêts au taux légal dus au moins pour une année entière seront capitalisés en application de l'article 1154 ancien du code civil,

Condamne la SCPI AEW [Localité 6] Commerces à payer à la SARL Aoshida la somme de 11.917,23 euros au titre des charges non justifiées pour les années 2012 à 2017 inclus,

Ordonne la compensation entre les sommes dues par chacune des parties, aux termes des condamnations prononcées par la présente décision, à hauteur de la plus faible,

Condamne la SARL Aoshida à payer à la SCPI AEW [Localité 6] Commerces la somme de 1.000 euros à titre de pénalité,

Déboute la SARL Aoshida de sa demande de délais de paiement,

Condamne la SARL Aoshida à payer à la SCPI AEW [Localité 6] Commerces la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SARL Aoshida de sa demande sur ce même fondement,

Condamne la SARL Aoshida aux entiers dépens de l'instance,

Fait et jugé à Paris le 08 Juillet 2024.

Le Greffier Le Président

Christian GUINAND Diana SANTOS CHAVES


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 18° chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 21/06901
Date de la décision : 08/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-08;21.06901 ?
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