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05/07/2024 | FRANCE | N°23/05778

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19ème chambre civile, 05 juillet 2024, 23/05778


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:



19ème chambre civile

N° RG 23/05778

N° MINUTE :

CONDAMNE

Assignation du :
19 et 24 Avril 2023

GC






JUGEMENT
rendu le 05 Juillet 2024
DEMANDEURS

Madame [Z] [R]
[Adresse 2]
[Localité 6]

ET

Monsieur [P] [R]
[Adresse 2]
[Localité 6]

ET

Madame [K] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 6]

ET

Monsieur [A] [R]
[Adresse 5]
[Localité 7]

représe

nté par Maître Frédéric LE BONNOIS de la SELARL Cabinet Rémy LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0299








Décision du 05 Juillet 2024
19ème chambre civile
N° RG 23/05778

DÉFENDERESSES

S.A. PACIFICA
...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:

19ème chambre civile

N° RG 23/05778

N° MINUTE :

CONDAMNE

Assignation du :
19 et 24 Avril 2023

GC

JUGEMENT
rendu le 05 Juillet 2024
DEMANDEURS

Madame [Z] [R]
[Adresse 2]
[Localité 6]

ET

Monsieur [P] [R]
[Adresse 2]
[Localité 6]

ET

Madame [K] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 6]

ET

Monsieur [A] [R]
[Adresse 5]
[Localité 7]

représenté par Maître Frédéric LE BONNOIS de la SELARL Cabinet Rémy LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0299

Décision du 05 Juillet 2024
19ème chambre civile
N° RG 23/05778

DÉFENDERESSES

S.A. PACIFICA
[Adresse 10]
[Localité 9]

représentée par Maître Patrice GAUD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0430

CPAM HAUTE SAVOIE
[Adresse 3]
[Localité 8]

non représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Géraldine CHABONAT, Juge, statuant en juge unique.

Assistée de Madame Célestine BLIEZ, greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 03 Mai 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 05 Juillet 2024.

JUGEMENT

- Réputé contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [Z] [T] épouse [R] âgée de 61 ans (pour être née le [Date naissance 4] 1958), salariée dans une entreprise familiale spécialisée dans la vente de véhicules tous terrain, a été victime le 2 mars 2020, d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule assuré par la compagnie PACIFICA, laquelle ne conteste pas le droit à indemnisation.

Transporté aux urgences du centre hospitalier Alpes Léman, il a été constaté que l’accident a été responsable d’une fracture tassement de la deuxième vertèbre lombaire Magerl A1, sans recul du mur postérieur, fracture de l’arc moyen de la septième côte gauche.

Madame [R] a ensuite été transférée à l’Hôpital [11] jusqu’au 7 mars 2020, avant de regagner son domicile.

La compagnie AXA France IARD, assureur de Madame [R], a versé à cette dernière des provisions à hauteur de 2.000 € et en application de la convention IRCA a diligenté une expertise médicale amiable réalisée par les docteur [W] et [H], lesquels ont conclu à l’absence d’état de consolidation.

La compagnie AXA France IARD a transféré le mandat de gestion à la société PACIFICA, laquelle a versé une provision complémentaire de 3.000 € et a diligenté une nouvelle expertise confiée aux Docteurs [N] (mandaté par PACIFICA) et le Docteur [C] (médecin-conseil de Madame [R]).

Les experts amiables ont déposé leur rapport le 14 juin 2022 et ont conclu comme suit :

- Hospitalisation imputable : du 2 mars 2020 au 7 mars 2020
- Arrêt de travail imputable : du 02 mars 2020 au 16 juin 2020
- Déficit fonctionnel temporaire :
Gêne temporaire
totale : du 02 mars 2020 au 07 mars 2020
partielle de classe III : du 08 mars 2020 au 8 avril 2020
temporaire partielle de classe II : du 09 avril 2020 au 16 juin 2020
partielle de classe I : du 17 juin 2020 au 01 mars 2021
- Date de consolidation : le 2 mars 2021 (62 ans)
- AIPP : 10%
- Souffrances endurées : 3,5/7
- Aide à la personne :
? 2 heures par jour du 08 mars 2020 au 08 avril 2020
? 1 heure par jour du 09 avril 020 au 15 juin 020
- Sur le plan professionnel : gêne pour le port de charges lourdes et pour le pilotage de quad sur terrain accidenté
- Préjudice d’agrément : gêne pour la pratique du ski alpin

Le 13 juillet 2022, PACIFICA a adressé à Madame [R] une offre d’indemnisation, laquelle a été refusée par cette dernière.

***

Par exploits d'huissier en date du 19 et 24 avril 2023, suivis de conclusions récapitulatives signifiées le 23 novembre 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, les consorts [R] sollicitent du tribunal :

- Déclarer [Z] [R] bien fondée en ses demandes et y faisant droit ;

- Condamner la Compagnie PACIFICA à indemniser intégralement [Z] [R] de ses préjudices ;

- Condamner la Compagnie PACIFICA à payer à [Z] [R] les sommes suivantes :

- 360,00 € au titre des frais mdicaux restés à sa charge,
- 3.529,30 € au titre des frais divers,
- 4.560,00 € au titre de l’assistance par une tierce personne temporaire,
- 575,28 € au titre des pertes de gains professionnels actuels,
- 30.000,00 € au titre de l’incidence professionnelle,
- 1.950,50 € au titre du Dficit Fonctionnel Temporaire,
- 8.000,00 € au titre des Souffrances Endures,
- 53.699,15 € au titre du Dficit Fonctionnel Permanent,
- 10.000,00 € au titre du prjudice d’agrément,
- 5.000,00 € au titre du prjudice sexuel,
- 4.000,00 € au titre des frais irrpétibles, en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, dont distraction au profit Maître Frédéric LE BONNOIS, en application des dispositions de l’article 699 du même code.

***
Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 18 janvier 2024, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société PACIFICA sollicite du tribunal :

Allouer à Madame [Z] [R] en réparation de son préjudice corporel les sommes
suivantes :

- Dépenses de santé actuelles : néant
- Frais divers : 2 777,97 €
- Aide humaine temporaire : 1 980 €
- Perte de gains professionnels actuels : 235,74 €
- Incidence professionnelle : 5 000 €
- Déficit fonctionnel temporaire : 1 547 €
- Souffrances endurées : 6 000 €
- Déficit fonctionnel permanent : 11 000 €
- Préjudice d’agrément : 1 000 €
- Préjudice sexuel : rejet

A titre subsidiaire :

Constater l’offre de PACIFICA complète et définitive au terme des présentes écritures,

Juger que la pénalité prévue par l’article L.211-13 du code des assurances aura pour assiette le montant des indemnités proposées par PACIFICA dans le cadre des présentes écritures, créance des tiers payeurs non comprises et qu’elle courra du 12 décembre 2022 au jour de la signification des présentes écritures,

En tout état de cause :

Débouter Madame [Z] [R] de toute autre demande plus ample ou contraire,

Débouter Monsieur [P] [R], Madame [K] [Y] et Monsieur [A] [R] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,

Prononcer toute condamnation en deniers ou quittance,

Limiter l’exécution provisoire de la décision à intervenir aux 1/3 des sommes qui seront
allouées,

Juger que chaque partie conservera la charge de ses dépens.

***

L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 mars 2024.

L’examen de l’affaire a été retenu à l’audience du 3 mai 2024.

A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 5 juillet 2024.

La CPAM de la Loire informe le tribunal par lettre du 22 mai 2023 qu'elle n'entend pas comparaître dans la présente instance et précise que l'état définitif de ses débours s'élève à la somme de 10.731,54 € dont 5.176,84 € ont été réglée par la compagnie d’assurance.

Cette dernière n’ayant pas constitué avocat, le présent jugement sera réputé contradictoire à l’égard de toutes les parties.

MOTIVATION

Sur le droit à indemnisation

La société PACIFICA ne conteste pas le droit à indemnisation de Madame [R] et sera tenue de réparer son entier préjudice ainsi que celui des victimes par ricochet.

Bien que réalisé dans un cadre amiable, le rapport d’expertise des Docteurs [N] et [C] présente un caractère complet, informatif et objectif. Il est corroboré par d’autres pièces médicales et les défendeurs, appelés à la procédure en un temps leur permettant d’en discuter librement les conclusions, n’y apportent aucune critique.

Dès lors, ce rapport apporte un éclairage suffisant pour statuer sur les demandes d’indemnisation.

Sur l'évaluation du préjudice

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Madame [R], âgée de 61 ans et salariée en qualité employée administrative dans l’entreprise familiale SAS [R] lors des faits, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu'en application de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d'application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge.

– PREJUDICES PATRIMONIAUX

- Frais divers

Madame [R] sollicite la somme totale de 3.529,30 €.

Sur les honoraires de médecins-conseil
L'assistance de la victime lors des opérations d'expertise par un, ou des, médecin conseil en fonction de la complexité du dossier, en ce qu'elle permet l'égalité des armes entre les parties à un moment crucial du processus d'indemnisation, doit être prise en charge dans sa totalité.

En l’espèce, Madame [R] sollicite la somme de 2.280 € s’agissant des honoraires du Docteur [H] qui a préparé son dossier en vue de l’expertise.

Par ailleurs, Madame [R] sollicite également la somme de 600 € en remboursement des honoraires qu’elle a versés pour que le Docteur [C] l’assiste lors de l’expertise.

Ces frais sont entièrement justifiés et participent à la défense de Madame [R] dans la phase pré-expertale et durant les opérations d’expertise.

Par conséquent, il y a lieu de condamner PACIFICA à verser à Madame [R] la somme de 2.280 €.

Frais de déplacements
Madame [R] sollicite la somme de 126,26 € sur la période du 2 au 7 mars 2020.

Cependant, force est de constater comme le relève à juste titre PACIFICA que cette dernière était hospitalisée à cette période.

En revanche, il y a lieu de mettre à la charge de PACIFICA les frais de déplacement à la médecine du travail soit 13,69 € (une demande au titre de l’incidence professionnelle étant formulée) de même que la somme de 131,38 € s’agissant des frais de déplacements engagés pour consulter sa psychologue.

A ce titre, contrairement à ce qu’allègue PACIFICA, l’expertise mentionne dans les commémoratifs que Madame [R] a consulté à 3 reprises une psychologue du fait des reviviscences de la scène de l’accident entraînant des troubles du sommeil.

Toutefois s’agissant de la demande frais de péages à hauteur de la somme de 35,70 €, ces derniers ne sont pas corroborés par la production de factures.

Dès lors, le montant au titre des frais de déplacement seront limités à 145,07 €.

Par conséquent, il y a lieu de condamner PACIFICA à verser à Madame [R] la somme totale de 2.425,07 €.

- Dépenses de santé

Madame [R] sollicite la somme de 360 € restée à sa charge au titre des honoraires de sa psychologue.

Force est de constater comme il a été jugé ci-avant que postérieurement à l’accident, les experts ont expressément consigné dans leur rapport que Madame [R] a souffert de troubles psychopathologiques justifiant la mise en place d'un traitement et la nécessité de consulter une psychologue à 3 reprises.

Par conséquent, il y a lieu de condamner PACIFICA à verser à Madame [R] la somme de 360 €.

- Assistance tierce personne

Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

En l’espèce, Madame [R] sollicite la somme de 4.560 € sur la base d’un taux horaire de 30 € tandis que PACIFICA offre une indemnisation à hauteur de 1.980 € soit 15 € de l’heure.

A l’appui de sa demande, Madame [R] entend être indemnisée sur la base de 412 jours et aux tarifs proposés par les association d’aide à la personne dont elle verse plusieurs devis.

Cependant Madame [R] ne justifie pas avoir eu recours aux services d’une association ou d’une entreprise d’aide à la personne.

A cet égard, comme il sera évoqué ci-après, Monsieur [R] sollicite également une indemnisation au titre de son préjudice moral (c’est-à-dire d’affection) au motif qu’il a assisté son épouse tant pour les tâches de la vie quotidienne (l’habillage, la préparation des repas) et les courses notamment que pour les tâches de la vie quotidienne ainsi que pour ses déplacements, Madame [R] n’étant pas en mesure de conduire.
Dès lors, il y a lieu d’indemniser Madame [R] sur la base d’un taux horaire de 18 €, s’agissant d’une aide n’ayant pas donné lieu au paiement de charges sociales.

A cet égard, les experts ont retenu un besoin en aide humaine pour les périodes suivantes :

2 heures par jour du 8 mars 2020 au 8 avril 2020 soit durant 32 jours (32j x 2 h x 18 € = 1.152 €)1 heure par jour du 9 avril 2020 au 15 juin 2020 soit durant 68 jours (68j x 1 h x 18 € = 1.224 €)
Par conséquent, il y a lieu de condamner PACIFICA à verser la somme de 2.376 €.

- Perte de gains professionnels avant consolidation

Il s'agit de compenser les répercussions de l'invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu'à la consolidation de son état de santé. L'évaluation de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d'une perte de revenus établie par la victime jusqu'au jour de sa consolidation.

En l’espèce, les experts ont retenu que l’accident a justifié un arrêt de travail du 2 mars au 16 juin 2020 (soit durant 106 jours).

Madame [R] sollicite à ce titre la somme de 575,28 €.

A l’examen de ses bulletins de paie, Madame [R] percevait la somme net après déduction de l’impôt sur les revenus la somme de 1.190,34 €.

Madame [R] aurait dû percevoir sur la période la somme de 4.928 € (4,14 mois x 1.190,34 €)

La CPAM lui a versé des indemnités journalières pour un montant de 4.692,26 €.

Par conséquent, Madame [R] accuse une perte de revenus de 235,74 € (4.928 € - 4.692,26 €), somme à laquelle il y a lieu de condamner PACIFICA.

- Incidence professionnelle

Ce poste d'indemnisation a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.

En l'espèce, Madame [R] sollicite la somme de 30.000 € tandis que PACIFICA entend réparer ce préjudice par l’allocation d’une somme de 5.000 €.

Les experts ont retenu l’existence sur le plan professionnel d’une gêne pour porter des charges lourdes et piloter un quad sur terrain accidenté, ce qui révèle l’existence d’une incidence professionnelle.

Madame [R] était employée et au vu de ses bulletin de paie assurait la gestion des tâches administratives.

Cependant, dans une petite entreprise familiale ayant pour objet notamment la vente de motoneiges et de quad, il est constant que les employés doivent faire l’objet d’une certaine polyvalence et accueillir notamment la clientèle.

A cet égard, il ressort de l’avis de la médecine du travail que Madame [R] est apte à reprendre son poste sous réserve de ne pas porter de charges lourdes supérieures à 5 kg à savoir installer des rails pour hisser les véhicules dans les camions, ne pas monter sur les machines pour les démonstrations clients positions, assise et debout pour les tâches administratives et par ailleurs éviter toutes tâches de ménage.

Dès lors, ces précisions induisent que Madame [R] ne se cantonnait pas à de simples tâches administratives.

Toutefois, au vu de son âge au moment de l’accident (61 ans), il y a lieu de considérer que si Madame [R] justifie d’une pénibilité accrue, sa dévalorisation sur le marché du travail est limitée et ce, d’autant que qu’elle exerçait ses fonctions dans une entreprise familiale qui n’avait pas vocation à la licencier.

Par ailleurs, il est constant qu’au vu de son curriculum vitae actualisé, Madame [R] a fait valoir ses droits à la retraite le 1er janvier 2023.

Par conséquent, l’offre de PACIFICA est satisfactoire et il y a lieu de la condamner à verser à Madame [R] la somme de 5.000 €.

– PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

- Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

En l’espèce, Madame [R] sollicite la somme de 1.950 € sur la base d’un taux journalier de 30 € tandis que la compagnie d’assurance offre la somme de 1.547 € soit 25 € par jour total de déficit.

Il convient d’indemniser la base d’une indemnisation de 28 € par jour pour un déficit total, les troubles dans les conditions d'existence subis par Madame [R] jusqu'à la consolidation de son état de santé.

A cet égard, les experts ont retenu les périodes suivantes :
Totale : du 2 mars 2020 au 7 mars 2020 soit durant 6 jours (6j x 28 € = 168 €)classe III du 8 mars 2020 au 8 avril 2020 soit durant 32 jours (32j x 28 € x 50 % = 448 €)classe II du 9 avril 2020 au 16 juin 2020 soit durant 69 jours (69j x 28 € x 25 % = 483 €)classe I du 17 juin 2020 au 1 mars 2021 soit durant 258 jours (258j x 28 € x 10% = 722,40 €)
Par conséquent, il y a lieu de condamner PACIFICA à verser à Madame [R] la somme de 1.821,40 €.

- Souffrances endurées

Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial et les traitements subis, s’agissant notamment du traumatisme thoracique, avec fracture costale et la facture de tassement du rachis ainsi que du long parcours de soins.

Les experts les ont cotées à 3,5/7 ce qui justifie l'allocation de la somme de 7.000 €.

- Préjudices extra-patrimoniaux permanents

- Déficit fonctionnel permanent

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.

Madame [R] sollicite la somme de 53.699,15 € tandis que PACIFICA entend indemniser ce poste de préjudice en fonction de son âge à la consolidation (62 ans) selon une valeur de point de 1100 soit la somme de 1.100 €.

A l’appui de sa demande, Madame [R] estime qu’il convient de l’indemniser sur la base d’une indemnité journalière (de 30 €) augmentée de 2 € au titre des souffrances éprouvées quotidiennement et de procéder à une capitalisation selon le barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2022 à -1% d’intérêts.

Cependant, la méthodologie dont il est demandé l’application, basée sur une indemnisation journalière en fonction du taux de déficit retenu et de l’esprance de vie de la victime, comme pour le déficit fonctionnel temporaire, ne tient pas compte du fait que ce poste est un poste permanent qui est distinct des autres préjudices permanents comme le préjudice d’agrément et le préjudice sexuel, qui font l’objet d‘un examen autonome, ce qui n’est pas le cas du poste de déficit fonctionnel temporaire qui englobe ces préjudices temporaires.

Dès lors, il convient d’écarter la méthodologie et le calcul et d’apprécier ce préjudice en fonction de l’âge de la victime au jour de la consolidation, des séquelles décrites et du taux de déficit retenu.

A cet gard, les experts ont fixé à 10% le taux d’AIPP en tenant compte des séquelles que Madame [R] conserve de l’accident à savoir d’une raideur en fin de course et des douleurs à la percussion au niveau de la charnière thoraco-lombaire auquel s’ajoute le retentissement psychologique.

Par conséquent, Madame [R] étant âgée de 62 ans au jour de la consolidation de son état de santé, il convient de lui allouer la somme de 13.200 € soit en appliquant une valeur de point d’incapacité fixé à 1320.

- Préjudice d'agrément

Ce préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident et également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités, sous réserve de la production de pièces le justifiant.

En l'espèce, Madame [R] sollicite la somme de 10.000 € tandis que PACIFICA formule une offre d’indemnisation à hauteur de 1.000 € au motif que celle-ci ne produit que des attestations, que les experts n’ont pas retenu l’existence de ce poste de préjudice et qu’ils ont indiqué que Madame [R] présentait un gêne sans contre-indication médicale pour la pratique du ski alpin.

Il est constant qu’aux termes de leurs conclusions expertales, les Docteur [N] et [C] n’ont évoqué que la pratique du ski alpin.

Cependant, force est de constater que dans le recueil de ses doléances, les experts ont consigné que Madame [R] craignait toujours de tomber lors des randonnées et que porter un sac à dos lui est désormais impossible et qu’elle n’a pas repris le ski alpin ayant également peur de chuter.

Madame [R] a aussi fait part aux experts que si elle avait repris le vélo, elle n’arrive plus à trouver la bonne position sans éprouver de douleurs, ce qui l’oblige à raccourcir ses sorties.

Par ailleurs, il est versé aux débats plusieurs attestations, lesquelles n’ont pas à être écartées et sont suffisamment probantes pour constater que Madame [R] pratiquait l’ensemble de ces activités sportives.

Par conséquent, l’existence du préjudice d’agrément est établi et il y a lieu de condamner PACIFICA à verser à Madame [R] la somme de 5.000 €.

- Préjudice sexuel

La victime peut être indemnisée si l’accident a atteint, séparément ou cumulativement mais de manière définitive, la morphologie des organes sexuels, la capacité de la victime à accomplir l’acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir.

En l’espèce, Madame [R] sollicite l’allocation d’une somme de 5.000 € tandis que PACIFICA conclut au rejet.

Force est de constater que les experts n’ont pas caractérisé l’existence d’un préjudice sexuel.

Par ailleurs, si Madame [R] allègue dans ses écritures conserver une raideur en fin de course de l’axe thoraco-lombaire et des douleurs à la percussion au niveau de la charnière thoraco-lombaire ne permettant plus des positions et certaines pratiques sexuelle, force est de constater qu’elle ne les a pas évoqué ces difficultés lors des opérations expertales, n’indiquant comme doléances sur ce point qu’elle n’avait plus les mêmes rapports sexuels avec son époux qu’antérieurement à l’accident.

A ce titre, il convient de rappeler que Madame [R] était assistée de son médecin conseil pendant les opérations d’expertise et son avocat, lequel n’a pas rédigé de Dire.

Par conséquent, il y a lieu de débouter Madame [R] de sa demande.

Sur les demandes des victimes par ricochet

Sur les préjudices de Monsieur [P] [R]
Monsieur [P] [R] sollicite la somme de 10.000 € au titre de son préjudice moral (plus communément appelé préjudice d’affection) et la somme de 5.000 € au titre de son préjudice sexuel.

Cependant, l’existence d’un préjudice sexuel n’est pas établi comme jugé ci-avant.

Quant au préjudice d’affection, il répare le préjudice que subissent certains proches à la suite de la survie handicapée et à la vue de la douleur de la déchéance et de la souffrance de la victime directe.

A l’appui de sa demande, Monsieur [R] expose qu’il a dû s’occuper des tâches quotidiennes et aider son épouse pour se faire ce qui relève de l’assistance tierce personne comme le souligne justement PACIFICA.

Toutefois, Monsieur [R] indique souffrir de voir son épouse limitée dans ses gestes quotidiens auquel s’ajoute le fait qu’il ne peut plus pratiquer avec elle leurs activités sportives habituelles à savoir la randonnée, le vélo, le ski qui faisaient partie intégrante de leur vie de couple.

Il y a lieu de rappeler que le taux d’AIPP dont souffre son épouse n’est que de 10%.

Par conséquent, si Monsieur [R] justifie d’un préjudice d’affection, il n’y a lieu de lui allouer que la somme de 1.000 €.

Sur le préjudice d’affection des enfants
Il est sollicité la somme de 5.000 € pour chacun des deux enfants.

A l’appui de leurs demandes, ils exposent qu’ils se sont rendus à son chevet, en adaptant leur vie personnelle pour être présents régulièrement à ses côtés.

Ils précisent également que ces derniers sont affectés des séquelles que leur mère présente depuis la survenance de l’accident et qu’ils ne peuvent plus partager leurs activités sportives communes, notamment le ski.

Par conséquent, il y a lieu d’allouer à chacun des enfants la somme de 1.500 €.

Sur le doublement des intérêts au taux légal

Aux termes de l'article L 211-9 du code des assurances, une offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximal de 8 mois à compter de l'accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive doit alors être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation. En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique.

Lorsque l'assureur n'est pas informé de la consolidation de l'état de la victime dans les trois mois suivant l'accident, il doit faire une offre d'indemnisation provisionnelle dans un délai de huit mois à compter de l'accident. L'offre définitive doit être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation.

A défaut d'offre dans les délais impartis par l'article L 211-9 du code des assurances, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit, en vertu de l'article L 211-13 du même code, des intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

En l’espèce, l’accident a eu lieu le 2 mars 2020.

PACIFICA a présenté une offre d’indemnisation définitive à Madame [R] le 13 juillet 2022, soit dans le délai légal.

Cependant, force est de constater que cette offre est insuffisante dans la mesure où PACIFICA n’a proposé aucune indemnité au titre de l’incidence professionnelle et du préjudice d’agrément.

A cet égard, PACIFICA ne saurait prétendre que les experts n’auraient pas retenu ces deux postes de préjudices alors que, comme il a été jugé ci-avant, ces deux postes de préjudices ont fait l’objet d’une évaluation, la restriction au port de charges lourdes caractérisant l’existence d’une incidence professionnelle, laquelle a donné lieu à la nécessité d’un aménagement du poste de travail de Madame [R] tel que préconisé par la médecine du travail et la gêne à la pratique du ski alpin qui caractérise également l’existence d’un préjudice d’agrément même si ce dernier est limité dans son importance.

Cependant, une offre ayant été effectuée par voie de conclusions le 20 juin 2023, il y a lieu de dire que le montant de cette offre, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, produira intérêts au double du taux de l'intérêt légal du 14 novembre 2022 (5 mois après le dépôt du rapport d’expertise déposé le 14 juin 2022) au 20 juin 2023.

Sur l’article 700 et les dépens

Il y a lieu de condamner PACIFICA à verser aux consorts [R] la somme globale et totale de 2.500 € au titre des dispositions du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens qui pourront être recouvrés directement par la SELARL LE BONNOIS représentée par Me Frédéric LE BONNOIS pour ceux dont elle a fait l’avance sans avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

En application de l’article 514 du code de procédure civile en vigueur au jour de l’assignation, l’exécution provisoire est de droit.

Les intérêts des sommes allouées courront à compter du jugement en vertu de l’article 1231-7 du code civil et seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code de procédure civile.

Par contre, rien ne justifie de faire exception aux règles de tarification des émoluments des huissiers de justice en matière d'exécution forcée en application de l'article 10 du décret du 12 décembre 1996.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

DIT que le droit à indemnisation de Madame [Z] [T] épouse [R] des suites de l’accident de la circulation survenu le 2 mars 2020 est entier,

CONDAMNE la société PACIFICA à verser à Madame [Z] [T] épouse [R] à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, en réparation des préjudices suivants :

Frais divers : 2.425,07 €Dépenses de santé actuelles : 360 €Assistance par tierce personne : 2.376 €Perte de gains professionnels actuels 235,74 €Incidence professionnelle : 5.000 €Déficit fonctionnel temporaire : 1.821,40 €Souffrances endurées : 7.000 €Déficit fonctionnel permanent : 13.200 €Préjudice d’agrément : 5.000 € DÉBOUTE Madame [Z] [T] épouse [R] de sa demande formulée au titre du préjudice sexuel,

CONDAMNE la société PACIFICA à payer à Madame [Z] [T] épouse [R] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'offre effectuée le 13 juillet 2022, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 14 novembre 2022 et jusqu'au 20 juin 2023,

CONDAMNE la société PACIFICA à Monsieur [P] [R] la somme de 1.000 € au titre de son préjudice d’affection,

DÉBOUTE Monsieur [P] [R] de sa demande formulée au titre du préjudice sexuel,

CONDAMNE la société PACIFICA à payer à [K] [Y] et à [A] [R] la somme de 1.500 € au titre de leur préjudice d’affection,

DIT que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil ;

CONDAMNE la société PACIFICA à verser à Madame [Z] [T] épouse [R], Monsieur [P] [R] et à [K] [Y] et [A] [R] la somme globale de 2.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société PACIFICA aux dépens dont distraction au profit de la SELARL LE BONNOIS représentée par Monsieur [F] [I] pour ceux dont elle a fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

DÉCLARE le présent jugement commun à la CPAM de Haute-Savoie,

DIT que le présent jugement est entièrement assorti de l’exécution provisoire,

REJETTE la demande relative à la prise en charge exclusive du débiteur des frais d'exécution forcée;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Fait et jugé à Paris le 05 Juillet 2024

Le Greffier La Présidente
Célestine BLIEZ Géraldine CHABONAT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/05778
Date de la décision : 05/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-05;23.05778 ?
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