TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
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Charges de copropriété
N° RG 19/04540
N° Portalis 352J-W-B7D-CPUAT
N° MINUTE :
Assignation du :
10 Avril 2019
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 04 Juillet 2024
DEMANDEUR
Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4], représenté par son syndic, le CABINET SOLIGNAC ET LACAZE IMMOBILIER, S.A.S
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Cécile IDIART, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C1931
DÉFENDERESSES
S.A.S. STORMY, représentée par son mandataire liquidateur, la SELARL JSA, prise en la personne de Maître [C] [V]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Me Nathalie CHEVALIER, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, avocat plaidant, vestiaire #PC143
Intervention forcée
S.E.L.A.R.L. AJASSOCIES, prise en la personne de Maître [A] [B], Administrateur Judiciaire Associé, ès qualité de mandataire successoral des successions de Monsieur [R], [Z], [P], [U] [F] [X] [E] et de Madame [W] [T] [Y] épouse [F] [X] [E]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Maître Alexandre OPSOMER de la SCP OPSOMER, avocat au barreau de Versailles , avocat plaidant, vestiaire #481 et par Me Gwenaël SAINTILAN de la SELARL GWENAEL SAINTILAN AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #D1545
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
Monsieur Olivier PERRIN, Vice-Président,
assisté de Line-Joyce GUY, Greffière.
DÉBATS
A l’audience publique du 06 Juin 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 04 Juillet 2024.
ORDONNANCE
- Contradictoire
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
EXPOSÉ DE LA PROCÉDURE
La SAS STORMY, créée en 2013, était présidée par Monsieur [R] [F] [X] [E].
La société, qui avait pour activité principale l’acquisition, la vente et la gestion de tous meubles, valeurs mobilières et immeubles, était propriétaire de deux lots (n°16 et 17) au sein de la copropriété située au [Adresse 4].
Par jugement en date du 26 novembre 2014, le tribunal de grande instance de Paris a ordonné la réintégration de biens acquis par la société STORMY, dont les lots précités, dans le patrimoine de Madame et Monsieur [F] [X] [E].
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Le syndicat des copropriétaires, estimant que la SAS STORMY n'avait pas payé les charges dues à hauteur de 38.302,68 euros pour la période du 16 mars 2012 au 19 mars 2019, a fait délivrer une première assignation à la société STORMY le 10 avril 2019.
À la suite de la désignation de la SARL AJRS en qualité d’administrateur provisoire de la société STORMY par ordonnance du président du tribunal de commerce de Versailles en date du 9 avril 2019, une deuxième assignation a été délivrée à l’administrateur le 29 mai 2019 pour régulariser la procédure à son encontre.
La société STORMY faisant l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire prononcée par jugement du tribunal de commerce de Versailles rendu le 23 mai 2019 et désignant la SELARL JSA en qualité de liquidateur, le syndicat a régularisé la procédure à l’encontre du liquidateur de la société STORMY.
Par jugement du tribunal judiciaire de Versailles du 8 avril 2021, la SELARL AJASSOCIES (Maître [A] [B]) a été désignée en qualité de mandataire judiciaire des successions de Monsieur et Madame [F] [X] [E], décédés respectivement en 2015 et 2018.
Par acte du 14 février 2023, le syndicat des copropriétaires a assigné en intervention forcée la SELARL AJASSOCIES (Maître [A] [B]) « ès qualités » afin que la succession [F] [X] [E] soit condamnée à payer les charges de copropriété demeurées impayées.
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Par conclusions d’incident signifiées le 25 octobre 2013, la SELARL AJASSOCIES (Maître [A] [B]) a soulevé un incident, consistant en la prescription quinquennale de l’action du syndicat des copropriétaires pour les charges appelées sur la période du 16 mars 2012 au 14 février 2018 à hauteur de la somme de 33.302,68 euros.
Appelée à l'audience du 06 juin 2024, l'affaire a été mise en délibéré au 04 juillet 2024.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Au termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 7 mai 2024, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 4], demandeur à l'instance et défendeur à l'incident, a demandé au juge de la mise en état :
« Vu les articles 2222 et 2224 et suivants du cpc ;
Vu l’assignation délivrée le 14 février 2023 à la SELARL AJASSOCIES es qualité de mandataire successoral des successions [E] ;
Débouter la Selarl AJASSOCIES de sa demande tendant à faire juger l’irrecevabilité des demandes du syndicat des copropriétaires ;
Débouter la Selarl AJASSOCIES de sa demande tendant à faire juger que la demande portant sur les appels de charges et travaux pour la période du 16 mars 2012 au 1er février 2018 est prescrite ;
Limiter les effets de la prescription aux appels de fonds appelés sur la période du 16 mars 2012 au 1er janvier 2013 et représentant la somme totale de 10 896,30 € ;
Renvoyer au fond pour conclure sur les charges non prescrites et correspondant aux charges dues pour la période du 1er avril 2013 au 6 mai 2024 ;
Fixer un calendrier de procédure avec clôture et plaidoiries pour tenir compte de l’urgence qui existe pour le syndicat à obtenir un titre exécutoire ;
Débouter la Selarl AJASSOCIES de sa demande au titre de l’article 700 du CPC ;
Dire que les dépens de la présente instance suivront le sort de ceux de l’instance principale ».
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Au termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 21 mars 2024, la SELARL AJASSOCIES, prise en la personne de Maître [A] [B], administrateur judiciaire associé, en sa qualité de mandataire successoral des successions de Monsieur [R] [F] [X] [E] et de Madame [W] [Y] épouse [F] [X] [E], défendeur ès qualités à l'instance et demandeur à l'incident, a demandé au juge de la mise en état :
« Vu l’article 789 du Code de procédure civile,
Vu les articles 10-1 42 de la loi n°65-557 en date du 10 Juillet 1965,
Vu les articles 2224 et 1345-5 du code civil,
Vu les articles 31, 122,125, 514 et 700 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats et les jurisprudences citées,
Il est demandé au Juge de la mise en état de :
JUGER le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4] irrecevable en ses demandes à l’encontre de la SELARL AJASSOCIES prise en sa qualité de mandataire successoral des successions de Monsieur et Madame [F] [X] [E], en ce qu’il ne justifie d’aucun intérêt à agir ;
DÉBOUTER le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4] de ses demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens ;
CONDAMNER le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 4] à verser à la SELARL AJASSOCIES prise en sa qualité de mandataire successoral des successions de Monsieur et Madame [F] [X] [E] une somme de 10.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens ».
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La société JSA, agissant en sa qualité de mandataire judiciaire de la SAS STORMY, a indiqué par message électronique « RPVA » du 5 juin 2024 que l'incident ne la concernait pas et qu'elle ne concluerait pas sur celui-ci.
MOTIFS DE LA DECISION
La SELARL AJASSOCIES, prise en la personne de Maître [A] [B], administrateur judiciaire associé, en sa qualité de mandataire successoral des successions de Monsieur [R] [F] [X] [E] et de Madame [W] [Y] épouse [F] [X] [E], a soutenu :
- qu'un acte interruptif de prescription n’a d’effet interruptif qu’à l’égard duquel il est établi ;
- que l’assignation signifiée à l’encontre de la société STORMY puis des organes de la procédure collective de cette dernière ne sauraient valablement interrompre la prescription à l’encontre de la SELARL AJASSOCIES ;
- que la procédure ayant été engagée par acte du 14 février 2023, toute demande au titre de charges antérieures au 14 février 2018 ne pourra qu’être déclarée prescrite ;
- que la demande effectuée au titre des charges se fonde pour une part notable sur des charges antérieures au 14 février 2018, puisque le décompte, édité par le syndicat demandeur au titre de cette cette créance, postérieur à cette date, laisse apparaître une créance de 5.132,02 euros ;
- qu'il résulte de ce qui précède que la demande au titre des charges impayées de 38.302,68 euros dont se prévaut le syndicat des copropriétaires est assise sur des créances prescrites à hauteur de 33.170,66 euros (en l'occurrence : 38.302,68 euros – 5.132,02 euros).
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L'article 2224 du code civil énonce que :
« Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. »
L'article 2222 du code civil dispose que :
« La loi qui allonge la durée d'une prescription ou d'un délai de forclusion est sans effet sur une prescription ou une forclusion acquise. Elle s'applique lorsque le délai de prescription ou le délai de forclusion n'était pas expiré à la date de son entrée en vigueur. Il est alors tenu compte du délai déjà écoulé.
En cas de réduction de la durée du délai de prescription ou du délai de forclusion, ce nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. »
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Il est constant que la loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite « loi ELAN », est entrée en vigueur le 25 novembre 2018 et a réduit le délai de prescription en matière de droit de la copropriété.
Le délai de prescription, jusqu'alors fixé à 10 ans, a été réduit à 5 ans.
La loi n°2018-1021 du 23 novembre 2018 a prévu que les dispositions précitées de l’article 2224 du code civil relatives au délai de prescription et à son point de départ seraient applicables aux actions personnelles relatives à la copropriété entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndicat.
L’application combinée de la loi ELAN et de l'article 2222, alinéa 2 du code civil (raccourcissement d'un délai de prescription) a pour effet que la réduction du délai de prescription a été progressive dans le temps :
- d'une part, le nouveau délai de 5 ans a couru à partir de cette date, et ce n'est qu'à compter du 25 novembre 2023 que le délai de prescription de 5 ans s’est appliqué de façon définitive ;
- d'autre part, pour toutes les actions introduites avant le 25 novembre 2023, le délai de prescription était toujours décennal.
En l'espèce, la demande du syndicat des copropriétaires concerne des charges appelées depuis le 16 mars 2012, et l’assignation a été délivrée à l'égard de la SELARL AJASSOCIES le 14 février 2023.
Pour des demandes formulées avant le 25 novembre 2023 (en l'occurrence le 14 février 2023), la prescription décennale était alors applicable et concernait la période du 14 février 2013 au 14 février 2023 (et plus précisément la demande en paiement de charges échues depuis le 14 février 2013).
La demande en paiement des charges échues pour la période du 14 février 2013 au 19 mars 2019 était donc recevable.
En revanche, la demande en paiement des charges échues pour la période du 16 mars 2012 au 14 février 2013 était irrecevable pour cause de prescription décennale.
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S'agissant du calcul de la somme dont la demande en paiement est irrecevable, le juge de la mise en état est dans l'incapacité de dire si elle s'élève à la somme de 10.896,30 euros comme l'affirme le syndicat des copropriétaires. Les parties sont invitées à vérifier le calcul de cette somme. En cas de désaccord, le juge de la mise en état pourrait de nouveau être saisi avec présentation d'un décompte précis et des pièces afférentes.
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Compte tenu de l'équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile concernant le présent incident.
Les dépens sont réservés et suivront le sort de l'instance principale.
L'exécution provisoire est de droit.
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L'affaire est renvoyée à la mise en état.
Le juge de la mise en état constate que dans ses conclusions du 30 juin 2023, maître [G] et maître [V], agissant pour la société STORMY et la société JSA, avaient soulevé une irrecevabilité et une absence de déclaration de créances.
Maître [G] et maître [V], agissant pour la société STORMY et la société JSA, sont invités à indiquer si cette demande d'irrecevabilité est maintenue, et dans l'affirmative les autres parties sont invitées à y répondre.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal judiciaire, statuant publiquement, par jugement contradictoire, non susceptible d'appel mais susceptible d'appel avec le jugement statutant au fond (article 795 du code de procédure civile), par mise à disposition au greffe :
CONSTATE que la présente ordonnance, qui ne concerne ni une mesure d'expertise, ni un sursis à statuer, et qui ne tranche pas une partie du fond, ne peut être frappée d'appel ou de pourvoi en cassation qu'avec le jugement statuant sur le fond ;
DÉCLARE RECEVABLE l'action du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 4] consistant en des demandes en paiement formulées à l'encontre de la SELARL AJASSOCIES, prise en la personne de Maître [A] [B], administrateur judiciaire associé, en sa qualité de mandataire successoral des successions de Monsieur [R] [F] [X] [E] et de Madame [W] [Y] épouse [F] [X] [E], en ce qui concerne la période du 14 février 2013 au 19 mars 2019 ;
DÉCLARE IRRECEVABLE l'action du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 4] consistant en des demandes en paiement formulées à l'encontre de la SELARL AJASSOCIES, prise en la personne de Maître [A] [B], administrateur judiciaire associé, en sa qualité de mandataire successoral des successions de Monsieur [R] [F] [X] [E] et de Madame [W] [Y] épouse [F] [X] [E], en ce qui concerne la période du 16 mars 2012 au 14 février 2013 en raison de la prescription décennale applicable ;
DIT être dans l'impossibilité, en l'état, de dire si la somme frappée par la prescription s'élève à la somme de 10.896,30 euros comme l'affirme le syndicat des copropriétaires ; INVITE les parties à vérifier le calcul de cette somme ; DIT qu'en cas de désaccord, le juge de la mise en état pourrait de nouveau être saisi avec présentation d'un décompte précis et des pièces afférentes ;
DIT n'y avoir pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile concernant le présent incident et DÉBOUTE les parties de leurs prétentions à ce sujet ;
DIT que les dépens sont réservés et suivront le sort de l'instance principale ;
ORDONNE l'exécution provisoire ;
CONSTATE que dans ses conclusions du 30 juin 2023, maître [G] et maître [V], agissant pour la société STORMY et la société JSA, avaient soulevé une irrecevabilité et une absence de déclaration de créances ;
INVITE Maître [G] et maître [V], agissant pour la société STORMY et la société JSA, à indiquer avant le 15 septembre 2024 si cette demande d'irrecevabilité est maintenue ;
INVITE, dans l'affirmative, les autres parties à y répondre avant le 30 novembre 2024 ;
RENVOIE l'affaire à l'audience du 06 mars 2025 à 10H00 pour plaider sur l'incident, ou à défaut pour envisager une date de plaidoirie au fond.
Faite et rendue à Paris le 04 Juillet 2024.
La Greffière Le Président