TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître MENDES-GIL
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître BOULAIRE
SCP B.T.S.G
Pôle civil de proximité
■
PCP JCP fond
N° RG 23/04048 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZ2KZ
N° MINUTE :
6 JCP
JUGEMENT
rendu le mercredi 03 juillet 2024
DEMANDEUR
Monsieur [M] [C],
demeurant [Adresse 3]
représenté par Maître BOULAIRE, avocat au barreau de Douai
DÉFENDERESSES
Société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la S.A SYGMA BANQUE,
dont le siège social est sis Sis [Adresse 1]
représentée par Maître MENDES-GIL, avocat au barreau de Paris, vestiaire #P173
S.C.P. B.T.S.G en sa qualité mandataire liquidateur de la SAS NEXT GENERATION FRANCE,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
non comparante, ni représentée
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Véronique JACOB, Première vice-présidente adjointe, juge des contentieux de la protection assistée de Laura JOBERT, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 02 avril 2024
JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 03 juillet 2024 par Véronique JACOB, Première vice-présidente adjointe assistée de Laura JOBERT, Greffier
Décision du 03 juillet 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/04048 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZ2KZ
EXPOSE DU LITIGE
M. [M] [C], a commandé auprès de la SAS NEXT GENERATION FRANCE, après démarchage à domicile, selon bon de commande n° JL221301111357 du 11 janvier 2013, une installation photovoltaïque avec isolation des combles pour la somme de 30 300,00 euros.
L’opération était entièrement financée par un prêt d’un montant de 30 300,00 euros, souscrit également le 11 janvier 2013 par M. [M] [C] auprès de la SA SYGMA BANQUE, remboursable en 180 mensualités d’un montant de 300,26 euros, assurance facultative incluse, au TAEG de 5,25 % (taux débiteur de 5,16 %) après franchise de 12 mois.
Les fonds ont été débloqués le 22 février 2013.
En raison du non-achèvement des travaux, lié à la procédure de liquidation judiciaire de la société NEXT GENERATION France, un protocole d’accord signé entre SYGMA BANQUE et M. [M] [C], le 18 février 2014 a prévu la prise en charge par la banque des travaux d’achèvement effectués par SWEETCOM et une baisse du taux débiteur à 4,16 % (taux annuel effectif global de 4,25%) soit une mensualité de 283,89 euros à compter du 24 mars 2014.
Par actes de commissaire de justice en date des 26 et 27 avril 2023, M. [M] [C] a assigné respectivement la SCP BTSG, prise en la personne de Me [I], liquidateur judiciaire de la SAS NEXT GENERATION FRANCE et la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la SA SYGMA BANQUE, afin que soit prononcée l’annulation des contrats de vente et de crédit affecté du 11 janvier 2013 ainsi que la déchéance des droits aux intérêts de la banque.
L’affaire a été appelée pour la première fois à l’audience du 4 octobre 2023 et a fait l’objet de plusieurs renvois afin de permettre aux parties de se mettre en état.
A l’audience du 2 avril 2024 à laquelle l’affaire est appelée pour plaidoiries, M. [M] [C] représenté par son conseil, dépose des conclusions, auxquelles il déclare se référer et en vertu desquelles il demande au juge de céans de :
- DECLARER les demandes de M. [M] [C] recevables et bien-fondées ;
- PRONONCER la nullité du contrat de vente conclu entre M. [M] [C] et la société NEXT GENERATION FRANCE ;
- METTRE A LA CHARGE de la liquidation judiciaire de la société NEXT GENERATION FRANCE l’enlèvement de l’installation litigieuse et la remise en état de l’immeuble à ses frais ;
- PRONONCER en conséquence la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre M. [M] [C] et la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société SYGMA BANQUE ;
- CONSTATER que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la SA SYGMA BANQUE, a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et la condamner à procéder au remboursement de l’ensemble des sommes versées par M. [M] [C] au titre de l’exécution normale du contrat de prêt litigieux
- CONDAMNER la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société SYGMA BANQUE, à verser à M. [M] [C] l’intégralité des sommes suivantes :
- 30 300,00 € correspondant à l’intégralité du prix de vente de l’installation ;
- 20 673,00 € correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par Monsieur [M] [C] à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société SYGMA BANQUE, en exécution du prêt souscrit ;
- 5 000,00 € au titre du préjudice moral ;
- 4 000,00 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
En tout état de cause,
- PRONONCER la déchéance du droit aux intérêts contractuels à l'encontre de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société SYGMA BANQUE ;
- DEBOUTER la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société SYGMA BANQUE, et la société NEXT GENERATION FRANCE de l'intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions contraires ;
- CONDAMNER la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, venant aux droits de la société SYGMA BANQUE, à supporter les dépens de l'instance ;
La SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la SA SYGMA BANQUE (ci-après BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE), représentée par son conseil, dépose des écritures qu'elle fait viser, auxquelles elle déclare se référer à l'audience et en vertu desquelles elle demande au juge de céans de :
- DECLARER la demande de M. [M] [C] en nullité du contrat conclu avec la société NEXT GENERATION FRANCE sur le fondement d’irrégularités formelles irrecevable car prescrite ;
- DECLARER la demande de M. [M] [C] en nullité du contrat conclu avec la société NEXT GENERATION FRANCE sur le fondement du dol irrecevable car prescrite ;
-DECLARER en conséquence irrecevables les demandes de M. [M] [C] en nullité du contrat de crédit conclu avec la société SYGMA BANQUE et en privation de la créance de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE en restitution du capital prêté ; A tout le moins, les REJETER du fait de la prescription de l’action en nullité du contrat conclu avec la société NEXT GENERATION FRANCE, et REJETER toutes autres demandes, fins et conclusions formées à l’encontre de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE ; A tout le moins, DECLARER irrecevable l’action en responsabilité formée contre la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE car prescrite ;
En tout état de cause,
- CONDAMNER M. [M] [C] à verser à la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- CONDAMNER M. [M] [C] aux entiers dépens de l'instance.
Subsidiairement, en cas de rejet de la fin de non-recevoir tirée de la prescription quinquennale,
ORDONNER la réouverture des débats pour que la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE puisse produire les éclaircissements nécessaires au fond et RENVOYER à une audience ultérieure.
Il sera référé aux écritures des parties déposées à l’audience pour un plus ample exposé de leurs moyens en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
La SCP BTSG, prise en la personne de Me [I], liquidateur judiciaire de la SAS NEXT GENERATION FRANCE, régulièrement convoquée, ne comparaît pas et n'est pas représentée.
Conformément à l’article 473 du Code de procédure civile, le jugement à intervenir sera réputé contradictoire à l’égard de tous.
A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et rendue ce jour, par mise à disposition au greffe, en application des dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION
Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, eu égard à l’article 2 du code civil selon lequel « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif », les contrats demeurent régis par les dispositions légales sous l’empire desquelles ils ont été passés.
Ainsi, compte tenu de la date des contrats (20 novembre 2012), il sera fait application pour l’ensemble de la décision des dispositions du code de la consommation applicable antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi n°2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, conformément aux dispositions transitoires de cette loi qui prévoient une entrée en vigueur pour les contrats conclus après le 13 juin 2014 (article 34 de la loi du 17 mars 2014).
De même, les dispositions applicables en l’espèce sont celles du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, qui est entrée en vigueur le 1er octobre 2016.
Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait alors droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
I – Sur les fins de non-recevoir tirées de la prescription soulevées in limine litis par la défenderesse
Les demandes initiales formées par M. [M] [C] recoupent la nullité du contrat de vente et la nullité subséquente du contrat de prêt ainsi que la responsabilité contractuelle pour faute de la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE.
Cette dernière soulève la prescription extinctive pour chacune de ces demandes.
Sur la prescription de la demande en nullité du contrat de venteSelon la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, l'action en nullité d'un contrat est soumise au délai de prescription quinquennale qui démarre au jour de la signature du contrat, soit le 11 janvier 2013, de sorte que l'action introduite le 26 avril 2023 est prescrite.
Concernant la nullité du contrat de vente pour dol, la banque estime que les demandeurs ne justifient pas avoir découvert des éléments à même de caractériser une erreur postérieurement à la souscription des contrats, ce qui aurait permis le report du point de départ du délai pour agir.
Selon M. [M] [C] le point de départ de la prescription n’est pas fixé à la date des faits susceptibles de fonder une action en justice mais à celle où le titulaire du droit à agir les a connus ou aurait dû les connaître. Il en résulte une présomption légale d’ignorance des faits.
Ce point de départ mobile apprécié in concreto doit permettre au justiciable d’exercer effectivement ses droits. Il est le pendant du principe d’efficacité et d’effectivité des sanctions appliquées en cas de violation de ses obligations par le banquier dispensateur de crédit rappelé dans plusieurs Directives de l’UE. La CJUE est venue d’ailleurs rappeler que l’objectif de protection des consommateurs et l’effectivité des droits n’est pas assuré dans un système qui exigerait d’agir dans un délai court dont le point de départ serait fixé dès le jour de la signature des contrats critiqués.
Il impose également de prendre en compte l’ignorance légitime dans laquelle se trouve le consommateur face aux irrégularités renfermées dans un contrat.
Selon M. [M] [C] c’est donc à la date de l’expertise du 2 octobre 2020 qui a porté à leur connaissance l’absence de rentabilité de l’installation qu’il convient de fixer le point de départ de la prescription et déclarer son action recevable puisqu’introduite par assignations des 26 et 27 avril 2023.
En réponse, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE expose que les Directives visées, à défaut d’avoir été transposées en droit interne sont inopposables ; que le principe de sécurité juridique des situations établies a conduit le législateur à réduire en 2008 la durée de la prescription ; que les règles de la prescription reposent sur le principe selon lequel « Nul n’est censé ignorer la loi ».
L’article 2224 du code civil dispose, depuis le 19 juin 2009, date d’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, qui s’applique pour les instances introduites à compter de cette date, que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.
Le point de départ de la prescription s’apprécie donc distinctement selon le fondement de la nullité invoqué.
Il convient dès lors d’examiner une éventuelle prescription pour chaque demande, à savoir la nullité du contrat de vente pour non-respect des dispositions du code de la consommation et la nullité du contrat de vente pour dol.
Sur la recevabilité de la demande en nullité fondée sur le non-respect des exigences posées par le code de la consommation
Il résulte des dispositions de l’article 1304 du code civil, dans sa version antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, qu’en cas d’octroi d’un crédit à un consommateur ou à un non-professionnel, le point de départ de la prescription est la date de la convention lorsque l’examen de sa teneur permet de constater l’erreur (Civ. 1re, 11 juin 2009, n° 08.11-755).
M. [M] [C] fonde sa demande de nullité du contrat de vente sur la méconnaissance des dispositions de l’article L.121-23 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi n°93-949 du 26 juillet 1993, en vigueur à la signature du contrat litigieux qui prévoit que le contrat doit comporter la désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ainsi que les conditions d’exécution du contrat notamment les modalités et délais de livraison.
En l’espèce, les dispositions de l’article L.121-23 du code de la consommation sont expressément reprises au verso du bon de commande dans une partie spécifique intitulée : RAPPEL DES DISPOSITIONS DU CODE DE LA CONSOMMATION intégrée aux conditions générales de vente jointes au document.
Ainsi, l’acquéreur était en mesure de vérifier au jour de la remise de leur exemplaire du bon de commande, soit le 11 janvier 2013, que ce contrat était incomplet au regard de l’absence de certaines mentions requises pour la validité de celui-ci. En effet, une telle vérification n’apparaît nullement subordonnée à la question de la rentabilité de l’installation, ni même à une information spécifique du professionnel sur ce point dès lors que les dispositions de l’article L.121-23 du code de la consommation sont reproduites sur le bon de commande. Aucun report du point de départ du délai de prescription n’est fondé, puisque l’absence de précision est caractérisée dès la conclusion de celui-ci.
Concernant la jurisprudence de la CJUE invoquée en demande, il convient de relever que le principe d’effectivité signifie que les dispositions du droit interne ne doivent pas rendre impossible ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union européenne. En l’espèce, et compte tenu des développements précédent, il convient de constater que le demandeur n’apporte pas d’élément sur les droits issus de l’ordre juridique de l’UE qu’il serait empêché d’exercer.
S’agissant donc de la méconnaissance des dispositions de l’article L.121-23 du code de la consommation, le délai pour agir est ainsi expiré depuis le 11 janvier 2018 à minuit, de sorte que l’action introduite au visa de ces dispositions par assignations des 26 et 27 avril 2023 est prescrite.
Sur la recevabilité de la demande en nullité fondée sur le dol
En application de l’article 1304 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, l’action en nullité d’une convention se prescrit par cinq ans à compter du jour où l’erreur ou le dol a été découvert. Cette découverte est un fait juridique, qui se prouve donc par tous moyens. Il appartient au juge qui déclare l’action irrecevable comme prescrite de constater la date de la découverte de l’erreur alléguée (Civ. 1re, 14 octobre 2010, n° 09-13.646).
Le dol allégué par M. [M] [C] consisterait en une présentation fallacieuse de la rentabilité de l’installation, qu’il s’agisse de son autofinancement ou d’économie d’énergie. Il en déduit que le point de départ du délai de prescription serait le rapport d’expertise en date du 2 octobre 2020 sollicité et produit qui conclut, sur la base des informations reçues que « la promesse d’autofinancement faite par l’entreprise NEXT GENERATTION, qui a motivé l’investissement, n’est pas tenue. Pour parvenir au point d’équilibre de l’opération, une durée de 25 à 30 ans est nécessaire. L’investissement sera difficile voire impossible à amortir. ». C’est à cette date en effet qu’il estime avoir eu connaissance de l’étendue du dommage subi.
Or, le demandeur ne justifie pas d’une rentabilité effective formalisée ou d’un autofinancement au bon de commande. Il ne produit par ailleurs aucun document susceptible de caractériser des manœuvres destinées à le tromper sur l’autofinancement de l’opération.
Par ailleurs, M. [M] [C] qui produit une facture de raccordement de l’installation à ERDF en date du 11 septembre 2013, établi qu’il a pu apprécier l’éventuelle rentabilité de l’installation dès le mois de novembre 2014, date de la première facture de rachat d’électricité produite au vu de laquelle il a été en mesure d’apprécier la rentabilité de l’installation.
En effet, il n’est pas démontré que la nature de l’opération de pose d’une installation photovoltaïque financée par un crédit affecté, avec le cas échéant des crédits d’impôts accordés à cette époque, soit d’une complexité telle que le calcul de la rentabilité de l’investissement n’ait pu être effectué au moment de la première facture d’électricité et nécessite le recours à une expertise qui d’ailleurs recherche un autofinancement éventuel et non pas la rentabilité sur la base des factures de rachat d’énergie qui n’ont pas été communiquées.
En tout état de cause, le demandeur ne s’explique pas sur les motifs pour lesquels il n’a pas sollicité une telle expertise dès la première facture, si bien que le report du point de départ de la prescription ne peut dépendre de manière unilatérale du moment où il a envisagé de faire procéder à celle-ci. L’appréciation du droit au recours effectif suppose également que le demandeur a une action ne puisse s’affranchir des délais de procédure, la prescription extinctive reposant sur une règle de sécurité juridique dans les contrats.
Dès lors, l’action introduite le 26 avril 2023 sur le fondement du dol est prescrite.
Sur la prescription de la demande en nullité du contrat de prêt
Il résulte des développements précédents et de l’interdépendance des contrats de vente et de prêt prévue par les dispositions de l’article L.311-32 du code de la consommation que les demandes d’annulation du contrat de prêt conclu le 11 janvier 2013 ne pourront prospérer tant qu’elles sont fondées sur le lien entre le contrat principal de vente et l’affectation du contrat de crédit à ce contrat principal.
La demande de nullité du contrat de prêt souscrit par M. [M] [C], subséquente à la demande d'annulation du contrat de vente, est donc également irrecevable.
S’agissant du contrat de crédit, le demandeur soutient que « l’égalité des armes interdit d’opposer la prescription s’agissant des irrégularités affectant la validité d’un prêt en cours d’exécution » dès lors qu’il s’agit d’un contrat ayant vocation à s’exécuter sur une longue durée et que la banque a toujours la possibilité de faire valoir ses droits à paiement en cas d’impayé postérieur au délai de cinq ans courant depuis la conclusion du contrat. Il ne tire toutefois pas les conséquences d’une telle démonstration puisqu’aucune demande spécifique en nullité du contrat de crédit n’est formée.
Sur la recevabilité et la prescription de la demande concernant les éventuelles fautes de la banque
La prescription de l'action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance » (Cf. Cass. 3ème civ. 24 mai 2006, Pourvoi n°0419716 ; Cass. 1ère civ. 16 janv. 2019, Pourvoi n°17-21223 ; Cass. 1ère civ. 25 mai 2023, Pourvoi n°21-23174).
Selon le demandeur, s'agissant d'une action en responsabilité au titre d'un manquement commis par un cocontractant à ses obligations, les faits justifiant d'agir sont, d'une part, la faute consistant dans le manquement à une obligation et, d'autre part, le préjudice qui en est résulté. Il estime qu'il revient à la banque, qui prétend que la prescription est acquise, de démontrer que l'emprunteur consommateur aurait eu parfaitement connaissance du dommage mais encore de la faute :
- sur le dommage, il consiste pour M. [M] [C] d'avoir été engagé dans une opération désavantageuse sur la base de fausses promesses dont ils n’ont pris la mesure qu’à la lecture du rapport d’expertise qui leur a été remis, ce qui les a conduits à saisir un avocat;
- sur la connaissance du fait générateur, il consiste pour le banquier d'avoir commis une faute dans le déblocage des fonds en manquant à son devoir d'information et d'alerte.
Le demandeur s’appuie notamment sur la jurisprudence de la CJUE pour affirmer qu'en cas de manquement de la banque à son devoir, un consommateur ne peut pas être informé quant à la non-conformité d'un contrat avant d'avoir consulté un conseiller juridique. M. [M] [C] ayant légitimement ignoré les faits leur permettant d'agir, notamment la faute commise par la banque, il affirme que la prescription ne peut lui être opposée. Il explique, en effet, que c’est le rapport d’expertise en date du 2 octobre 2020 qui a caractérisé l’ampleur du dommage mais également porté à la connaissance du demandeur la faute commise par la banque en débloquant les fonds sans respecter son devoir d’information et d’alerte, de sorte que son action intentée le 26 avril 2023, soit moins de trois ans après le rapport, n’est pas prescrite.
En réponse, la société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE indique que cette jurisprudence de la CJUE n’est pas applicable aux faits de l’espèce, s’agissant d’une action en responsabilité qui ne se rattache à aucune Directive issue du Droit de l’Union.
Elle conclut à l’irrecevabilité de l’action en responsabilité pour faute initiée par les demandeurs puisqu’elle n’est que la conséquence de l’action en nullité des bons de commande, de sorte que sa prescription rend également irrecevable la demande d’engagement de responsabilité de la banque et la privation de la créance de restitution qui en découle, d’autant plus que le maintien des contrats rend sans objet cette demande.
Cependant, la responsabilité de la banque peut toujours être engagée en raison d’une faute qu’elle aurait pu commettre si celle-ci a causé un préjudice né et actuel.
En effet, la résolution du contrat de crédit, à la suite de l'annulation du contrat de vente, n’est pas un préalable obligatoire à la sanction d’une faute de la banque (Ccass 1re Civ., 22 mai 2019 n°18-16.150).
Aux termes de l'ancien article 1147 du Code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure.
En conséquence, même en l’absence d’annulation des contrats de vente, il convient de déclarer recevable les demandes d’engagement de la responsabilité de la banque.
Concernant la prescription de l’action en responsabilité de la banque pour participation au dol de la société venderesse, il apparait que le point de départ de la prescription est le même que celui retenu pour le dol.
Conformément aux développements précédents, l’action en responsabilité de la banque pour sa participation au dol est prescrite.
S’agissant ensuite du point de départ de la faute de la banque permettant d’engager sa responsabilité pour avoir financé un contrat nul, il est constant que le point de départ de la prescription est décalé à la date de la libération des fonds par la banque, puisqu’il s’agit du fait générateur de la faute.
Selon l’historique de compte (pièce 3 de la banque), la date de déblocage des fonds est intervenue le 22 février 2013 de sorte que l’action introduite le 26 avril 2023 est prescrite depuis le 22 février 2018 minuit.
En conséquence, l’action en responsabilité contractuelle de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE en raison du déblocage fautif des fonds sera déclarée irrecevable car prescrite.
Sur les motifs de déchéance du droit aux intérêts contractuels soulevés par le demandeur
M. [M] [C] reproche à la société BNP PARIBAS PERSONNAL FINANCE d’avoir manqué à ses obligations de conseil et de mise en garde quant à l’opportunité économique du projet et de contrôles préalables, outre l’absence de consultation du FICP.
La banque n’est pas non plus soumise à un devoir de conseil général, étant seulement tenue de procéder à des vérifications pour la régularité de l’offre de crédit qui permettent au débiteur de comprendre la portée de son engagement.
L’obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l’égard d’un emprunteur non averti ne porte que sur le risque d’endettement excessif né de l’octroi du prêt et il faut en déduire que si le crédit est adapté au regard des capacités financières de l’emprunteur et du risque de l’endettement né de l’octroi du prêt à la date de la conclusion du contrat, la banque n’est tenue à aucune obligation de mise en garde.
Ainsi, le devoir de mise en garde de la banque s’applique uniquement lorsque l’emprunteur non averti est en situation de risque d’endettement excessif, compte tenu de son patrimoine, ses revenus, et son éventuel passif.
La sanction de ce manquement n’est pas la déchéance du droit aux intérêts mais la mise en cause de la responsabilité contractuelle de la banque en application de l’article 1147 du code civil.
M. [M] [C] sera par conséquent débouté de sa demande en déchéance du droit aux intérêts sur ce fondement.
Le demandeur se prévaut également des dispositions de l’article L.546-1 du code monétaire et financier et des articles L.311-8 et D.311-4-3 du Code de la consommation pour soutenir que la banque doit justifier de l’immatriculation de son intermédiaire de crédit et produire l'attestation de formation du démarcheur de la société NEXT GENERATION ayant fait souscrire le contrat de crédit.
Concernant l’argument selon lequel la banque a une obligation de formation du professionnel distribuant ses crédits, à savoir le personnel de la société NEXT GENERATION, le 3ème alinéa de l’article L. 311-8 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la date du contrat, (devenu article L. 314-25 du même code), prévoit que “les personnes chargées de fournir à l'emprunteur les explications sur le crédit proposé et de recueillir les informations nécessaires à l'établissement de la fiche prévue à l'article L. 311-10 sont formées à la distribution du crédit à la consommation et à la prévention du surendettement. L'employeur de ces personnes tient à disposition, à des fins de contrôle, l'attestation de formation mentionnée à l'article L. 6353-1 du code du travail établie par un des prêteurs dont les crédits sont proposés sur le lieu de vente ou par un organisme de formation enregistré. Un décret définit les exigences minimales auxquelles doit répondre cette formation.”.
Il résulte ainsi de ces dispositions que l’obligation de produire l’attestation de formation précitée pèse sur l’employeur de l’intermédiaire de crédit et non sur la banque.
Il en est de même de l’immatriculation sur le registre unique du code des assurance prévue par l’article L.546-1 du code monétaire et financier dans sa version en vigueur à la date de signature de l’offre de crédit, s’agissant des intermédiaires en opérations de banques.
S’agissant de l’absence de justification de consultation du FICP soulevée et faute pour la banque qui ne soulève pas la prescription de la demande de produire le document, il convient de prononcer la déchéance du droit aux intérêts de celle-ci.
M. [M] [C] sera donc tenu au remboursement du seul capital emprunté et en l’absence de détail de la créance, il appartiendra aux parties de faire les comptes entre elles.
II - Sur les dépens, les frais irrépétibles et l’exécution provisoire
La société BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE, partie perdante, supportera les dépens d’instance en application de l’article 696 du code de procédure civile. La demande de distraction des dépens formée par la banque devient sans objet.
L’équité commande d’allouer à M. [M] [C], la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il est rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
PAR CES MOTIFS,
Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,
DECLARE irrecevable comme prescrite la demande en nullité du contrat de vente conclu le 11 janvier 2013 entre M. [M] [C] et la SAS NEXT GENERATION FRANCE ;
DECLARE en conséquence irrecevable la demande subséquente de nullité du contrat de crédit affecté conclu le 11 janvier 2013 entre M. [M] [C] et la SA BNP PARIBAS PERSONNAL FINANCE venant aux droits de la SA SYGMA BANQUE ;
DECLARE irrecevable comme prescrite l’action en responsabilité formée par M. [M] [C] contre la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE ;
PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts de la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE dans le cadre du contrat de crédit affecté conclu le 11 janvier 2013 avec M. [M] [C] et DIT que les parties feront les comptes entre elles ;
CONDAMNE la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE venant aux droits de la société SYGMA BANQUE aux dépens ;
CONDAMNE la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer à M. [M] [C] une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;
RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.
Ainsi jugé et prononcé par jugement signé les jour, mois et an susdits par le juge des contentieux de la protection et le greffier susnommés et mis à disposition au greffe.
Le greffierLe juge des contentieux de la protection