TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître BOULAIRE
Maître MENDES-GIL
SELARL JSA
Pôle civil de proximité
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PCP JCP fond
N° RG 23/03444 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZUO5
N° MINUTE :
2 JCP
JUGEMENT
rendu le mercredi 03 juillet 2024
DEMANDEURS
Monsieur [C] [V],
Madame [M] [U] épouse [V],
demeurant [Adresse 2]
représentés par Maître BOULAIRE, avocat au barreau de Douai
DÉFENDERESSES
S.E.L.A.R.L. JSA en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL BCEN, dont le siège social est sis [Adresse 3]
non comparante, ni représentée
S.A. DOMOFINANCE,
dont le siège social est sis [Adresse 1] / FRANCE
représentée par Maître MENDES-GIL, avocat au barreau de Paris, vestiaire #P173
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Véronique JACOB, Première vice-présidente adjointe, juge des contentieux de la protection assistée de Laura JOBERT, Greffier,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 02 avril 2024
JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 03 juillet 2024 par Véronique JACOB, Première vice-présidente adjointe assistée de Laura JOBERT, Greffier
Décision du 03 juillet 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/03444 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZUO5
EXPOSE DU LITIGE
Selon bon de commande n°1268, la SARL BCEN a vendu une installation photovoltaïque à M. [C] [V] pour une somme totale de 11 000 euros.
Pour financer cet achat, la SA DOMOFINANCE, a consenti le 25 janvier 2019 à M. [C] [V] et Mme [M] [U] épouse [V] (ci-après les époux [V]), un crédit affecté, d’un montant de 11 000 euros, au taux d’intérêt contractuel de 4,54% (TAEG de 4,64%), sur une durée de 140 mois avec une mensualité de 118,78 euros assurance comprise.
M. [C] [V] a signé le 6 février 2019 une fiche de réception des travaux. Les fonds ont été débloqués par la banque, le 12 février 2019.
Par actes de commissaire de justice en date du 11 avril 2023, les époux [V], ont assigné devant le tribunal d’instance de Paris la SARL BCEN, en la personne de la SELARL JSA en sa qualité de mandataire liquidateur et la SA DOMOFINANCE, devant le juge des contentieux de la protection de Paris afin que soit prononcée l’annulation des contrats de vente et de crédit affecté du 25 janvier 2019.
L’affaire a été appelée une première fois à l’audience du 14 juin 2023 puis a fait l’objet de plusieurs renvois pour permettre aux parties de se mettre en état.
A l’audience du 2 avril 2024 à laquelle l’affaire est appelée pour plaidoiries, les époux [V], représentés par leur conseil, déposent des conclusions, auxquelles ils déclarent se référer et en vertu desquelles ils demandent au juge de céans de :
- DECLARER les demandes de Monsieur [C] [V] et Madame [M] [U], épouse [V], recevables et bien fondées;
- PRONONCER la nullité du contrat de vente conclu entre Monsieur [C] [V] et Madame [M] [U], épouse [V], et la société BCEN ;
A titre subsidiaire, PRONONCER la résolution pure et simple du contrat de vente conclu entre Monsieur [C] [V] et Madame [M] [U], épouse [V], en raison de la violation par cette dernière de ses obligations contractuelles ;
En tout état de cause,
- METTRE A LA CHARGE de la liquidation judiciaire de la société BCEN l’enlèvement de l’installation litigieuse et la remise en état de l’immeuble à ses frais ;
- PRONONCER en conséquence la nullité du contrat de prêt affecté conclu entre Monsieur [C] [V] et Madame [M] [U], épouse [V], et la société DOMOFINANCE ;
- CONSTATER que la société DOMOFINANCE a commis une faute dans le déblocage des fonds et doit être privée de sa créance de restitution du capital emprunté, et LA CONDAMNER à procéder au remboursement de l’ensemble des sommes versées par Monsieur [C] [V] et Madame [M] [U], épouse [V], au titre de l’exécution normale du contrat de prêt litigieux ;
- CONDAMNER la société DOMOFINANCE à verser à Monsieur [C] [V] et Madame [M] [U], épouse [V], l’intégralité des sommes suivantes :
- 11 000,00 € correspondant à l’intégralité du prix de vente de l’installation ;
- 5 661,23 € correspondant aux intérêts conventionnels et frais payés par Monsieur [C] [V] et Madame [M] [U], épouse [V] à la société DOMOFINANCE en exécution du prêt souscrit;
- 5 000,00 € au titre du préjudice moral ;
- 4 000,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
- DEBOUTER la société DOMOFINANCE et la société BCEN de l’intégralité de leurs prétentions, fins et conclusions contraires ;
- CONDAMNER la société DOMOFINANCE à supporter les dépens de l’instance.
La SA DOMOFINANCE, représentée par son conseil se référant aux écritures adressées le 4 avril 2024 par note en délibéré autorisée et visées du greffier à cette date, demande au juge de céans de :
A titre principal,
- DIRE ET JUGER que la nullité du bon de commande pour une irrégularité formelle n'est pas encourue ;
- DIRE ET JUGER subsidiairement que les acquéreurs ont renoncé à se prévaloir d’une irrégularité purement formelle du contrat et ont confirmé la nullité relative alléguée ;
- DIRE ET JUGER que le dol allégué n’est nullement établi, ni l’absence de cause, et que les conditions du prononcé de la nullité de ces chefs ne sont pas remplies ;
- en conséquence, DECLARER la demande de nullité des contrats irrecevable ; A tout le moins, DEBOUTER les acquéreurs de leur demande de nullité.
Subsidiairement en cas de nullité des contrats,
- DIRE ET JUGER que la société DOMOFINANCE n'a commis aucune faute dans la vérification du bon de commande ni dans le versement des fonds prêtés ;
- DIRE ET JUGER, de surcroît, que les acquéreurs n’établissent pas le préjudice qu’ils auraient subi en lien avec l'éventuelle irrégularité alléguée du bon de commande ou le versement des fonds, et donc avec la faute alléguée à l’encontre de la banque, ce alors même que l’installation fonctionne ;
- DIRE ET JUGER, en conséquence, qu’ils ne justifient pas des conditions d’engagement de la responsabilité de la banque ;
- DIRE ET JUGER que, du fait de la nullité, les emprunteurs sont tenus de restituer le capital prêté au prêteur ; CONDAMNER, en conséquence, in solidum Monsieur et Madame [V] à régler à la société DOMOFINANCE la somme de 11.000 € en restitution du capital prêté ;
Très subsidiairement, LIMITER la réparation qui serait due par la société DOMOFINANCE eu égard au préjudice effectivement subi par le couple emprunteur à charge pour lui de l’établir et eu égard à sa faute ayant concouru à son propre préjudice ;
- DIRE ET JUGER que les acquéreurs restent tenus de restituer l’entier capital à hauteur de 11.000 € et ordonner la compensation des créances réciproques à due concurrence ;
A titre infiniment subsidiaire, si le Tribunal devait prononcer la nullité des contrats et ne pas ordonner la restitution du capital prêté à charge des emprunteurs,
- CONDAMNER Monsieur et Madame [V] à payer à la société DOMOFINANCE la somme de 22.500 € correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de leur légèreté blâmable ;
- Leur ENJOINDRE de restituer, à leurs frais, le matériel installé à la SELARL JSA, es qualité de liquidateur judiciaire de la société SARL BCEN, dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement, ainsi que les revenus perçus au titre de la revente d’électricité, et DIRE ET JUGER qu’à défaut de restitution, ils resteront tenus du remboursement du capital prêté ;
En tout état de cause,
- DIRE ET JUGER que les autres griefs formés ne sont pas fondés ;
- DEBOUTER Monsieur et Madame [V] de leur demande de dommages et intérêts ;
- DEBOUTER les demandeurs de toutes autres demandes, fins et conclusions formées à l’encontre de la société DOMOFINANCE ;
- ORDONNER le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence ;
- CONDAMNER in solidum Monsieur et Madame [V] au paiement à la société DOMOFINANCE de la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- les CONDAMNER in solidum aux entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL.
La SARL BCEN représentée par la SELARL JSA, bien que régulièrement convoquée, n’a pas comparu ni personne pour elle.
Il sera référé aux écritures des parties déposées à l’audience pour un plus ample exposé de leurs moyens en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Conformément à l’article 473 du code de procédure civile, il sera statué par jugement réputé contradictoire.
A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré et rendue ce jour, par mise à disposition au greffe, en application des dispositions de l’article 450 alinéa 2 du Code de procédure civile.
EXPOSE DES MOTIFS
Il convient, à titre liminaire, de rappeler que, eu égard à l’article 2 du code civil selon lequel « la loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif », les contrats demeurent régis par les dispositions légales sous l’empire desquelles ils ont été passés.
Ainsi, compte tenu de la date des contrats de vente et de crédit affecté, à savoir le 25 janvier 2019, il sera fait application pour l’ensemble de la décision des dispositions du code de la consommation applicables postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation, pour les contrats conclus après le 1er juillet 2016.
Les dispositions du code civil applicables sont celles postérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, entrée en vigueur le 1er octobre 2016.
Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait alors droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.
I - Sur la nullité du contrat de vente
Sur la recevabilité de la demande de nullité
M. [C] [V] et Mme [M] [U] épouse [V] forment tous deux une demande de nullité du contrat de vente, lequel n’a été signé que par M. [C] [V].
Or, il est constant qu’un tiers au contrat ne peut se prévaloir de l’inexécution de celui-ci ou demander sa nullité - sauf s’il s’agit d’un cas de nullité absolue, que tout intéressé peut invoquer (art 1180 code civil), ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
La demande de nullité apparaît donc irrecevable en tant qu’elle a été formée par Mme [M] [U] épouse [V] et recevable en ce qu’elle a été demandée par M. [C] [V].
Sur la nullité du contrat de vente pour manquement aux dispositions impératives du code de la consommation
M. [C] [V] soulève l’absence des mentions obligatoires prévues par le code de la consommation tout d’abord en raison d’absence d’indication des caractéristiques essentielles du bien ou du service, puisque le bon de commande ne contient pas la marque, le nombre, la puissance et les dimensions des onduleurs, les références, le type (monophasé ou triphasé) et plus généralement de l’ensemble des caractéristiques de la domotique ainsi que l’absence de ventilation entre le coût des biens et le coût de la main d’œuvre.
Ensuite M. [C] [V] estime que le bon de commande ne contient pas de précision concernant la réalisation des prestations, puisqu’il est mentionné plusieurs délais sans indication du moment de livraison.
Le demandeur indique également que le bon de commande ne mentionne pas le montant de l’assurance emprunteur ni le coût total du crédit, ni l’indication des coordonnées du médiateur de la consommation.
La SA DOMOFINANCE oppose quant à elle que les imprécisions soulevées par l’acquéreur ne peuvent fonder le prononcer de la nullité du contrat.
Sur l’absence de désignation du matériel vendu, elle indique que la demanderesse va au-delà des exigences posées par l’article L.111-1 du code de la consommation.
S’agissant du délai de livraison, le bon de commande contient au titre des conditions générales un article 10 qui stipule un délai de 3 mois à compter de la pré-visite, de sorte qu’à défaut d’omission complète d’information sur la livraison, la nullité soulevée devra être rejetée.
Enfin concernant les coordonnées du médiateur de la consommation, au regard des dispositions de l’article R.616-1 du code de la consommation, la SA DOMOFINANCE considère que les informations peuvent être communiquées par un autre vecteur que le bon de commande et qu’en l’espèce, les demandeurs échouent à démontrer que ces informations n’ont pas été délivrées autrement que sur le bon de commande.
L’article L.221-9 du code de la consommation dispose : « Le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l'accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l'engagement exprès des parties.
Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l'article L. 221-5.
Le contrat mentionne, le cas échéant, l'accord exprès du consommateur pour la fourniture d'un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l'expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l'exercice de son droit de rétractation.
Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l'article L. 221-5. ».
L’article L.221-5 du code de la consommation dispose : « Préalablement à la conclusion d'un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;
2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d'exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu'il contient sont fixées par décret en Conseil d'Etat ;
3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;
4° L'information sur l'obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d'un contrat de prestation de services, de distribution d'eau, de fourniture de gaz ou d'électricité et d'abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l'exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l'article L. 221-25 ;
5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l'article L. 221-28, l'information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;
6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l'utilisation de la technique de communication à distance, à l'existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
Dans le cas d'une vente aux enchères publiques telle que définie par le premier alinéa de l'article L. 321-3 du code de commerce, les informations relatives à l'identité et aux coordonnées postales, téléphoniques et électroniques du professionnel, prévues au 4° de l'article L. 111-1 peuvent être remplacées par celles du mandataire. ».
L’article L.221-7 dispose que « la charge de la preuve concernant le respect des obligations mentionnées à la présente sous-section pèse sur le professionnel ».
L’article L.111-1 du code de la consommation dispose : « Avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;
3° En l'absence d'exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s'engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu'elles ne ressortent pas du contexte ;
5° S'il y a lieu, les informations relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l'existence et aux modalités de mise en œuvre des garanties et aux autres conditions contractuelles ;
6° La possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI.
La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d'Etat.
Les dispositions du présent article s'appliquent également aux contrats portant sur la fourniture d'eau, de gaz ou d'électricité, lorsqu'ils ne sont pas conditionnés dans un volume délimité ou en quantité déterminée, ainsi que de chauffage urbain et de contenu numérique non fourni sur un support matériel. Ces contrats font également référence à la nécessité d'une consommation sobre et respectueuse de la préservation de l'environnement. ».
L’article R.111-1 du code de la consommation dispose : « Pour l'application du 4° de l'article L. 111-1, le professionnel communique au consommateur les informations suivantes :
a) Son nom ou sa dénomination sociale, l'adresse géographique de son établissement et, si elle est différente, celle du siège social, son numéro de téléphone et son adresse électronique ;
b) Les modalités de paiement, de livraison et d'exécution du contrat ainsi que les modalités prévues par le professionnel pour le traitement des réclamations ;
c) S'il y a lieu, l'existence et les modalités d'exercice de la garantie légale de conformité mentionnée aux articles L. 211-4 à L. 211-13 du présent code et de celle des défauts de la chose vendue dans les conditions prévues aux articles 1641 à 1648 et 2232 du code civil ainsi que, le cas échéant, de la garantie commerciale et du service après-vente au sens respectivement des articles L. 211-15 et L. 211-19 du présent code ;
d) S'il y a lieu, la durée du contrat ou, s'il s'agit d'un contrat à durée indéterminée ou à tacite reconduction, les conditions de sa résiliation;
e) S'il y a lieu, toute interopérabilité pertinente du contenu numérique avec certains matériels ou logiciels dont le professionnel a ou devrait raisonnablement avoir connaissance ainsi que les fonctionnalités du contenu numérique, y compris les mesures de protection technique applicables. ».
L'article L.111-2 dispose: « I.- Outre les mentions prévues à l'article L 111-1, tout professionnel, avant la conclusion d'un contrat de fourniture de services et, lorsqu'il n'y a pas de contrat écrit, avant l'exécution de la prestation de services, met à la disposition du consommateur ou lui communique, de manière lisible et compréhensible, les informations complémentaires relatives à ses coordonnées, à son activité de prestation de services et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d'Etat. Ce décret précise celles des informations complémentaires qui ne sont communiquées qu'à la demande du consommateur. ».
L’article L.242-1 du code de la consommation dispose : « Les dispositions de l'article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement. ».
En l’espèce, le bon de commande est rédigé comme suit :
Ainsi, la marque de l’onduleur et le type de branchement (monophasée ou triphasée) ne figurent pas sur le bon de commande.
Or, s'agissant d'une installation à haut niveau de développement technologique destinée à produire de l'énergie, la marque, dont la fonction est de garantir l'origine d'un produit commercialisé, est une caractéristique essentielle pour le consommateur démarché qui doit ainsi pouvoir identifier le fabricant garant de la qualité, de la pérennité et de la sécurité de ses produits, et qui doit aussi pouvoir procéder utilement à des comparaisons de prix tenant compte de la technologie mise en œuvre durant le délai de rétractation qui lui est ouvert par la loi.
L’absence d’indication concernant l’onduleur a donc privé l’acquéreur d’une information relative aux caractéristiques du bien vendu. Dès lors le bon de commande encourt la nullité de ce chef.
S’agissant de la date de livraison, l'article 10 des conditions générales de vente prévoit une installation du matériel dans un délai de 3 mois à compter de la pré-visite du technicien organisée dans les deux mois de la signature du bon de commande à l’adresse du client pour s’assurer de la faisabilité technique de l’installation. Il ne figure pas sur le bon de commande mention d’une date de livraison des matériels fixée en commun accord avec le client mais un délai pré-imprimé de livraison dans le délai de TROIS mois à compter de la signature du bon de commande, ainsi qu’une installation selon 2 options dont aucune n’est cochée et une date de début des travaux au plus tard 120 jours après la signature du bon de commande, de sorte que le contrat encourt l'annulation au regard du 3° de l'article L.111-1 du code de la consommation.
Egalement, indépendamment de l’absence de mention des coordonnées du médiateur de la consommation, les conditions générales du bon de commande ne reprennent pas les mentions de l’article L.111-1 6° du code de la consommation prévoyant la possibilité de recourir à un médiateur de la consommation dans les conditions prévues au titre Ier du livre VI. Il est en effet simplement visé la possibilité de recourir à une médiation conventionnelle en cas de litige, et dès lors le contrat encourt la nullité pour ce troisième chef.
Néanmoins, si les modalités de règlement avec financement bancaire, ne précisent pas le coût total du crédit, la nullité du contrat n’est pas encourue de ce chef puisqu’il est produit un contrat de prêt conclu le 25 janvier 2019, dont il n’est pas contesté qu’il a été signé le même jour, lequel comporte mention du coût total du crédit et de l’assurance.
Pour autant, le bon de commande s’expose à la nullité pour trois chefs de nullité à savoir l’absence de marque de l’onduleur, l’absence de mention d’un délai de livraison et du recours au médiateur de la consommation correspondant aux exigences de l’article L.111-1 3° et 6° du code de la consommation.
Cette nullité, sanctionnant le manquement aux dispositions précitées en matière de démarchage à domicile, revêt le caractère d’une nullité relative et est donc susceptible de confirmation.
S’agissant de la confirmation du bon de commande nul, la SA DOMOFINANCE argue du fait que le bon de commande portait mention dans les conditions générales des mentions exigées par le code de la consommation, que M. [C] [V] a réceptionné les travaux par un certificat de réalisation de la prestation signé sans aucune réserve et a demandé expressément le paiement de la prestation suite à cette réception. La banque ajoute que le demandeur a utilisé l’installation en revendant de l’électricité pendant plus de quatre ans avant d’entamer une action en justice, de sorte qu’il a manifestement confirmé la nullité du contrat de vente.
La banque estime également que le demandeur adopte une attitude contradictoire en sollicitant d’un côté la nullité des contrats et en poursuivant, de l’autre, l’exécution de ce dernier en revendant de l’électricité à ERDF, et qu’en vertu du « principe de l’estoppel » une partie ne peut pas avoir une attitude incompatible avec ses demandes.
L’article 1182 du code civil dispose que « la confirmation est l'acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l'objet de l'obligation et le vice affectant le contrat.
La confirmation ne peut intervenir qu'après la conclusion du contrat.
L'exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu'après que la violence a cessé.
La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers. ».
La reproduction même lisible des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à un contrat conclu hors établissement ne permet pas au consommateur d’avoir une connaissance effective du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions et de caractériser la confirmation tacite du contrat, en l’absence de circonstances qu’il appartient au juge de relever, permettant de justifier d’une telle connaissance (Cass. 1re civ., 24 janvier 2024 n°22-16.115, 22-16.116, 22-15.199 FS-B).
En l’espèce, il résulte des documents produits que le demandeur a réceptionné l’installation de trois onduleurs le 6 février 2019 et a poursuivi la revente d’électricité à ERDF ainsi qu’en témoignent les factures de 2019 et 2020 faisant état d’une production de 10 122 et 10 234 kWh rachetés respectivement 4 158,83 euros et 4 232,58 euros, de sorte que le demandeur qui a pu constater les mentions manquantes au bon de commande a tacitement confirmé les nullités encourues pour absence de marque de l’onduleur et absence de mention d’un délai de livraison.
Mais s’agissant de la nullité concernant le recours au médiateur de la consommation, aucun élément ne permet de déterminer que le demandeur ait eu connaissance de ce vice de forme avant d'entamer la procédure et le contrat de vente ne mentionne rien qui ait pu lui faire connaître que cette clause devait figurer à peine de nullité, de sorte qu’il convient de prononcer l’annulation du bon de commande n°1268 signé entre M. [C] [V] et la société BCEN, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par le demandeur.
II - Sur la nullité du contrat de crédit affecté
À titre liminaire, M. [C] [V] et Mme [M] [U] épouse [V] sont tous les deux signataires du contrat de crédit affecté en date du 25 janvier 2019.
En conséquence, ils seront tous les deux déclarés recevables à en demander la nullité.
En cas d'annulation judiciaire du contrat principal, l’article L.312-55 du code de la consommation dispose que : « en cas de contestation sur l'exécution du contrat principal, le tribunal peut, jusqu'à la solution du litige, suspendre l'exécution du contrat de crédit. Celui-ci est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
Les dispositions du premier alinéa ne sont applicables que si le prêteur est intervenu à l'instance ou s'il a été mis en cause par le vendeur ou l'emprunteur. »
En l’espèce, le contrat de crédit signé le 25 janvier 2019 comporte bien la mention « offre de contrat de crédit affecté à la fourniture de biens ou la prestation de services particuliers », de sorte qu’il n’y a pas de doute sur la qualification du contrat.
En conséquence, le contrat principal étant annulé, sans confirmation d’une cause de nullité du bon de commande, il convient de prononcer la nullité du contrat de crédit affecté du 25 janvier 2019.
III - Sur les conséquences de la nullité des contrats de vente et crédit affecté
S’agissant de la remise en état
Dans le cas d’une annulation du contrat de vente et du contrat de crédit affecté, les parties doivent être remises dans l’état dans lequel elles se trouvaient avant la conclusion des contrats par le mécanisme des restitutions.
Le juge n’est pas tenu, à défaut de demande expresse en ce sens, d’ordonner la restitution du prix.
S’agissant de la reprise du matériel vendu, la société BCEN étant en liquidation judiciaire, et non comparante, il est impossible de la condamner à effectuer la dépose des onduleurs et de la domotique étant précisé que depuis la vente, les onduleurs ont été remplacés et la domotique n’aurait, selon les écritures du demandeur, jamais été livrée.
Toutefois, pour le cas où le représentant de la société exprimerait le souhait de reprendre son matériel, les époux [V], ne pourraient s'y opposer.
Il convient à cet égard de juger que la mise à disposition du matériel au domicile des époux [V] pendant un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision, vaut restitution.
En outre, la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté emporte obligation pour l’emprunteur de restituer le capital emprunté, sauf si le prêteur a commis une faute qui a concouru au préjudice de l’acquéreur.
Sur les fautes de la SA DOMOFINANCE
Sur ce point, les époux [V] exposent que les fautes de la banque dans le déblocage des fonds et par sa participation au dol la privent, de sa créance de restitution du capital et l’obligent à dédommager les demandeurs du montant des frais bancaires payés outre la réparation du préjudice moral résultant de cette opération.
Les époux [V] font donc valoir à titre principal que la banque aurait commis des fautes dès lors qu’elle a :
- libéré les fonds sans vérifier la régularité formelle du bon de commande,
- participé au dol dont sont victimes les époux [V].
Ces fautes seront étudiées successivement.
S’agissant de la vérification de la régularité du bon de commande, il est constant que commet une faute la banque qui s’abstient de vérifier la régularité formelle du contrat principal avant de verser les fonds empruntés (Civ. 1re, 11 mars 2020, n° 18-26.189 ; Civ. 1re, 26 février 2020, n° 18-25.491 ; Civ. 1re, 19 juin 2019, n° 18-18.126 ; Civ. 1re, 9 mai 2019, n° 18-14.996) compte tenu de l’interdépendance des contrats. La banque ne peut donc opposer qu’elle n’était pas partie au contrat principal et n’avait pas l’obligation de vérifier la régularité du contrat de vente.
En l’espèce, il apparaît que la banque a libéré les fonds sans s’assurer de la validité du bon de commande pourtant manifestement irrégulier comme ne comportant pas les caractéristiques essentielles des biens acquis, ni les mentions requises s’agissant de la faculté de recours au médiateur de la consommation.
La faute de la banque doit en conséquence être retenue, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres fautes alléguées.
En réparation du préjudice, les époux [V] sollicitent la privation totale de celle-ci de sa créance de restitution du capital emprunté soit la somme de 11 000 euros et le versement de dommages et intérêts correspondant au prix de vente de l’installation (11 000 euros), ainsi que la restitution des intérêts et frais payés pour un montant de 5 661,23 euros et le versement de 5 000 euros en réparation du préjudice moral
Pour autant afin d’engager la responsabilité de la banque, il appartient aux demandeurs de justifier du préjudice qui en est résulté.
En l’espèce, les époux [V] indiquent que le défaut d’alerte de la banque sur les irrégularités du bon de commande, leur a fait perdre une chance de ne pas contracter l’opération. En outre, ils évoquent un préjudice résultant du défaut de rentabilité de l’installation qui ne produit pas les résultats promis. Ils indiquent que leur préjudice est aggravé du fait de la liquidation judiciaire de la société puisque malgré l’annulation de la vente, ils ne pourront pas recouvrer auprès d’elle le prix de vente par le jeu des restitutions
La SA DOMOFINANCE fait valoir s’agissant de la restitution du capital prêté que le fait que les demandeurs conserveront l’installation doit être pris en compte par le tribunal dans l’évaluation du préjudice ainsi que leur légèreté blâmable puisqu’ils ont signé une attestation de réception des travaux sans réserve ; qu’ils ne peuvent solliciter tout à la fois une dispense de restitution de la créance à la banque et sa condamnation à leur verser l’équivalent du coût total du crédit et qu’ils ne justifient pas de leur préjudice moral.
Néanmoins, l’absence de vérification de la régularité du bon de commande et d’alerte de l’acquéreur sur le vice encouru, lui a nécessairement fait perdre une chance de ne pas contracter.
En conséquence, le préjudice résultant de la faute du prêteur est avéré et conduit à le priver de sa créance de restitution du capital, dans la mesure toutefois du préjudice effectivement subi par les emprunteurs, les créances réciproques ayant vocation à se compenser.
En l’espèce, les demandeurs ne démontrent pas les conséquences concrètes de cette opération sur leur budget alors qu’ils revendent effectivement de l’électricité selon les factures de production versées aux débats.
Il convient en conséquence, de priver la banque de son droit à restitution au capital emprunté à hauteur de 50%, de sorte que les demandeurs restent tenus uniquement de la restitution de 5 500 euros (50% de 11 000 euros empruntés).
La SA DOMOFINANCE est quant à elle tenue de restituer aux époux [V] l’ensemble des sommes versées par eux au titre du contrat de crédit, soit la somme de 5 661,23 euros, somme non contestée par la banque.
La compensation des créances respectives ayant été demandée par la SA DOMOFINANCE, celle-ci sera donc condamnée à verser aux époux [V] la somme de 161,23 euros (5 661,23 – 5 500).
De même, si le préjudice moral des époux [V] lié à l'annulation de la vente, qui aurait pu être évitée en l'absence de la négligence fautive de la banque dans la vérification de la régularité du bon de commande est certain,il doit être ramené à plus justes proportions. Le seul préjudice moral, en lien avec la faute de la banque, sera évalué à 800 euros en l'absence de plus amples éléments fournis.
IV- Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts formée par la banque
La SA DOMOFINANCE soutient que les époux [V] ont fait preuve de légèreté blâmable en signant l’attestation de fin de travaux et l’ordre de paiement, la déterminant à débloquer les fonds. Cependant en l’absence de faute caractérisée des demandeurs qui n’ont pas été mis en mesure d’avoir une connaissance effective du vice résultant de l’inobservation des dispositions du code de la consommation dans le délai de rétractation ouvert, la banque doit être déboutée de sa demande en dommages et intérêts pour légèreté blâmable des emprunteurs.
V - Sur les dépens, les frais irrépétibles et l’exécution provisoire
La SA DOMOFINANCE, partie perdante, supportera les dépens d’instance en application de l’article 696 du code de procédure civile. La demande de distraction des dépens formée par la banque sera toutefois rejetée s’agissant d’une instance pour laquelle la représentation par avocat n’est pas obligatoire.
Il serait inéquitable de laisser à la charge des époux [V] les frais exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens. La SA DOMOFINANCE sera donc condamnée à leur verser une somme de 1.000 euros.
L’exécution provisoire est de droit.
PAR CES MOTIFS,
Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, mis à disposition au greffe :
DÉCLARE irrecevable la demande de nullité du contrat de vente n°1268 conclu entre la société BCEN et M. [C] [V], en ce qu’elle a été formée par Mme [M] [U] épouse [V] ;
DÉCLARE recevable la demande de nullité du contrat de vente n°1268 conclu entre la société BCEN et M. [C] [V], en ce qu’elle a été formée par M. [C] [V] ;
DÉCLARE M. [C] [V] et Mme [M] [U] épouse [V] recevables en leur action en nullité du contrat de crédit consenti le 25 janvier 2019 par la SA DOMOFINANCE ;
PRONONCE la nullité du contrat de vente du contrat de vente n°1268 conclu entre la société BCEN et M. [C] [V] ;
PRONONCE en conséquence la nullité du contrat de crédit affecté du 25 janvier 2019 conclu entre M. [C] [V] et Mme [M] [U] épouse [V] et la SA DOMOFINANCE ;
En conséquence :
DIT que pour le cas où le mandataire de la SARL BCEN exprimerait le souhait de reprendre son matériel, M. [C] [V] ne pourrait s’y opposer ;
DIT que la mise à disposition du matériel au domicile de M. [C] [V] pendant un délai d’un mois à compter de la signification de la présente décision vaut restitution ;
CONSTATE que la SA DOMOFINANCE a commis une faute dans la vérification du bon de commande qui la prive de sa créance de restitution à hauteur de 50% du capital emprunté, soit la somme de 5 500 euros ;
CONDAMNE M. [C] [V] et Mme [M] [U] épouse [V] à restituer à la SA DOMOFINANCE la somme de 5 500 euros ;
CONDAMNE la SA DOMOFINANCE à restituer à M. [C] [V] et Mme [M] [U] épouse [V] la somme de 5 661,23 euros ;
ORDONNE la compensation entre lesdites créances réciproques ;
CONDAMNE en conséquence la SA DOMOFINANCE à verser à M. [C] [V] et Mme [M] [U] épouse [V] la somme de 161,23 euros ;
CONDAMNE la SA DOMOFINANCE à verser à M. [C] [V] et Mme [M] [U] épouse [V] la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral.
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;
CONDAMNE la SA DOMOFINANCE aux dépens ;
CONDAMNE la SA DOMOFINANCE à verser à M. [C] [V] et Mme [M] [U] épouse [V] la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.
Ainsi jugé et prononcé par jugement signé les jour, mois et an susdits par le juge des contentieux de la protection et le greffier susnommés et mis à disposition au greffe.
Le greffierLe juge des contentieux de la protection