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03/07/2024 | FRANCE | N°22/13764

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 1/1/1 resp profess du drt, 03 juillet 2024, 22/13764


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :




1/1/1 resp profess du drt


N° RG 22/13764
N° Portalis 352J-W-B7G-CX56H


N° MINUTE :


Assignation du :
15 Novembre 2022
16 Novembre 2022












JUGEMENT
rendu le 03 Juillet 2024
DEMANDEUR

Monsieur [E] [F]
[Adresse 8]
[Localité 7]

représenté par Maître Solveig FRAISSE de la SELEURL FRAISSE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D400


FENDEURS

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DOME
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Rachel LEFEBVRE de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiair...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

1/1/1 resp profess du drt

N° RG 22/13764
N° Portalis 352J-W-B7G-CX56H

N° MINUTE :

Assignation du :
15 Novembre 2022
16 Novembre 2022

JUGEMENT
rendu le 03 Juillet 2024
DEMANDEUR

Monsieur [E] [F]
[Adresse 8]
[Localité 7]

représenté par Maître Solveig FRAISSE de la SELEURL FRAISSE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D400

DÉFENDEURS

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU PUY DE DOME
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Rachel LEFEBVRE de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D1901

Monsieur [Y] [D] [V]
[Adresse 1]
[Localité 4]

représenté par Maître Sébastien MALOYER de la SCP SÉBASTIEN MALOYER-MARIE-ODILE GENEFORT, avocats au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire #258

Décision du 03 Juillet 2024
1/1/1 resp profess du drt
N° RG 22/13764 - N° Portalis 352J-W-B7G-CX56H

Association AIR SPORTS ADDICT (A.S.A.)
[Adresse 10]
[Localité 5]

représentée par Maître Velin VALEV de la SELARL VALTHER, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D52

G.I.E. LA RÉUNION AÉRIENNE
[Adresse 9]
[Localité 6]

représentée par Maître Béatrice FLEURIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #T0003

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Benoît CHAMOUARD, Premier vice-président adjoint,
Président de formation

Monsieur Michael HARAVON, Vice-Président
Madame Lucie LETOMBE, Juge
Assesseurs,

assistés de Samir NESRI, Greffier lors des débats et de Gilles ARCAS, Greffier lors du prononcé.

DEBATS

A l’audience du 05 Juin 2024, tenue en audience publique

JUGEMENT

- Contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile
- Signé par Monsieur Benoît CHAMOUARD, Président, et par Monsieur Gilles ARCAS, Greffier lors du prononcé, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Le 24 août 2020, Monsieur [E] [F] a effectué un baptême de parapente biplace. Il occupait la place avant du parapente ; la place arrière était occupée par le pilote, Monsieur [Y] [V].

Monsieur [V] est membre de l'association ASA Air Sports Addict ("l'association").

Un premier vol a été réalisé sans encombre.

Un second vol a été réalisé. Lors de l'atterrissage, Monsieur [F] a été gravement blessé à la jambe, subissant une fracture de l'extrémité inférieure du tibia péroné. Il a subi une intervention chirurgicale, a été hospitalisé jusqu'au 1er septembre 2020 et a été placé en arrêt de travail.

L'épouse de Monsieur [F] a versé la somme de 50€ à Monsieur [V].

Monsieur [V] était assuré par la compagnie La Réunion Aérienne ("LRA").

Le 5 mars 2021, Monsieur [F] a fait assigner l'association, la société LRA et la société Saam Verspieren Group en référé devant le tribunal judiciaire de Paris, qui a ordonné une expertise médicale confiée au docteur [X] [G] par ordonnance du 25 août 2021. Cette expertise a été rendue commune à Monsieur [V] par ordonnance du 25 août 2021.

L'expert a déposé son rapport définitif le 1er juin 2022.

Par acte des 15 et 16 novembre 2022, Monsieur [F] a fait assigner l'association, la société LRA, Monsieur [V] et la CPAM du Puy-de-Dôme devant ce tribunal en responsabilité.

Prétentions et moyens de Monsieur [F]

Par dernières conclusions du 8 juin 2023, Monsieur [F] demande au tribunal, à titre principal, de condamner l'association à indemniser ses préjudices. A titre subsidiaire, il sollicite la condamnation in solidum de Monsieur [V] et de la société LRA à l'indemniser. A titre infiniment subsidiaire, il sollicite la condamnation de Monsieur [V] à cette indemnisation.

Il évalue ses préjudices à la somme de 160 700,96€, constituée de :

- dépenses de santé : 519,60€
- frais divers : 56 776,36€
- déficit fonctionnel temporaire : 3 405€
- souffrances endurées : 20 000€
- préjudice esthétique temporaire : 6 000€
- incidence professionnelle : 3 000€
- tierce personne permanente : 54 680,80€
- déficit fonctionnel permanent : 48 000€
- préjudice esthétique permanent : 3 000€
- préjudice d'agrément permanent : 20 000€.

Il sollicite la condamnation in solidum de Monsieur [V] et/ou la société LRA et/ou l'association aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la Selarl Fraisse Avocats, en ce compris les frais d'expertise, ainsi qu'au paiement de 3 600€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il demande enfin au tribunal de déclarer le jugement opposable à la CPAM du Puy-de-Dôme et d'ordonner l'exécution provisoire de ce jugement.

Monsieur [F] expose que l'accident est intervenu dans le cadre d'un contrat de transport aérien. Il fait valoir que le parapente est un aéronef, en application de l'article L6100-1 du code des transports, et que le baptême de l'air constitue un transport aérien, au sens de l'article L6400-1 du même code. En sollicitant la réalisation d'un baptême de l'air, il a donc conclu un contrat de transport aérien.

Monsieur [F] expose qu'il s'agissait d'un contrat onéreux, au sens de l'article 1107 du code civil. Il souligne que Monsieur [V] ne rapporte pas la preuve que les 50€ qu'il a perçus correspondent à un remboursement de frais, puisque son propre parapente a été utilisé, mais constituent une contrepartie financière.

Il poursuit en indiquant que Monsieur [V] a commis une faute lors de l'atterrissage, à défaut d'informations et conseils suffisants sur la conduite à tenir. Il lui reproche également une vitesse excessive et le fait d'avoir atterri face à la pente. Il précise toutefois qu'il n'est pas nécessaire de rapporter la preuve d'une faute pour engager la responsabilité d'un transporteur aérien.

Monsieur [F] conteste avoir commis une faute. S'il admet qu'il avait été informé qu'il devait "courir dans le vide" au moment de l'atterrissage, la vitesse et le choix du pilote de se poser sur une montée l'ont empêché de le faire.

Monsieur [F] soutient que le litige est soumis à la convention de Varsovie du 12 octobre 1929 et à l'article L6421-4 du code des transports.

Monsieur [F] précise s'être adressé à l'association pour obtenir le baptême de l'air litigieux et avoir été mis en contact avec Monsieur [V]. Il recherche la responsabilité de l'association, en sa qualité de commettant de Monsieur [V]. Il souligne que tout membre d'une association peut être qualifié de préposé occasionnel. Or Monsieur [V] était membre de l'association défenderesse et chargé de réaliser des baptêmes de l'air.

Le demandeur relève qu'en application de la Convention de Varsovie, seule la force majeure peut exonérer le transporteur aérien de sa responsabilité ; lorsque le transport intervient à titre gratuit et en application de l'article L6421-4 du code des transports, le transporteur ne s'exonère pas de sa responsabilité lorsque le dommage a une cause qui lui est imputable.

Monsieur [F] conteste tout abus de droit. Il conteste que l'association subisse un préjudice d'image.

A titre subsidiaire, Monsieur [F] recherche la responsabilité de Monsieur [V] et la garantie de son assureur. Il soutient que la garantie souscrite par Monsieur [V] lorsqu'il a adhéré à l'association s'applique à l'accident dont il a été victime, puisqu'elle couvre les vols à caractère non commercial et les baptêmes de l'air à titre gratuit.

A titre infiniment subsidiaire, le demandeur soutient que Monsieur [V] a engagé sa responsabilité délictuelle, en ne maîtrisant pas l'atterrissage.

Monsieur [F] détaille enfin son préjudice.

Prétentions et moyens de l'association

Par dernières conclusions du 13 avril 2023, l'association demande au tribunal de débouter Monsieur [F] de ses demandes, de le condamner au paiement de 5 000€ pour procédure abusive et 5 000€ en réparation de son préjudice d'image.

A titre subsidiaire, elle sollicite la réduction des demandes d'indemnisation de Monsieur [F] à hauteur de :
- 2 686,47€ au titre de l'assistance par tierce personne ;
- 2 270€ au titre du déficit fonctionnel temporaire ;
- 8 000€ au titre des souffrances endurées ;
- 18 000€ au titre du déficit fonctionnel permanent ;
- 3 000€ au titre du préjudice d'agrément
Elle demande le rejet des demandes formées au titre des frais d'entretien du jardin et de terrains boisés, des frais professionnels et de l'incidence professionnelle.

Elle sollicite en tout état de cause la condamnation de Monsieur [F] au paiement de 5 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'association conteste avoir été contactée par le demandeur et soutient que le vol a été organisé directement par Monsieur [V], qui n'est pas moniteur en son sein. Elle souligne que le demandeur ne rapporte pas la preuve contraire. Elle précise que l'offre de baptême "[W]" est proposée par une autre école de parapente, avec laquelle elle partage son site internet, et que le baptême a été réalisé avec le parapente de Monsieur [V], sur un terrain qu'elle n'utilise pas. Elle conteste ainsi tout contrat l'ayant liée à Monsieur [F].

L'association soutient, à titre reconventionnel, que le demandeur a introduit une procédure parfaitement injustifiée à son encontre, ce qui constitue un abus de son droit d'agir et a nui à son image.

A titre subsidiaire, l'association soutient que le contrat de transport était un contrat à titre gratuit. Elle souligne n'avoir encaissé aucune somme au titre du vol. En application de l'article L6421-4 du code des transports, il appartient alors au demandeur de rapporter la preuve d'une faute, ce qu'il ne fait pas.

A titre infiniment subsidiaire, l'association discute le préjudice allégué en demande.

Prétentions et moyens de Monsieur [V]

Par dernières conclusions du 10 juillet 2023, Monsieur [V] demande au tribunal de débouter Monsieur [F] de ses demandes.

A titre subsidiaire, il demande à être garanti par la société LRA des condamnations mises à sa charge par une condamnation in solidum. Il sollicite le rejet des demandes d'indemnisations des postes de frais divers, frais de taxi, frais d'entretien, frais professionnels, incidence professionnelle, tierce personne au titre des préjudices patrimoniaux permanents, souffrances endurées au titre des préjudices extra-patrimoniaux permanents et atteinte subjective à la qualité de vie, ainsi que la réduction à de plus justes proportions des autres demandes.
Il sollicite en tout état de cause la condamnation du demandeur au paiement de 3 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, aux dépens et demande que l'exécution provisoire du jugement soit écartée.

Monsieur [V] expose être adhérent de l'association, ainsi que de deux autres clubs, sans avoir la qualité de moniteur. Il conteste que le demandeur se soit adressé à l'association pour l'organisation du baptême et expose avoir été contacté par l'intermédiaire d'une connaissance commune. Il précise que l'association n'avait pas été informée de ce vol, ni de l'accident. Il dénie tout lien de préposition avec celle-ci.

Sur le fond, Monsieur [V] admet que la responsabilité du transporteur aérien relève de la Convention de Varsovie et de l'article L6421-4 du code du transport. Il précise que cette dernière disposition conditionne la responsabilité du transporteur à titre gratuit à la preuve d'une faute.

En l'espèce, Monsieur [V] précise qu'il avait accepté de faire voler Monsieur [F] pour rendre service à un ami, sans contrepartie financière. Ce n'est qu'après l'accident qu'il a accepté la somme de 50€ proposée par l'épouse de Monsieur [F] et a établi un reçu. Il souligne que cette somme était dérisoire pour deux vols, 25€ par vol ne pouvant être considéré comme un prix sérieux, notamment au regard des coûts. Il précise que Madame [F] lui a présenté cette somme comme un simple défraiement pour les deux vols. Dans l'hypothèse où le tribunal qualifierait cette somme de prix, il lui demande de constater la nullité du contrat sur le fondement de l'article 1169 du code civil. Par ailleurs, il soutient que le demandeur arguant avoir contracté avec l'association, la remise de cette somme à son bénéfice caractérise une erreur sur la personne.

Au titre de la responsabilité du transporteur aérien en cas de transport à titre gratuit, Monsieur [V] rappelle que l'article L6421-4 du code des transports limite cette responsabilité à 114 336€ et nécessite de rapporter la preuve d'une faute. La responsabilité n'est "déplafonnée" qu'en présence d'une faute délibérée. Monsieur [V] expose avoir délivré les conseils et consignes nécessaires à Monsieur [F] avant le premier vol, qui s'est déroulé sans encombre. Il a notamment indiqué au demandeur de "courir dans le vide" avant de toucher le sol, ce que le demandeur n'a pas fait et a causé la chute. Il souligne que le terrain sur lequel l'atterrissage est intervenu est adapté, a été retenu par l'association et ne présente pas de difficulté particulière. Il ne présente qu'une légère pente. Monsieur [V] ajoute s'être positionné face au vent pour limiter la vitesse. Il conteste ainsi toute faute.

Si le tribunal retenait l'existence d'un contrat onéreux, Monsieur [V] rappelle que les articles 20 et 21 de la Convention de Varsovie permettent d'écarter ou d'atténuer la responsabilité du transporteur lorsque la faute de la victime a causé le dommage ou y a contribué, ce qui est le cas en l'espèce selon lui.

Monsieur [V] poursuit en indiquant que les règles du transport aérien sont exclusives du droit commun, dont les dispositions de l'article 1240 du code civil, et qu'au demeurant Monsieur [F] ne rapporte pas la preuve d'une faute le concernant.

Concernant la garantie de la société LRA, Monsieur [V] expose que l'article L212-1 du code du sport ne s'applique, puisqu'il s'agissait d'un simple vol d'agrément. Par ailleurs, exiger que le pilote soit titulaire du diplôme d'Etat reviendrait à vider la garantie en cas d'accident d'un pilote seul. Il précise être titulaire du brevet de pilote de parapente et de la qualification biplace, exigée lors de la souscription de l'assurance. Il ajoute que sont garantis les baptêmes de l'air ou promenade aérienne à titre gratuit et conteste tout caractère commercial au vol, à défaut notamment d'être titulaire d'une licence d'exploitation et de caractère onéreux du vol.

A titre subsidiaire, Monsieur [V] discute les préjudices allégués par le demandeur.

Prétentions et moyens de la société LRA

Par dernières conclusions du 20 août 2023, la société LRA demande au tribunal de débouter les autres parties des demandes formées à son encontre et de condamner Monsieur [F] aux dépens.

A titre subsidiaire, elle demande au tribunal de limiter l'indemnisation de Monsieur [F] à la somme de 33 462,50€.

A titre infiniment subsidiaire, elle demande à ce que l'indemnisation soit limitée à la somme de 114 336€ et à hauteur des limitations prévues par la police d'assurance.

La société LRA conteste à titre principal sa garantie. Elle rappelle être mandataire des assureurs de Monsieur [V] et non de l'association. Elle expose ne pas couvrir un transport à titre onéreux, comme tel était le cas en l'espèce.

Elle précise que les conditions générales applicables conditionnent la garantie au fait que le pilote soit titulaire des brevets, licence et qualification requise. Or l'article L212-1 du code du sport impose d'être titulaire du brevet d'Etat d'éducateur sportif pour enseigner, animer ou encadrer une activité physique contre rémunération, brevet dont ne dispose pas Monsieur [V]. Elle précise que cette clause ne vide pas la garantie de sa substance, cette garantie restant due pour un vol individuel à titre gratuit. Elle souligne que les baptêmes de l'air à titre onéreux ne sont couverts que dans le cadre d'une manifestation de promotion de l'activité parapente. Elle ajoute que le vol litigieux présentait un caractère commercial et précise que le certificat de transporteur n'est pas imposé pour le parapente.

A titre subsidiaire, la société LRA conteste toute responsabilité de Monsieur [V]. Elle rappelle qu'en application de l'article L6421-4 du code des transports, il incombe au demandeur de rapporter la preuve d'une faute pour engager sa responsabilité. Or en l'espèce Monsieur [V] avait prodigué les conseils nécessaires, comme le reconnaît le demandeur. Elle souligne que le lieu d'atterrissage ne présentait pas de difficultés particulières et qu'aucune faute n'est donc établie. Elle fait enfin valoir que les dispositions du code des transports sont exclusives des règles de droit commun.

A titre subsidiaire, la société LRA discute le préjudice allégué en demande.

A titre infiniment subsidiaire, elle rappelle que l'article L6421-4 du code des transports limite l'indemnisation du préjudice à 114 336€ et que la police de garantie prévoit des limitations.

Prétentions de la CPAM du Puy-de-Dôme

Par dernières conclusions du 5 avril 2023, la CPAM du Puy-de-Dôme demande au tribunal de condamner in solidum l'association, Monsieur [V] et la société LRA au paiement de :

- 9 510,52€ au titre des prestations versées, avec intérêts au taux légal à compter du 22 novembre 2022, et
- 1 162€ au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L376-1 du code de la sécurité sociale,

Elle demande que ses droits soient réservés concernant les prestations non connues à ce jour.

Elle sollicite la condamnation in solidum de l'association, Monsieur [V] et la société LRA aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la Selarl Kato & Lefebvre, ainsi qu'au paiement de 2 000€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, comme le permet l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 28 août 2023. A l'audience du 5 juin 2024, l'affaire a été mise en délibéré au 3 juillet 2024, date de ce jugement.

MOTIFS DE LA DECISION

1. Sur les demandes formées à l'encontre de l'association

L'article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

Monsieur [F] soutient avoir contracté avec l'association, dans le cadre d'une offre de découverte du parapente qu'elle proposait.

Tant l'association que Monsieur [V] contestent ce fait.

En l'absence de toute pièce produite par Monsieur [F] tendant à établir un lien entre le baptême de parapente à l'origine de l'accident et l'association, le demandeur ne rapporte pas la preuve de son implication et sera débouté de demandes formées à son encontre.

Il en sera de même des demandes formulées par la CPAM du Puy-de-Dôme à leur encontre.

2. Sur la qualification du baptême de parapente

Il ne fait pas débat et résulte des dispositions du code des transports qu'un baptême de parapente constitue un contrat de transport aérien.

Décision du 03 Juillet 2024
1/1/1 resp profess du drt
N° RG 22/13764 - N° Portalis 352J-W-B7G-CX56H

Le baptême litigieux n'est pas soumis aux dispositions de l'article L6421-3 du code des transports, Monsieur [V] ne disposant pas d'une licence d'exploitation de transport aérien.

L'article L6421-4 de ce code, dans sa version applicable au litige, prévoit que la responsabilité du transporteur aérien non soumis aux dispositions de l'article L6421-3 est régie par les stipulations de la convention de Varsovie du 12 octobre 1929, dans les conditions définies par les articles L6422-2 à L6422-5. Toutefois, la limite de la responsabilité du transporteur relative à chaque passager est fixée à 114 336 €.

Sauf stipulations conventionnelles contraires, la responsabilité du transporteur aérien effectuant un transport gratuit n'est engagée, dans la limite prévue par le premier alinéa, que s'il est établi que le dommage a pour cause une faute imputable au transporteur ou à ses préposés.
La responsabilité du transporteur aérien ne peut être recherchée que dans les conditions et limites prévues par le présent article, quelles que soient les personnes qui la mettent en cause et quel que soit le titre auquel elles prétendent agir.

L'application du premier ou du deuxième alinéa de cette disposition implique de déterminer si le transport litigieux était gratuit ou onéreux.

La définition d'un contrat onéreux ou gratuit résulte de l'article 1107 du code civil, qui dispose que le contrat est à titre onéreux lorsque chacune des parties reçoit de l'autre un avantage en contrepartie de celui qu'elle procure. Il est à titre gratuit lorsque l'une des parties procure à l'autre un avantage sans attendre ni recevoir de contrepartie.

En application de ces dispositions, un simple défraiement ne constitue pas une contrepartie, s'agissant non d'apporter un avantage au contractant mais de rendre la prestation neutre économiquement pour ce dernier.

En l'espèce, il est constant que l'épouse du demandeur a versé la somme de 50€ à Monsieur [V], postérieurement à l'accident, qui lui a adressé un reçu formulé dans les termes suivants :

" Reçu le lundi 24 août de Mr [E] [F] pour la prestation de deux vols parapente la somme de cinquante euros (50€) en dédommagement au frais de la pratique parapente biplace ".

Ce reçu mentionne explicitement que ce versement intervient en dédommagement de frais, ce qui est corroboré par le montant peu important de la somme versée pour deux vols en parapente, habituellement facturés entre 100 et 150€ par vol, comme l'indique Monsieur [V] sans être contredit sur ce point.

Par ailleurs, le fait que le parapente utilisé appartienne au défendeur ne permet pas de conclure à l'absence de frais exposés par ce dernier, qu'il s'agisse de frais d'assurance ou de frais éventuels pour se rendre sur les lieux du vol.

Monsieur [F], qui produit des échanges de messages téléphoniques, ne verse aux débats aucun document attestant qu'un prix avait été convenu avant les vols ou contredisant le fait que la somme de 50€ correspond à un dédommagement.

Au vu de ces éléments, Monsieur [V] rapporte la preuve du caractère gratuit du contrat.

3. Sur la responsabilité de Monsieur [V]

En présence d'un transport gratuit, le litige est régi par le deuxième alinéa de l'article L6421-4 du code des transports, reproduit ci-dessus, qui conditionne l'engagement de responsabilité du transporteur à la preuve d'une faute.

Aucune autre disposition n'est susceptible d'être invoquée, le troisième alinéa de cette disposition écartant explicitement tout autre fondement légal, dont la responsabilité délictuelle de droit commun.

Monsieur [F] reproche tout d'abord à Monsieur [V] de ne pas lui avoir fourni d'informations et de conseils suffisants sur la conduite à tenir. Il reconnaît toutefois explicitement que le défendeur lui a indiqué qu'il devait "courir dans le vide" avant l'atterrissage.

Monsieur [F] n'explicite pas plus avant quels autres informations ou conseils il appartenait à Monsieur [V] de lui transmettre. A défaut d'allégations suffisamment précises sur ce point, ainsi de production de toute norme éventuelle en matière de vol en parapente, le demandeur ne rapporte pas la preuve d'une obligation d'information ou de conseil à laquelle Monsieur [V] aurait été tenu, au-delà de la consigne transmise de "courir dans le vide".

Monsieur [F] reproche par ailleurs à Monsieur [V] d'avoir choisi atterri face à la pente, sur un terrain non approprié.

Il ne produit toutefois aucun document permettant au tribunal d'apprécier quelles sont les bonnes pratiques en matière d'atterrissage en parapente et, par conséquent, si les conditions choisies par le défendeur étaient appropriées. Il ne rapporte donc pas la preuve d'une faute lui incombant.

Au demeurant, la photographie insérée dans les conclusions est insuffisante pour établir l'existence d'une pente importante, sur laquelle Monsieur [V] aurait procédé à l'atterrissage, compte tenu notamment des photographies contraires produites par ce dernier.

Aucun document ne permet enfin d'établir que l'atterrissage a été réalisé à une vitesse excessive, comme le soutient le demandeur.

Monsieur [F] ne rapporte donc pas la preuve d'une faute de Monsieur [V]. Il sera débouté des demandes à son encontre.

A défaut de responsabilité de Monsieur [V], les demandes formées contre son assureur, la société LRA, seront également rejetées.

Il en sera de même des demandes formées par la CPAM du Puy-de-Dôme à leur encontre.

4. Sur la procédure abusive

En application de l'article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à des dommages et intérêts.

En l'espèce, aucune pièce produite ne permet de caractère la mauvaise foi ou l'intention de nuire du demandeur dans l'action intentée à l'encontre de l'association. Par ailleurs, le seul fait d'intenter une action sans pièces justificatives est insuffisant, dans le contexte de cette affaire, pour caractériser un abus de droit.

L'association sera déboutée de sa demande reconventionnelle.

5. Sur les autres demandes

Monsieur [F], partie perdante, sera condamné aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la Selarl Kato & Lefebvre pour ce qui la concerne.

L'équité commande en l'espèce de condamner Monsieur [F] au paiement de 3 000€ chacun à Monsieur [V] et à l'association sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que de rejeter les demandes similaires formulées par la CPAM du Puy-de-Dôme.

L'exécution provisoire de ce jugement est de droit en application de l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, contradictoirement et par jugement susceptible d'appel,

Déboute Monsieur [E] [F] de ses demandes,

Déboute la CPAM du Puy-de-Dôme de ses demandes,

Déboute l'association Air Sports Addict de ses demandes reconventionnelles,

Condamne Monsieur [E] [F] aux dépens, avec droit de recouvrement direct au profit de la Selarl Kato & Lefebvre pour ce qui la concerne,

Condamne Monsieur [E] [F] à payer 3 000€ à Monsieur [Y] [V] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur [E] [F] à payer 3 000€ à l'association Air Sports Addict sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs autres ou plus amples demandes,

Rappelle que l'exécution provisoire de ce jugement est de droit.

Fait et jugé à Paris le 03 Juillet 2024

Le GreffierLe Président

G. ARCASB. CHAMOUARD


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 1/1/1 resp profess du drt
Numéro d'arrêt : 22/13764
Date de la décision : 03/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 13/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-03;22.13764 ?
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