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02/07/2024 | FRANCE | N°23/02396

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19ème chambre civile, 02 juillet 2024, 23/02396


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :


19ème chambre civile


N° RG 23/02396

N° MINUTE :

Assignation du :
14 et 17 Février 2023

CONDAMNE

EG










JUGEMENT
rendu le 02 Juillet 2024
DEMANDEURS

Monsieur [D] [J]
[Adresse 3]
[Localité 12]

ET

Madame [O] [F] épouse [Z], en qualité de curatrice
Prise en son nom personnel et ès qualités de représentante légale de ses enfants mineurs, Monsieur [R] [Z] et M

adame [B] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 12]

ET

Monsieur [M] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 12]

ET

Madame [U] [Z]
[Adresse 6]
[Localité 13]

ET

Madame [V] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 12]

Décision d...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

19ème chambre civile


N° RG 23/02396

N° MINUTE :

Assignation du :
14 et 17 Février 2023

CONDAMNE

EG

JUGEMENT
rendu le 02 Juillet 2024
DEMANDEURS

Monsieur [D] [J]
[Adresse 3]
[Localité 12]

ET

Madame [O] [F] épouse [Z], en qualité de curatrice
Prise en son nom personnel et ès qualités de représentante légale de ses enfants mineurs, Monsieur [R] [Z] et Madame [B] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 12]

ET

Monsieur [M] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 12]

ET

Madame [U] [Z]
[Adresse 6]
[Localité 13]

ET

Madame [V] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 12]

Décision du 02 Juillet 2024
19ème chambre civile
N° RG 23/02396

ET

Monsieur [H] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 12]

ET

Madame [G] [K]
[Adresse 2]
[Localité 7]

ET

Madame [Y] [S] [F]
[Adresse 16]
[Localité 8]/FRANCE

représentés par Maître Benoît GUILLON de la GHL ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0220

DÉFENDEURS

CPAM DE L’ESSONNE
[Adresse 14]
[Localité 12]

non représentée

BUREAU CENTRAL FRANÇAIS
[Adresse 1]
[Localité 10]

représenté par Maître Jérôme CHARPENTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1216

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Olivier NOËL, Vice-Président
Président de la formation

Madame Emmanuelle GENDRE, Vice-Présidente
Madame Mabé LE CHATELIER, Magistrate à titre temporaire
Assesseurs

Assistés de Madame Célestine BLIEZ, greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition.

DEBATS

A l’audience du 23 Avril 2024 présidée par Olivier NOËL, tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2024.

JUGEMENT

- Réputé contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Le 31 juillet 2008, sur l’autoroute A10 au niveau de [Localité 15], M. [D] [J], né le [Date naissance 9] 2001, a été victime d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule Mercedes Printer conduit par M. [X] [C] et assuré auprès de AXA SEGUROS, compagnie de droit portugais, représentée en France par la compagnie AXA. Aux côtés de M. [D] [J], se trouvaient également dans le véhicule sa mère, [O] [F], son beau-père, M. [M] [Z], sa tante, [G] [K] et son frère, [R] [Z].

M. [D] [J] a été projeté à plusieurs mètres du véhicule et a présenté un traumatisme crânien sévère avec décollement sous dural droit, pétéchies frontales et occipitales et hémorragies intra-ventriculaires.

Des réunions d’expertise amiables contradictoires par le Docteur [W], médecin conseil de la compagnie AXA et le docteur [I], médecin conseil de M. [D] [J] ont eu lieu le 21 avril 2009 et le 5 juin 2010 avec avis du Dr [T], ophtalmologue. De nouveaux examens ont été pratiqués par le Dr [W] et le Dr [E] le 11 juin 2014 et le 28 décembre 2018 concluant à l’absence de consolidation de l’état de santé de M. [D] [J]. Un rapport amiable contradictoire a été dressé le 13 janvier 2021 parvenant aux conclusions suivantes :
- Besoin en aide humaine : l’aide avait été évaluée avant qu’il n’aille au collège soit jusqu’au 30.08.2011, l’aide était de 2h30 par jour, incluant l’aide du matin, l’aide du soir et l’encadrement. Lorsqu’il était à la maison les week-ends et les vacances, l’aide était de 6 heures actives ceci jusqu’au 30.08.2011.
Depuis qu’il était au collège : nous rappelons qu’il était au collège de 8h à 17h30 les lundis, mardis, jeudis et vendredis. Le mercredi matin il y est de 8h à 12h30. Lorsqu’il était à l’école l’aide est de 2h par jour. Le mercredi l’aide était de 3 heures par jour puisqu’il finit l’école à 12h30. Lorsqu’il n’était pas au collège, l’aide était de 4 heures par jour. L’aide doit être prévue comme telle jusqu’à ce qu’il rentre en CFA.
A partir du moment où il était en CFA : il a toujours eu besoin d’une aide pour l’encadrement, l’organisation. Il ne peut faire les démarches administratives. Il nous est dit que pour les sorties extérieures, il est toujours accompagné. Pendant les vacances l’aide est plus importante que ce qu’elle est pendant les périodes où il est en stage ou en CFA. Il s’agit d’une aide évaluée, lissée dans le temps. Nous avions considéré que même après l’entrée en CFA, l’aide était toujours sur une base de 4 heures par jour. Nous considérons que cette aide de 4 heures par jour doit être prolongée comme telle jusqu’à la consolidation.
- DFT :
° DFTT du 31/07/2008 au 19/01/2009
° DFTP 75% du 20/01/2009 au 28/02/2017
° DFTT du 1/03/2017 au 2/03/2017
° DFTP 75% du 3/3/2017 au 28/05/2017
° DFTT le 29/05/2017
° DFTP 75% du 30/05/2017 au 19/02/2020
- Consolidation au 19 février 2020
- DFP : 75%
- Souffrances endurées : 6/7
- Préjudice esthétique temporaire : était plus péjoratif jusqu’à la chirurgie du strabisme en mai 2017. Il se confond ensuite avec le préjudice esthétique définitif.
- Préjudice esthétique permanent : 3/7
- Préjudice d’agrément : constitué.
- Préjudice sexuel : constitué.
- Concernant le problème professionnel : nous savons qu’il a pu travailler au CHSF mais il bénéficie de l’entourage d’un milieu bienveillant. Sa mère travaille dans l’hôpital. Il fait un travail exécutif. Mono-tâche, sans prise d’initiative, avec des actes répétitifs. Il nous a été dit qu’il avait une grande fatigabilité, qu’il s’allongeait lorsqu’il rentrait du travail.
- Assistance tierce personne : 3h par jour nous ne savons pas comment se passeront les choses lorsqu’il quittera le cocon familial. Le Dr [E] estime qu’il faudra alors faire un bilan situationnel.
- Frais de véhicule adapté : besoin d’un véhicule avec boîte automatique et grands rétroviseurs

Par jugement du juge des tutelles du tribunal judiciaire d’ERVRY-COURCOURONNES rendu le 17 décembre 2020, M. [D] [J] a été placé sous curatelle renforcée, Mme [O] [F] étant désignée en qualité de curatrice.

Par actes d'huissier régulièrement signifiés les 14 et 17 février 2023, M. [D] [J], Mme [O] [F] prise en son nom personnel et ès qualités de représentante de ses enfants mineurs, M. [R] [Z] et Mme [B] [Z], M. [M] [Z], Mme [U] [Z], Mme [V] [Z], M. [H] [Z], Mme [G] [Z], Mme [Y] [S] [F] ont fait assigner le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS et la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE (CPAM) DE L’ESSONNE devant ce tribunal aux fins de voir reconnaître leur droit à indemnisation et de voir liquider leurs préjudices.

Aux termes de leurs dernières écritures signifiées le 9 octobre 2023 auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, M. [D] [J], Mme [O] [F] prise en son nom personnel et ès qualités de représentante de ses enfants mineurs, M. [R] [Z] et Mme [B] [Z], M. [M] [Z], Mme [U] [Z], Mme [V] [Z], M. [H] [Z], Mme [G] [Z], Mme [Y] [S] [F] demandent au tribunal de :
- Condamner le BUREAU CENTAL FRANÇAIS à verser à M. [J] à titre d’indemnisation des préjudices découlant de l’accident dont il a été victime le 31 juillet 2008, après imputation de la créance des organismes sociaux poste par poste, conformément aux dispositions de l’article 25 de la loi du 21 décembre 2006 et dans le respect du principe de préférence victime, les sommes suivantes :
° DSA : 2.587,50 euros :
° frais divers : 433.907,73 euros à réactualiser de 2022 à la date de liquidation ;
° PGPA : néant ;
° PSU : à titre principal 154.000 euros, à titre subsidiaire : 152.000 euros
° DSF : mémoire
° PGPF et IP
A titre principal, pleins PGPF :
. PGPF : 2.131.024,55 euros
. IP : 300.000 euros
A titre subsidiaire, PGPF 80%
. PGPF : 1.704.819,64 euros
. IP : 740.000 euros
°FVA : 39.199 euros
° TPF : 2.268.150 euros
A titre subsidiaire : capital échu 139.200 euros, rente trimestrielle viagère : 13.097 euros
° DFT : 144.742,50 euros
° SE : 80.000 euros
° PET : 8.000 euros
° DFP
A titre principal : 803.753 euros
A titre subsidiaire : 750.000 euros
° PEP : 14.000 euros
° PS : 40.000 euros
° PA : 30.000 euros
° PE : 80.000 euros
° PPE : 50.000 euros
- Condamner le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à indemniser les victimes par ricochet dans les conditions suivantes :
° Mme [O] [Z] :
. en son nom personnel :
Préjudice d’affection : 12.000 euros
Troubles dans les conditions d’existence et préjudice d’accompagnement : 40.000 euros
. es qualités de représentante légale de M. [R] [Z] :
Préjudice d’affection : 12.000 euros
Troubles dans les conditions d’existence et préjudice d’accompagnement : 6.000 euros
. es qualités de représentante légale de Mme [B] [Z] :
Préjudice d’affection : 4.000 euros
Troubles dans les conditions d’existence et préjudice d’accompagnement : 2.000 euros
° M. [M] [Z] :
. préjudice d’affection : 20.000 euros
. Troubles dans les conditions d’existence et préjudice d’accompagnement : 40.000 euros
° [U], [V] et [H] [Z]
. préjudice d’affection : 9.000 euros chacun
.Troubles dans les conditions d’existence et préjudice d’accompagnement : 8.000 euros chacun
° Mme [G] [K] :
. préjudice d’affection : 1.000 euros
° Mme [Y] [S] [F] :
. préjudice d’affection : 3.000 euros.
- Condamner le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à la sanction des intérêts au double du taux légal des articles L211-13 et suivants du code des assurances sur les indemnités liquidées par son jugement avant imputation de la créance des tiers payeurs et les provisions versées depuis le 31 mars 2009 jusqu’à jugement définitif avec anatocisme à compter du 31 mars 2010.
- A titre subsidiaire condamner le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à la sanction au double du taux légal des article L211-13 et suivants du code des assurances sur les indemnités offertes (le cas échéant à titre subsidiaire) par conclusions du 13 juin 2023, avant imputation de la créance des tiers payeurs et les provisions versées, depuis le 31 mars 2009 avec anatocisme à compter du 31 mars 2010 et jusqu’au 13 juin 2023.
- Condamner le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à verser à M. [J] une somme de 30.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
- Constater l’exécution provisoire de droit ;
- Dire le jugement à intervenir commun à la CPAM.

Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 12 juin 2023 auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS demande au tribunal de :
- Fixer en deniers ou quittances, le préjudice de M. [D] [J] de la façon suivante :
° dépenses de santé actuelles : réserve
° frais divers : 5.400 euros
° tierce personne avant consolidation : 140.450 euros
° Préjudice scolaire : 25.000 euros
° dépenses de santé futures : réserve
° PGPF : sursis à statuer
Subsidiairement : arrérages échus : 28.000 euros et rente mensuelle viagère : 700 euros/mois
° incidence professionnelle : 40.000 euros
° tierce personne après consolidation : arrérages échus : 47.292 euros et rente trimestrielle de 4.800 euros ;
° frais de véhicule adapté : sursis à statuer
° DFT : 80.243,75 euros
° SE : 45.000 euros
° préjudice esthétique temporaire : 5.000 euros
° DFP : 495.000 euros
° préjudice esthétique permanent : 7.000 euros
° préjudice sexuel : 5.000 euros
° préjudice d’établissement : 25.000 euros
° préjudice d’agrément : 5.000 euros
° préjudice permanent exceptionnel : débouté
- Fixer en deniers ou quittance, le préjudice de Mme [O] [F] de la façon suivante :
° préjudice d’affection : 10.000 euros
° troubles dans les conditions d’existence : 15.000 euros
- Fixer en deniers ou quittance, le préjudice d’affection de M. [R] [Z] à hauteur de 5.000 euros
- Débouter M. [M] [Z], Mme [B] [Z], Mme [U] [Z], Mme [V] [Z], M. [H] [Z], Mme [G] [K], Mme [Y] [S] [F] de leurs demandes fins et conclusions ;
- Débouter M. [D] [J] de sa demande de condamnation au doublement des intérêts légaux au titre des articles L211-9 du code des assurances
A titre subsidiaire dire que le montant de l’offre du 9 décembre 2009 portera intérêts au double du taux de l’intérêt légal à compter du 31 mars 2009 et jusqu’au 9 décembre 2009, l’assiette des intérêts correspond à ladite offre ;
A titre plus subsidiaire dire que le montant de l’offre du 10 novembre 2010 portera intérêts au double du taux de l’intérêt légal à compter du 31 mars 2009 et jusqu’au 10 novembre 2010, l’assiette des intérêts correspond à ladite offre ;
A titre plus subsidiaire encore dire que le montant de l’offre du 4 août 2014 portera intérêts au double du taux de l’intérêt légal à compter du 31 mars 2009 et jusqu’au 4 août 2014, l’assiette des intérêts correspond à ladite offre ;
A titre infiniment subsidiaire dire que le montant de l’offre du 13 juin 2018 portera intérêts au double du taux de l’intérêt légal à compter du 31 mars 2009 et jusqu’au 13 juin 2018, l’assiette des intérêts correspond à ladite offre ;
- Dire que l’offre d’indemnisation définitive du 15 février 2022 est complète et suffisante et que le montant de l’offre du 15 février 2022 portera intérêts au double du taux de l’intérêt légal à compter du 13 juin 2021 et jusqu’à la date de signification des présentes conclusions, l’assiette des intérêts correspond à ladite offre ;
- A titre subsidiaire dire que les présentes conclusions valent offre d’indemnisation conformément à l’article L211-9 du codes assurances et à la jurisprudence en vigueur ;
- En conséquence dire que le montant de l’offre portera intérêts au double du taux de l’intérêt légal à compter du 13 juin 2021 et jusqu’au 17 mai 2022, date de signification des présentes conclusions ;
- Débouter M. [J] de sa demande au titre de l’anatocisme appliqué sur les intérêts majorés ;
- Débouter le demandeur du surplus de ses demandes, y compris celles concernant l’anatocisme lequel ne serait, subsidiairement, dû qu’à compter d’un an de la décision à intervenir, ou très subsidiairement, un an à compter de l’assignation ;
- Réduire l’indemnité sollicitée au titre de l’article 700 du code de procédure civile à de plus justes proportions ;
- Statuer ce que de droit sur les dépens.

La Caisse Primaire d’Assurance-Maladie de l’ESSONNE, quoique régulièrement assignée, n’a pas constitué avocat. Susceptible d'appel, le présent jugement sera donc réputé contradictoire et sera déclaré commun à la caisse.

La clôture de la présente procédure a été prononcée le 6 février 2024. L’affaire a été plaidée le 23 avril 2024 et mise en délibéré au 2 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I – Sur le droit à indemnisation :

La loi du 5 juillet 1985 dispose que les victimes d’un accident de la circulation, non conducteurs d’un véhicule terrestre à moteur, ont droit à l'indemnisation des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subies, sauf lorsqu’elles ont commis une faute inexcusable qui a été la cause exclusive de l’accident ou qu’elles ont volontairement recherché le dommage qu’elles subissent.

Est impliqué dans un accident, au sens de la loi du 5 juillet 1985, tout véhicule intervenu, à quelque titre que ce soit, dans la survenance de cet accident.

Le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur ne peut se dégager de son obligation d'indemnisation que s'il établit que cet accident est sans relation avec le dommage.

En l'espèce, le BCF représentant la compagnie AXA SEGUROS de droit portugais, qui ne conteste le droit à indemnisation de M. [D] [J] sera tenu de réparer son entier préjudice ainsi que celui des victimes par ricochet.

II – Sur le préjudice corporel de M. [D] [J] :

Au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats, le préjudice subi par M. [D] [J], né le [Date naissance 9] 2001 et âgé par conséquent de 6 ans lors de l'accident, 18 ans à la date de consolidation de son état de santé, et 22 ans au jour du présent jugement, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu'en application de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d'application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge.

Bien que réalisé dans un cadre amiable, le rapport d’expertise ci-dessus évoqué présente un caractère complet, informatif et objectif. Il est corroboré par d’autres pièces médicales. Dès lors, ces données apportent un éclairage suffisant pour statuer sur les demandes d’indemnisation.

M. [D] [J] sollicite l’application du barème de la Gazette du Palais du 31 octobre 2022 en appliquant une moyenne entre le taux de capitalisation de -1% et de 0%. Le BCF s’oppose à l’application de ce taux pour l’évaluation des préjudices futurs. Il convient en l’espèce, d’utiliser le barème de capitalisation publié dans la Gazette du Palais le 31 octobre 2022, mais en retenant le taux de 0%, qui est le mieux adapté aux données sociologiques et économiques actuelles.

Préjudices patrimoniaux :
- Dépenses de santé

Les dépenses de santé sont constituées de l’ensemble des frais hospitaliers, de médecins, d’infirmiers, de professionnels de santé, de pharmacie et d’appareillage en lien avec l’accident.

En l'espèce, aux termes du relevé de ses débours, daté du 26 décembre 2022, le montant définitif des débours de la CPAM de l’ESSONNE s'est élevé à 135.278,55 euros, avec notamment :
Frais hospitaliers : 116.949,56 eurosFrais médicaux : 8.090,23 eurosFrais Pharmaceutiques : 156,82 eurosFrais d’appareillage : 321,46 eurosFrais de transport : 9.760,48 euros
M. [D] [J] sollicite l’allocation de la somme de 2.587,50 euros correspondant aux frais d’ergothérapie pour 2011-2012, précisant qu’il n’y a pas eu de prise en charge par un tiers payeur.

Le BCF demande que le poste de préjudice soit réservé estimant que le tableau récapitulatif produit ne permet pas de confirmer la réalité des dépenses et qu’il n’est pas justifié d’une éventuelle prise en charge par la mutuelle de M. [D] [J].

En l’espèce, il ressort du rapport d’expertise que durant ses séjours au sein de la fondation [N] [L] entre le 16 septembre 2008 et le 30 juin 2011, M. [D] [J] a bénéficié d’un suivi notamment en ergothérapie et que les séances se sont poursuivies de septembre 2011 à fin juin 2012 dans un cabinet libéral à raison d’une à deux fois par semaine. Au regard des éléments au dossier, il ne peut être établi que ces frais auraient été pris en charge par une mutuelle et la somme sollicitée sera dès lors allouée.

Une fois déduites les créances des tiers payeurs, il revient ainsi à la victime une indemnité de 2.587,50 euros.

- Frais divers

. Frais de déplacement

M. [D] [J] sollicite la somme de 12.000 euros au titre des frais de déplacement correspondant aux frais exposés par sa famille pour lui rendre visite à l’hôpital à [Localité 24], au [Localité 19], au centre [17], pour consulter les différents spécialistes. Il rappelle que ces déplacements ont été effectués sur douze années de 2008 à 2020.

Le BCF s’oppose à cette demande relevant qu’aucun justificatif n’est versé aux débats justifiant des sommes engagées.

Il ressort de l’expertise que M. [D] [J] a été hospitalisé du 31 juillet 2008 au 26 août 2008 à [Localité 24], puis du 26 août 2008 au 16 septembre 2008 au [Localité 19], puis pris en charge à la fondation [17] à [Localité 23] entre le 16 septembre 2008 et le 19 janvier 2009, puis en hôpital de jour dans le même établissement jusqu’au 30 juin 2011. Il a connu également de courtes hospitalisations à trois reprises à l’hôpital du [Localité 19] et à l’hôpital [21] de [Localité 22]. Sur ces déplacements pour des soins médicaux, il y a lieu de relever que la créance de la CPAM mentionne des frais de transport à hauteur de 9.760,48 euros, de sorte qu’en l’absence de justificatifs, il n’est pas possible de déterminer un montant qui serait resté à charge pour les déplacements médicaux, pour cette période. En tenant compte toutefois des visites nécessaires de sa famille durant les périodes d’hospitalisation au regard du jeune âge de la victime nécessitant la présence de ses proches, il sera alloué une somme de 2.500 euros à ce titre.
. Menus frais

M. [D] [J] sollicite les sommes de :
- 500 euros au titre des frais de télévision,
- 200 euros au titre de la perte des effets personnels dans l’accident
- 400 euros au titre des frais de courriers liés à la gestion administrative de la vie d’un enfant handicapé ;
- 1.600 euros au titre des frais de fournitures liés aux séquelles de l’accident (trépied de lecture, achat de vêtements avant le réapprentissage de la propreté), à raison de 200 euros par an pendant huit années ;
- 500 euros au titre des frais de soutien scolaire : aide aux devoirs le week-end

Le BCF s’oppose également à cette demande en l’absence de démonstration de la réalité du préjudice.

En l’absence de justificatifs de la réalité et de l’importance du préjudice, les demandes au titre des frais de télévision de courriers administratifs seront rejetées. Il n’est en revanche pas contestable que l’accident et les séquelles jusqu’à la consolidation durant huit années ont entraîné des frais de perte de vêtement, un surcoût de fournitures et un besoin de soutien scolaire à domicile et il sera donc fait droit à ces demandes à hauteur de 2.300 euros.

. Médecins conseils

L'assistance de la victime lors des opérations d'expertise par un, ou des, médecin conseil en fonction de la complexité du dossier, en ce qu'elle permet l'égalité des armes entre les parties à un moment crucial du processus d'indemnisation, doit être prise en charge dans sa totalité. De même, ces données peuvent justifier d'indemniser les réunions et entretiens préparatoires. Les frais d'expertise font partie des dépens.

En l'espèce, M. [D] [J] sollicite la somme de 8.900 euros à ce titre correspondant aux frais d’assistance par le Dr [I], puis par le Dr [E]. Le BCF offre la somme de 5.400 euros correspondant aux honoraires du Dr [E] et s’oppose à l’indemnisation des honoraires du Dr [I].

Au regard de l’accord des parties et des justificatifs produits il sera fait droit à l’indemnisation des frais d’assistance par le Dr [E] lors des différentes expertises. En revanche, à défaut de facture permettant de connaître le montant et d’établir que les frais ont été acquittés par M. [P] [J], la demande au titre des honoraires du Dr [I] sera rejetée.

Il sera ainsi alloué au titre des frais divers la somme totale de (2.500 euros + 2.300 euros +5.400 euros) = 10.200 euros.

Par ailleurs, il ressort des pièces produites que M. [D] [J] a perçu des provisions à hauteur de 300.000 euros, le premier versement étant intervenu en novembre 2008. Ces versements ayant permis à M. [D] [J] de faire face aux dépenses engagées à la suite de l’accident, celui-ci n’apparaît pas fondé à solliciter l’actualisation de ses préjudices du fait de la dépréciation monétaire. La demande d’actualisation de ces postes de préjudice sera par conséquent rejetée.

- Assistance tierce personne provisoire

Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

M. [D] [J] sollicite la somme de 408.548,96 euros sur la base d’un taux horaire de 22 euros devant inclure les charges sociales rappelant qu’il ne doit pas être tenu compte dans l’évaluation du caractère familial de l’aide apportée, que ce tarif correspondant au tarif horaire minimal pour l’aide à domicile des personnes bénéficiant de l’aide sociale handicap en application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Il s’appuie également sur l’avis du Haut conseil de la famille évoquant un tarif moyen de l’ordre de 25 euros, sur le rapport [A], sur l’étude de la DGS et un dossier de presse du journal « Le Particulier » qu’il produit. Il sollicite l’actualisation de la somme au jour du jugement.

Le BCF offre la somme de 140.450 euros sur la base d’un tarif horaire de 12 euros faisant valoir qu’il n’est produit aucune facture s’agissant d’une aide apportée par l’entourage.

Sur la base des besoins définis par les experts, les parties sont en désaccord sur le calcul du volume horaire.

SUR CE,

Pour la période antérieure à l’entrée au collège du 31 juillet 2008 au 2 septembre 2009 :
Pour cette période, il ressort du rapport d'expertise que l’aide était de 2h30 par jour, incluant l’aide du matin, l’aide du soir et l’encadrement et de 6h actives lorsqu’il était à la maison les week-ends et les vacances.

M. [D] [J] a été hospitalisé entre le 31 juillet 2008 et le 19 janvier 2009, date de son admission en hospitalisation de jour au Centre [N] Poidatz, ce qui implique que le besoin d’assistance par tierce personne doit débuter à compter de cette date soit du 20 janvier 2009 au 2 septembre 2011 (veille de son entrée au collège) correspondant à 956 jours. Il est relevé dans le rapport du 11 juin 2010 qu’à l’IME, M. [D] [J] avait une semaine de vacances à Noël, une semaine en février, une semaine à Pâques, un mois aux grandes vacances et tous les week-ends.

Entre le 20 janvier 2009 et le 1er septembre 2009, soit 225 jours, M. [D] [J] s’est trouvé à domicile de manière permanente durant 103 jours correspondant à 52 jours de week-end hors vacances scolaires, 45 jours de vacances scolaires (7 jours en février, 7 jours à Pâques, 31 jours en août), 6 jours fériés. Il a été accueilli au centre durant 122 jours étant précisé qu’il ne ressort pas de l’expertise que l’accueil en IME n’avait pas lieu les mercredis.

Pour les années scolaires 2009-2011 entre le 2 septembre 2009 et le 2 septembre 2011, soit 731 jours, il convient de retenir un total de 302 jours non travaillés correspondant à 104 jours de congés, 180 jours de week-end hors vacances, 18 jours fériés hors vacances et 429 jours d’accueil au centre.

Ainsi sur la période le volume horaire sera calculé ainsi : 6h x (103 jours + 302 jours) + 2,5h x (122 jours + 429 jours) = 2.430 h + 1.377,50 h = 3.807,50 heures

Pour la période du collège jusqu’à l’entrée au CFA du 3 septembre 2011 au 2 septembre 2017, soit 2.192 jours.
Selon l’expertise, il est rappelé que M. [D] [J] était au collège de 8h à 17h30 les lundis, mardis, jeudis et vendredis et de 8h à 12h30 le mercredi matin. Il est retenu une aide de 2h par jour lorsqu’il est à l’école, de 3h par jour le mercredi et 4h par jour lorsqu’il n’était pas au collège et ce jusqu’à ce qu’il rentre en CFA. S’agissant du besoin d’aide pendant les lundis, mardis, jeudis, vendredis, les deux parties retiennent un besoin de 2h30 aux termes de leurs écritures, cet accord sera donc entériné.

Il y a lieu de retenir sur cette période :
7 jours + 14 jours + 14 jours+ 14 jours+ 60 jours = 109 jours de congés par an, soit 654 jours sur la période74 jours de week-end par an hors vacances scolaires, soit 444 jours sur la période7 jours fériés par an hors vacances scolaires, soit 42 jours sur la période37 mercredis par an hors vacances scolaires, soit 222 jours sur la période2.192 jours – 654 jours – 444 jours – 42 jours – 222 jours = 830 jours de scolarisation complète sur la période
Il s’en déduit un volume horaire de (2,5h x 830 jours) + (3h x 222 jours) + (4h x (654 jours + 444 jours + 42 jours) = 2.075 h + 666 h + 4.560 h = 7.301 heures.

Pour la période du 3 septembre 2017 au 19 février 2020, soit 900 jours :
Sur cette période, l’expertise a retenu un besoin d’une aide pour l’encadrement, l’organisation, les démarches administratives. L’aide est évaluée de manière lissée dans le temps sur une base de 4 heures par jour jusqu’à la consolidation.

Il en résulte un volume horaire de 4h x 900 jours = 3.600 heures.

Le volume total d’heures de besoin d’assistance sera donc évalué à 3.600 + 7.301 + 3.807,50 = 14.708,50 heures.

Sur la base d’un taux horaire de 17 euros, adapté à la situation de la victime compte tenu de l’ancienneté de la période, il convient de lui allouer la somme suivante : 14.708,50 heures x 17 euros = 250.044,50 euros. Comme précédemment, s’agissant d’une dépense passée pour laquelle des provisions ont été reçues, il ne sera pas fait droit à la demande d’actualisation.

- Préjudice scolaire et/ou universitaire

Ce poste de préjudice s’apprécie in concreto, en fonction de la durée de l’incapacité temporaire et de sa situation dans le temps (limitée à la période des vacances ou au contraire pendant la période des examens), des résultats scolaires antérieurs à l’accident (tout redoublement n’est pas imputable à un accident), du niveau des études poursuivies, de la chance de terminer la formation entreprise.

M. [D] [J] sollicite la somme de 154.000 euros et subsidiairement 152.000 euros à ce titre faisant valoir que ses séquelles neurologiques l’ont contraint à poursuivre une scolarité dans des classes adaptées et précisant ne savoir ni écrire ni calculer, ni lire à l’issue de son cursus. Il précise avoir rejoint un CFA restauration en 2017 et obtenu un titre d’agent de restauration en 2018. Il estime son préjudice caractérisé par la perte d’un temps fondateur permettant les acquisitions, par la perte des interactions avec ses semblables et des joies de l’école. Il sollicite en conséquence l’indemnisation de l’ensemble des années de scolarité du cours préparatoire dont il a perdu les acquis jusqu’à la troisième année d’étude, ce préjudice étant d’autant plus important dans son cas pour les années de son plus jeune âge.

Le BCF offre la somme de 25.000 euros faisant valoir qu’en raison des séquelles de l’accident, M. [D] [J] n’a pu reprendre une scolarité que six mois plus tard alors qu’il était scolarisé en CE1. S’il convient que le parcours scolaire de M. [D] [J] a bien été bouleversé, il estime qu’il ne peut être assimilé à une absence de scolarité ce qui exclut une indemnisation de chaque année.

SUR CE,

L’expertise relève sur ce point qu’au moment de l’accident, M. [D] [J] devait rentrer en CE1 et venait de terminer la classe de CP. Il est précisé qu’au moment de la reprise de sa scolarité il avait un niveau plutôt de débutant de CP puisqu’il avait perdu ses acquisitions antérieures. Il a repris sa scolarité le 20 janvier 2009 à l’Institut d’éducation motrice (IEM) du centre [17] à [Localité 23], de manière progressive jusqu’en juin 2011. Il a ensuite poursuivi sa scolarité en CLISS à [Localité 18] de septembre 2011 à fin juin 2012, puis en CLISS 2 de septembre 2012 à juin 2013. Il est indiqué qu’il a ensuite poursuivi au sein du collège [20] en classe ULIS de 6ème, 5ème, 4ème et 3ème de septembre 2013 à juin 2017. Les bilans scolaires faisant état de grandes difficultés dans les apprentissages et dans le comportement en classe. Il a ensuite été inscrit en CFA pour une formation d’agent de restauration de septembre 2017 à juin 2018, suivi d’un apprentissage jusqu’à fin août 2018.

Il résulte de ces éléments que les séquelles de l’accident de la circulation dont M. [D] [J] a été victime alors qu’il se préparait à entrer en classe de CE1 ont fortement modifié la poursuite de sa scolarité en lui imposant un cadre adapté à son handicap jusqu’à sa sortie de centre de formation, en perturbant de manière importante ses apprentissages et en compromettant globalement ses chances de réussite à chaque année de sa scolarité. En l’espèce, ce préjudice s’est inscrit dans la durée au regard de la permanence de séquelles de M. [D] [J] justifiant qu’il soit fait une appréciation globale de l’incidence scolaire et non pour chaque année de scolarité perturbée. Au regard de l’importance de ce préjudice il lui sera ainsi alloué la somme de 50.000 euros.

- Dépenses de santé futures

M. [D] [J] et le BCF demandent que ce poste soit réservé. Compte tenu de l’accord des parties sur ce point, il y a lieu de réserver les dépenses de santé futures.

- Assistance par tierce personne pérenne

Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe après la consolidation de son état de santé, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

M. [D] [J] sollicite la somme de 2.268.150 euros sur la base d’un tarif horaire de 25 euros sur 412 jours par an, soit un montant annuel de 30.900 euros. Il demande l’attribution d’un capital et subsidiairement d’une rente tenant compte de l’écart entre la progression du SMIC et la progression des indices de l’article L161-25 du code de la sécurité sociale, soit 52.388,39 euros par an et 13.097 euros de rente trimestrielle.

Le BCF offre la somme de 47.292 euros au titre des arrérages échus sur la base d’un tarif horaire de 14 euros et une rente trimestrielle de 4.800 euros pour les arrérages à échoir sur la base d’un tarif horaire de 16 euros.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise un besoin d'assistance tierce-personne pérenne à hauteur de 3 heures par jour.

Sur la base d’un taux horaire de 20 euros et 22 euros selon la période, adapté à la situation de la victime, et de 412 jours par an pour tenir compte des congés payés pour l’avenir, il convient d’allouer à M. [D] [J] la somme suivante :
Au titre des arrérages échus du 19 février 2020 au 30 juin 2024, soit 20 euros x 3h x 1.594 jours x 412 jours/365 jours = 107.955,28 eurosAu titre des arrérages à échoir à compter du 1er juillet 2024, soit 22 euros x 3h x 412 jours = 27.192 euros de dépense annuelle, soit après capitalisation 27.192 euros x 57,652 (prix de l’euro de rente pour un homme de 22 ans GP 2022 à 0%) = 1.567.673,18 euros.
Il appartient au juge du fond, dans le cadre de son pouvoir souverain d'appréciation, de choisir le mode de réparation du dommage, sous forme de rente ou de capital. Compte tenu du jeune âge de la victime au moment de l'accident et de l'importance de son handicap, il convient, outre de garantir l'indemnisation intégrale de son préjudice, de l'accompagner sa vie durant en toute sécurité financière nonobstant les mesures de protection juridique dont elle bénéficie. Il n’y a pas lieu comme le demande M. [D] [J] de réévaluer le montant annuel de l’indemnisation pour tenir compte de la progression du SMIC, la rente sera en revanche indexée conformément à la loi du 5 juillet 1985. En conséquence, l’indemnité des arrérages à échoir pour l’assistance par tierce personne pérenne, dans l’intérêt de la victime, sera allouée sous forme de rente viagère trimestrielle de (27.192 euros/4) = 6.798 euros payable à compter du 1er juillet 2024 revalorisable conformément à la loi du 5 juillet 1985 et qui sera suspendue en cas de prise en charge de la victime dans un établissement médical durant plus de 45 jours.

- Perte de gains professionnels futurs

Ce poste indemnise la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée du fait du dommage dans la sphère professionnelle après la consolidation de son état de santé.

M. [D] [J] sollicite la somme de 2.131.024,55 euros faisant valoir qu’il est limité dans sa vie professionnelle comme l’ont souligné les experts. Il précise avoir travaillé au sein du CHSF, établissement dans lequel travaille sa mère, en tant qu’agent de restauration dans le cadre d’un emploi adapté du 17 février 2020 au 16 juin 2021 puis du 17 décembre 2021 au 16 juin 2022. Il explique pour autant avoir connu des difficultés avec ses collègues en raison de son handicap dans ce cadre de travail pourtant protégé et n’a pas conservé cet emploi. Il estime que son handicap compromet grandement ses chances d’embauche et d’obtenir un emploi épanouissant ce qui justifie que son entier préjudice professionnel soit indemnisé. Il calcule dès lors sa perte de gains sur la base d’un salaire de référence établi selon la moyenne entre le salaire médian (2.005 euros) et le salaire moyen (2.518 euros), soit 2.260 euros nets mensuels élevés à 2.500 euros mensuels ou 30.000 euros par an, pour tenir compte de la progression salariale et de l’augmentation des salaires. Il évalue ainsi la perte à compter de ses 21 ans, soit en juin 2022 correspondant à :
- arrérages échus entre juin 2022 et août 2024 : 65.000 euros – 915,45 euros de salaires perçus = 64.084,55 euros ;
- arrérages à échoir : 30.000 euros x 68,898 = 2.066,940 euros
Subsidiairement s’il devait être retenu une capacité de gains résiduelle à hauteur de 20%, il sollicite la somme de 2.131.024,55 euros x 80% = 1.704.819,64 euros.

Le BCF sollicite à titre un principal le sursis à statuer sur ce poste de préjudice. Il relève que M. [D] [J] avait obtenu le 25 septembre 2018 un titre professionnel d’agent de restauration, qu’il a effectué des stages, puis a été embauché au poste d’agent d’entretien qualifié au moins jusqu’au 16 juin 2022. Il pointe l’absence de production d’un avis d’imposition ou une fiche de paie depuis la consolidation et l’absence de pièces permettant de déterminer la rémunération perçue par M. [D] [J] qui conserve une capacité de travail. Il estime en conséquence ne pas être en mesure de présenter une offre. A titre subsidiaire, le BCF propose de retenir une perte équivalente à 50% du SMIC, soit 1.400 euros/2 = 700 euros par mois, correspondant à une perte de 28.000 euros au titre des arrérages échus et à une rente mensuelle viagère de 700 euros.

SUR CE,

Il ressort de l’expertise que dans le cadre de sa scolarité en CFA, M. [D] [J] a suivi des stages en apprentissage dans une maison de retraite. Il a ensuite été inscrit à Pôle Emploi à compter de septembre 2018 et a également suivi des stages en restauration. A compter du 17 février 2020, il a obtenu un contrat à durée déterminée au sein du CHSF, régulièrement renouvelé. Il est précisé aux experts par la mère de M. [D] [J] que les stages et cet emploi se sont relativement bien passés, même s’il est relevé des problèmes d’intégration avec ses collègues, étant précisé qu’il était relevé une amélioration sur ce point dans le cadre de son emploi au CHSF.
Sur le chapitre des répercussions professionnelles, les experts concluent :
« Nous savons qu’il a pu travailler au CHSF, mais il bénéficie de l’entourage d’un milieu bienveillant. Sa mère travaille dans l’hôpital. Il fait un travail exécutif, mono-tâche, sans prise d’initiative, avec des actes répétitifs. Il nous a été dit qu’il avait une grande fatigabilité, qu’il s’allongeait lorsqu’il rentrait du travail. »

Il sera en outre relevé qu’au titre des séquelles retenues, il est notamment noté des troubles de l’attention et de la concentration, un oubli des consignes, un respect de l’autorité dans le cadre professionnel. Sur le plan physique il est indiqué des tremblements invalidants surtout lors des tâches précises et minutieuses.

S’agissant d’une victime très jeune à la date de l’accident, sa perte de gains professionnels future doit s’apprécier par voie d’estimation au regard du revenu qu’elle aurait raisonnablement pu espérer sans la survenance du fait dommageable et du revenu qu’elle pourra effectivement percevoir.

Il résulte de ces éléments que M. [D] [J] conserve une capacité d’emploi et de rémunération comme l’indiquent les expériences professionnelles, à temps plein, qu’il a déjà eues. Il est toutefois établi que ses capacités de rémunérations sont fortement amoindries par les séquelles qu’il présente imposant un emploi dans un milieu adapté et limitant les fonctions auxquelles il est susceptible de postuler y compris dans le domaine de la restauration vers lequel il s’est orienté.

M. [D] [J] produit ses contrats de travail à durée déterminée en tant qu’agent de restauration et d’hôtellerie au grade d’agent d’entretien qualifié au sein du Centre Hospitalier Sud Francilien à compter du 10 février 2020 renouvelés jusqu’au 26 février 2021 prévoyant une rémunération au 1er échelon du grade d’agent d’entretien dont le montant n’est pas précisé. Il n’est par ailleurs produit aucune fiche de paie ou avis d’imposition pour cette période, ni aucun élément justifiant de l’arrêt de son activité au sein du CHSF. Au regard des éléments en possession du tribunal, des difficultés avérées de M. [D] [J] limitant ses choix d’emploi et sa capacité à conserver un poste de manière pérenne, il sera retenu une capacité de gains résiduelle correspondant à la moitié du salaire médian fixé à 2.005 euros, soit une perte mensuelle de 1.002,50 euros et annuelle de 12.030 euros. Il n’y a par ailleurs pas lieu de majorer ce revenu pour tenir compte d’une progression salariale calquée sur l’évolution passée du SMIC, dès lors que la perte est calculée de manière viagère sur la base d’un revenu médian intégrant tous les niveaux de carrière des salariés.

Dans ces conditions, il sera alloué à M. [D] [J] :
Au titre des arrérages échus entre le 19 janvier 2020 et le 30 juin 2024 : (1.002,50 euros x 53 mois) + (1.002,50 euros /30 jours x 11 jours) = 53.132,50 euros + 367,58 euros = 53.500,08 eurosAu titre des arrérages à échoir à compter du 1er juillet 2024, il sera retenu un calcul viager justifié par la perte de revenus à la retraite, soit 12.030 euros x 57,652 (euro de rente pour un homme de 22 ans GP 2022 à 0%) = 693.553,56 euros. Cette indemnité, dans l'intérêt de la victime, sera allouée sous forme de rente viagère et trimestrielle de (12.030/4) = 3.007,50 euros, payable à compter du 1er juillet 2024, revalorisable conformément à la loi du 5 juillet 1985.
- Incidence professionnelle

Ce poste d'indemnisation a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.

M. [D] [J] sollicite la somme de 300.000 euros à titre principal si les pertes de gains professionnels futures sont intégralement indemnisées conformément à sa demande correspondant à l’indemnisation de la perte des joies du travail, de sa carrière et de son désœuvrement. A titre subsidiaire, dans l’hypothèse d’une indemnisation partielle de ses pertes de gains futures, il sollicite la somme de 740.000 euros tenant compte :
- de ses perspectives limitées de travail et une perte partielle des joies du travail correspondant à (300.000 euros x 80%) = 240.000 euros ;
- de la pénibilité accrue de son travail subie durant 45 années en raison de sa fatigabilité, de la souffrance liée à son isolement avec ses collègues et du caractère peu gratifiant des tâches qu’il peut accomplir correspondant à (10.000 euros x 45 ans) = 450.000 euros ;
- de la dévalorisation sur le marché du travail : 50.000 euros.

Le BCF offre la somme de 40.000 euros au titre de la pénibilité et de la dévalorisation professionnelle estimant qu’il n’est pas établi que M. [D] [J] soit totalement exclu du monde du travail et qu’il est en mesure de travailler à temps complet.

SUR CE,

En l'espèce, il sera rappelé que l’expertise a retenu « Nous savons qu’il a pu travailler au CHSF, mais il bénéficie de l’entourage d’un milieu bienveillant. Sa mère travaille dans l’hôpital. Il fait un travail exécutif, mono-tâche, sans prise d’initiative, avec des actes répétitifs. Il nous a été dit qu’il avait une grande fatigabilité, qu’il s’allongeait lorsqu’il rentrait du travail. »

A l’issue des développements relatifs aux pertes de gains professionnelles futures, il a été retenu que M. [D] [J] n’était pas inapte à toute activité professionnelle. Cependant il doit être rappelé que M. [D] [J] présente à la suite de l’accident d’importantes séquelles, notamment des troubles de l’attention et de la concentration, un oubli des consignes, des tremblements invalidants surtout lors des tâches précises et minutieuses ainsi que des troubles du comportement importants induisant des rapports compliqués avec son entourage mais aussi un certain isolement dans le milieu professionnel. En raison de ces séquelles, l’activité professionnelle que M. [D] [J] sera amené à occuper à l’avenir nécessite d’être exercée dans un milieu relativement protégé où son handicap est susceptible d’être admis, implique la réalisation de tâches simples et par définition répétitives, demeure limité en raison d’une absence de polyvalence évidente y compris dans le domaine de la restauration dans lequel il a déjà exercé. Il s’en déduit des répercussions importantes sur la sphère professionnelle en particulier :
- Sur le plan de la pénibilité et de la fatigabilité au travail, incluant les difficultés de communication avec son entourage professionnel,
- De perspectives de carrière limitées en raison notamment d’une certaine instabilité ;
- De la contrainte d’assurer des tâches moins valorisantes et différentes,
- De sa dévalorisation sur le marché du travail,

Or ces données doivent être appréciées au regard de l’âge de la victime, soit 18 ans lors de la consolidation de son état.

Dans ces conditions, il convient de lui allouer la somme de 120.000 euros à ce titre.

- Aménagement du véhicule

M. [D] [J] sollicite la somme de 39.199 euros à ce titre précisant qu’il est titulaire du permis de conduire et sur la base d’un surcoût de 2.000 euros pour l’achat d’un véhicule avec boîte automatique, le surcoût de 30 euros par an de la prime d’assurance pour un véhicule automatique, le surcoût de 150 euros par an pour la consommation d’essence, le surcoût de 120 euros par an pour l’exposition de frais d’entretien et de réparation plus importants. Il en déduit un surcoût annuel total de 460 euros pour la boîte automatique pour une fréquence de renouvellement tous les 5 ans. Il ajoute le surcoût de l’équipement avec de larges rétroviseurs évalué à 40 euros par an.

Le BCF sollicite le débouté de la demande à titre principal estimant que le permis de conduire n’est pas produit. Subsidiairement, il estime le surcoût lié à l’aménagement du véhicule à la somme de 2.060 euros à renouveler tous les 7 ans.

Il y a lieu de relever que M. [D] [J] produit la copie de son permis de conduire de sorte que les réserves du BCF sur ce point n’ont plus lieu d’être.

Au terme de l’expertise il est retenu « s’il avait le permis de conduire, il faudrait prévoir l’aménagement du véhicule. Il faudrait qu’il ait une voiture avec boîte automatique et des grands rétroviseurs. »

Les parties s’accordent sur l’évaluation du surcoût de l’achat du véhicule à hauteur de 2.000 euros. S’agissant des rétroviseurs M. [D] [J] produit une annonce d’un site indiquant un coût de 40 euros pour un rétroviseur panoramique, tandis que le BCF produit des annonces pour ce type de rétroviseur pour un prix moyen de 20 euros. Il sera retenu un prix unitaire de 25 euros incluant l’installation, soit un surcoût total de (25 euros x 3) = 75 euros. L’existence d’un surcoût lié à l’utilisation d’une boîte automatique sur la prime d’assurance, la consommation d’essence et l’entretien n’étant pas établie, elle ne sera pas retenue. Le surcoût total de l’aménagement du véhicule est donc fixé à la somme de 2.075 euros.

Ce besoin sera indemnisé à compter de la consolidation de l’état de santé de M. [D] [J] donc du 19 janvier 2020 sur la base d’un renouvellement tous les 7 ans, soit un coût annuel de 296,42 euros.

Ainsi, au titre des arrérages échus, entre le 19 janvier 2020 et le 19 juin 2024, il revient à M. [D] [J] la somme de 2.075 euros (1er achat) + (296,42 euros x 4,5 ans) = 3.408,89 euros.
Au titre des arrérages à échoir, du 20 juin 2024 au 19 janvier 2027 puis à compter du 19 janvier 2027, (296,42 x 2,5 ans) + (296,42 euros x 54,754 (euro de rente pour un homme de 25 ans selon le barème GP 2022 à 0%)) = 741,05 euros + 16.230,18 euros = 16.971,23 euros.

Il revient donc à M. [D] [J] la somme totale de 20.380,12 euros en indemnisation des frais de véhicule adapté.

2-Préjudices extra-patrimoniaux :

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique. Par conséquent, il inclut les préjudices sexuel et d’agrément durant la période temporaire.

M. [D] [J] sollicite la somme de 144.742,50 euros sur la base d’un taux journalier de 45 euros rappelant que le préjudice d’agrément, le préjudice sexuel, la privation des activités sociales, la privation du lien avec sa famille et l’atteinte à sa qualité de vie n’ont pas été évalués par les médecins.

Le BCF offre la somme de 80.243,75 euros sur la base d’un taux journalier de 25 euros estimant que la lourdeur du handicap de M. [D] [J] a été prise en compte par les médecins et que le taux journalier n’a pas à varier en fonction du handicap.

SUR CE,

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise ce qui suit s'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
° DFTT du 31/07/2008 au 19/01/2009, soit 173 jours
° DFTP 75% du 20/01/2009 au 28/02/2017, soit 2.962 jours
° DFTT du 1/03/2017 au 2/03/2017, soit 2 jours
° DFTP 75% du 3/3/2017 au 28/05/2017, soit 87 jours
° DFTT le 29/05/2017, soit 1 jour
° DFTP 75% du 30/05/2017 au 19/02/2020, soit 996 jours.

Ainsi, aux termes des expertises effectuées à différentes étapes avant la consolidation les périodes de déficit fonctionnel temporaire ont été appréciées par les médecins experts au regard des séquelles précisément décrites et de leurs conséquences sur la vie quotidienne particulièrement détaillées, de sorte qu’aucun élément ne permet de considérer que certaines composantes de ce déficit auraient été omises par les experts dans cette évaluation.

Sur la base d’une indemnisation de 28 euros par jour pour un déficit total, au regard de la situation de la victime, il sera alloué la somme suivante :
(176 jours x 28 euros) + (4.045 jours x 75% x 28 euros) = 4.928 euros + 84.945 euros = 89.873 euros.

- Souffrances endurées

Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

M. [D] [J] sollicite la somme de 80.000 euros au regard de l’importance de son traumatisme, du bouleversement de sa vie, de son jeune âge au jour de l’accident et de la durée avant consolidation. Le BCF offre la somme de 45.000 euros estimant que l’évaluation par les médecins à hauteur de 6/7 tient justement compte de la durée qui a précédé la consolidation.

En l'espèce, les souffrances ont été cotées à hauteur de 6/7 par les médecins. Elles sont caractérisées par la violence du traumatisme initial ayant provoqué un traumatisme crânien particulièrement grave, par les traitements subis à savoir une hospitalisation en réanimation avec un coma jusqu’au 25 août 2008, puis en neuro pédiatrie jusqu’au 16 septembre 2008, une période de rééducation et de suivi médical jusqu’à la consolidation, et par le retentissement psychique des faits. Il doit également être tenu compte du très jeune âge de M. [D] [J] au moment des faits et de la période importante entre l’accident et la consolidation de son état de santé.

Dans ces conditions, il convient d'allouer la somme de 50.000 euros à ce titre.

- Préjudice esthétique temporaire

Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce jusqu'à la date de consolidation.

M. [D] [J] sollicite la somme de 8.000 euros au regard de son jeune âge au moment de l’accident, des atteintes qu’il a subies, notamment un strabisme important et de la durée importante avant consolidation. Le BCF offre la somme de 5.000 euros.

En l'espèce, le rapport d’expertise précise que ce préjudice était plus péjoratif jusqu’à la chirurgie du strabisme en mai 2017, puis qu’il se confond avec le préjudice esthétique permanent coté à hauteur de 3/7. Il est effectivement relevé un strabisme divergent gauche, des cicatrices de dermabrasion au niveau du membre supérieur gauche et du thorax. Si, M. [D] [J] a subi une intervention en ophtalmologie en mai 2017, un léger strabisme a persisté. Au regard du jeune âge de celui-ci et de la durée de la période qui a précédé cette intervention, il y a lieu de lui allouer la somme de 6.000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire.

- Déficit fonctionnel permanent

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.

M. [D] [J] sollicite la somme de 803.753 euros estimant que le taux d’AIPP retenu par les experts ne se confond pas avec le taux de déficit fonctionnel permanent en ne tenant pas compte des douleurs permanentes, de la perte de qualité de vie et des troubles dans les conditions d’existence. Il estime en conséquence que ce préjudice doit être indemnisé sur la base d’un montant annuel capitalisé pour l’avenir correspondant à un montant journalier de 40 euros. Subsidiairement, il demande de retenir une valeur du point à 10.000 euros pour tenir compte de l’ensemble des dimensions du déficit fonctionnel permanent, soit 750.000 euros au total.

Le BCF offre la somme de 495.000 euros s’opposant à la méthode de calcul retenue par M. [D] [J]. Il estime que le taux journalier sollicité pour la capitalisation à hauteur de 40 euros n’est pas justifié et que dans leur évaluation les médecins ont tenu compte de l’ensemble des aspects du déficit fonctionnel permanent.

En l'espèce, aux termes de l’expertise il a été retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 75% en raison des séquelles relevées suivantes :
« D’importantes séquelles neuropsychologiques : il est décrit une grande fatigabilité et un épuisement lorsqu’il rentre du travail. Il a des troubles de l’attention et de la concentration. Il oublie les consignes. Nous avons pu constater des troubles du comportement mais ceux-ci sont orientés uniquement sur sa mère et son beau-père et en partie sur son frère et sa sœur (…)Des séquelles neurologiques : il a toujours un syndrome cérébelleux qui prédomine sur la main droite. Il a toujours des tremblements qui restent invalidants dans la vie quotidienne, surtout lors des tâches précises et minutieuses. Il a toujours des difficultés lors de l’écriture, lors du port d’objets fragiles, lors des manipulations de contenants.Des séquelles visuelles qui ont bien été décrites par le Dr [T]. Nous rappelons une hémianopsie latérale homonyme. »
La méthodologie dont il est demandé l’application, basée sur une indemnisation journalière en fonction du taux de déficit retenu et de l’espérance de vie de la victime, comme pour le déficit fonctionnel temporaire, ne tient pas compte du fait que ce poste est un poste permanent qui est distinct des autres préjudices permanents comme le préjudice d’agrément et le préjudice sexuel, qui font l’objet d’un examen autonome, ce qui n’est pas le cas du poste de déficit fonctionnel temporaire qui englobe ces préjudices temporaires. Il ne ressort par ailleurs pas de l’expertise que l’une des composantes du déficit fonctionnel permanent ait été omise lors de la fixation du taux mentionné.

Dès lors, il convient d’écarter la méthodologie appliquée par le demandeur et d’apprécier ce préjudice en fonction de l’âge de la victime au jour de la consolidation, des séquelles décrites et du taux de déficit retenu.

La victime étant âgée de 18 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué une indemnité de 507.375 euros (valeur du point fixée à 6.765 €).

- Préjudice esthétique permanent

Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce de manière pérenne à compter la date de consolidation.

M. [D] [J] sollicite la somme de 14.000 euros tandis que le BCF offre la somme de 7.000 euros.

En l'espèce, il est coté à 3/7 par l'expert en raison notamment de la présentation, de la démarche un peu ébrieuse, du tremblement de la main droite et de la persistance d’un léger strabisme.

Dans ces conditions, il convient d'allouer une somme de 8.000 euros à ce titre.

- Préjudice d'agrément

Ce préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs ainsi que les limitations ou difficultés à poursuivre ces activités. Ce préjudice particulier peut être réparé, en sus du déficit fonctionnel permanent, sous réserve de la production de pièces justifiant de la pratique antérieure de sports ou d’activités de loisirs particuliers.

M. [D] [J] sollicite la somme de 30.000 euros à ce titre tandis que le BCF offre la somme de 5.000 euros.

En l'espèce, il ressort de l’expertise « il y a des répercussions dans les activités d’agrément. Il nous dit qu’il pratiquait la capoeira mais il ne fait pas de compétition. Il nous a dit qu’il ne faisait pas tout ce que faisaient les autres mais il est inscrit en club. Il n’a pu reprendre le football. »

Il doit être tenu compte des séquelles neuropsychologiques, neurologiques et visuelles importantes relevées par les experts rendant la pratique de toute activité sportive ou culturelle particulièrement complexe voire impossible et des troubles comportementaux également mis en lumière par les experts pouvant s’opposer aux activités en collectivité.

Dans ces conditions, au regard du très jeune âge de M. [D] [J] à la consolidation, il lui sera alloué la somme de 25.000 euros.

- Préjudice sexuel

La victime peut être indemnisée si l’accident a atteint, séparément ou cumulativement mais de manière définitive, la morphologie des organes sexuels, la capacité de la victime à accomplir l’acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir), et la fertilité de la victime.

M. [D] [J] sollicite la somme de 40.000 euros à ce titre étant précisé que ce préjudice concerne la libido et l’accès à la sexualité. Le BCF offre la somme de 5.000 euros.

En l'espèce, l'expertise a retenu à ce sujet ce qui suit : « il aimerait avoir une petite amie mais il nous a décrit aussi un manque de libido et nous a dit « que ceci ne l’intéressait pas ». Il n’a pas eu de relation sexuelle jusqu’à présent avec une personne de l’autre sexe. Nous sommes d’accord pour dire qu’il aura plus de difficultés qu’un autre d’avoir des relations stables et pérennes dans le temps avec une autre personne. »

Dans ces conditions, le préjudice sexuel apparaît caractérisé en raison de l’absence de libido décrite et au regard du jeune âge de M. [D] [J] sera indemnisé à hauteur de 10.000 euros.

- Préjudice d’établissement

Il s'agit d'indemniser la perte d'espoir et de chance normale de réaliser un projet de vie familiale en raison de la gravité du handicap et de l'âge de la victime.

M. [D] [J] sollicite la somme de 80.000 euros à ce titre insistant sur l’importance de ce préjudice pour les personnes cérébrolésées. Le BCF offre la somme de 25.000 euros.

En l’espèce, l’expertise relève la difficulté pour M. [D] [J] d’avoir une relation stable et pérenne dans le temps avec une autre personne. Compte tenu de ces éléments, des difficultés constatées du fait des séquelles de l’accident pour nouer une relation affective, mais également de la perte d’autonomie consécutive à son handicap compromettant particulièrement tout projet familial, la somme de 30.000 euros lui sera allouée.

- Préjudice permanent exceptionnel

Il s'agit d'indemniser les préjudices atypiques directement liés au handicap permanent en raison de la personne de la victime, des circonstances et de la nature du fait dommageable.

M. [D] [J] sollicite la somme de 50.000 euros à ce titre compte tenu de la spécificité du traumatisme crânien qui constitue un handicap invisible qui ne suscite pas la compréhension et l’empathie des autres, mais au contraire l’incompréhension et parfois la violence. Il souligne le résultat d’une thèse concluant à la prévalence des cas de traumatisés crâniens en prison. Il fait également valoir que la prise en charge des personnes cérébrolésées est également problématique au sein de la société. Il estime enfin que ce préjudice lié au caractère invisible de ce handicap n’est pas inclus dans le déficit fonctionnel permanent.

Le BCF s’oppose à cette demande remettant en cause la thèse produite par M. [D] [J] concernant la représentation des personnes victimes d’un traumatisme crânien parmi la population carcérale en relevant qu’elle est principalement basée sur des études aux Etats-Unis, qu’elle s’appuie sur des témoignages sans que la gravité du traumatisme ne soit précisée et qu’elle conclut elle-même à l’impossibilité d’établir un lien causal. Il conclut que les difficultés relationnelles rencontrées avec les autres en raison de ses séquelles pour partie invisibles relèvent du déficit fonctionnel permanent.

S’agissant du préjudice lié à l’invisibilité du handicap de M. [D] [J] aux yeux d’autrui, il doit être considéré que l’attribution d’un taux de déficit fonctionnel permanent de 75% prend nécessairement en compte la perception des séquelles par son environnement et plus précisément les conséquences des troubles du comportement induits par séquelles neuropsychologiques précisément décrites par les médecins experts. Il ne peut par ailleurs être déduit de l’étude versée aux débats indiquant une prévalence importante de traumatisés crâniens parmi les populations détenues, un risque carcéral ou de condamnation tel qu’il caractériserait un préjudice exceptionnel spécifique pour l’ensemble des personnes victimes d’un traumatisme crânien. Dans ces conditions, la preuve d’un préjudice permanent spécifique exceptionnel qui ne serait pas réparé par les postes précédemment examinés n’est pas suffisamment rapportée en l’espèce et cette demande sera rejetée.

III – Sur les préjudices des victimes par ricochet :

Mme [O] [F] :
-Préjudice d’affection :

Il s’agit du préjudice moral subi par certains proches, parents ou non, mais justifiant d’un lien affectif réel, au contact de la souffrance de la victime directe. Les proches justifiant d’une communauté de vie effective et affective avec la victime peuvent en outre éprouver un préjudice du fait des troubles dans leurs conditions d’existence.

Mme [O] [F], mère de M. [D] [J], sollicite à ce titre la somme de 20.000 euros tandis que le BCF offre la somme de 10.000 euros.

En l’espèce, l’appréciation du préjudice d’affection de la mère de la victime doit tenir compte de l’importance des conséquences de l’accident de M. [D] [J], de la gravité de l’accident, de la période d’hospitalisation, des soins permanents que son handicap a induits et de séquelles particulièrement lourdes qu’il présente toujours justifiant un taux de déficit fonctionnel permanent évalué à 75% qui se traduisent par un besoin d’assistance important et toujours actuel. Ces éléments justifient qu’il soit alloué à Mme [O] [F] la somme de 10.000 euros au titre de son préjudice d’affection.

-Troubles dans les conditions d’existence et le préjudice d’accompagnement :

Il s’agit d’indemniser les troubles dans les conditions d’existence dont sont victimes les proches justifiant d’une communauté de vie effective et affective avec la victime directe du fait de son handicap.

Mme [O] [F] sollicite la somme de 40.000 euros à ce titre, tandis que le BCF offre la somme de 15.000 euros.

Il sera relevé sur ce point qu’à la lecture des expertises, Mme [O] [F] a assuré entièrement la prise en charge de son fils à compter de l’accident, notamment les difficultés en lien avec sa scolarisation adaptée à son handicap. Il est par ailleurs fait état lors des entretiens avec les experts de troubles du comportement induits par son handicap et d’une agressivité de M. [D] [F] essentiellement dirigée contre sa mère. Au regard de l’importance des troubles et du rôle essentiel de Mme [O] [F], ce préjudice sera indemnisé à hauteur de 30.000 euros.

M. [M] [Z] :
-Préjudice d’affection :

M. [M] [Z] sollicite la somme de 20.000 euros au titre de son préjudice d’affection tandis que le BCF s’oppose à la demande.

Il y a lieu de relever que lors de l’accident en 2008, M. [M] [Z] était présent dans le véhicule, étant précisé qu’il avait eu auparavant un enfant avec Mme [O] [F], [R] [Z] né le [Date naissance 11] 2006. Lors de l’expertise de 2010, il est noté que le couple réside ensemble, en revanche l’expertise de 2018 relève l’absence de domicile commun. Il ressort de la dernière expertise que le couple s’est installé ensemble dans un logement commun en 2018 et s’est marié [Date mariage 4] 2020. Il apparaît donc que M. [M] [Z] n’a pas résidé de manière continue avec son beau-fils. Toutefois au regard des liens qu’il a tissés avec celui-ci au fil des années, alors qu’il est précisé que les relations entre M. [D] [J] et son père durant son enfance étaient quasiment inexistantes, il sera retenu un préjudice d’affection évalué à hauteur de 5.000 euros.

-Troubles dans les conditions d’existence :

M. [M] [Z] sollicite la somme de 40.000 euros à ce titre tandis que le BCF s’oppose à la demande.

Il ressort du dernier rapport d’expertise que, si la communauté de vie entre M. [M] [Z] et M. [D] [J] n’a débuté qu’en 2018, ils demeurent toujours ensemble en raison des difficultés d’accession à l’autonomie de son beau-fils, cette situation étant susceptible de perdurer. Par ailleurs au titre du comportement il est relevé que M. [M] [Z] intervient lors des épisodes d’agressivité de M. [D] [J] dont il peut également faire l’objet. Compte tenu de ces éléments il lui sera alloué la somme de 20.000 euros au titre des troubles dans les conditions d’existence et du préjudice d’accompagnement.

[U] [Z], [H] [Z] et [V] [Z]
Ils sollicitent la somme de 9.000 euros au titre du préjudice d’affection et de 8.000 euros au titre des troubles dans les conditions d’existence et du préjudice d’accompagnement. Le BCF s’oppose aux demandes.

Il s’agit des enfants de M. [M] [Z] issus d’une précédente union, nés respectivement en 1995, 2000 et 2001. Il ressort des pièces produites que M. [M] [Z] a obtenu la fixation de la résidence de ses trois enfants durant leur minorité. Pour autant, il n’est pas justifié d’une communauté de vie de ses enfants avec M. [D] [J] postérieurement à l’accident justifiant qu’une indemnité leur soit allouée au titre du préjudice d’affection ou des troubles dans les conditions d’existence. Il y a donc lieu de rejeter ces demandes.

[R] [Z]
Mme [O] [F] ès qualité de représentante de son fils [R], sollicite la somme de 12.000 euros au titre du préjudice d’affection et 6.000 euros au titre du préjudice d’accompagnement et des troubles dans les conditions d’existence. Le BCF offre la somme de 5.000 euros au titre du préjudice d’affection seulement.

Il sera relevé que M. [R] [Z], alors âgé de deux ans, était présent dans le véhicule lors de l’accident ayant causé un grave traumatisme à son frère. Il a, en dépit de son jeune âge, vécu les périodes qui ont suivi l’hospitalisation puis les soins importants nécessités par le handicap de son frère. Il doit dans ces conditions être retenu un préjudice d’affection qui sera évalué à hauteur de 10.000 euros, mais aussi des troubles dans les conditions d’existence à hauteur de 6.000 euros.

[B] [Z]
Mme [O] [F] ès qualité de représentante de sa fille [B] sollicite la somme de 4.000 euros au titre du préjudice d’affection et de 2.000 euros au titre du préjudice d’accompagnement et des troubles dans les conditions d’existence. Le BCF s’oppose à ces demandes.

Il y a lieu de relever que [B] [Z] est née le [Date naissance 5] 2016, soit près de huit années après l’accident dont son frère a été victime. Dans ces conditions elle n’est pas fondée à solliciter l’indemnisation de ses préjudices indirects et ses demandes seront rejetées.

Mme [Y] [S] [F]
Mme [Y] [S] [F] sollicite la somme de 3.000 euros au titre du préjudice d’affection, tandis que le BCF s’oppose à cette demande.

S’agissant de la grand-mère maternelle de M. [D] [J] et au regard de la gravité des séquelles liées à l’accident, il y a lieu de lui allouer la somme de 3.000 euros au titre de son préjudice d’affection.

Mme [G] [K]
Mme [G] [K] sollicite la somme de 1.000 euros au titre de son préjudice d’affection, tandis que le BCF s’oppose à cette demande.

Mme [G] [K] indique être la tante de M. [D] [J] et précise avoir été très proche de celui-ci en raison de leur proximité d’âge. Les photographies produites apparaissent cependant insuffisantes pour justifier d’un lien affectif particulier justifiant l’indemnisation sollicitée. La demande sera donc rejetée.

IV – Sur le doublement des intérêts au taux légal et l’anatocisme :

Aux termes de l'article L 211-9 du code des assurances, une offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximal de 8 mois à compter de l'accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive doit alors être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation. En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique.

L’article R211-40 du même code dispose que l’offre d’indemnité doit indiquer, outre les mentions exigées par l’article L211-16, l’évaluation de chaque chef de préjudice, les créances de chaque tiers payeur et les sommes qui reviennent au bénéficiaire. Elle est accompagnée de la copie des décomptes produits par les tiers payeurs. L’offre précise, le cas échéant, les limitations ou exclusions d’indemnisation retenues par l’assureur, ainsi que leurs motifs. En cas d’exclusion d’indemnisation, l’assureur n’est pas tenu, dans sa notification, de fournir les indications et documents prévus au premier alinéa.

A défaut d'offre dans les délais impartis par l'article L 211-9 du code des assurances, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit, en vertu de l'article L 211-13 du même code, des intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

Sur les indemnités allouées à M. [D] [J] :
M. [D] [J] fait valoir que la compagnie d’assurance avait jusqu’au 31 mars 2009 pour lui adresser une offre d’indemnisation provisionnelle et jusqu’au 13 juin 2021 pour adresser une offre d’indemnisation définitive. Il indique que les quittances de règlement provisionnel de 3.000 euros et 10.000 euros sans affectation à des postes de préjudice adressées le 20 novembre 2008 et le 23 mars 2009 ne constituent pas des offres. Il compare ensuite successivement les offres émises le 9 décembre 2009, le 10 novembre 2010, le 4 août 2014 et le 1er juin 2018 avec les rapports temporaires qui les ont précédés. Il souligne l’insuffisance des offres sur certains postes et l’omission d’autres excluant que les offres émises aient pu interrompre le cours de la pénalité. Il ajoute que le 15 février 2022, plus d’un an après le dépôt du rapport, l’assureur a adressé une offre laissant les dépenses de santé actuelles en mémoire et toujours insuffisante et incomplète. Il en déduit que la pénalité portera sur l’indemnité totale allouée avant imputation de la créance des tiers payeurs et des provisions versées depuis le 31 mars 2009 jusqu’au jugement définitif avec anatocisme à compter du 31 mars 2010. Subsidiairement, il demande que les indemnités offertes par conclusions le 13 juin 2023 portent intérêts au double de l’intérêt légal à compter du 31 mars 2009 avec anatocisme à compter du 31 mars 2010 et jusqu’au 13 juin 2023.

Le BCF fait valoir que l’offre provisoire était complète et suffisante dès le 20 novembre 2008 compte tenu des éléments dont disposait l’assureur et qu’elle a été complétée par d’autres offres provisionnelles. Il conteste l’absence ou l’omission des postes critiqués par le demandeur. Subsidiairement, il sollicite que la sanction ne soit encourue que jusqu’à l’émission de ses offres successives et sur le montant de ces offres. S’agissant de l’offre définitive, le BCF considère que son offre en date du 14 février 2022 était complète et suffisante et estime que les intérêts majorés seraient donc dus à compter du 13 juin 2021 et jusqu’au 14 février 2022 ou subsidiairement sur ses conclusions qui valent offre d’indemnisation. Le BCF s’oppose enfin à la demande d’anatocisme, la capitalisation des intérêts majorés ne pouvant courir qu’à compter de la décision. Il rappelle qu’il est loisible au juge de déterminer le point de départ de la capitalisation des intérêts.

En l’espèce, l’accident a eu lieu le 31 juillet 2008. La consolidation de l’état de santé de la victime n’est intervenue qu’au-delà du délai de trois mois visé à l’article L211-9 du Code des assurances puisqu'il a été fixé au 19 février 2020. L’assureur devait donc faire une offre provisionnelle avant le 31 mars 2009, puis une offre définitive avant le 13 juin 2021 (5 mois après le rapport ayant fixé la date de consolidation).

SUR CE,

Sur les offres provisionnelles :
Il est constant que l’offre provisionnelle, comme l’offre définitive, doit être suffisante et comporter le détail de tous les postes de préjudice indemnisables et prévisibles. Par ailleurs le versement d’une provision amiable ne peut suppléer à la présentation d’une telle offre.

En l’espèce, AXA a émis six offres avant la consolidation de l’état de santé de M. [D] [J]. Dans le délai de huit mois de l’accident, soit avant le 31 mars 2009, deux quittances de règlement provisionnelles ont été émises le 20 novembre 2018 et le 23 mars 2009 pour un montant total de 13.000 euros. Ces quittances qui ne mentionnent aucun des postes de préjudice indemnisable doivent être regardées comme incomplètes.

Dans ces conditions, la pénalité prévue à l’article L 211-13 est encourue à compter du 31 mars 2009.

Par ailleurs, l’assureur a, au gré des rapports d’expertise amiables provisoires émis quatre autres offres.

L’offre provisionnelle du 9 décembre 2009 d’un montant de 113.000 euros incluant les provisions déjà versées se base sur les conclusions du rapport d’expertise amiable du 5 mai 2009. Si cette offre propose l’indemnisation provisoire des postes de préjudice retenus par l’expertise, elle ne propose qu’une indemnisation des besoins déjà évalués sans tenir compte de l’évolution prévisible des préjudices de M. [D] [J] et doit être regardée comme manifestement insuffisante notamment s’agissant de l’assistance par tierce personne évaluée à 18.500 euros, le préjudice scolaire évalué à 5.000 euros, le déficit fonctionnel temporaire évalué à 1.500 euros pourtant qualifié d’important et toujours en cours au moment de l’expertise et le déficit fonctionnel permanent coté de manière prévisionnelle par les experts déjà à hauteur de 40%, ainsi que le besoin en tierce personne à hauteur de 18.500 euros qui ne tient compte que de la période échue avant l’expertise. En conséquence, cette offre n’a pas eu pour effet d’interrompre le cours de la pénalité.

L’offre provisionnelle émise le 10 novembre 2010 pour 188.000 euros supplémentaires sur la base du nouveau rapport d’expertise amiable demeure toujours insuffisante s’agissant de l’évaluation de l’assistance par tierce personne à hauteur de 25.000 euros au regard du besoin d’assistance décrit par le rapport d’expertise, s’agissant du préjudice scolaire maintenu à hauteur de 5.000 euros alors que M. [D] [J] se trouve dans un cursus scolaire adapté à son handicap amené à perdurer et s’agissant du déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 12.000 euros qui ne tient manifestement compte que de la période échue.

L’offre provisionnelle émise le 4 août 2014 pour 268.000 euros sur la base du nouveau rapport du 24 juin 2014 ne peut être regardée comme complète au regard de l’évaluation de la tierce personne, du préjudice scolaire, du déficit fonctionnel temporaire, du déficit fonctionnel permanent désormais évalué de manière prévisionnelle à 75% et indemnisé à hauteur de 160.000 euros.

Enfin l’offre provisionnelle émise le 1er juin 2018 pour 300.000 euros au total, soit 32.000 euros supplémentaires demeure incomplète et nettement insuffisante sur les mêmes postes de préjudice, alors qu’elle intervient près de dix années après l’accident et que la gravité des préjudices décrite par le rapport d’expertise du 28 décembre 2018 permet d’envisager, de manière affinée, l’ensemble des postes de préjudice et d’envisager clairement la nécessité d’un besoin en tierce personne pérenne et de préjudices professionnels. Par ailleurs cette offre, formulée à hauteur de 300.000 euros au total avant déduction des provisions, confirme le caractère manifestement insuffisant des offres successivement émises sur une période de dix ans. En outre l’absence de consolidation en 2018 faisait entrevoir un très important préjudice en disproportion manifeste avec les sommes offertes et les provisions versées. En conséquence, aucune des offres formulées à titre provisionnel n’a interrompu le cours de la pénalité du doublement des intérêts au taux légal.

Sur l’offre définitive :
Le rapport fixant la consolidation a été remis le 13 janvier 2021. Il n’est pas contesté par les parties qu’il incombait dès lors à l’assureur de présenter une offre d’indemnisation définitive dans les cinq mois suivant cette date, soit avant le 13 juin 2021. Or, l’assureur a émis une offre le 14 février 2022.

S’agissant du caractère complet de cette offre, il ne peut être reproché à l’assureur d’avoir mis en mémoire les dépenses de santé actuelles alors qu’il communique le montant de la créance provisoire de la CPAM et qu’il ne peut prévoir le montant de frais d’ergothérapie restés à charge sans production de facture. Il en est de même des frais divers alors que certaines dépenses de ce poste étaient effectivement discutables faute de justificatif produit y compris dans la présente instance. En revanche, aucune offre n’est formulée au titre des pertes de gains professionnels futures alors que l’expertise a retenu que l’emploi occupé par M. [D] [J] au moment de l’examen est adapté à son handicap, qu’il ne peut exercer que des tâches d’exécution limitées dans un milieu protégé ce qui a nécessairement une incidence sur sa capacité de gains future. L’offre doit donc être regardée comme incomplète et n’a, de ce fait, pas interrompu le délai de la pénalité.

Il y a lieu de relever que le BCF a formulé une offre sur l’ensemble des postes de préjudice visés par l’expertise du 13 janvier 2021, fût-ce à titre subsidiaire s’agissant du poste des pertes de gains professionnels futures dans ses conclusions signifiées le 12 juin 2023. Cette offre d’un montant total de 2.651.584 euros en tenant compte des rentes proposées correspond à plus de 50% des sommes allouées au terme du présent jugement et n’apparaît pas en conséquence manifestement insuffisante. Elle interrompt par conséquent le cours du doublement des intérêts au taux légal. Il y a lieu de préciser que s’agissant des rentes, le doublement du taux s’applique non pas au capital servant de base à son calcul mais au arrérages qui auraient été perçues à compter de l’expiration du délai de l’offre jusqu’au jour de celle-ci.

Il convient par conséquent d’assortir la condamnation au titre de la réparation des préjudices de M.[D] [J] d’intérêts au double du taux de l’intérêt légal, sur le montant de l’offre contenue dans les conclusions du 12 juin 2023, en ce compris les arrérages échus des rentes offertes au titre de l’assistance par tierce personne pérenne et des pertes de gains professionnels futurs et avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, du 31 mars 2009 au 12 juin 2023.

Il y a également lieu de dire que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil à compter du 31 mars 2010 et jusqu’au 12 juin 2023 s’agissant de la pénalité et à compter du jugement s’agissant des intérêts au taux légal.

- Sur les indemnités allouées aux victimes indirectes :

Aux termes de leurs écritures les demandeurs sollicitent la condamnation du BCF au paiement du doubles des intérêts au taux légal sur l’ensemble des indemnités allouées sans opérer de distinction entre les victimes directes et indirectes quant au délai dans lequel l’offre devait être formulée et la durée d’application de la pénalité.

Dans ces conditions, dans la mesure où l’obligation d’offre de l’assureur ne répond pas aux mêmes conditions s’agissant des victimes indirectes, cette sanction dont il n’est précisé ni la durée ni l’assiette sera rejetée, étant précisé que des offres ont d’ailleurs été adressées à Mme [O] [F], à [R] [Z] et à [B] [Z] le 14 février 2022.

V – Sur les demandes accessoires

Le BCF, qui est condamné, supportera les dépens, pouvant être recouvrés directement par Maître GUILLON pour ceux dont il a fait l’avance sans avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En outre, le BCF devra supporter les frais irrépétibles engagés par M. [D] [J] dans la présente instance et que l'équité commande de réparer à raison de la somme de 5.000 euros.

En application de l’article 514 du code de procédure civile en vigueur au jour de l’assignation, l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

DIT que le droit à indemnisation de M. [D] [J] des suites de l’accident de la circulation survenu le 31 juillet 2008 est entier ;

CONDAMNE le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à payer à M. [D] [J] en présence de Mme [O] [F] en qualité de curatrice, à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, les sommes suivantes :
- dépenses de santé actuelles : 2.587,50 euros
- frais divers: 10.200 euros
- assistance par tierce personne temporaire : 250.044,50 euros.
- préjudice scolaire, universitaire ou de formation : 50.000 euros
- incidence professionnelle: 120.000 euros
- frais de véhicule adapté: 20.380,12 euros
- déficit fonctionnel temporaire: 89.873 euros.
- souffrances endurées: 50.000 euros
- préjudice esthétique temporaire: 6.000 euros
- déficit fonctionnel permanent: 507.375 euros
- préjudice esthétique permanent: 8.000 euros
- préjudice d’agrément: 25.000 euros
- préjudice sexuel: 10.000 euros
- préjudice d’établissement: 30.000 euros
Cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

CONDAMNE le BUREAU CENTRAL FRANCAIS à payer à M. [D] [J] en présence de Mme [O] [F] en qualité de curatrice, en deniers ou quittances, provisions non déduites, au titre de l’assistance tierce personne permanente :
1° * la somme de 107.955,28 euros en capital avec intérêts au taux légal à compter de ce jour au titre de son préjudice,
2° * une rente trimestrielle et viagère d'un montant de 6.798 euros, pour un capital représentatif de 1.567.673,18 euros, payable à compter du 1er juillet 2024 et qui sera suspendue en cas d'hospitalisation ou de prise en charge en milieu médical spécialisé supérieure à 45 jours ;

DIT que cette rente sera payable à terme échu avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance échue et sera révisable chaque année conformément aux dispositions de l'article 43 de la loi du 5 juillet 1985, étant précisé que l'indexation n'interviendra et les intérêts ne seront dus qu'à compter du présent jugement ;

CONDAMNE le BUREAU CENTRAL FRANCAIS à payer à M. [D] [J] en présence de Mme [O] [F] en qualité de curatrice, en deniers ou quittances, provisions non déduites, au titre des pertes de gains professionnels futurs :
1° * la somme de 53.500,08 euros en capital avec intérêts au taux légal à compter de ce jour au titre de son préjudice,
2° * une rente trimestrielle et viagère d'un montant de 3.007,50 euros, pour un capital représentatif de 693.553,56 euros, payable à compter du 1er juillet 2024

DIT que cette rente sera payable à terme échu avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance échue et sera révisable chaque année conformément aux dispositions de l'article 43 de la loi du 5 juillet 1985, étant précisé que l'indexation n'interviendra et les intérêts ne seront dus qu'à compter du présent jugement ;

RÉSERVE l’indemnisation des dépenses de santé futures ;

DÉBOUTE M. [D] [J] en présence de Mme [O] [F] en qualité de curatrice de sa demande au titre du préjudice permanent exceptionnel ;

CONDAMNE le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à payer à M. [D] [J] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'offre effectuée le 12 juin 2023, en ce compris les arrérages échus des rentes offertes au titre des pertes de gains professionnelles futures et de l’assistance par tierce personne future, avant imputation de la créance des tiers payeurs et avant déduction des provisions versées, à compter du 31 mars 2009 et jusqu'au 12 juin 2023 ;

DIT que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil y compris s’agissant des intérêts au titre de la sanction de doublement des intérêts au taux légal à compter du 31 mars 2010 et jusqu’au 12 juin 2023 ;

CONDAMNE le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à payer à Mme [O] [F], à titre de réparation de son préjudice par ricochet, en deniers ou quittances, provisions non déduites, les sommes suivantes :
Préjudice d’affection : 10.000 eurosPréjudice d’accompagnement et troubles dans les conditions d’existence : 30.000 euros
CONDAMNE le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à payer à [M] [Z], à titre de réparation de son préjudice par ricochet, en deniers ou quittances, provisions non déduites, les sommes suivantes :
Préjudice d’affection : 5.000 eurosPréjudice d’accompagnement et troubles dans les conditions d’existence : 20.000 euros
CONDAMNE le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à payer à Mme [O] [F] ès qualité de représentante légale de [R] [Z], à titre de réparation de son préjudice par ricochet, en deniers ou quittances, provisions non déduites, les sommes suivantes :
Préjudice d’affection : 10.000 eurosPréjudice d’accompagnement et troubles dans les conditions d’existence : 6.000 euros
CONDAMNE le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à payer à Mme [Y] [S] [F], à titre de réparation de son préjudice par ricochet, en deniers ou quittances, provisions non déduites, la somme suivante :
Préjudice d’affection : 3.000 euros
DÉBOUTE Mme [O] [F] ès qualité de représentante de Mme [B] [Z], Mme [U] [Z], M. [H] [Z], Mme [V] [Z] et Mme [G] [K] de leurs demandes au titre du préjudice d’affection, des troubles dans les conditions d’existence et d’accompagnement ;

REJETTE la demande de doublement des intérêts au taux légal sur les indemnités allouées à Mme [O] [F], M. [M] [Z], Mme [O] [F] ès représentante légale de [R] et [B] [Z], Mme [Y] [S] [F], Mme [U] [Z], M. [H] [Z] et Mme [V] [Z] ;

DÉCLARE le présent jugement commun à la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie de l’ESSONNE ;

CONDAMNE le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS aux dépens pouvant être recouvrés directement par Maître GUILLON pour ceux dont il a fait l’avance sans avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile

CONDAMNE le BUREAU CENTRAL FRANÇAIS à payer à M. [D] [J] la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

DIT que le présent jugement sera communiqué pour information au juge des tutelles du tribunal judiciaire d’EVRY-COURCOURONNES ;

Fait et jugé à Paris le 02 Juillet 2024

Le GreffierLe Président
Célestine BLIEZOlivier NOËL


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/02396
Date de la décision : 02/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-02;23.02396 ?
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