TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
19ème chambre civile
N° RG 23/01220
N° MINUTE :
Assignation du :
23 et 26 Janvier 2023
CONDAMNE
MLC
JUGEMENT
rendu le 02 Juillet 2024
DEMANDEURS
Madame [X] [W]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
ET
Monsieur [Y] [S]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Agissant tous les deux tant en leur nom propre qu’es qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs :
[J] [S]-[W]
[F] [S]-[W]
[T] [S]-[W]
Représentés par la SELARL CABINET REMY LE BONNOIS représentée par Maître Frédéric LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0299
DÉFENDERESSES
La SOCIETE GAN ASSURANCES
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représentée par Maître Stéphane GAILLARD de la SELAS GTA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2100
La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 5]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Non représentée
Décision du 02 Juillet 2024
19ème chambre civile
RG 23/01220
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Géraldine CHARLES, Première Vice-Présidente adjointe
Madame Sabine BOYER, Vice-Présidente
Madame Mabé LE CHATELIER, Magistrate à titre temporaire
Assistées de Madame Erell GUILLOUËT, Greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition au greffe.
DEBATS
A l’audience du 07 Mai 2024 présidée par Madame Géraldine CHARLES tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 02 Juillet 2024.
JUGEMENT
- Réputé contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [X] [W], née le [Date naissance 3] 1980, a été victime, le 12 janvier 2018, à [Localité 7], d’un accident au cours duquel son pied gauche a été écrasé, résultant d’une mauvaise manipulation, lors du déplacement par un véhicule de travaux, d’une pierre de dallage de 300kg. Le véhicule était conduit par Monsieur [A] [P], assuré auprès de la compagnie d'assurance GAN Assurances (ci-après désignée le GAN), laquelle ne conteste pas le droit à indemnisation.
Madame [X] [W] a été transportée au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) de [Localité 8] où les lésions suivantes ont été constatées :
Fracture ouverte par écrasement astragale gauche,Malléole interne cheville gauche,Calcanéum gauche.
Une expertise amiable contradictoire a été organisée entre le docteur [V], mandaté par le GAN et le docteur [N], assistant la victime.
Après avis des sapiteurs psychiatre (docteur [R]) et chirurgien orthopédiste (professeur [D]), les conclusions médico-légales, retenues le 16 avril 2021, sont les suivantes :
- Arrêt d’activité professionnelle imputable du 12/01/2018 au 15/04/2018 puis du 17/04/2018 au 15/06/2018 puis du 01/07/2018 au 01/09/2018
- Gêne temporaire totale du 12 au 16/01/2018 durant l’hospitalisation
- Gêne temporaire partielle :
o de classe 4 du 16/01/2018 au 16/03/2018 avec 2 heures TP/j
o de classe 3 du 17/03/2018 au 16/04/2018 avec 1h30 TP/j
o de classe 2 du 17/04/2018 au 16/05/2018 avec de façon contemporaine 1h TP/j, puis jusqu’au 30/06/2018 avec 4h TP/semaine, période se prolongeant jusqu’au 22/11/2020 sans TP.
- Date de consolidation : 23/11/2020
- AIPP : 12%
- Souffrances endurées : 3/7
- Dommage esthétique temporaire 3/7 du 16/01/2018 au 16/03/2018
- Absence de dommage esthétique permanent
- Frais futurs occasionnels : une consultation psychiatrique mensuelle durant l’année qui suit la date de consolidation
- Retentissement professionnel pour l’activité de maçonnerie exercée au moment des faits avec contre-indication au port de charges lourdes et à la marche en terrain accidenté,
- Retentissement définitif pour certaines activités d’agrément : danse, escalade et randonnée,
- Absence d’autres postes de dommage ».
A noter des points de désaccord portant sur les souffrances endurées, le docteur [N] estimant un quantum à 3,5/7 et le dommage esthétique temporaire estimé durant le double béquillage.
La caisse primaire d’assurance maladie (ci-après la CPAM) du [Localité 6] a établi sa créance définitive le 2 juin 2021 et fait valoir une créance de 5 493,59 €.
Le GAN a adressé à Madame [X] [W] une offre d’indemnisation le 26 mai 2021 mettant en attente, de justificatifs, les dépenses de santé et la perte de gains professionnels.
Cette offre n’a pas été acceptée.
Au vu de ce rapport, par actes délivrés les 23 et 26 janvier 2023, Madame [X] [W] et Monsieur [Y] [S], son conjoint, agissant tant en leur nom personnel qu’ès-qualités de représentants légaux de leurs trois enfants mineurs [J], [F] et [T] [S]-[W], ont fait assigner GAN Assurances et la CPAM de [Localité 5] devant ce tribunal aux fins de voir reconnaître son droit à indemnisation et de voir liquider ses préjudices.
Les demandeurs demandent au tribunal de :
Déclarer [X] [W] bien fondée en ses demandes et y faisant droit :
Condamner le GAN ASSURANCES à indemniser intégralement [X] [W] de ses préjudices Condamner le GAN ASSURANCES à payer à [X] [W] les sommes suivantes : • 507,36 € au titre des frais médicaux restés à sa charge
• 5.652,88 € au titre des frais divers
• 7.545,00 € au titre de l'assistance par une tierce personne temporaire
• 45.712,00 € au titre de la perte de gains actuels
• 314.956,80 € au titre des PGPF
• 120.000,00 € au titre de l'incidence professionnelle
• 10.622,50 € au titre du Déficit Fonctionnel Temporaire
• 10.000,00 € au titre des Souffrances Endurées
• 3.000,00 € au titre du préjudice esthétique temporaire
• 30.000,00 € au titre du Déficit Fonctionnel Permanent
• 3.000,00 € au titre du préjudice Esthétique Permanent
• 10.000,00 € au titre du préjudice d'agrément
• 6.000,00 € au titre au titre des frais irrépétibles, en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Frédéric LE BONNOIS, en application des dispositions de l'article 699 du même code.
Condamner la Compagnie GAN ASSURANCES au doublement des intérêts légaux sur l'indemnité totale allouée à [X] [W], en ce comprise la créance des organismes sociaux et les provisions versées, à compter de l'expiration du délai de 5 mois à compter de la connaissance de la consolidation, soit le 16 septembre 2021, jusqu'à ce que la décision à intervenir devienne définitive. Déclarer Monsieur [Y] [S] bien fondé en ses demandes et y faisant droit
Condamner le GAN ASSURANCES à payer à [Y] [S] les sommes suivantes : 10.000,00 € au titre du préjudice moral 800,00 € au titre de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Rémy LE BONNOIS, représentée par Maître Frédéric LE BONNOIS, en application des dispositions de l'article 699 du même code. Déclarer bien fondés en leurs demandes et y faisant droit [Y] [S] et [X] [W] en leur qualité de représentants légaux de leurs enfants mineurs [J] [S]--[W], [F] [S]--[W] et [T] [S]-[W]
Condamner le GAN ASSURANCES à payer à [Y] [S] et [X] [W] en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur [J] [S]--[W], les sommes suivantes : 6.000,00 € au titre du préjudice moral de [J] [S]--[W] 800,00 € au titre de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Rémy LE BONNOIS, représentée par Maître Frédéric LE BONNOIS, en application des dispositions de l'article 699 du même code. Condamner le GAN ASSURANCES à payer à [Y] [S] et [X] [W] en leur qualité de représentants légaux de leur fils mineur [F] [S]--[W] les sommes suivantes :6.000,00 € au titre du préjudice moral d'[F] [S]--[W] 800,00 € au titre de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Rémy LE BONNOIS, représentée par Maître Frédéric LE BONNOIS, en application des dispositions de l'article 699 du même code. Condamner le GAN ASSURANCES à payer à [Y] [S] et [X] [W] en leur qualité de représentants légaux de leur fille mineure [T] [S]--[W] les sommes suivantes :6.000,00 € au titre du préjudice moral de [T] [S]--[W] 800,00 € au titre de l'article 700 du CPC, outre les entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL Rémy LE BONNOIS, représentée par Maître Frédéric LE BONNOIS, en application des dispositions de l'article 699 du même code. Ordonner qu'à défaut d'exécution des condamnations par la Compagnie, le taux de l'intérêt légal applicable sera majoré de 50 % à l'expiration d'un délai de deux mois et doublé à l'expiration d'un délai de quatre mois à compter du jour de la décision à intervenir, si celle-ci est contradictoire et, dans les autres cas, du jour de la notification de la décision, en application de l'article L 211-18 du Code des assurances. Ordonner qu'à défaut d'exécution des condamnations par la Compagnie, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier, dont les frais seront supportés par la Compagnie en sus de l'article 700 du CPCRejeter toute demande tendant à écarter l'exécution provisoire de droit.
Aux termes de ses conclusions récapitulatives signifiées le 23 février 2024, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, GAN Assurances demande au tribunal :
Sur l’indemnisation de la victime directe :
DEBOUTER Madame [W] de ses indemnitaires et DECLARER satisfactoires les offres d’indemnisation telles que formulées au sein des présentes et récapitulées comme suit :Dépenses de santés actuelles : 507,36 €Frais divers :Frais vestimentaires et accessoires : rejetFrais d’assistances à expertise : 3.000,00 €Frais de déplacement : 1.116,55 €Frais postaux : 28,88 €Tierce personne temporaire : 2.892,50 €Perte de gains professionnels actuelle : 5.100,48 €Perte de gains professionnels future : rejetIncidence professionnelle : 10.000,00 €Déficit fonctionnel temporaire : 6.974,75 €Souffrances endurées : 6.000,00 €Préjudice esthétique temporaire : 1.500,00 €Déficit fonctionnel permanent : 24.000,00 €Préjudice esthétique permanent : rejetPréjudice d’agrément : 6.000,00 € ;
REJETER toutes demandes plus amples ou contraires aux offres présentées au sein des présentes conclusions,DEBOUTER Madame [W] de sa demande de condamnation du GAN au doublement des intérêts légaux sur l’indemnité totale qui lui sera allouée,REJETER la demande de Madame [W] formée à hauteur de 6.000,00 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ou la réduire à de plus justes proportions,Sur l’indemnisation des victimes indirectes :
DEBOUTER Monsieur [Y] [S] ainsi que [J], [F] et [T] [S]-[W] de l’ensemble de leurs demandes,En tout état de cause :
CANTONNER l’exécution provisoire aux montants des offres du GAN formulées au sein des présentes conclusions,STATUER ce que de droit sur les dépens.
La Caisse Primaire d’Assurance-Maladie de [Localité 5], quoique régulièrement assignée par acte remis à personne morale, n’a pas constitué avocat ; la présente décision sera donc réputée contradictoire.
La clôture de la présente procédure a été prononcée le 27 février 2024.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties quant à l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
A l’issue de l’audience de plaidoiries du 7 mai 2024, l'affaire a été mise en délibéré au 2 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
SUR LE DROIT À INDEMNISATION
La loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, dite « loi Badinter » dispose :
En son article 1er que les dispositions du présent chapitre s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres.
En son article 2 que les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d'un tiers par le conducteur ou le gardien d'un véhicule mentionné à l'article 1er.
Et en son article 3 alinéa 1er que les victimes, hormis les conducteurs de véhicules terrestres à moteur, sont indemnisées des dommages résultant des atteintes à leur personne qu'elles ont subies, sans que puisse leur être opposée leur propre faute à l'exception de leur faute inexcusable si elle a été la cause exclusive de l'accident.
Ainsi, le droit à indemnisation du conducteur blessé d'un véhicule terrestre à moteur n'est pas apprécié en fonction du comportement de l'autre automobiliste impliqué. Il convient d'apprécier uniquement le comportement du conducteur blessé. Et il ressort des dispositions précitées que seule peut exclure ou réduire le droit à indemnisation de la victime directe non-conductrice ou de ses ayants-droits la faute inexcusable de celle-ci si elle a été la cause exclusive de l'accident. La faute inexcusable s’entend de la faute volontaire d’une exceptionnelle gravité exposant sans raison valable son auteur à un danger dont il aurait dû avoir conscience.
Est impliqué dans un accident, au sens des dispositions précitées tout véhicule intervenu, à quelque titre que ce soit, dans la survenance de cet accident. Le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur ne peut se dégager de son obligation d'indemnisation que s'il établit que cet accident est sans relation avec le dommage.
En l'espèce, il est constant que Madame [X] [W] a été accidentée en raison d’une mauvaise manœuvre d’un véhicule de chantier conduit par Monsieur [A] [P] qui, se faisant, a fait tomber une pierre de dallage sur son pied gauche.
Le GAN, qui ne conteste pas le droit à indemnisation de Madame [X] [W], sera tenu de réparer son entier préjudice ainsi que celui des victimes par ricochet.
Il convient, en l'espèce, d'utiliser le barème de capitalisation publié dans la Gazette du Palais du 31 octobre 2022, fondé sur les tables d'espérance de vie définitive de 2017-2019 publiées par l'INSEE, au taux d’intérêt de 0%, le mieux adapté aux données sociologiques, financières et économiques actuelles compte tenu de la situation internationale dans un contexte où l’économie américaine a renoué avec un fort dynamisme ; malgré une augmentation du coût de la vie se traduisant par un taux d’inflation de l’ordre de 4,9 % en 2023, les taux de rémunérations des placements financiers, qui varient entre 3 % et 8 %, sont de nature à compenser la perte de valeur liée à l’inflation.
Bien que réalisé dans un cadre amiable, le rapport d’expertise ci-dessus évoqué présente un caractère complet, informatif et objectif. Les défendeurs, appelés à la procédure en un temps leur permettant de discuter librement de ces éléments, n’y apportent aucune critique.
Dès lors, ces données apportent un éclairage suffisant pour statuer sur les demandes d’indemnisation.
SUR L’ÉVALUATION DU PRÉJUDICE CORPOREL
Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Madame [X] [W], née le [Date naissance 3] 1980, âgée par conséquent de 37 ans lors de l'accident, 40 ans à la date de consolidation, 43 ans au jour du présent jugement, exerçant la profession d’artisan du patrimoine (restauration ancienne) lors des faits, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu'en application de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d'application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge.
I. PREJUDICES PATRIMONIAUX
- Dépenses de santé avant et après consolidation
Les dépenses de santé sont constituées de l’ensemble des frais hospitaliers, de médecins, d’infirmiers, de professionnels de santé, de pharmacie et d’appareillage en lien avec l’accident.
Aux termes du relevé de créance définitive daté du 2 juin 2021, le montant définitif des débours de la CPAM du [Localité 6] s'est élevé à 5 493,59 €, avec notamment :
4 200 € des frais hospitaliers au CHU de [Localité 8],858,33 € de frais médicaux,16,46 € de frais d’appareillage,(-) 23,50 € de franchises,52,60 € de soins post-consolidation,Et 390,00 € de prestations futures occasionnelles.
Madame [X] [W] produit également les relevés de sa mutuelle.
Madame [X] [W] sollicite l’allocation de la somme de 507,36 € au titre des dépenses de santé restées à sa charge.
Les documents qu’elle verse aux débats établissent que ces sommes sont effectivement restées à sa charge.
C’est ainsi que le GAN acquiesce à la demande de Madame [X] [W] et sera donc condamné à lui verser la somme de 507,36 € au titre de ce poste de préjudice.
- Frais divers
L'assistance de la victime lors des opérations d'expertise par un, ou des, médecin conseil en fonction de la complexité du dossier, en ce qu'elle permet l'égalité des armes entre les parties à un moment crucial du processus d'indemnisation, doit être prise en charge dans sa totalité. De même, ces données peuvent justifier d'indemniser les réunions et entretiens préparatoires. Les frais d'expertise font partie des dépens.
Madame [X] [W] sollicite une somme de 5 652,88 € se décomposant de la façon suivante :
3 000 € : honoraires de ses médecins conseils,22 € : frais de péage, 28,88 € : frais postaux,2302 € : frais de déplacements 300 € : frais vestimentaires et accessoires abîmés dans l’accident, à savoir les chaussures et le pantalon (non justifiés).
Le GAN acquiesce aux sommes demandées au titre des frais de médecins conseils (3 000 €), frais de péage (22 €) et frais postaux (28,88 €), qui seront donc allouées à la victime.
Concernant les frais de déplacement, s’il ne conteste pas le nombre de kilomètres parcourus à savoir 3648,50 km, il n’approuve pas le barème kilométrique fiscal retenu (0,631 €/km) et propose d’indemniser la victime sur le fondement du barème de la sécurité sociale à savoir 0,30 €/km.
Il conteste également la somme demandée au titre des frais vestimentaires.
Sur ce,
Concernant les frais de déplacement, le barème de la sécurité sociale auquel se réfère le GAN ne tient pas compte de l’usure de la voiture et de son entretien contrairement au barème fiscal sollicité, c’est ainsi que le tribunal retiendra l’application du barème fiscal demandé par la victime et partant, la somme de 2 302 €, sollicitée à ce titre.
Concernant les frais vestimentaires, il ne peut être sérieusement contesté que le pantalon et les chaussures de Madame [X] [W] ont été abîmés lors de l’accident dont elle a été victime à son pied gauche. Il sera donc retenu un montant forfaitaire de 250 € à ce titre.
En conséquence de quoi, il sera alloué à Madame [X] [W] une somme de 5 602,88 € (3 000€ + 22 € + 28,88 € + 2 302 € + 250 €) au titre des frais divers.
- Assistance tierce personne provisoire
Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.
En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise ce qui suit s'agissant de l'assistance tierce-personne temporaire :
2 heures par jour du 16/01/2018 au 16/03/2018 1 heure 30 par jour du 17/03/2018 au 16/04/2018 1 heure par jour du 17/04/2018 au 16/05/20184 heures par semaine jusqu’au 30/06/2018.
Madame [X] [W] sollicite une indemnisation sur la base d’un tarif horaire de 30 €/heure et ce pendant 57 semaines pour tenir compte des congés payés.
Le GAN propose une indemnisation sur la base d’un tarif horaire de 13 €/heure en rappelant que Madame [X] [W] ne justifie pas avoir fait appel à un prestataire et qu’en 2018, le SMIC horaire brut était fixé à 9,88 €. Par ailleurs, il conteste la durée de 57 semaines au titre des congés payés, aucun salarié n’ayant été embauché.
Les parties s’entendent sur le nombre d’heures déterminé par les experts.
Sur ce,
Sur la base d’un taux horaire de 18 euros, calculé sur 365 jours, qui semble adaptée à la situation de la victime, il convient de lui allouer la somme suivante :
dates
18,00 €
/ heure
nbre heures
nbre heures
TOTAL
début de période
16/01/2018
par jour
par semaine
s/ 365 jours / an
fin de période
16/03/2018
60
jours
2,00
2 160,00 €
fin de période
16/04/2018
31
jours
1,50
837,00 €
fin de période
16/05/2018
30
jours
1,00
540,00 €
fin de période
30/06/2018
45
jours
4,00
462,86 €
3 999,86 €
- Perte de gains professionnels avant consolidation
Il s'agit de compenser les répercussions de l'invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu'à la consolidation de son état de santé. L'évaluation de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d'une perte de revenus établie par la victime jusqu'au jour de sa consolidation.
L’expert retient un arrêt de travail en lien avec l’accident sur la période du 12 janvier 2018 au 1er septembre 2018.
Depuis le 22 mai 2017, Madame [X] [W] exerçait la profession d’artisan du patrimoine (restauration ancienne), activité qu’elle n’a pu poursuivre du fait de son handicap, amenée à radier la structure qu’elle avait créée.
Entre temps, elle a exercé la profession de serveuse à temps partiel dans le restaurant de son compagnon de décembre 2018 à juin 2019, occupant un poste de comptable, à compter du mois de mai 2020.
Sur cette période, Madame [X] [W] indique qu’elle aurait dû percevoir, du 12 janvier 2018 au 23 novembre 2020, une rémunération mensuelle de 1 697 € par mois en se fondant sur son chiffre d’affaires des 7 mois d’exercice de sa structure, montant qu’elle porte à 1 800 € pour tenir compte de l’augmentation prévisible de son chiffre d’affaires qui n’aurait pas manqué d’intervenir, selon ses dires.
C’est ainsi qu’elle sollicite un montant de 45 712,35 € calculé de la façon suivante :
Revenus qu’elle aurait dû percevoir34,5 mois x 1 800 € = 62 100 €
Revenus déclarés du 12.01 2018 au 23.11.2020819,00 € en 2018
6 847 € en 2019
8 721,65 € jusqu’au 30 novembre 2020
Total : 16 387,65 ;
Le GAN conteste cette méthode de calcul et retient les déclarations d’impôts de Madame [X] [W] sur les trois dernières années à savoir :
Au titre de l’année 2015 : 6 712 €Au titre de l’année 2016 : 5 541 €Au titre de l’année 2017 : 11 941 € (chiffre d’affaires déclaré en 2022 par régularisation auprès des impôts mais que le GAN accepte de prendre en compte).
A l’examen de ces éléments, le GAN estime que la victime a perçu un revenu moyen annuel de 8 064,67€ par an, soit de 672,06 € net mensuel, avant son accident.
La GAN fait valoir que, du 12 janvier 2018 au 23 novembre 2020, Madame [X] [W] a perçu 382 € en 2018, 7 889 € en 2019 et 10 601 € en 2020, soit un revenu annuel moyen de 6 290,67€ et donc de 524,22 € net mensuel.
Il évalue donc la perte des gains actuels de la façon suivante :
34,5 mois x (672,06 € - 524,22 €) = 5 100,48 €.
Sur ce,
Il est établi que Madame [X] [W] a débuté son activité de restauratrice de patrimoine le 22 mai 2017.
Antérieurement à cette période, Madame [X] [W] expose, à partir d’un curriculum vitae détaillé, avoir exercé diverses activités, sans lien avec l’activité qu’elle projetait de développer, à l’époque de son accident, telles qu’animatrice danse/arts plastiques de septembre 2014 à juin 2015 tout en assurant le service dans un restaurant (de mars à mai 2015), travaux en vert dans les vignes (de mai à septembre 2015), travaux de rénovation et de peinture (d’octobre 2015 à mars 2016), animatrice d’ateliers artistiques (de septembre 2015 à juin 2016), vendanges (septembre 2016), enfin, avoir suivi une formation d’ouvrier de la chaux dans le bâtiment (de septembre 2016 à avril 2017).
Le Tribunal considère que Madame [X] [W] aurait dû poursuivre son activité initiée en 2017 les années suivantes, avec le même chiffre d’affaires en 2018 et 2019 qu’en 2017 bien qu’elle ne fournisse pas de devis pour le début de l’année 2018 et sans tenir compte de la période correspondant à la crise sanitaire (soit 2 mois de mi-mars à mi-mai 2020) étant précisé qu’il ne sera retenu que 50% de ce chiffre d’affaires afin de tenir compte des charges sociales dont tout artisan, même micro entrepreneur, doit s’acquitter et des produits achetés pour effectuer son travail (enduit, peinture, plâtre etc….).
D’où il résulte que le chiffre d’affaires déclaré de Madame [X] [W] de 11 941 € en 2017 lui a procuré un revenu estimé de 5 970,50 € (50%) pour 7 mois d’activité soit 852,93 € /mois.
Elle aurait donc dû percevoir :
852,93 € x 32,5 mois (2 mois de crise sanitaire non comptabilisés) = 27 720,23 €.
Madame [X] [W] a déclaré les revenus suivants sur la période :
Au titre des revenus 2018 : 819 €Au titre des revenus 2019 : 8 766 €Au titre des revenus 2020 : 11 906,17€ pour la période du 1er janvier au 20 novembre 2020 (13 373 € dont à déduire son salaire de décembre 2020 d’un montant de 1 466, 83 €) Soit un montant total de : 21 491,17 €.
La CPAM du [Localité 6] n’a pas versé de prestations à ce titre à Madame [X] [W].
Il convient donc de condamner le GAN à verser à Madame [X] [W], la somme 6 229,06€ (27 720,23 € - 21 491,17 €) au titre de la perte de gains professionnels actuels.
- Perte de gains professionnels futurs
Ce poste indemnise la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée du fait du dommage dans la sphère professionnelle après la consolidation de son état de santé.
En l'espèce, Madame [X] [W] sollicite une somme de 314 956,80 € sur la base d’une perte mensuelle de 450 € par mois (1 800 € estimés déduction de son salaire de 1 350 €).
Soit du 23 novembre au 31 décembre 2022 : 450 € x 24,4 mois = 10 980,00 €.
A compter du 1er janvier 2023 :
450 € x 12 mois x 56,262 (euro de rente) = 303 814,8 €
Le GAN fait valoir qu’il ressort des avis d’imposition produits par Madame [X] [W] que celle-ci a déclaré une somme de 14 528 € pour l’année 2021 et de 18 858 € pour l’année 2022, soit un revenu mensuel moyen de 1 391 €.
Il indique que son revenu moyen mensuel après consolidation est supérieur à son revenu moyen mensuel avant son accident (672,06 € nets), qu’ainsi il n’y a pas lieu de verser une indemnisation à Madame [X] [W] au titre de ce poste de préjudice.
Il convient de rappeler que le revenu moyen mensuel de Madame [X] [W] a été évalué à la somme de 852,93 € en 2017.
Il est établi qu’elle a perçu un revenu mensuel moyen de 1 391 € pour les années 2021 et 2022.
La perte alléguée n’est ainsi pas démontrée.
La demande de Madame [X] [W] au titre de la perte de gains professionnels futurs sera rejetée.
- Incidence professionnelle
Ce poste d'indemnisation a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap. Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.
En l'espèce, il convient de noter que les médecins ont indiqué dans leur rapport : « Retentissement professionnel pour l’activité de maçonnerie exercée au moment des faits avec contre-indication au port de charges lourdes et à la marche en terrain accidenté ».
Madame [X] [W] travaillait à son compte en qualité de restauratrice dans le bâtiment au moment de son accident.
Elle a été contrainte de renoncer à son activité (plâtrerie, enduit, petite maçonnerie de précision) et de s’orienter vers un poste sédentaire de comptable, dont elle fait valoir qu’il ne l’épanouit pas : elle indique souffrir toujours aujourd’hui d’une raideur de sa cheville gauche et d’un stress post traumatique, avoir une pénibilité à la conduite pour se rendre à son travail qui est éloigné de 30 kms et pour se déplacer à l’intérieur des locaux ce qui, selon elle, justifie les arrêts de travail qu’elle produit.
Elle sollicite, en réparation de son préjudice, une somme de 120 000 €, le GAN lui en offre 10.000€.
Au regard des éléments versés aux débats :
- arrêts de travail pour douleurs thoraciques et douleurs abdominales,
- témoignage de Madame [K] [M] et de Madame [G] [C] sur la survenance de crise de panique dans des situations stressantes
Les séquelles de l’accident dont a été victime Madame [X] [W] ont une incidence sur sa sphère professionnelle et en particulier :
- Sur le plan de la pénibilité et de la fatigabilité au travail,
- De l’impossibilité de poursuivre son activité antérieure qu’elle souhaitait développer,
- De la perte de la carrière intéressante qui s’offrait à elle dans le domaine où elle travaillait.
Or, ces données doivent être appréciées au regard de l’âge de Madame [X] [W], née le [Date naissance 3] 1980.
Dans ces conditions, il convient de lui allouer la somme de 50 000 € à ce titre.
II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX
- Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.
En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise ce qui suit s'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
- Gêne temporaire totale du 12 au 16/01/2018 durant l’hospitalisation
- Gêne temporaire partielle :
de classe 4 du 16/01/2018 au 16/03/2018
de classe 3 du 17/03/2018 au 16/04/2018
de classe 2 du 17/04/2018 au 22/11/2020
Les parties s’entendent sur le nombre de jours mais non sur le taux journalier : Madame [X] [W] sollicitant un taux de 35 € par jour et le GAN offrant 23 € par jour.
Sur la base d’une indemnisation de 30€ par jour pour un déficit total, adaptée à la situation de la victime, il sera alloué la somme suivante :
dates
30,00 €
/ jour
indemnisation
début de période
12/01/2018
taux déficit
total
due
fin de période
16/01/2018
5
jours
100%
150,00 €
fin de période
16/03/2018
59
jours
75%
1 327,50 €
fin de période
16/04/2018
31
jours
50%
465,00 €
fin de période
22/11/2020
951
jours
25%
7 132,50 €
9 075,00 €
9 075,00 €
- Souffrances endurées
Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.
En l'espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial, les traitements subis, et le retentissement psychique des faits s’agissant notamment de l’écrasement du pied gauche par une dalle de pierre de 300 Kg, la fracture ouverte, la rééducation, l’algoneurodystrophie. Elles ont été cotées à 3/7 par un expert et à hauteur de 3,5/7 par l’autre.
Madame [X] [W] sollicite une indemnisation à hauteur de 10 000 €, le GAN en offre 6 000€.
Dans ces conditions, il convient d'allouer la somme de 8 000 € à ce titre.
- Préjudice esthétique temporaire
Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce jusqu'à la date de consolidation.
Madame [X] [W] sollicite une somme de 3 000 € et il est offert 1 500 €.
En l'espèce, celui-ci a été coté à 3/7 par les deux experts en raison notamment de l’immobilisation de la cheville gauche par botte plâtrée, puis par attelle, par l’utilisation d’un fauteuil roulant puis de béquilles.
Dans ces conditions, il convient d’allouer une somme d’un montant de 1 500 € au titre du préjudice esthétique temporaire à Madame [X] [W].
- Déficit fonctionnel permanent
Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.
Madame [X] [W] sollicite une indemnisation à hauteur de 30 000 € et il est offert 24 000€.
L’expert a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 12 %. Il doit être relevé que l’expert a motivé son analyse par des explications littérales particulièrement fournies et circonstanciées, lesquelles ont été rappelées ci-dessus, notamment en ce qui concerne les séquelles orthopédiques : une raideur articulaire de la cheville gauche, une perte de la moitié de la flexion dorsale de la tibio tarsienne associée à des phénomène douloureux et en ce qui concerne les séquelles psychologiques un syndrome de stress post-traumatique.
La victime étant âgée de 40 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué une indemnité de 27 600 € (valeur du point fixée à 2 300€).
- Préjudice esthétique permanent
Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce de manière pérenne à compter la date de consolidation.
Madame [X] [W] sollicite une somme de 3 000 € au titre de ce poste de préjudice, le GAN sollicite le rejet de la demande.
En l'espèce, les deux experts, les docteurs [V] et [N] ont indiqué de concert « qu’il n’y avait pas de préjudice esthétique définitif ».
Il n’en demeure pas moins que lors de l’examen clinique, les médecins ont décrit ce qui suit : « La marche s’effectue en autonomie avec une légère boiterie à gauche, possible sur la pointe des pieds et sur les talons. La boiterie disparaît presque complètement avec le chaussage. Appuis monopodal obtenu ; Saut monopodal appréhendé, non réalisé. Accroupissement asymétrique en fin de course à gauche ».
Dans ces conditions, il convient d’allouer une somme d’un montant de 1 000 € au titre du préjudice esthétique permanent.
- Préjudice d'agrément
Ce préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs ainsi que les limitations ou difficultés à poursuivre ces activités. Ce préjudice particulier peut être réparé, en sus du déficit fonctionnel permanent, sous réserve de la production de pièces justifiant de la pratique antérieure de sports ou d’activités de loisirs particuliers. La jurisprudence des cours d'appel ne limite pas l’indemnisation du préjudice d’agrément à l’impossibilité de pratiquer une activité sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident. Elle indemnise également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités.
Madame [X] [W] indique et démontre qu’elle pratiquait la danse contemporaine avec une troupe et qu’elle dispensait des cours de danse alors qu’elle avait découvert la danse depuis son plus jeune âge.
Le CV artistique de la victime, le récapitulatif de la pratique de la danse (pièce n°42 de Madame [X] [W]) permet de constater qu’elle n’a cessé, de 1986 à 2018, de faire de la danse, de prendre des cours et de suivre des formations ayant de surcroît participé à de très nombreux spectacles.
Elle précise enfin qu’elle aimait partir en week-end pour faire de l’escalade ou des randonnées pédestres.
Elle sollicite donc une indemnisation à hauteur de 10 000 €.
Le GAN offre, au vu des justificatifs produits, une indemnisation à hauteur de 6 000 €.
En l'espèce, il convient de noter que les experts ont indiqué « Retentissement définitif pour certaines activités d’agrément : Danse, escalade et randonnée ».
Il convient, dans ces conditions, d'allouer la somme de 6 000 € à ce titre.
SUR LE DOUBLEMENT DES INTÉRÊTS AU TAUX LÉGAL
Aux termes de l'article L 211-9 du code des assurances, une offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximal de 8 mois à compter de l'accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive doit alors être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation. En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique.
Lorsque l'assureur n'est pas informé de la consolidation de l'état de la victime dans les trois mois suivant l'accident, il doit faire une offre d'indemnisation provisionnelle dans un délai de huit mois à compter de l'accident. L'offre définitive doit être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation.
A défaut d'offre dans les délais impartis par l'article L 211-9 du code des assurances, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit, en vertu de l'article L 211-13 du même code, des intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.
En l’espèce, l’accident a eu lieu le 12 janvier 2018. La consolidation de l’état de santé de la victime n’est intervenue qu’au-delà du délai de trois mois, visé à l’article L211-9 du Code des assurances puisqu'il a été fixé au 23 novembre 2020 par le rapport déposé le 16 avril 2021. L’assureur devait donc faire une offre provisionnelle avant le 12 septembre 2018, puis une offre définitive avant le 16 septembre 2021. La première offre d’indemnisation dont il est justifié est datée du 26 mai 2021.
Madame [X] [W] fait valoir que l’offre d’indemnisation du GAN en date du 26 mai 2021 pour un montant total de 33 367,25 € à parfaire est incomplète puisqu’elle ne comprend :
Ni la créance définitive de la CPAMNi les évaluations des postes de dépenses de santé, de pertes de gains et de déficit fonctionnel permanent.Elle rappelle qu’une offre manifestement insuffisante équivaut à une absence d’offre et sollicite donc la condamnation du GAN au doublement des intérêts du 16 septembre 2021 jusqu’à la décision à intervenir.
Le GAN fait valoir que dès le 26 mai 2021, il sollicitait de Madame [X] [W], afin de compléter son offre, la production « des justificatifs des frais restés à votre charge (frais actuels et futurs) et ceux relatifs à votre perte de revenus.
En ce qui concerne le poste DFP, le cas échéant, fournir le justificatif d’une indemnisation par votre organisme social ».
Il convient de noter que l’offre du GAN datée du 26 mai 2021, soit un mois après le dépôt du rapport d’expertise, reprend tous les postes de préjudices sauf celui non retenu par l’expert à savoir le préjudice esthétique permanent, que pour ce qui concerne les dépenses de santé actuelles et futures, outre la perte de gains professionnels actuels, des justificatifs étaient attendus.
Ainsi l’offre du GAN ne peut être considérée comme incomplète, les demandes de justificatifs suspendant les délais.
C’est ainsi qu’il convient de rejeter la demande de Madame [X] [W] au titre du doublement des intérêts.
SUR LES DEMANDES DES VICTIMES INDIRECTES
Au titre des préjudices de Monsieur [Y] [S]
Monsieur [Y] [S], compagnon de Madame [X] [W], indique qu’il a dû gérer les conséquences de l’accident tant vis-à-vis de sa compagne durant sa convalescence que vis-à-vis de ses enfants, disant souffrir encore aujourd’hui de voir sa compagne en endurer les séquelles.
Il sollicite donc une indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 10 000 €.
Le GAN fait valoir que l’aide par une tierce personne a été indemnisée et que Monsieur [S] ne saurait demander une indemnisation à ce titre, d’autant plus que les experts n’ont pas retenu une aide par tierce personne à titre pérenne.
Monsieur [Y] [S] ne transmet cependant au tribunal aucun élément à l’appui de sa demande.
Dans ces conditions, la demande de Monsieur [Y] [S] sera rejetée.
Au titre des préjudices des enfants mineurs
Madame [X] [W] et Monsieur [Y] [S] sollicitent que le préjudice moral de leur trois enfants mineurs, [J], [F] et [T], soit indemnisé à hauteur de 6 000 € chacun en raison des douleurs ressenties par la victime qui auraient induit une modification de la vie de la famille.
Le GAN s’oppose à cette indemnisation faisant valoir que les douleurs ressenties, qu’il ne nie pas, se sont amoindries avec le temps et que la vie familiale n’a pas été durablement perturbée.
Toutefois, Madame [X] [W] et Monsieur [Y] [S] ne fournissent aucun élément à l’appui de leurs demandes.
Dans ces conditions, la demande de Madame [X] [W] et Monsieur [Y] [S], agissant ès-qualités de représentants légaux de leurs trois enfants mineurs, sera rejetée.
SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
Le GAN, qui succombe en la présente instance, sera condamné aux dépens. En outre, il devra supporter les frais irrépétibles engagés par les consorts [W] - [S] dans la présente instance et que l'équité commande de réparer à hauteur de 2 500 €.
Rien ne justifie d'écarter l'exécution provisoire dont la présente décision bénéficie de droit, conformément aux dispositions des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, s'agissant en effet d'une instance introduite après le 1er janvier 2020.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire mis à disposition au greffe et rendu en premier ressort,
DIT que le véhicule conduit par Monsieur [A] [P] et assuré par la société GAN Assurances est impliqué dans la survenance de l'accident du 12 janvier 2018 ;
DIT que le droit à indemnisation de Madame [X] [W] des suites de l’accident de la circulation survenu le 12 janvier 2018 est entier ;
CONDAMNE la société GAN Assurance à payer à Madame [X] [W] à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, les sommes suivantes :
Dépenses de santé actuelles : 507,36 €Frais divers : 5 602,88 €Assistance par tierce personne : 3 999,86 €Pertes de gains professionnels actuels : 6 229,06 €Incidence professionnelle : 50 000 €Déficit fonctionnel temporaire : 9 075 €Souffrances endurées : 8 000 €Préjudice esthétique temporaire : 1 500 €Déficit fonctionnel permanent : 27 600 €Préjudice d’agrément : 6 000 €Préjudice esthétique permanent : 1 000 €Ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
REJETTE la demande formée au titre des pertes de gains professionnels futurs ;
REJETTE la demande formée au titre du doublement des intérêts ;
REJETTE la demande de Monsieur [Y] [S] au titre de son préjudice moral ;
REJETTE les demandes de Madame [X] [W] et Monsieur [Y] [S], ès-qualités de représentants légaux de leurs trois enfants mineurs, [J], [F] et [T] [S]-[W], au titre de leur préjudice moral ;
DÉCLARE le présent jugement commun à la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie de [Localité 5] ;
CONDAMNE la société GAN Assurances aux dépens et à payer aux consorts [W] - [S] la somme de 2 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;
DIT que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Fait et jugé à Paris le 02 Juillet 2024.
La GreffièreLa Présidente
Erell GUILLOUËTSabine BOYER
Juge signataire en l’absence de la Présidente empêchée (article 456 Code de procédure civile)