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01/07/2024 | FRANCE | N°22/04726

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19eme contentieux médical, 01 juillet 2024, 22/04726


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème contentieux médical

N° RG 22/04726

N° MINUTE :

Assignation du :
- 13 et 15 Mars 2022
- 22 Avril 2022

CONDAMNE

SB






JUGEMENT
rendu le 01 Juillet 2024
DEMANDEURS

Madame [I] [L]
[Adresse 4]
[Localité 10]

Monsieur [A] [L]
[Adresse 4]
[Localité 10]

ET

Madame [V] [L]
[Adresse 4]
[Localité 10]

Représentés par Maître Isabelle DUQUESNE CLERC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0895

DÉFENDEURS

Monsi

eur [O] [P]
Clinique [13]
[Adresse 6]
[Localité 5]

Représenté par la SELARL Cabinet HIRSCH Avocats associés agissant par Maître Aloïs DENOIX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1665

L’O...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème contentieux médical

N° RG 22/04726

N° MINUTE :

Assignation du :
- 13 et 15 Mars 2022
- 22 Avril 2022

CONDAMNE

SB

JUGEMENT
rendu le 01 Juillet 2024
DEMANDEURS

Madame [I] [L]
[Adresse 4]
[Localité 10]

Monsieur [A] [L]
[Adresse 4]
[Localité 10]

ET

Madame [V] [L]
[Adresse 4]
[Localité 10]

Représentés par Maître Isabelle DUQUESNE CLERC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0895

DÉFENDEURS

Monsieur [O] [P]
Clinique [13]
[Adresse 6]
[Localité 5]

Représenté par la SELARL Cabinet HIRSCH Avocats associés agissant par Maître Aloïs DENOIX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1665

L’OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MÉDICAUX (ONIAM)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 8]

Expéditions
exécutoires
délivrées le :
Représenté par la SCP UGGC Avocats agissant par Maître Sylvie WELSCH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0261

Décision du 01 Juillet 2024
19ème contentieux médical
RG 22/04726

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE
[Adresse 7]
[Localité 9]

Représentée par Maître Rachel LEFEBVRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1901

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Sabine BOYER, Vice-Présidente
Madame Laurence GIROUX, Vice-Présidente
Madame Emmanuelle GENDRE, Vice-Présidente

Assistées de Madame Erell GUILLOUËT, Greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition au greffe.

DEBATS

A l’audience du 13 Mai 2024 tenue en audience publique devant Madame Sabine BOYER, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 01 Juillet 2024.

JUGEMENT

- Contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [Z] [L], né le [Date naissance 3] 1965, qui souffrait de douleurs thoraciques depuis le mois de décembre 2018, a été pris en charge à la clinique [13] pour une coronarographie diagnostique le vendredi 15 février 2019. Cet examen a mis en évidence « une sténose serrée de la marginale, occlusion chronique de la coronaire droite au segment 3 ».
Une angioplastie a été programmée pour le lundi 18 février 2019 et réalisée à 19 heures par le docteur [O] [P] au sein de la clinique [13], qui a noté « succès d’angioplastie de l’artère coronaire droite proximale, échec de désobstruction de la coronaire droite distale malgré l’avancée significative du guide miracle 12 jusqu’à la vraie lumière en distalité. Procédure interrompue après 600ml d’iode. A reprendre dans 3 semaines. Double anti agrégation plaquettaire à poursuivre pour une durée minimale de 6 mois. »

Monsieur [Z] [L] est sorti le lendemain matin avec l’accord du praticien.
Le 20 février 2019, souffrant toujours de douleurs thoraciques, il a contacté son chirurgien, le docteur [P] qui lui a demandé de revenir à la clinique. Ce dernier a alors diagnostiqué une dissection aiguë de l’aorte avec urgence chirurgicale et a organisé son transfert à l’hôpital privé de [Localité 11].
Il a été pris en charge par le docteur [W], chirurgien thoracique, pour le remplacement de l’aorte ascendante et un mono pontage saphène de la coronaire droite.

Malgré cette intervention des complications sont survenues avec atteinte de la fonction rénale puis multiviscérale et monsieur [L] a été transféré en réanimation polyvalente à [Localité 12] le 4 mars 2019. Il est décédé le [Date décès 2] 2019 à 18h15 à l’Hôpital de [Localité 12].

N’ayant pas eu de réponse satisfaisante à ses questionnements sur les différents manquements reprochés et eu égard à la multitude d’intervenants dans la prise en charge de son époux, Madame [L] a saisi le juge des référés afin de solliciter l’organisation d’une expertise judiciaire au contradictoire de l’ONIAM, de la Clinique de [13], de l’hôpital [Localité 11], et des praticiens intervenus à titre libéral dans la prise en charge de Monsieur [L].

Le Professeur [A] [J] et le docteur [R] [H], désignés par ordonnances des 23 octobre 2020 et 4 janvier 2021, ont rendu leur rapport d’expertise le 14 avril 2021.
Ils ont considéré que :
- l’angioplastie n’était pas pleinement justifiée, qu’elle était prématurée et qu’elle n’avait pas fait l’objet d’une information suffisante sur les risques et l’alternative possible,
- la survenue de la dissection aortique était un accident médical non fautif de nature exceptionnelle mais qu’elle avait été diagnostiquée et traitée avec retard de 24 à 36 heures, faisant augmenter le risque de 1% par heure,
- le décès était survenu en raison d’une évolution péjorative non directement liée à l’acte chirurgical en cause sans manquements relevés.

Ils ont retenu une perte de chance de renoncer à l’intervention faute d’information délivrée à 10% et une perte de chance d’évolution favorable de l’accident médical de 30%, soit 40% à la charge du docteur [P].
Ils ont évalué les souffrances endurées à 4/7 en raison de l’hospitalisation prolongée en réanimation, des interventions chirurgicales, la sédation en réanimation et 2 échecs d’extubation, sans retenir un préjudice de conscience de mort imminente, un déficit fonctionnel temporaire total du 20/2/2019 au 15/3/2019.

***

Au vu de ce rapport, par actes des 13 et 15 mars et 22 avril 2022, assignant le docteur [O] [P], l’ONIAM et la CPAM du Val de Marne, suivis de conclusions récapitulatives signifiées le 13 juin 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, son épouse Madame [I] [L], et ses enfants Monsieur [A] [L], et Madame [V] [L] demandent au tribunal de :

- CONSTATER que l’action des consorts [L] contre l’ONIAM et le Dr.[P] est recevable et bien fondée ;
- VU le décès de Monsieur [L] consécutif à l’accident médical non fautif précédé et suivi de fautes du chirurgien dans la prise en charge du patient ;
- CONDAMNER le Dr. [P] à indemniser les consorts [L] sur le fondement de la responsabilité pour faute dans le suivi et la prise en charge de M. [L] ;
- CONDAMNER l’ONIAM à indemniser, au titre de la solidarité nationale, le reliquat de l’indemnisation des consorts [L] non mis à la charge du Dr. [P] ;
- FIXER les préjudices qui s’évaluent comme suit :
PREJUDICES TOTAL
Déficit fonctionnel temporaire [Z] [L] 600,00 €
Souffrances endurées [Z] [L] 20 000,00 €
Frais d'obsèques 5 953,61 €
Frais de notaire 8 712,54 €
Total préjudices de la succession 35 266,15 €
Préjudice d'affection de [A] [L] 30 000,00 €
Total préjudice personnel de [A] [L] 30 000,00 €
Préjudice d'affection d’[V] [L] 30 000,00 €
Préjudice économique [V] [L] ([Date décès 2] 2019- 15 Sept 2020) 10 110,00 €
Total préjudices personnels d'[V] [L] 40 110,00 €
Préjudice économique [I] [L] ([Date décès 2] 2019- 15 Sept 2020) 57 293,00 €
Préjudice économique [I] [L] (Sept 2020 - sept 2021) 44 935,00 €
Préjudice économique [I] [L] (15 sept 2021 - viager) 1 194 732,00 €
Déduction du capital décès (dont 3.450 Euros de la CPAM)
-352 116,12 €
Total préjudice économique [I] [L] 944 843,88 €
Préjudice d'affection de [I] [L] 40 000,00 €
Frais de taxi - déplacement à l'expertise 140,00 €
Frais d’avocats (référé et assistance à expertise) 4 000,00 €
Total préjudices personnels de [I] [L] 988 983,88 €
TOTAL GENERAL 1 094 360,03 €

Par conséquent :
- CONDAMNER l’ONIAM et le Dr. [P] à payer à [A], [V] et [I] [L], agissant es qualité d’ayants droits de Monsieur [Z] [L] et chacun pour leur part, la somme totale de 35 266,15 € ;
- CONDAMNER l’ONIAM et le Dr. [P] à payer à [A] [L], la somme totale de 30 000,00 € ;
- CONDAMNER l’ONIAM et le Dr. [P] à payer à [V] [L], la somme totale de 40 110,00 € ;
- CONDAMNER l’ONIAM et le Dr. [P] à payer à [I] [L], la somme totale de 988 983,88 € ;
- CONDAMNER l’ONIAM et le Dr. [P] à régler aux demandeurs la somme de 4.000 Euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNER l’ONIAM et le Dr. [P] aux entiers dépens de la présente instance et de celle des référés qui avaient été réservés, en ce compris les frais d’expertise judiciaire d’un montant de 4.760 Euros ;
- DECLARER le jugement commun à la CPAM

Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 12 mai 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Monsieur [O] [P] demande au tribunal de :

Juger que l'indemnisation du préjudice des Consorts [L] restant à la charge du Dr [P] doit se limiter à la réparation d'une perte de chance de 40% d'éviter le décès de Monsieur [Z] [L]
En conséquence,
Fixer comme suit les indemnités réparatrices :
DFTT : 600 €, soit 240 € après application du taux de perte de chance
Souffrances endurées : 14.000 €, soit 5.600 € après application du taux de perte de chance
Frais d'obsèques : 5.953,61 €, soit 2.381,44 € après application du taux de perte de chance, dont:
- (5.953,61 € - 3.450 €) X 40% = 1.001,44 € au bénéfice des Consorts [L]
- (3.450 € x 40%) = 1.380 € au bénéfice de la Caisse.
Préjudice d'affection de Mme [L] :
25.000 € pour Mme [L], soit 10.000 € après application du taux de perte de chance
Préjudice d'affection de chacun des deux enfants majeurs :
20.000 € pour chaque enfant, soit 8.000 € après application du taux de perte de chance
Préjudice économique d'[V] [L] : 7.733,75 €, soit 3.093,50 € après application du taux de perte de chance
Préjudice économique de Madame [I] [L] : 178.654,84 €, soit 71.461,94 € après application du taux de perte de chance
Frais de taxis : 140 €
Frais d'expertise : 4.760 €
Fixer à la somme de (60.197,32 € x 40%) = 24.078,93 €, après application du taux de perte de chance, la créance de la CPAM du Val de Marne au titre des dépenses de santé et des frais de transports
Débouter les Consorts [L], l'ONIAM et la CPAM du Val de Marne de leurs demandes, autres, contraires ou plus amples
Réduire à de plus justes proportions les indemnités sollicitées par les Consorts [L] et par la CPAM du Val de Marne au titre de l'article 700 du CPC
Statuer ce que de droit sur les dépens de l'Instance (pouvant inclure les frais d'expertise susvisés).

***

Aux termes de ses dernières écritures récapitulatives notifiées par voie électronique le 14 mai 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) demande au tribunal de :

À titre principal
Dire et juger que les conditions d’indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies en l’espèce en présence d’un défaut d’indication formelle, d’un défaut d’information claire, loyale, éclairée et complète ne permettant pas un consentement en connaissance de cause du patient et de manquements dans la prise en charge de la complication qui engagent la responsabilité du docteur [P] ;
En conséquence,
Débouter les consorts [L] de leur demande d’indemnisation formulée à l’encontre de l’ONIAM ;
Ordonner la mise hors de cause de l’ONIAM.

À titre subsidiaire
Déduire de l’indemnisation qui serait mise à la charge de l’ONIAM la perte de chance d’éviter le dommage imputable au docteur [P] non inférieure à 40 % ;
Juger qu’une indemnisation par l’ONIAM s’entend sous déduction des prestations des organismes sociaux, des tiers payeurs, des mutuelles ainsi que des garanties accident de la vie ;

Sur les préjudices de Monsieur [Z] [L], victime directe
Réduire à de plus justes proportions les indemnisations sollicitées sans que ces sommes n’excèdent les montants suivants :
- 220,80 € au titre du déficit fonctionnel temporaire total de Monsieur [Z] [L],
- 4 320,60 € au titre des souffrances endurées de Monsieur [Z] [L],
- 3 572,16 € au titre des frais d’obsèques.
Rejeter l’indemnisation sollicitée au titre des frais de notaire.

Sur les préjudices des victimes indirectes
Réduire à de plus justes proportions les indemnisations sollicitées sans que ces sommes n’excèdent les montants suivants :
- 9 000 € au titre du préjudice d’affection de Madame [I] [L],
- 3 900 € au titre du préjudice d’affection de Monsieur [A] [L],
- 3 900 € au titre du préjudice d’affection de Madame [V] [L],
- 199 123,97 € au titre du préjudice économique de Madame [I] [L],

Débouter Madame [V] [L] de sa demande au titre de son préjudice économique.
Débouter Madame [I] [L] de sa demande au titre des frais de taxi,
Débouter Madame [I] [L] de sa demande au titre des frais des frais d’assistance en référé et subsidiairement, réduire à la somme de 700 euros.

En tout état de cause
Débouter les consorts [L] de toute autre demande qui serait formulée à l’encontre de l’ONIAM ;
Statuer ce que de droit sur les dépens.

***

Aux termes de ses dernières écritures récapitulatives notifiées par voie électronique le 14 juin 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, LA CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE, demande au tribunal de :

RECEVOIR la CPAM de le Val-de-Marne en ses demandes et l’y déclarer bien fondée ;
EN CONSEQUENCE,
CONDAMNER le Dr [P] à verser à la CPAM de le Val-de-Marne à titre la somme de 63.647,32 €, au titre des prestations d’ores et déjà versées dans l’intérêt de Monsieur [L] dans les proportions qui seront fixées par le Tribunal ;
ASSORTIR cette condamnation des intérêts au taux légal à compter des présentes écritures soit du 13 avril 2023 ;
RESERVER les droits de la CPAM de le Val-de-Marne quant aux prestations non connues à ce jour et celles qui pourraient être versées ultérieurement ;
CONDAMNER le Dr [P] à verser à la CPAM de le Val-de-Marne la somme de 1.162 €, au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ;
CONDAMNER le Dr [P] à verser à la CPAM de le Val-de-Marne la somme de 2.000 €, au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
CONDAMNER le Dr [P] dont distraction au profit de la SELARL KATO & LEFEBVRE, Avocats, en application de l’article 699 du Code de procédure civile ;
RAPPELER l’exécution provisoire de droit de la décision à intervenir nonobstant appel et sans constitution de garantie.

La clôture de la présente procédure a été prononcée le 23 octobre 2023.

L'affaire a été mise en délibéré au 1er juillet 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR L'ACTION EN RESPONSABILITÉ INTENTEE

A. Sur la responsabilité du médecin

Tout professionnel de santé est tenu en application des articles L.1111-2 et R.4127-35 du code de la santé publique d'un devoir de conseil et d'information ; l'information du patient doit porter de manière claire, loyale et adaptée, sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus, le texte prévoyant qu'en cas de litige c'est au professionnel d'apporter, par tous moyens en l'absence d'écrit, la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé.

Il résulte des dispositions des articles L.1142-1-I et R.4127-32 du code de la santé publique que, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

Tout manquement à cette obligation qui n'est que de moyens, n'engage la responsabilité du praticien que s'il en résulte pour le patient un préjudice en relation de causalité directe et certaine.

Conformément à l'article L.1110-5 du code de la santé publique, « toute personne a, compte tenu, de son état de santé et de l'urgence des interventions que celui-ci requiert, le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées. Les actes de prévention, d'investigation ou de soins ne doivent pas, en l'état des connaissances médicales, lui faire courir de risques disproportionnés par rapport au bénéfice escompté. »

En application des dispositions de l'article R.4127-32 du code de la santé publique, le médecin, dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande de son patient, s'engage à lui assurer personnellement des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents.

Aux termes de l'article L.1142-1 paragraphe II du Code de la santé publique : Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, et, en cas de décès, de ses ayants droit lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail.

Au titre du critère de gravité du dommage, l’ONIAM n’a vocation à intervenir que si le dommage subi par la victime atteint, a minima, l’un des seuils de gravité suivants :
- un déficit fonctionnel permanent supérieur à 24% ;
- un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d’un déficit fonctionnel temporaire total ou partielle supérieur ou égal à un taux de 50% pendant six mois consécutifs ou six mois non consécutifs sur une période de 12 mois.
A titre exceptionnel, l’ONIAM a vocation à intervenir :
- lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l’activité professionnelle qu’elle exerçait avant la survenue du dommage ;
- lorsque le dommage occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans ses conditions d’existence.

La condition d'anormalité du dommage prévue par ces dispositions doit être regardée comme remplie lorsque l'acte médical a entraîné des conséquences notablement plus graves que celles auxquelles le patient était exposé par sa pathologie de manière suffisamment probable en l'absence de traitement. Dans le cas contraire, les conséquences de l'acte médical ne peuvent être considérées comme anormales sauf si, dans les conditions où l'acte a été accompli, la survenance du dommage présentait une probabilité faible.

Les positions des parties sont les suivantes :

Les demandeurs s’en remettent au rapport d’expertise s’agissant des responsabilités en cause et sollicitent, en tout état de cause, la prise en charge intégrale des conséquences dommageables de l’accident médical dont a été victime Monsieur [L].

Le docteur [P] reconnait sa part de responsabilité telle qu’elle est exposée par les experts en relevant que si les experts ont émis des réserves sur l’angioplastie, ils ne l’ont pas considérée contre-indiquée, mais ont dit qu’elle était possible, de sorte qu’ils n’ont pas caractérisé de faute.
S’agissant de l’information délivrée, il indique que le risque survenu ne figure pas dans la plupart des notes d’information remises aux patients par son caractère exceptionnel et que les experts ont précisé qu’ils ne pouvaient affirmer que Monsieur [L] aurait nécessairement choisi une option médicale plutôt que l’angioplastie.

L’ONIAM considère qu’en présence d’un défaut d’indication opératoire et d’un défaut d’information sur l’intervention d’angioplastie, la solidarité nationale ne saurait être mise en cause.

Le rapport d’expertise est critique sur le choix de l’intervention d’angioplastie et le délai très court entre le diagnostic et l’intervention (du vendredi au lundi suivant).
S’il ne se prononce pas en indiquant que ce choix n’était pas conforme aux données acquises de la science, il indique qu’il n’était pas pleinement justifié et explique pourquoi : l’absence de traitement préalable proposé en vue de traiter les symptômes angineux avec un temps suffisant pour permettre une réévaluation clinique de ses effets.
A cet égard, les experts indiquent que le but essentiel de l’angioplastie est d’améliorer les symptômes et non d’éviter un infarctus du myocarde, l’artère étant déjà occluse. Ils observent que « l’intervalle du week-end ne permettait ni une réévaluation clinique pertinente, ni la prise d’un autre avis auprès d’un cardiologue traitant, ce qui va à l’encontre des recommandations de la HAS dans la gestion de la maladie coronaire ». Ils citent ces recommandations très précisément, ce qui permet au tribunal de constater qu’elles n’ont pas été respectées, une information très précise devant être donnée au patient en s’assurant qu’il a bien compris, lui assurer un interlocuteur pour répondre aux questions dans les jours qui suivent.
Le rapport relève que « la décision d’ATL de CTO est tracée dès la sortie (de la coronarographie) sans concertation suffisante avec ce dernier dans le temps matériel imparti ni d’information spécifique tracée sur les risques propres de cette technique alors qu’existe un risque propre à cette procédure de revascularisation avec des scores prédictifs d’échecs et de complications » (risque de 2% d’événement cardiaque majeur dans son cas).
Ils relèvent l’absence de trace de participation de Monsieur [L] à cette décision, ni qu’il a reçu une information sur la technique.
Les experts ajoutent que « les symptômes pouvaient conduire soit à un traitement médical optimal, soit (plus probablement) à une angioplastie programmée après information du patient et son acceptation avec un risque technique très faible de survenue de complications. »

La suite du rapport est la description de l’accident médical considéré non fautif, la dissection aortique survenue lors de l’angioplastie. Ce point n’est pas contesté. La fréquence de cette complication est très rare et Monsieur [L] n’avait aucune prédisposition favorisant le risque. De même son état antérieur n’est pas impliqué dans la défaillance multiviscérale qui a suivi l’intervention chirurgicale de réparation qui est considérée très rare également.

En définitive, au regard du rapport d’expertise, la responsabilité du docteur [P] est engagée pour :
-  non-conformité du choix des actes de soins à l’ensemble des règles de l’art de par la trop grande rapidité de prise de décision d’un mode de revascularisation à risque et défaut d’information du patient,
- non-conformité de la surveillance postopératoire, la complication paraissant immédiatement reconnue mais mal évaluée dans son potentiel évolutif avec un traitement limité devant conduire à une grande prudence et réactivité avec une surveillance immédiate alors que cet accident n’est pas mentionné sur le compte rendu de sortie et que le patient n’est pas alerté.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, le tribunal considère que le docteur [P] n’a pas donné à son patient des soins consciencieux, attentifs et conformes aux données acquises de la science en :
Ne lui délivrant pas une information suffisante sur l’intervention d’angioplastie programmée trop précipitamment, 3 jours après l’examen diagnostic, ni sur l’alternative médicale possible, et la balance bénéfices/risques du choix opéré, ne faisant ainsi pas participer celui-ci à la décision pourtant non urgente,N’organisant pas une surveillance étroite du patient qui venait d’être opéré en présence d’une dissection aortique survenue au décours de l’intervention, complication traitée en partie mais non tracée et dont l’information n’a pas été délivrée au patient qui n’a pas été alerté sur les complications possibles et en lui faisant perdre une chance d’éviter les complications qui ont suivi et le décès.
Au regard de ces manquements, du fait que l’intervention était non urgente et donc précipitée, que potentiellement elle aurait pu être évitée après la prise d’un traitement médical s’il avait été choisi par le patient et qu’il s’était avéré suffisant (probabilité faible selon les experts), mais aussi du fait que l’accident médical a été mal pris en compte puisque traité immédiatement sans surveillance étroite en hospitalisation et sans inscription au dossier pour alerter les intervenants et le patient en cas de difficulté, la part de responsabilité du docteur [P] dans le dommage est supérieure à l’implication de l’accident médical relevant de la solidarité nationale contrairement aux conclusions des experts.
Toutefois, ces manquements ne sauraient à eux seuls être considérés responsables du dommage comme le soutient l’ONIAM alors que la probabilité d’éviter une angioplastie était faible selon les experts et que c’est cet acte qui a provoqué le dommage.

Néanmoins, l’addition de ces manquements conduit le tribunal à retenir une responsabilité du docteur [P] dans la survenue du dommage de 70%, au lieu de 40% retenue par les experts, les 30% devant être pris en charge par l’ONIAM au titre de l’accident médical non fautif relevant d’une indemnisation au titre de la solidarité nationale.

Sur l'evaluation du préjudice corporel de Monsieur [Z] [L] et de ses ayants-droit

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Monsieur [Z] [L], né le [Date naissance 3] 1965 et âgé par conséquent de 53 ans lors de l'accident médical, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu'en application de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d'application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge.

Il convient de préciser que les recours des tiers payeurs s'exercent à l'encontre des seuls auteurs responsables de l'accident survenu à la victime.
Or la réparation qui incombe à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (ONIAM), en vertu des dispositions de l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique, a pour objet d'assurer, au titre de la solidarité nationale, la prise en charge des conséquences d'un accident médical, d'une affection ou d'une infection qui ne peuvent être imputées à la faute d'un professionnel ou d'un établissement de santé, sans que cet établissement public ait la qualité d'auteur responsable des dommages.
En conséquence, l'article L. 376-1 du Code de la sécurité sociale ouvrant aux caisses de sécurité sociale la possibilité de poursuivre le remboursement des dépenses qu'elles ont exposées en faveur de la victime qu'à l'encontre du responsable d'un dommage corporel, les recours des tiers payeurs ne peuvent être exercés contre l'ONIAM lorsque celui-ci a pris en charge la réparation du dommage au titre de la solidarité nationale.

- Dépenses de santé

Aux termes du relevé de créance définitive, le montant définitif des débours de la CPAM s'est élevé à 63 647,32 euros, avec notamment :
Frais hospitaliers : 24 786,68 euros et 10 439,66 euros
Frais médicaux : 24 845,42 euros
Frais de transport :125,56 euros
Capital décès : 3450 euros.

Ce poste de préjudice n'est constitué que des débours de la CPAM du Val de Marne qui demande le remboursement de sa créance en application de l’article L376-1 du code de la sécurité sociale qui lui confère un recours subrogatoire sur les sommes versées à la victime en réparation de son préjudice corporel.
La Caisse Primaire d’Assurance Maladie produit un décompte actualisé et définitif à hauteur de 63 647,32 euros, étayé par l'attestation d'imputabilité du docteur [K] [U], et correspondant aux frais exposés suite aux fautes commises au cours de l'intervention litigieuse telles que décrites dans l'expertise.

Il convient de rappeler ici que les Caisses Primaires d’Assurance Maladie sont soumises aux règles de la comptabilité publique sous contrôle de la Cour des Comptes et que ses décomptes sont vérifiés par un agent comptable sous sa responsabilité personnelle ; qu’en vertu des dispositions des articles R. 315 -1 et suivants du code de la sécurité sociale, les médecins contrôleurs appartiennent au service du contrôle médical qui est un service national, totalement indépendant et détaché des caisses primaires d’assurance maladie.

Il s’ensuit que les défendeurs ne sont pas fondés à soutenir que l’attestation d’imputabilité délivrée par le médecin conseil du contrôle médical devrait être regardée comme une preuve que la Caisse Primaire d’Assurance Maladie se serait faite à elle-même, l’attestation d’imputabilité se présentant comme l’avis d’un tiers technicien dont le caractère précisément motivé, par référence au rapport d’expertise, permet la critique et une discussion contradictoire, spécialement sur l’imputabilité des frais à l’accident médical litigieux ; que cette attestation d’imputabilité constitue un élément de débat recevable et pertinent au soutien de l’action de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, qu’il incombe aux défendeurs, qui ont la possibilité de mobiliser des moyens propres à le critiquer, de discuter ; qu’il leur appartenait, dans le cas ou ils estimaient insuffisants les éléments produits et en particulier l’attestation du médecin-conseil, d’inviter la Caisse à faire préciser par ce dernier la méthode mise en oeuvre pour établir le montant réclamé et, au besoin, de solliciter une mesure d’expertise ou toute autre mesure d’instruction afin de vérifier l’imputabilité des dépenses.

Il y a lieu, dans ces conditions et au vu des documents produits par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie, de condamner le docteur [P] à prendre en charge 70% de la créance de 60 197,32 euros (la somme de 3450€ étant prise en charge au titre d’un autre poste), soit la somme de 42 138,12 euros.

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise ce qui suit s'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
déficit fonctionnel temporaire total du 20/2/2019 au 15/3/2019.

Sur la base d’une indemnisation de 25 € par jour pour un déficit total, comme demandé, adapté à la situation décrite, il sera alloué la somme suivante :
25 € x 24 jours = 600 euros.

- Souffrances endurées

Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation ou son décès.

En l'espèce, elles ont été cotées à 4/7 par l’expert en raison de l’hospitalisation prolongée en réanimation, des interventions chirurgicales, de la sédation en réanimation et des deux échecs d’extubation.

Dans ces conditions, il convient d'allouer la somme de 20 000 euros à ce titre.

- Frais d’obsèques et de notaire

Les frais d’obsèques se sont élevés à 5953,61 euros. Ainsi cette somme sera allouée aux ayants-droit.

S’agissant de la somme de 8712,54 euros versée au notaire, le décompte produit vise notamment des actes de donation et donation-partage qui ne sont pas en lien direct et certain avec le dommage ayant conduit au décès de Monsieur [L]. En l’absence de précisions, la demande sera rejetée.

Sur les préjudices de l’épouse et des enfants de Monsieur [Z] [L]

- Préjudice d’affection

Le préjudice d’affection est le préjudice moral subi par les proches à la suite du décès de la victime directe. S’il convient d’indemniser systématiquement les parents les plus proches, le préjudice est d’autant plus important qu’il existait une communauté de vie avec la victime. Cette communauté de vie peut justifier l’indemnisation d’un proche dépourvu de lien de parenté.

En l’espèce, Monsieur [L] était âgé de 53 ans et ses enfants de 24 ans pour [A] et 21 ans pour [V] qui sont domiciliés chez leur mère.
Dans ces conditions, le préjudice d’affection sera réparé par la somme de 25 000 euros pour sa veuve et 20 000 euros pour chacun de ses enfants.

- Préjudice économique

Le préjudice patrimonial des proches de la victime est surtout constitué par les pertes de revenus de la victime directe. Le décès du parent actif engendre pour le conjoint survivant et les enfants un préjudice économique dont l’évaluation doit se faire in concreto.
L'évaluation du préjudice économique de la victime indirecte doit prendre en compte la date prévisible d'accession à la retraite du défunt ; cela implique de distinguer deux périodes de revenus : le revenu de référence perçu par la victime directe avant la date prévisible de la retraite, puis le revenu de référence postérieur à cette date

Il est demandé 10 110 euros pour [V] et 944 843,88 euros pour Madame [L] sur la base suivante :
revenus du couple de 105 626 euros dont 66 621 euros pour le défunt et 39 005 euros pour sa veuverattachement fiscal de [V] jusqu’en septembre 2020part d’autoconsommation de chaque parent 20% et de [V] 15%.
Le docteur [P] considère que la part d’autoconsommation du défunt doit être estimée à 30% et que la date de retraite prévisible de Monsieur [L] doit être fixée à 62 ans. Son calcul aboutit à une somme de 7733,75 euros pour [V] et 178 654,84 euros pour la veuve.

L’ONIAM considère qu’il y a lieu de fixer la part d’autoconsommation du défunt à 30% au regard des revenus de la famille. Il évalue les préjudices à 10 657 euros pour [V] et 171 536,76 euros pour sa mère avant le départ en retraite du défunt et à 501 795,75 euros pour cette dernière après.

Sur ce
Au regard des revenus du couple après abattement en 2018 sur lequel s’accorde les parties, soit 105 626 euros dont 65 669 euros pour l’époux et 38 978 euros pour l’épouse, il y a lieu de retenir une part d’autoconsommation du défunt de 30% et de calculer le préjudice économique comme suit :

105 626 x 0,70 = 73 938,20 € (revenu attendu) – 39 566 € (revenu perçu par l’épouse) = 34 372,20 €.

pour la période de 18 mois du 15/3/2019 au 15/9/2020 de rattachement fiscal de [V] :34 372,20 € /12 x18 = 51 558,30 € qui sera répartie à raison de 15% pour [V], soit 7733,74 € et 85% ou le reste pour sa mère, soit 43 824,56 €.

A compter du 15/9/2020, la perte est entière pour Madame [L], soit 34 372,20 €, elle doit être capitalisée jusqu’à la retraite prévisible de son conjoint né en 1965, elle-même étant née en 1961. Il convient de retenir un départ à la retraite à 62 ans comme suggéré par les défendeurs, faute d’observations des demandeurs sur ce point.Ainsi du 15/9/2020 au 15/9/2023 : 34 372,20 € x 3 années = 103 116,60 eurosPuis au 16/9/2023 jusqu’au 29/12/2027 date du départ en retraite à 62 ans, la perte est de : 34 372,20 € x 4,871 (euro de rente pour un homme de 57 ans) = 167 426,98 eurosA partir du 30/12/2027, en l’absence d’information délivrée par les demandeurs, il convient de prendre en compte un revenu de 50% de l’époux, soit 33 310,50€. Toutefois, l’épouse née en 1961 aura également pris sa retraite et ses revenus diminueront également, soit 39 566 €/2 = 19 783€. La perte s’évalue ainsi : 33 310,50 + 19 783 = 53 093,50 € x 0,70 = 37 165,45 € - 19 783 € = 17 382,45 euros. Le préjudice est évalué après capitalisation viagère à 17 382,45 x 21,018 (euro de rente viagère pour un homme de 62 ans) = 365 344,33 €
Total avant imputation des sommes versées :
Madame [V] [L] : 7733,74 €Madame [I] [L] : 43 824,56 € + 103 116,60 € + 167 426,98 € +365 344,33 € = 679 712,47 euros.
Dont à déduire la somme totale de 352 116,12 euros perçue au titre des divers capitaux décès comprenant la créance de la CPAM de 3450 euros qui doit lui revenir, soit une somme devant revenir à Madame [I] [L] de 327 596,35 euros.

Sur la somme totale due de 327 596,35 € + 3450 € (créance CPAM) = 331 046,35 euros, le docteur [P] versera 231 732,44 €, dont 229 317,44 euros (70% de327 596,35 €) à Madame [L] et 2415 euros à la CPAM pour sa créance. L’ONIAM versera 98 278,91 euros (30%) à Madame [L] mais aucune somme à la CPAM.

- Frais divers

Il est demandé le remboursement des divers frais de déplacement à l’expertise, soit 140 euros de frais de taxis pour Mme [I] [L], ces frais sont justifiés. En conséquence, il sera alloué cette somme.

S’agissant des frais de conseils dans la procédure de référé, ils sont pris en compte au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Sur les demandes accessoires

* Sur l'indemnité forfaitaire de l'article L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale

En application de l'article L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale, le tiers responsable est condamné à payer une indemnité forfaitaire en contrepartie des frais engagés par l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum et d'un montant minimum, fixés par arrêté.

Dans ces conditions, le docteur [P] qui doit supporter la créance de la CPAM à hauteur de 42 138,12 € (DSA) + 2415€ (préjudice économique) = 44 553,12 euros, devra supporter l’indemnité forfaitaire de 1162 euros.

La condamnation à verser la somme de 44 553,12 euros sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la première demande, soit le 13 avril 2023, la créance étant certaine à cette date.

* Sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile

Le docteur [P] et l’ONIAM, qui succombent en la présente instance, seront condamnés aux dépens comprenant les frais d’expertise dans les conditions fixées au dispositif.

En outre, ils devront supporter les frais irrépétibles engagés par les consorts [L] dans la présente instance et que l'équité commande de réparer à raison de la somme de 4 000 euros, comprenant ceux de la procédure de référé et l’assistance à expertise.

Le docteur [P] supportera les frais irrépétibles de la CPAM du Val de Marne que l’équité commande de fixer à 1000 euros.

* Sur l’exécution provisoire

Rien ne justifie d'écarter l'exécution provisoire dont la présente décision bénéficie de droit, conformément aux dispositions des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, s'agissant en effet d'une instance introduite après le 1er janvier 2020.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire mis à disposition au greffe et rendu en premier ressort,

DIT que monsieur [Z] [L] a été victime d’un accident médical non fautif au décours de l’intervention d’angioplastie réalisée le 18 février 2019 par le docteur [O] [P] conduisant à son décès le [Date décès 2] 2019 ;

DECLARE le docteur [O] [P] responsable d’un défaut d'information et d’un défaut de surveillance lors de l'intervention chirurgicale subie monsieur [Z] [L], le 18 février 2019 ;

DECLARE le docteur [O] [P] responsable à hauteur de 70 % des conséquences dommageables de l'intervention chirurgicale subie par monsieur [Z] [L], le 18 février 2019 ;

CONDAMNE le docteur [O] [P] à réparer 70% des préjudices ;

DIT que l’indemnisation de l'accident médical relève de la solidarité nationale pour 30 % des préjudices ;

CONDAMNE en conséquence l'office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à prendre en charge 30% des préjudices ;

ALLOUE à titre de réparation du préjudice corporel de Monsieur [Z] [L], à ses ayants- droit, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, les sommes suivantes :
- déficit fonctionnel temporaire : 600 euros
- souffrances endurées : 20 000 euros
- frais d’obsèques : 5953,61 euros ;

ALLOUE à Madame [I] [L] en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, les sommes suivantes :
Préjudice d’affection : 25 000 eurosPréjudice économique : 327 596,35 eurosFrais divers : 140 euros ;

ALLOUE à Madame [V] [L] en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, les sommes suivantes :
Préjudice d’affection : 20 000 eurosPréjudice économique : 7733,74 € ;
ALLOUE à Monsieur [A] [V] [L] en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour, les sommes suivantes :
Préjudice d’affection : 20 000 euros ;
REJETTE la demande de frais de notaire ;

CONDAMNE le docteur [P] à prendre en charge 70% des préjudices et CONDAMNE l’ONIAM à prendre en charge 30 % des préjudices ainsi déterminés ;

CONDAMNE le docteur [P] à verser à la CPAM du Val de Marne :
44 553,12 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la première demande, soit le 13 avril 2023,1162 euros au titre de l’indemnité forfaitaire 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE le docteur [P] et l’ONIAM dans la proportion susvisée à verser aux consorts [L] la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE le docteur [P] et l’ONIAM dans la proportion susvisée aux dépens, comprenant les frais d’expertise et pouvant être recouvrés directement par la SELARL KATO&LEFEBVRE à l’encontre du docteur [P] pour ceux dont elle a fait l’avance sans avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 01 Juillet 2024.

La GreffièreLa Présidente

Erell GUILLOUËTSabine BOYER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19eme contentieux médical
Numéro d'arrêt : 22/04726
Date de la décision : 01/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 09/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-01;22.04726 ?
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