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28/06/2024 | FRANCE | N°23/00339

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19ème chambre civile, 28 juin 2024, 23/00339


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:



19ème chambre civile


N° RG 23/00339

N° MINUTE :


CONDAMNE

Assignation du :
20 Décembre 2022

LG






JUGEMENT
rendu le 28 Juin 2024
DEMANDERESSE

S.A. AIG EUROPE SA
[Adresse 7]
[Localité 3]

représentée par Maître Ghislain DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1155



DÉFENDERESSE

S.A. PACIFICA
[Adresse 2]
[Localité 1]

représe

ntée par Maître Patrice GAUD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P043


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:

19ème chambre civile


N° RG 23/00339

N° MINUTE :

CONDAMNE

Assignation du :
20 Décembre 2022

LG

JUGEMENT
rendu le 28 Juin 2024
DEMANDERESSE

S.A. AIG EUROPE SA
[Adresse 7]
[Localité 3]

représentée par Maître Ghislain DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1155

DÉFENDERESSE

S.A. PACIFICA
[Adresse 2]
[Localité 1]

représentée par Maître Patrice GAUD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P043

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Laurence GIROUX, Vice-Présidente, statuant en juge unique.

Assistée de Madame Célestine BLIEZ, greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition.
Décision du 28 Juin 2024
19ème chambre civile
N° RG 23/00339

DÉBATS

A l’audience du 13 Mai 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 28 Juin 2024.

JUGEMENT

- Contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Le 31 janvier 2019 à la Rochelle, s’est produit un accident de la circulation impliquant Madame [Z] [X], cycliste, un car scolaire de marque IVECO, immatriculé [Immatriculation 5], conduit par Monsieur [E] [H] et assuré auprès de la société AIG EUROPE SA, ainsi qu’un véhicule de marque PEUGEOT Expert, immatriculé [Immatriculation 4], conduit par Monsieur [L] [J] et assuré auprès de la société PACIFICA.

Le bus conduit par Monsieur [H] a, dans un premier temps, percuté Madame [Z] [X], qui a été ensuite heurtée par le véhicule conduit par Monsieur [J], qui suivait celui de Monsieur [H].

Madame [Z] [X] est décédée des suites de cet accident d’un traumatisme crânien grave avec hémorragie intra-crânienne.

Par jugement du tribunal correctionnel de La Rochelle du 3 septembre 2020, Monsieur [H] et Monsieur [J] ont été déclarés coupables des faits, qui leur étaient reprochés, déclarés responsables des préjudices subis par les parties civiles, et condamnés solidairement à leur régler diverses sommes en lien avec le décès de Madame [Z] [X].

Les assureurs de ces deux conducteurs ne sont pas parvenus à un accord amiable sur leurs prises en charge respectives.

Ainsi, par acte en date du 20 décembre 2022 suivi de conclusions récapitulatives signifiées le 13 novembre 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société AIG EUROPE SA a assigné la société PACIFICA et demande au tribunal de :
Déclarer que les circonstances de l’accident complexe de la circulation survenu le 31 janvier 2019 sont parfaitement claires et établies ;
Déclarer que Monsieur [L] [J] a commis plusieurs fautes directement à l’origine de l’accident ; Recevoir l’action subrogatoire de la société AIG EUROPE SA dirigée à l’encontre de la société PACIFICA. Répartir la charge indemnitaire de la société PACIFICA en conséquence des fautes de Monsieur [L] [J], soit à hauteur de 90%. Limiter la charge indemnitaire de la société AIG EUROPE SA à 10%. Condamner la Société PACIFICA à restituer les sommes indument supportées par la société AIG EUROPE SA à Madame [G] et Monsieur [V], soit : 22.051,45€ au titre des préjudices de Madame [G], ayant droit et victime indirecte de feue Madame [X]
4.500€ au titre des préjudices de Monsieur [V], victime indirecte de feue Madame [X].
Débouter la société PACIFICA de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Condamner la société PACIFICA à payer aux demandeurs la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Condamner également la société PACIFICA aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Ghislain DECHEZLEPRÊTRE membre de la SELARL CABINET DECHEZLEPRÊTRE. Débouter la société PACIFICA de toutes ses demandes, fins et conclusions.
Aux termes de ses dernières écritures signifiées le 28 septembre 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la société PACIFICA demande au tribunal de :
A titre principal :
Juger que les fautes commises par Monsieur [H] ont concouru au décès de Madame [Z] [X] dans une part non inférieure à 60% ; Juger en conséquence la société AIG EUROPE tenue à la dette indemnitaire résultant du décès de Madame [Z] [X] dans une part non inférieure à 60% ; Juger la compagnie PACIFICA tenue à la dette indemnitaire résultant du décès de Madame [Z] [X] dans une part non supérieure à 40% ; Subsidiairement :
Juger que les fautes commises par Monsieur [E] [H] et par Monsieur [L] [J] ont concouru au décès de Madame [Z] [X] chacune à hauteur de moitié ; Juger en conséquence la société AIG EUROPE et la compagnie PACIFICA tenues à la dette indemnitaire résultant du décès de Madame [Z] [X] chacune à hauteur de moitié ; Débouter la société AIG EUROPE de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;Condamner la société AIG EUROPE au paiement d’une somme de 4.000 € à la compagnie PACIFICA sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;
Le présent jugement, susceptible d'appel, sera contradictoire.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 11 mars 2024. L’affaire a été appelée à l’audience du 13 mai 2024 et mise en délibéré au 28 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il ne peut qu’être constaté que les parties, assureurs respectifs des deux conducteurs impliqués, sont recevables en leur action.

Ce point n’étant pas contesté, il n’y a lieu à statuer.

SUR LE RECOURS ENTRE CO-AUTEURS
Le recours du conducteur d'un véhicule terrestre à moteur impliqué dans un accident de la circulation ou de son assureur qui a indemnisé les dommages causés à un tiers s'exerce contre le conducteur d'un autre véhicule impliqué sur le fondement des articles 1240 et 1346 du code civil. La contribution à la dette a lieu en proportion de leurs fautes respectives ou en l'absence de faute prouvée à parts égales.

Est impliqué dans un accident, au sens de la loi du 5 juillet 1985, tout véhicule intervenu, à quelque titre que ce soit, dans la survenance de cet accident. Le conducteur d’un véhicule terrestre à moteur ne peut se dégager de son obligation d’indemnisation que s’il établit que cet accident est sans relation avec le dommage.

Aux termes de l’article R412-7 II du code de la route, il est prévu :
« II.- Lorsqu'une voie de circulation est réservée à certaines catégories de véhicules, les conducteurs d'autres catégories de véhicules ne doivent pas circuler sur cette voie. Les conducteurs de véhicules motorisés ne doivent pas circuler dans une aire piétonne, à l'exception des cas prévus par les règles de circulation mentionnées à l'article R. 411-3, ni sur une voie verte, à l'exception des cas prévus par les règles de circulation mentionnées à l'article R. 411-3-2. ».

L’article R 415-3 du code de la route précise que : « I. - Tout conducteur s'apprêtant à quitter une route sur sa droite doit serrer le bord droit de la chaussée.
II. - Il peut toutefois emprunter la partie gauche de la chaussée lorsque le tracé du virage et les dimensions du véhicule ou de son chargement le mettent dans l'impossibilité de tenir sa droite ; il ne doit ainsi manoeuvrer qu'à allure modérée, et après s'être assuré qu'il peut le faire sans danger pour autrui.
III. - Il doit céder le passage aux engins de déplacement personnel motorisés, aux cycles et cyclomoteurs circulant dans les deux sens sur les pistes cyclables qui traversent la chaussée sur laquelle il va s'engager.
IV. - Le fait, pour tout conducteur, de contrevenir aux dispositions du présent article est puni de l'amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe. »

L’article R412-6 du code de la route indique dans tous les cas que :
« Tout véhicule en mouvement ou tout ensemble de véhicules en mouvement doit avoir un conducteur. Celui-ci doit, à tout moment, adopter un comportement prudent et respectueux envers les autres usagers des voies ouvertes à la circulation. Il doit notamment faire preuve d’une prudence accrue à l’égard des usagers les plus vulnérables. »

En l’espèce, la société AIG EUROPE SA considère qu’au regard des comportements respectifs des deux conducteurs impliqués, il convient de répartir la charge indemnitaire à hauteur de 10% pour elle-même et de 90% pour la société PACIFICA.

La société PACIFICA s’oppose à la demande. Elle considère, à titre principal, que la charge indemnitaire est de 60% pour la société AIG EUROPE SA et de 40% pour elle-même. Subsidiairement, elle sollicite un partage par moitié de la charge indemnitaire.

Les parties s’opposent sur la part de responsabilité liée au comportement de chacun de leurs assurés dans l’accident. Les pièces produites quant aux circonstances sont le jugement correctionnel du 2 juillet 2020, qui est précisément motivé, et le dossier d’accident.

Il en ressort que l’accident s’est produit, le 31 janvier 2019 vers 16 heures 40, au rond-point [T] [F] à [Localité 6], soit de jour sans difficulté particulière de visibilité sur une chaussée humide mais sans pluie.

Les dépistages réalisés en matière d’alcool et de stupéfiants ont été négatifs pour le conducteur du car, Monsieur [H], et Madame [X]. En revanche, l’expertise toxicologique sur Monsieur [J] a révélé la présence de cannabis, celui-ci n’étant pas resté sur les lieux après l’accident.

Le car scolaire circulait sur le rond-point et était suivi par l’autre véhicule. Ces deux véhicules se sont engagés pour tourner successivement vers la droite. La victime circulait sur la piste cyclable matérialisée par un marquage au sol.

Or, il ressort des témoignages recueillis, de l’autopsie de Madame [X], mais également des constatations de l’expert sur les deux véhicules que :
le choc initial s’est produit entre le vélo circulant dans sa voie et le car scolaire au niveau de sa partie arrière droite, malgré des alertes d’autres automobilistes et le bruit du choc du vélo, le car scolaire ne s’est pas dans un premier temps arrêté,le vélo a été coincé sous le car, mais aucun élément biologique n’a été relevé sur celui-ci,Madame [X] n’est pas décédée suite à ce choc, mais a ensuite été percutée par le véhicule suivant de près le car,des éléments biologiques et pileux de la victime ont été retrouvés sous ce véhicule, qui a « roulé sur sa tête ».
Dans sa motivation circonstanciée, le tribunal correctionnel a retenu que le car avait tourné à droite sans tenir compte de la cycliste et sans procéder aux vérifications d’usage et a, ainsi, caractérisé un défaut d’attention à la circulation, un défaut de maitrise du véhicule, un défaut de distance latérale avec la bande cyclable et un défaut de distance avec le cycliste permettant de retenir la culpabilité du chauffeur. Il relève au surplus que Monsieur [H] était un professionnel de la conduite, qui se devait justement du fait de la longueur conséquente de son véhicule d’être particulièrement attentif.

Par ailleurs, il a retenu également des fautes d’inattention et d’imprudence à la charge de Monsieur [J], qui suivait de près le car et n’a pas tenu compte des événements survenus (bruit du choc, interpellations des autres automobilistes) pour adapter sa conduite, ce qui lui aurait permis d’éviter Madame [X]. En outre, il a été retenu l’usage de produits stupéfiants, l’analyse toxicologique ayant conclu à une consommation régulière et importante.

Compte tenu des circonstances de l’accident telles qu’évoquées, les fautes respectives des conducteurs dans la conduite de leurs véhicules sont caractérisées. De plus, si le décès de Madame [X] est directement lié au choc fatal avec le second véhicule, c’est bien le choc initial qui en est à l’origine. Il doit, enfin, être également tenu compte du comportement des conducteurs, Monsieur [J] ayant au surplus consommé des produits stupéfiants et ayant quitté les lieux après l’accident.

Par conséquent, la contribution à la dette sera la suivante :
60% à la charge de la société PACIFICA assureur de Monsieur [J],40% à la charge de la société AIG EUROPE SA assureur de Monsieur [H].

SUR L’INDEMNISATION

La société AIG EUROPE SA, assureur de Monsieur [H], indique avoir réglé l’intégralité de l’indemnité allouée aux parties civiles, soit à la fille et au compagnon de Madame [X]. Elle sollicite, ainsi, que la société PACIFICA soit condamnée à lui rembourser les sommes de 22 051,45 euros et de 4500 euros correspondant selon son calcul à la limitation de sa charge indemnitaire à 10% des sommes dues aux victimes.

Le défendeur sollicite que les sommes allouées soient cantonnées au regard de ses observations sur la contribution indemnitaire. Il fait, en outre, valoir que les montants demandés sont erronés au regard des sommes allouées par le tribunal correctionnel, dette indemnitaire qu’il ne conteste par ailleurs pas.

Sur ce, le tribunal ne peut que relever que les sommes allouées par le tribunal correctionnel sont de 44 485,56 euros au total à Madame [G] et de 5 000 euros à Monsieur [V] et qu’ainsi, la base de calcul de la demanderesse est erronée.

Tenant compte de la contribution à la dette fixée et en l’absence de contestation du règlement préalable de ces sommes par la société AIG EUROPE SA, il convient de dire que la société PACIFICA sera condamnée à lui régler la somme de 26 691,33 euros (44 485,56x60%) et de 3 000 euros (5000x60%), soit une somme totale de 29 691,33 euros ramenée à 26 551,42 euros au regard des demandes formulées dans le dispositif des écritures.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

Le défendeur, qui succombe en la présente instance, sera condamné aux dépens, ainsi qu’à la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

En application de l’article 514 du code de procédure civile en vigueur au jour de l’assignation, l’exécution provisoire est de droit sans que le défendeur ne démontre en quoi celle-ci serait incompatible avec l’affaire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

DIT qu’au regard des circonstances de l’accident, la dette indemnitaire de la société AIG EUROPE SA est de 40 % et que la dette indemnitaire de la société PACIFICA est de 60% ;

CONDAMNE la société PACIFICA à régler à la société AIG EUROPE SA la somme de 26 551,42 euros, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

CONDAMNE la société PACIFICA à régler à la société AIG EUROPE SA la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens dont distraction au profit de Maitre Ghislain DECHEZLEPRETRE, SELARL CABINET DECHEZLEPRETRE, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;
 
RAPPELLE que la présente décision est assortie de l’exécution provisoire ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 28 Juin 2024

Le GreffierLa Présidente
Célestine BLIEZLaurence GIROUX


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00339
Date de la décision : 28/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-28;23.00339 ?
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