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28/06/2024 | FRANCE | N°22/13295

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 18° chambre 1ère section, 28 juin 2024, 22/13295


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




18° chambre
1ère section

N° RG 22/13295
N° Portalis 352J-W-B7G-CYG7O

N° MINUTE : 5

contradictoire

Assignation du :
18 Septembre 2023









JUGEMENT
rendu le 28 Juin 2024
DEMANDERESSE

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2]
c/o SAS NEXITY LAMY [Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Amandine JOUANIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #Z0046

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DÉFENDERESSES

S.A.S. LA BANALIYA
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Louis ROBATEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0574


S.C.I. [Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]

repré...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

18° chambre
1ère section

N° RG 22/13295
N° Portalis 352J-W-B7G-CYG7O

N° MINUTE : 5

contradictoire

Assignation du :
18 Septembre 2023

JUGEMENT
rendu le 28 Juin 2024
DEMANDERESSE

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2]
c/o SAS NEXITY LAMY [Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Me Amandine JOUANIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #Z0046

DÉFENDERESSES

S.A.S. LA BANALIYA
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Louis ROBATEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0574

S.C.I. [Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Eve MONGIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0485

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Sandra PERALTA, Vice-Présidente,
Monsieur Jean-Christophe DUTON, Vice-président,
Madame Diana SANTOS CHAVES, Juge,

assistés de Louise FLORET, greffière, lors des débats et de Christian GUINAND, Greffier principal, lors de la mise à disposition au greffe,

DÉBATS

A l’audience du 26 Avril 2024, tenue en audience publique, devant Madame Sandra PERALTA, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
Avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 28 juin 2024.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 29 janvier 2019, la SCI GALAXY a donné à bail commercial à la SAS LA BANALIYA un local, sis [Adresse 2]) Pour une durée de 9 ans à compter du 1er janvier 2019 moyennant un loyer principal annuel de 14.640 euros, à destination de l’usage de “Restaurant, plats du jour, plats cuisines, pâtisserie, glaces, produits alimentaires à consommer sur place et à emporter, fabrication, vente, livraison de pizza, poulets, boissons et produits alimentaires, annexes fast food”.

Par acte sous seing privé du 16 septembre 2021, la SCI [Adresse 2] a acquis le local commercial auprès de la SCI GALAXY.

Par acte extrajudiciaire du 7 novembre 2022, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2]), représenté par son syndic en exercice, la société NEXITY LAMY, a assigné la SAS LA BANALIYA et la SCI [Adresse 2] devant la présente juridiction, aux fins essentielles de prononcer la résiliation du bail commercial et de voir ordonner l’expulsion de la SAS LA BANALIYA.

Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 20 février 2024, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2]), représenté par son syndic en exercice, la société NEXITY LAMY demande au tribunal, aux visas de l’article 8 de la loi du 10 juillet 1965, des articles 1103 (ex 1134), 1231-1 (ex 1147), 1224 (ex 1184), 1728 et 1729 du code civil, des articles 544 et 1341-1 du code civil, des articles L 145-17 et L 145-41 du code de commerce, des dispositions de la loi du 10 juillet 1965, des articles 696, 699 et 700 du code de procédure civile, des articles A 444-32 et suivants du Code de commerce, qu’il :
“Déclare le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2]), représenté par son syndic en exercice, la société NEXITY LAMY, tant recevable que bien fondé en l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
Et y faisant droit,

Prononce la résiliation judiciaire du bail commercial du 29 janvier 2019 liant la SCI [Adresse 2] à la société LA BANALIYA
- à titre principal, sur le fondement de la sanction résolutoire définitivement et irrémédiablement acquise depuis le 9 décembre 2021,
- à titre subsidiaire, s’il considérait que la sanction résolutoire n’était pas acquise, sur le fondement des motifs graves et légitimes dont l’existence a été amplement démontrée,
En tout état de cause,
Ordonne l’expulsion de la société LA BANALIYA, et tous occupants de son chef, des lieux loués et constitués par les lots de copropriété n°1, 14 et 19 de l’ensemble immobilier sis [Adresse 2] et ce dès la signification de la décision à intervenir ;
Juge que la société LA BANALIYA devra libérer les lieux sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, l’astreinte étant prononcée au bénéfice du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 2]) ;
Ordonne la séquestration des meubles et objets mobiliers dans tel garde meubles qu'il plaira à la requérante, aux frais, risques et périls de la société LA BANALIYA ;
Juge que faute pour la société LA BANALIYA, ou de tout occupant de son chef, d'avoir quitté les lieux dans les conditions définies par la décision à intervenir, il sera procédé à leur expulsion en la forme accoutumée avec l'assistance de la Force Publique si besoin est,
Condamne in solidum la société LA BANALIYA et la SCI [Adresse 2] à payer au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2]) la somme de 5 000 € au visa de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum la société LA BANALIYA et la SCI [Adresse 2] aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au bénéfice de Maître Amandine JOUANIN, Avocat constitué, et aux frais engagés au titre des articles A 444-32 et suivants du Code de commerce en cas d'exécution forcée de la décision à intervenir. “

Par conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 21 décembre 2023, la SAS LA BANALIYA demande au tribunal, de :
“IN LIMINE LITIS
PRONONCER l’irrecevabilité de l’action du syndicat des copropriétaire ;
A titre principal,
DIRE ET JUGER que l’activité de bar-restaurant exploitée par la société LA BANALIYA dans le lot n°1 est conforme au règlement de copropriété de l’immeuble sis [Adresse 2] ;
DIRE ET JUGER que les nuisances alléguées par le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2] ne sont aucunement démontrées ;
DIRE ET JUGER, dans l’hypothèse où serait retenue l’existence de nuisances, que c’est le bailleur, par son inaction et sa résistance abusive qui a interdit la réalisation de travaux de nature à mettre fin auxdites nuisances ;
REJETER la demande de résiliation judiciaire du bail commercial de la société LA BANALIYA; REJETER toutes les demandes de la SCI [Adresse 2] ;
A titre subsidiaire,
PRONONCER la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de la SCI 198 rue Marcadet;
CONDAMNER la SCI [Adresse 2] à payer 10.980 euros à la société LA BANALIYA ;
CONDAMNER la SCI [Adresse 2] à payer 300.000 euros à la société LA BANALIYA ;
En tout état de cause,
CONDAMNER la SCI [Adresse 2] à relever et garantir la société LA BANALIYA de toute condamnation découlant de ses activités et de toutes conséquences qui pourraient en résulter;
CONDAMNER la SCI [Adresse 2] à payer 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.”

Par conclusions en réponse notifiées au greffe par voie électronique le 21 février 2024, la SCI 198 RUE MARCADET demande au tribunal, aux visas des articles L. 145-17 et L. 145-41 du code du commerce, de :
“A TITRE PRINCIPAL,
- donner acte à la SCI [Adresse 2] qu’elle s’en rapporte à justice s’agissant des demandes du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES [Adresse 2] ;
- condamner la SAS LA BANALIYA à relever et garantir la SCI [Adresse 2] de toute condamnation découlant des activités de la défenderesse et de toutes conséquences qui pourraient en résulter dans le prolongement de la demande du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES [Adresse 2],
A TITRE SUBSIDIAIRE,s’il ne devait pas être fait droit aux demandes du SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES 198 RUEMARCADET,
- prononcer la résiliation du bail aux torts exclusifs de la SAS LA BANALIYA compte tenu des graves manquements aux obligations du bail;
- condamner la SAS LA BANALIYA à payer une indemnité d’occupation égale à deux fois le montant du loyer contractuel, dans la mesure où la société a exercé pleinement son activité malgré ses dénégations, comme en attestent les pièces versées aux débats;
- ordonner l’expulsion de la SAS LA BANALIYA, et tous occupants de son chef, des lieux loués et constitués par les lots de copropriété n°1, 14 et 19 de l’ensemble immobilier sis [Adresse 2] et ce dès la signification de la décision à intervenir ;
- ordonner la séquestration des meubles et objets mobiliers dans tel garde meubles qu'il plaira à l’exposante, aux frais, risques et périls de la SAS LA BANALIYA ;
- juger que, faute pour la SAS LA BANALIYA, ou de tout occupant de son chef, d'avoir quitté les lieux dans les conditions définies par la décision à intervenir, il sera procédé à leur expulsion en la forme accoutumée avec l'assistance de la Force Publique si besoin est.
en tout état de cause,
- condamner la SAS LA BANALIYA à payer à l’exposante la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 c.p.c. ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au bénéfice de Maître Eve MONGIN, Avocat au barreau de Paris constitué, et aux frais engagés au titre des articles A 444-32 et suivants du Code de commerce en cas d'exécution forcée de la décision à intervenir.”

Il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés au soutien des prétentions.

Par ordonnance du 21 mars 2024, le juge de la mise en état a clôturé l’instruction et renvoyé l’affaire à l’audience de juge rapporteur du tribunal de céans du 26 avril 2024.

MOTIFS

A titre liminaire, le tribunal rappelle qu’en application de l’article 4 du code de procédure civile, les demandes tendant à voir « dire et juger » ne constituent pas des prétentions en ce qu’elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi, ces demandes n’étant que le rappel des moyens invoqués. Elles ne donneront donc pas lieu à mention au dispositif.

- sur la recevabilité de l’action du syndicat des copropriétaires :

Selon l'article 1341-1 du code civil “Lorsque la carence du débiteur dans l'exercice de ses droits et actions à caractère patrimonial compromet les droits de son créancier, celui-ci peut les exercer pour le compte de son débiteur, à l'exception de ceux qui sont exclusivement rattachés à sa personne.”

Il en résulte que le syndicat des copropriétaires a la faculté d'obtenir la résiliation d'un bail consenti par un autre copropriétaire sur un lot de copropriété aux conditions cumulatives :

1° d'établir une violation d'une gravité suffisante par les parties des obligations nées du bail,

2° d'établir une violation du règlement de copropriété,

3° que la carence du bailleur copropriétaire soit démontrée,

4° de démontrer l'existence d'un préjudice actuel, propre et excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2]) soutient que la SCI [Adresse 2], ni le bailleur précédent la SCI GALAXY, n’ont entrepris d’action coercitive afin que les nuisances cessent de manière pérenne; qu’il s’est contenté de signifier à son preneur des sommations de faire visant la clause résolutoire sans en tirer la moindre conséquence; qu’aucune action en résiliation n’a été initiée à l’encontre de la SAS LA BANALIYA, celle-ci poursuivant en toute impunité l’exercice de ses activités; que cette carence est de nature à compromettre les droits du syndicat des copropriétaires qui souffre des violations aux obligations du règlement de copropriété répétés et continues de la SAS LA BANALIYA dont l’activité est source d’un réel risque d’atteinte aux biens et aux personnes.

La SAS LA BANALIYA fait valoir qu’en vertu de l’article 1341-1 du code civil l'action oblique en résiliation du bail ne peut être exercée par un tiers qu'en cas de carence du bailleur ; qu'en l'espèce, les bailleurs n'ont pas été inactifs; qu’ils ont adressé plusieurs courriers et courriels ainsi que 4 sommations et un commandement pour inexécution des obligations locatives; qu'il s'ensuit que l'action en résiliation judiciaire du bail du syndicat des copropriétaires n'est pas recevable.

La SCI [Adresse 2] soutient qu’elle a tenté en vain d’obtenir le respect des clauses du bail ainsi que du règlement de copropriété par de nombreuses diligences; qu’elle reconnait qu’elle n’avait jamais entrepris aucune action coercitive ni aucune action judiciaire en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire et qu’elle s’en rapporte s’agissant de la recevabilité des demandes du syndicat des copropriétaires.

En l’espèce, par courrier en date du 30 juin 2020 adressé à la SCI GALAXY, le président du conseil syndical, Monsieur [C] indiquait que le local décrit par le règlement de copropriété comme une “boutique et arrière boutique” n’était pas adapté à l’activité de restaurant, fait état de plaintes des habitant de l’immeuble qui “craignent un risque d’incendie et se plaignent des odeurs et fumées de la cuisine qui se répandent dans les parties communes, et jusque dans les parties privatives” et met en demeure la SAS GALAXY de justifier que le local respecte la réglementation ERP concernant les risques d’incendie et le RSD de la Ville de Paris. Il demandait également de leur confirmer que la locataire a connaissance du détail du règlement de copropriété, et si ce n’est pas le cas de l’en informer, de faire cesser les nuisances olfactives et sonores générées par le local et de mettre l’activité du local commercial en conformité avec le règlement de copropriété et la destination de l’immeuble.

Par acte extrajudiciaire en date du 27 novembre 2020, la SAS GALAXY, ancien bailleur, avait délivré à la SAS LA BANALIYA une sommation visant la clause résolutoire de régler l’arriéré locatif, de cesser de causer aux occupants de l’immeuble dont dépendent les locaux loués des nuisances sonores et/ou olfactives résultant de l’exploitation de son restaurant, de cesser d’évacuer les fumées de son restaurant dans les parties communes de l’immeuble dont dépendent les locaux loués et d’effectuer les travaux destinés à mettre les locaux en conformité avec les prescriptions du règlement sanitaire départemental de Paris en matière d’aération et de ventilation des ateliers et laboratoires de préparation des aliments.

Par courrier en date du 7 septembre 2021, le syndic mettait en demeure la SCI GALAXY de “remettre en état les parties communes à réception du présent courrier comme recommandé par le plombier à savoir :
- suppression du branchement pirate actuel d’alimentation en eau du restaurant,
- création d’un branchement en eau depuis le compteur d’eau dédié au restaurant jusqu’au restaurant”.

Par acte extrajudiciaire du 15 octobre 2021, la SCI du 198 MARCADET a délivré à la SAS LA BANALIYA une sommation de notamment régulariser le paiement des charges, de fournir des attestations d’assurance et d’avoir à prendre connaissance et de respecter le contrat de bail et le règlement de copropriété.

Par acte extrajudiciaire du 9 novembre 2021, la SCI du 198 MARCADET a délivré à la SAS LA BANALIYA un commandement pour inexécution des obligations locatives visant la clause résolutoire et sommation de payer la provision sur charge, d’exploiter les lieux loués conformément à ses obligations contractuelles, de déposer l’installation d’une conduite d’eau prélevée sur la conduite générale d’eau des parties communes, d’avoir à remettre en l’état la salle de restauration située à l’arrière du local, côté cour, transformée en cuisine professionnelle ou à défaut d’avoir à fournir les autorisations du bailleur ou de la copropriété, d’avoir à fournir une licence pour l’activité de Restaurant ainsi que son permis d’exploitation, de fournir un justificatif du dépôt de la demande d’autorisation préalable d’un dispositif ou d’un matériel supportant de la publicité ou une pré-enseigne, de fournir l’autorisation effective ou l’accord tacite relatif à cette enseigne lumineuse, de fournir l’autorisation écrite du bailleur et de la copropriété, préalablement à l’apposition de toute enseigne, de fournir l’attestation de la Mairie de [Localité 6] autorisant l’installation d’un étalage ou d’une terrasse au pied et sur le côté de l’immeuble, de fournir la justification de la souscription à une assurance locative pour l’activité de restaurant, de déposer le conduit d’extraction situé dans la pièce, au rez-de-chaussée, à l’arrière du local, servant à évacuer les buées et fumées de la hotte de cuisine directement dans la cour de l’immeuble.

Par acte extrajudiciaire du 24 novembre 2021, la SCI du 198 MARCADET a délivré à la SAS LA BANALIYA une sommation de communiquer le carnet d’entretien du restaurant et de laisser libre l’accès pour les techniciens le 26 novembre 2021 pour établir la faisabilité de l’installation d’un conduit d’extraction réglementaire.

Par acte extrajudiciaire du 26 novembre 2021, la SCI du 198 MARCADET a délivré à la SAS LA BANALIYA une nouvelle sommation pour permettre l’accès au bailleurs de ses techniciens, de justifier de la souscription et de l’acquit des primes et cotisation, depuis le 29 janvier 2019, des assurances de responsabilité civile pour les dommages corporels ou matériels pouvant être causés à des tiers et au bailleur, de transmettre au bailleur le registre unique de sécurité incendie et le livret d’entretien des travaux réalisés depuis le 29 janvier 2019.

Par extrajudiciaire en date du 26 juillet 2022, le syndicat des copropriétaires a délivré à la SCI du 198 MARCADET une sommation interpellative d’avoir à faire cesser immédiatement et sans délai de nombreux troubles listés dans la sommation. Deux courriers sont annexés à cette sommation interpellative :
- un courrier du syndic à la SCI du 198 MARCADET en date du 28 septembre 2021 dans lequel il était indiqué que la SAS LA BANALIYA ne respectait pas le règlement de copropriété en ce que “les habitants de l’immeuble, ainsi que la société IMMONET, se plaignent de la poubelle du restaurant qui encombre le couloir, et gêne les habitants de l’immeuble pour l’accès aux poubelles des parties communes” ; que la “poubelle du restaurant dégage souvent de très fortes odeurs et il n’est pas rare que le conteneur coule en salissant le couloir”; que le restaurant “a effectué récemment des travaux sur la porte d’accès au couloir des parties communes en dégradant cette porte et en altérant l’harmonie du couloir”; que le restaurant a installé une terrasse avec du mobilier, des pots de fleurs et des jardinières au pied de l’immeuble sur le trottoir dont la largeur est de 2m15; que cela “gêne les habitant de l’immeuble” et est contraire au règlement des Etalages et Terrasses de Paris et au règlement de copropriété,

- un courrier du syndic à la SCI du 198 MARCADET en date du 17 mai 2022 mettait en demeure la SCI du 198 MARCADET de faire cesser sous huitaine les travaux réalisés par SAS LA BANALIYA sans autorisation de l’assemblée des copropriétaires : “percement de la façade arrière de l’immeuble donnant sur la courette et pose d’une bouche d’air afin d’évacuer directement les fumées de la cuisine dans la cour de l’immeuble” et “branchement sauvage sur la conduite d’eau de l’immeuble dans le couloir des parties communes”.

Par acte extrajudiciaire en date du 19 octobre 2022, la SCI du 198 MARCADET a délivré à la SAS LA BANALIYA une sommation de faire afin de laisser libre l’accès des locaux pour que soit menée une visite de risques par l’assureur en présence du bailleur et de lui transmettre des attestations de l’acquit des primes et des cotisations depuis le 1er janvier 2019, les déclarations de sinistre auprès de son assureur, la copie du registre de sécurité depuis le 1er janvier 2019 et de fournir copie de l’expertise établie par la société VENTILPRO en date du 8 août 2019 pour la conduite d’un conduit d’extraction et qui souligne “notamment le diamètre insuffisant du conduit existant, l’absence de trappe de visite du conduit et l’inadaptation de la hotte existante” (document décrit dans l’arrêt du 3 mars 2021 de la cour d’appel de Paris). Ces demandes ont été réitérées par courriels en date des 20 et 21 octobre 2022 et par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 24 octobre 2022.

Par courriels des 17 et 18 mai 2023, la SCI du 198 MARCADET a indiqué à la SAS LA BANALIYA qu’elle “n’avait aucune autorisation d’effectuer des travaux privatifs sur les canalisations de l’immeuble qui nécessitent une autorisation de la copropriété” et lui a demandé de transmettre les documents relatifs à l’évacuation des graisses.

Par acte extrajudiciaire en date du 19 mai 2023, la SCI du 198 MARCADET a délivré à la SAS LA BANALIYA une sommation interpellative, accompagnée du règlement de copropriété, aux fins de fournir l’attestation du séparateur à graisses et son contrat d’entretien, les bordereaux de curage depuis l’année 2019 et les bordereaux d’enlèvement des huiles alimentaires usagées, depuis l’année 2019, prouvant qu’elle n’avait pas rejeté les graisses et l’huile directement dans les égouts.

Par acte extrajudiciaire en date du 4 octobre 2023, la SCI du 198 MARCADET a délivré à la SAS LA BANALIYA un commandement pour inexécution des obligations locatives et sommation de faire visant la clause résolutoire de :
- payer les taxes foncières de 2022 et de 2023,
- d’avoir à exploiter les lieux loués conformément à ses obligations contractuelles et déposer l’installation d’une conduite d’eau prélevée sur la conduite d’eau générale d’eau des parties communes,
- de déposer les gaines d’extraction servant à évacuer les buées et fumées de la hotte directement dans la cour de l’immeuble ainsi que les conduits de ventilation non conformes,
- d’avoir à fournir une licence pour l’activité de Restaurant ainsi que du Permis d’exploitation du restaurant l’AFRIKA,
- d’avoir à fournir l’autorisation écrite du bailleur, de la copropriété et des services de l’Urbanisme préalablement à l’apposition de toute enseigne et/ou éléments de décoration modifiant l’apparence de la façade de l’immeuble,
- de justifier des qualifications ainsi que les attestations d’assurance des entreprises ayant effectués ces travaux,
- de fournir la police d’assurance dommages-ouvrage et responsabilité civile pour les travaux précités,
- de laisser libre accès des locaux à ses représentants et techniciens le 17 octobre 2023 afin d’en vérifier le bon entretien conformément aux dispositions du contrat de bail,
- communiquer les arrêtés de fermeture administrative, les résultats ainsi que les rapports d’expertises des inspections sanitaires effectuées les 27 juillet et 4 septembre 2023 et la date de réouverture des locaux.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que tant le bailleur précédent, la SAS GALAXY, que le bailleur actuel, la SCI du 198 MARCADET ont réagi à la suite des interpellations du syndicat des copropriétaires. Ils ont ainsi de manière répétée adressé à la SAS LA BANALIYA de nombreux courriers ou courriels, de nombreuses sommations interpellatives, de faire, de communiquer, visant la clause résolutoire mais également un commandement de payer et deux commandements pour inexécution des obligations locatives visant la clause résolutoire.

Il n’est donc pas démontré une carence du bailleur.

A défaut de constat de la carence antérieure du débiteur, les conditions d'exercice de l'action par voie oblique du syndicat des copropriétaires dans le cadre de la présente procédure n'apparaissent pas réunies, de sorte que les demandes du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2]), représenté par son syndic en exercice, la société NEXITY LAMY sont déclarées irrecevables.

- sur la demande de résiliation :

La SCI du 198 MARCADET sollicite la résiliation judiciaire aux torts exclusifs de la SAS LA BANALIYA et s’oppose à la demande reconventionnelle de résiliation de la SAS LA BANALIYA. Elle soutient que le conduit préexistant était un conduit privatif et même s’il n’avait pas été bouché, il ne pouvait permettre l’activité de restauration; qu’avant de signer le bail la SAS LA BANALIYA était informée de l’absence de conduit d’extraction; qu’elle a signé le contrat de bail en connaissance de cause; que l’activité de restauration n’est pas conforme au règlement de copropriété; qu’il est démontré que la SAS LA BANALIYA cause des nuisances olfactives et sonores au sein de la copropriété; que le restaurant ne respecte pas la réglementation incendie, les normes relatives aux ERP; qu’il présente un risque d’incendie; que la configuration des lieux ne permet pas d’installer de conduits d’extraction; que les travaux effectués par la SAS LA BANALIYA ont comporté une profonde transformation de la configuration des lieux, une modification des installations privatives de gaz, d’électricité, eau et plomberie des locaux et des branchements”sauvages” sur les parties communes; que ces transformation ont rendu impossible l’entreposage des poubelles privatives du restaurant à l’arrière des locaux; que la SAS LA BANALIYA a également crée une terrasse durant la période estivale et posé une enseigne lumineuse non autorisées; que ces travaux sont intervenus en violation du bail et en contravention avec la réglementation en vigueur rendant l’exercice de l’activité du restaurant dangereuse pour tout l’immeuble; que la SAS LA BANALIYA lui a toujours refusé l’accès aux locaux; qu’elle ne communique pas des documents requis par le bail; qu’elle exerce des activités non prévues et non autorisées par le bail; que le restaurant a fait l’objet d’une fermeture administrative en urgence pour “manque d’hygiène”; qu’elle a donc cessé d’exploité le local hors période de congés annuels et en violation des dispositions du bail.

La SAS LA BANALIYA s’oppose à la demande de la SCI du 198 MARCADET et sollicite à titre reconventionnel la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de la la SCI du 198 MARCADET. Elle soutient que les activités autorisées par le bail nécessitent un conduit d’extraction; que le conduit existant ayant été bouché, elle ne peut exploiter la cuisine pour réaliser la grande majorité des plats nécessaires à l’activité du restaurant; qu’elle avait sollicité à de nombreuses reprises la SAS GALAXY à la suite de la conclusion du bail afin d’obtenir son autorisation pour effectuer plusieurs travaux et notamment celui de “définir le passage de l’extraction de la hotte”; que la SAS GALAXY l’avait renvoyée vers le syndicat des copropriétaires; que faute d’extraction elle avait dû installer une hotte pour particuliers; que la réouverture du conduit bouché ou la création d’un nouveau conduit d’extraction extérieur aurait pu permettre de résoudre la situation; que Monsieur [H] [C] qui a bouché le conduit est le gérant de la SCI du 198 MARCADET; qu’il a refusé que l’ancien conduit puisse être utilisé comme conduit d’extraction aux motifs d’un prétendu défaut de conformité du conduit à diverses réglementations; qu’il a indiqué également refuser de donner son accord pour l’installation d’un nouveau conduit passant par l’extérieur; que le manquement à l’obligation de délivrance de la SAS GALAXY s’agissant du conduit d’extraction avait été constaté par arrêt de la cour d’appel de Paris du 31 mars 2021.

En application des articles 1741 et 1224 du code civil, dans leur rédaction applicable au jour du contrat, la demande de résiliation judiciaire du bail peut être accueillie en cas de violation suffisamment grave du contrat. Le caractère de gravité suffisante s'apprécie en fonction de la nature de l'obligation inexécutée et de l'infraction relevée, de la persistance de ces manquements, et de leurs conséquences pour le cocontractant.

Le caractère de gravité suffisante peut encore résulter du caractère multiple des manquements reprochés lesquels, pris isolément, ne présenteraient pas en eux-mêmes un caractère de gravité suffisante.

Il appartient au juge saisi d'apprécier, au jour où il statue, si l'infraction est suffisamment grave pour justifier le prononcé de la résiliation, le bailleur se prévalant d'une infraction commise par le preneur pour solliciter la résiliation du bail devant en rapporter la preuve.

Le manquement à l’obligation de délivrance

Selon les articles 1719 et 1720 du code civil le bailleur a l'obligation de délivrer une chose apte à l'usage auquel elle est destinée aux termes du bail et en bon état de réparation de toute espèce, doit l'entretenir en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, en assurer la jouissance paisible au locataire pendant la durée du bail et la maintenir en bon état de réparations autres que locatives. Le bailleur doit donc prendre toutes les dispositions nécessaires pour permettre au preneur d'exploiter les lieux conformément à leur destination y compris à l'égard des tiers.

Il résulte de cette obligation de délivrance que le bailleur doit garantir que l’activité prévue au bail est autorisée dans les locaux loués et réaliser les travaux imposés par l’administration compte tenu de son obligation de délivrer un local conforme à sa destination contractuelle et de son obligation de maintenir les lieux en état de servir à l’usage auquel ils sont destinés.

L'obligation de délivrance comme celles d'entretien et d'assurer la jouissance paisible sont continues. Elle consiste à maintenir pendant la durée du bail les qualités de la chose pour en garantir la jouissance au preneur. Il entre dans cette obligation celle pour le bailleur de réaliser les travaux prescrits par l'autorité administrative, notamment de sécurité, afin que les locaux soient conformes à leur destination.

Il appartient au bailleur de démontrer qu'il a exécuté son obligation de délivrance.

En l’espèce, le bail commercial du 29 janvier 2019 stipule dans son article intitulé “ACTIVITES AUTORISEES” que les “locaux loués sont à usage de Restaurant, plats du jour, plats cuisines, pâtisserie, glaces, produits alimentaires à consommer sur place et à emporter, fabrication, vente, livraison de pizzas, poulets, boissons et produits alimentaires, annexes fast food
A l’exclusion de toute autre activité”

Il n’est pas contesté qu’à la date de la conclusion du bail, le conduit d’extraction des fumées, équipement indispensable à l’exploitation d’un restaurant était obstrué et que cette obstruction avait été effectuée à la suite de travaux effectués par Monsieur [H] [C] et autorisés par l’assemblée générale des copropriétaires. Il y a lieu de relever que Monsieur [H] [C] est le gérant de la SCI du 198 MARCADET, qui fera l’acquisition auprès de la SCI GALAXY du local commercial litigieux le 16 septembre 2021.

Il ressort du rapport VENTILPRO du 8 août 2019 que le conduit existant n’était au demeurant “pas conforme à la réglementation en vigueur avec un diamètre de 100 mm correspondant à 250 M3/h, c’est l’équivalent d’une extraction d’un appartement pour particulier et non d’un local commercial de type restaurant.”

La cour d’appel de Paris dans son arrêt du 3 mars 2021 a relevé que “la société Galaxy était informée de cette situation à la date de conclusion du bail, ayant elle même indiqué qu'elle avait pris connaissance de cette obstruction le 14 juin 2018 (courrier de la société Galaxy à la société La Banaliya du 25 avril 2019 - pièce La Banaliya n°11). En outre, en accordant au preneur, dès le 25 avril 2019 (pièce La Banaliya n°11), une franchise de deux mois de loyer, elle a implicitement reconnu que cette situation était de nature à affecter les conditions d'exercice de l'activité de restauration.
Il n'est, par ailleurs, pas contesté que le conduit d'extraction litigieux relève des parties communes de l'immeuble, de sorte que c'est au bailleur, copropriétaire, qu'il appartient de prendre les initiatives nécessaires auprès de la copropriété pour faire mettre l'installation d'extraction de l'air en conformité avec la destination des locaux donnés à bail. A cet égard, la bailleresse ne fait pas état d'aucune démarche qui aurait été effectuée en ce sens auprès de la copropriété, ne faisant état d'aucune intervention postérieurement à la signature du bail, alors que, destinataire d'un devis d'installation d'un conduit d'extraction qui lui a été communiqué le 23 novembre 2020 par la société La Banaliya (pièces La Banaliya n°19 et 21), elle dispose des éléments techniques suffisants pour saisir l'assemblée générale des copropriétaires.
Il s'en déduit que, la bailleresse ayant failli à son obligation de délivrance, le paiement du loyer doit être suspendu jusqu'à la mise en conformité de l'équipement en cause. L'ordonnance entreprise sera, en conséquence, confirmée sur ce point.”

Dès lors, il avait déjà été constaté que la SCI GALAXY avait manqué à son obligation de délivrance s’agissant du conduit d’extraction litigieux. A cet effet, la connaissance ou non par la SAS LA BANALIYA de l’absence de conduit d’extraction avant la conclusion du contrat de bail est sans incidence en ce que l’obligation du bailleur de délivrer un local de nature, à permettre l'exercice paisible de l'activité du preneur est d’ordre public.

Par acte sous seing privé du 16 septembre 2021, la SCI [Adresse 2] a acquis le local commercial auprès de la SCI GALAXY. Il y a lieu de relever que Monsieur [H] [C], gérant de la SCI du 198 MARCADET, étant à l’origine de l’obstruction, ne pouvait donc ignorer que le local commercial ne disposait pas de conduit d’extraction, élément indispensable à l’activité de la SAS LA BANALIYA autorisée dans le contrat de bail.

Au demeurant l’acte de cession du 16 septembre 2021 stipulait que “le VENDEUR déclare avoir été assigné en justice par devant le Tribunal de Grande Instance de PARIS par le preneur du fait de l’impossibilité d’utiliser le conduit d’extraction des fumée [sic], ainsi qu’il est relaté dans l’ordonnance rendu [sic] le 3 juillet 2020 et suspendant le versement de loyer par le preneur en attendant que le VENDEUR rendre exploitable l’activité du preneur et dans le respect du règlement de copropriété. Un arrêt de la cour d’appel de PARIS en date du 3 mars a confirmé et débouté le VENDEUR de sa demande d’annulation de l’ordonnance ci-dessus relaté et dont une copie demeure jointe”. Par ailleurs, cet acte de cession précisait que “L’ACQUÉREUR sera subrogé, lors de la constatation authentique de la réalisation des présentes, dans tous les droits et obligations du VENDEUR relativement à l’exécution des stipulations du bail, de façon que ce dernier ne puisse être ni recherché ni inquiété à ce sujet.”.

La SCI du 198 MARCADET était donc parfaitement informée qu’en tant que bailleur il lui revenait de livrer à la SAS LA BANALIYA des locaux devant servir à l’activité de restauration auxquels ils étaient exclusivement destinés dans le contrat de bail.

La SCI du 198 MARCADET justifie avoir mandaté l’entreprise EXPERT VENTIL à la suite de la décision de la cour d’appel de PARIS et de l’acquisition du local commercial litigieux. Celle-ci a conclu dans son rapport en date du 12 décembre 2021 qu’au “vu des conditions et des normes requises, il est impossible d’envisager une remise aux normes; ce local ne peut être adapté pour l’installation d’une cuisine professionnelle de cette dimension selon les règles administratives en vigueur.”

Ainsi, dès le 12 décembre 2021, la SCI du 198 MARCADET avait connaissance que les locaux n’étaient pas adaptés à l’activité de restauration et qu’elle ne pourrait ainsi pas exécuter son obligation de délivrance. Il ne ressort néanmoins pas des pièces versées aux débats qu’elle ait informée la SAS LA BANALIYA de cette expertise qui avait pour conséquence qu’elle se trouvait privée de la faculté d’exploiter son fonds de commerce conformément à sa destination.

Dès lors, force est de constater que la SCI du 198 MARCADET a manqué à son obligation de délivrance en ne permettant pas à la SAS LA BANALIYA d’exploiter son fonds de commerce conformément à sa destination.

Les nuisances occasionnées par l’activité de la SAS LA BANALIYA

Le contrat de bail stipule au paragraphe 4 de la partie intitulée ““CONDITIONS GENERALES D’OCCUPATION DES LOCAUX” que le preneur s’engage à “exercer son activité professionnelle en prenant toutes précautions nécessaires afin que rien ne puise [sic] troubler la tranquillité de l’immeuble et apporter un trouble de jouissance au voisinage, ni par lui-même, ni par son personnel”.

En l’espèce, le 29 juillet 2020, le syndic de copropriété informait la SCI GALAXY qu’il recevait “constamment des plaintes des occupants et des riverains concernant les nuisances sonores et olfactives quotidiennes causés par le restaurant BANALIYA (les fumées du restaurant sont évacuées directement et ouvertement dans la cour des parties communes de l’immeuble)” et la mettait en demeure de se rapprocher de sa locataire afin qu’elle “fasse cesser sans délais ces différentes nuisances sous peine de poursuites judiciaires à votre encontre pour non-respect des dispositions du règlement de copropriété”.

La SCI du 198 MARCADET évoque un acte d’huissier en date du 28 juin faisant état d’odeurs de cuisine nauséabondes et faisant état de deux témoignages de copropriétaires dont celui de Monsieur [H] [C]. Toutefois, force est de constater que l’acte d’huissier produit à la pièce n°19 ne relate pas ces éléments.

Par ailleurs, les plaintes à la mairie de Paris produites émanent toutes de la même adresse électronique “[Courriel 5]” sans que l’identité de la personne adressant ces courriers puisse être identifiée.

La SCI du 198 MARCADET fait également état d’un constat d’huissier en date du 24 février 2023 produit pas le syndicat des copropriétaires. Toutefois, l’action oblique du syndicat des copropriétaires ayant été déclarée irrecevable, cette irrecevabilité entraine également l’irrecevabilité des pièces produites par celui-ci.

Dès lors, les pièces produites pas la SCI du 198 MARCADET ne peuvent suffire à démontrer que la SAS LA BANALIYA causerait des nuisances sonores et olfactives qui contreviendraient aux stipulations du bail.

L’absence de documentation requis par le bail :

Le contrat de bail stipule au paragraphe 31 de la partie intitulée “RESPONSABILITE RECOURS ASSURANCES” que le preneur devra “s’souscrire toutes assurances utiles, savoir :
le preneur s’engage à garantir le bailleur de toutes responsabilités pour toutes blessures, pertes ou dommages à toutes personnes ou choses provoqués directement ou indirectement, par les travaux d’aménagement à sa charge.
Le preneur devra en outre fournir au bailleur avant le commencement des travaux et si leur nature l’exige, la justification de la signature d’une police “dommages-ouvrages” et responsabilité civile souscrite pour le compte de qui il appartiendra, de manière à ce que le bailleur ne soit jamais recherché ni inquiété à ce sujet.

Le preneur devra assurer et maintenir assuré pendant tout le cours du bail ses meubles, marchandises, matériels, agencements et installations contre les risques d’incendie, explosions, dégâts des eaux, bris de glace et foudre.
le preneur devra également s’assurer en qualité de locataire occupants contre le risque de responsabilité civile pour tous les dommages corporels ou matériels pouvant être causés à des tiers et au bailleur, soit du fait de l’occupation des locaux, soit du fait ou de l’usage des aménagements et installations, soit du fait de ses préposés ou de l’activité exercée.
(...)
Il devra sur simple demande du bailleur justifier de la souscription de ces assurances et de l’acquit des primes et cotisations.”

Il ressort des pièces versées aux débats que la SAS LA BANALIYA a justifié bénéficier d’un contrat d’assurance multirisque valable du 24 août 2022 au 1er janvier 2023. S’agissant de l’assurance “dommages ouvrages”, il n’est pas démontré qu’elle était obligatoire au regard de la nature des travaux effectués. La SAS LA BANALIYA ne justifie en revanche pas avoir transmis à la SCI 198 MARCADET l’acquit des cotisations.

Les travaux effectués sans l’autorisation du bailleur

Le bail commercial stipule au paragraphe 23 de la partie intitulée “TRAVAUX DU PRENEUR” que le preneur ne peut “faire aucuns agencements [sic], travaux, réparations entrainant changement de distribution, démolition (même de cloison) percement de murs ou de voûtes, construction ou addition, sans l’autorisation expresse et par écrit du bailleur et la copropriété s’il en existe pour les travaux requérant l’agrément de cette dernière, toute demande d’autorisation devant être accompagnée de la fourniture d’un dossier complet comportant un descriptif technique et des plans faisant également mention de l’existant”.

Le contrat de bail stipule également que le preneur devra “se conformer aux prescriptions, règlements et ordonnances en vigueur notamment en ce qui concerne la voirie, la salubrité, la police, l’inspection du travail, la réglementation relative aux ERP, établissement recevant du public, ainsi que d’une manière générale à toutes les prescriptions relatives à ses activités, en faisant son affaire personnelle de l’obtention et du maintien en vigueur de toute autorisation administrative requise par la législation et la réglementation applicables à la destination des lieux loués” et de “se conformer au règlement de jouissance de l’immeuble ou au règlement de copropriété, ainsi qu’à toute décision régulièrement prise par l’assemblée des copropriétaire.”

Le contrat de bail stipule enfin au paragraphe 3 de la partie intitulée “CONDITIONS GENERALES D’OCCUPATION DES LOCAUX” que le preneur s’engage à “obtenir préalablement à l’apposition de toute enseigne et/ou plaque, toute installation de store, banne, auvent l’autorisation écrite du bailleur et de la copropriété s’il en existe, et les autorisations administratives requises”

Il ressort des pièces versées au dossier et notamment de l’inventaire dressé par Maître [B] que la SAS LA BANALIYA a procédé à des travaux ayant modifié la configuration des lieux en créant une cuisine au rez-de-chaussée dans l’arrière-boutique et une salle de restaurant en sous-sol sous la cave. Ces modifications ont eu pour conséquence de rendre impossible l’entreposage des poubelles privatives du restaurant. Les poubelles sont ainsi entreposées dans les parties communes. Il est également justifié que la SAS LA BANALIYA a modifié des installations privatives de gaz, d’électricité, d’eau et de plomberie des locaux et effectué des branchements “sauvages” sur les parties communes.

Force est de constater que la SAS LA BANALIYA ne justifie pas avoir obtenu l’autorisation du bailleur ou de la copropriété pour exécuter l’ensemble de ces travaux.

En outre, il n’est pas contesté que la SAS LA BANALIYA a installé une terrasse durant la période estivale et posé une enseigne lumineuse. Il n’est pas justifié que la SAS LA BANALIYA ait bénéficié d’une autorisation de la mairie de Paris pour installer cette terrasse. Elle ne justifie pas davantage avoir obtenir l’autorisation du bailleur et de la copropriété pour l’apposition d’une enseigne lumineuse.

Par ailleurs, la SAS LA BANALIYA ne justifie pas être en conformité avec la réglementation et mise en sécurité incendie des ERP et d’avoir procédé à l’installation d’un séparateur à graisse conformément au règlement d’assainissement de la Ville de Paris.

Enfin, la SCI du 198 MARCADET justifie avoir à plusieurs reprises sollicité la SAS LA BANALIYA afin qu’elle l’autorise à accéder aux locaux aux fins de vérifier l’état et la sécurité des locaux et que ses demandes sont restées sans réponse.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments que la SAS LA BANALIYA a violé à plusieurs reprises les stipulations du bail.

L’exercice d’activités non autorisées :

Le bail stipule dans son article intitulé “ACTIVITES AUTORISEES” que les “locaux loués sont à usage de Restaurant, plats du jour, plats cuisines, pâtisserie, glaces, produits alimentaires à consommer sur place et à emporter, fabrication, vente, livraison de pizzas, poulets, boissons et produits alimentaires, annexes fast food
A l’exclusion de toute autre activité.
(...)
Adjonction d’activité : en application des dispositions de l’article L. 145-47 et suivants du Code de commerce le preneur aura la faculté d’adjoindre des activités complémentaires ou connexes à celles prévues au présent bail en suivant les modalités prévues pour ce faire”

L’article L. 145-47 du code de commerce dispose que “Le locataire peut adjoindre à l'activité prévue au bail des activités connexes ou complémentaires.
A cette fin, il doit faire connaître son intention au propriétaire par acte extrajudiciaire ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, en indiquant les activités dont l'exercice est envisagé. Cette formalité vaut mise en demeure du propriétaire de faire connaître dans un délai de deux mois, à peine de déchéance, s'il conteste le caractère connexe ou complémentaire de ces activités. En cas de contestation, le tribunal judiciaire, saisi par la partie la plus diligente, se prononce en fonction notamment de l'évolution des usages commerciaux.
Lors de la première révision triennale suivant la notification visée à l'alinéa précédent, il peut, par dérogation aux dispositions de l'article L. 145-38, être tenu compte, pour la fixation du loyer, des activités commerciales adjointes, si celles-ci ont entraîné par elles-mêmes une modification de la valeur locative des lieux loués.”

Il ressort du procès-verbal de constat internet en date du 28 septembre 2022 que la SAS LA BANALIYA organise des soirées KARAOKE “tous les vendredis et samedis de 18h à 22h”. Par ailleurs, la SAS LA BANALIYA propose l’organisation de “diner business, une présentation de projet, une soirée d’entreprise ou encore un séminaire en petit comité pour souder les équipes” en offrant les prestations suivantes : “sono et tv (connexion pc, bluetooth, hdmi), wifi sécurisé, Mange-debout, Rétroprojecteur, Fontaine à eau filtrée, Tableau blanc, Climatisation”.

Force est de constater que ces activités ne sont pas autorisées par le contrat de bail. Par ailleurs, la SAS LA BANALIYA ne justifie pas s’être conformée aux prescriptions de l’article L.145-47 du code de commerce.

L’absence d’exploitation :

Le contrat de bail stipule que le preneur s’engage à tenir les lieux loués “constamment en état d’activité, sous la seule réserve des congés annuels”.

Il ressort des pièces versées aux débats que la SAS LA BANALIYA a fait l’objet d’une fermeture administrative depuis le 28 juillet 2023 en raison d’un “niveau d’hygiène à corriger en urgence”.

Elle a fait l’objet de contrôle les 27 juillet, 4 septembre et 3 novembre 2023.

Il n’est pas contesté que la SAS LA BANALIYA n’a pas repris son activité depuis cette date et que le défaut d’exploitation de la SAS LA BANALIYA à la suite de la décision de fermeture administrative n’est pas motivé par une circonstance de force majeur mais par les agissements fautifs de celle-ci

Ainsi, il ressort de l’ensemble de ces éléments que si la SCI du 198 MARCADET a manqué à son obligation de délivrance en ne permettant pas à la SAS LA BANALIYA d’exploiter son fonds de commerce conformément à sa destination faute de conduit d’extraction, de son côté, en effectuant des travaux sans autorisation du bailleur ou de la copropriété, en exerçant des activités non autorisées par le bail et en cessant toute exploitation pendant plusieurs mois, la SAS LA BANALIYA a commis de multiples manquements graves.

Dès lors, il convient de prononcer la résiliation du bail aux torts partagés des deux parties au contrat de bail et de déclarer chacune responsable pour moitié de cette résiliation à compter du présent jugement.

Il sera en conséquence ordonné l'expulsion de la SAS LA BANALIYA ainsi que celle de tout occupant de son chef dans les termes du dispositif.

Compte tenu de la résiliation aux torts partagés et du manquement de la SCI du 198 MARCADET à son obligation de délivrance, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de la SCI du 198 MARCADET de condamner la SAS LA BANALIYA à payer une indemnité d’occupation égale à deux fois le montant du loyer contractuel.

Sur les demandes pécuniaires de la SAS LA BANALIYA

La SAS LA BANALIYA sollicite la condamnation de la SCI du 198 MARCADET à lui verser la somme de 10.980 euros correspondant aux loyers versés depuis l’entrée en vigueur du bail jusqu’à la suspension des loyers prononcées par l’ordonnance de référé compte tenu du manquement de la SCI du 198 MARCADET à son obligation de délivrance. Elle sollicite également la condamnation de la SCI du 198 MARCADET à la somme de 300.000 euros au titre de son préjudice pour la perte de son bail et de son fonds de commerce.

La SCI du 198 MARCADET s’oppose aux demandes de la SAS LA BANALIYA. Elle soutient que la SAS LA BANALIYA a exploité son restaurant de manière ininterrompue jusqu’au mois de juillet 2023; qu’elle n’a pas réglé les loyers sur la période mentionnée comme le démontre la sommation de payer du 27 novembre 2020; qu’en raison de la suspension des loyers à compter de l’ordonnance de référé, elle a pu jouir du local en ne réglant que la somme de 6.520 euros en plus de quatre ans d’exploitation; qu’elle ne verse aucune pièce à l’appui de sa demande d’indemnisation sur la perte du bail et du fonds de commerce.

La SAS LA BANALIYA ne justifie pas avoir subi une impossibilité totale d’exploiter son local antérieurement à l’ordonnance de référé pouvant justifier le remboursement intégral des loyers versés avant cette ordonnance. Faute de justifier de son préjudice elle sera déboutée de sa demande de condamnation de la SCI du 198 MARCADET à la somme de 10.980 euros.

S’agissant de la demande de la SAS LA BANALIYA de condamnation de la SCI du 198 MARCADET au titre de son préjudice pour la perte de son bail et de son fonds de commerce, force est de constater qu’elle ne founit aucun élément à l’appui de sa demande pour établir son préjudice. Elle sera donc déboutée de sa demande au titre son préjudice pour la perte de son bail et de son fonds de commerce.

Sur les demandes accessoires

Les parties succombant partiellement à leurs demandes, les dépens de l’instance seront partagés à hauteur de 30% à la charge du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2]), représenté par son syndic en exercice, la société NEXITY LAMY, de 35% à la charge de la SAS LA BANALIYA et de 35% à la charge de la SCI du 198 MARCADET. Leurs demandes au titre des frais irrépétibles seront rejetées.

La présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire en vertu de l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

DÉCLARE irrecevable l’action oblique du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2]), représenté par son syndic en exercice, la société NEXITY LAMY;

PRONONCE aux torts partagés des parties la résiliation judiciaire à la date du présent jugement du contrat de bail du 29 janvier 2019 liant la SCI du 198 MARCADET et la SAS LA BANALIYA,

ORDONNE, à défaut de restitution volontaire des lieux situés [Adresse 2]) dans les deux mois de la signification du présent jugement, l’expulsion de la SAS LA BANALIYA et de tout occupant de son chef, avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;

DIT que les meubles et objets meublant se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L.433-1 et suivants et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

DEBOUTE la SCI du 198 MARCADET de sa demande de condamnation de la SAS LA BANALIYA à lui payer une indemnité d’occupation égale à deux fois le montant du loyer contractuel,

DEBOUTE la SAS LA BANALIYA de sa demande de condamnation de la SCI du 198 MARCADET à lui verser la somme de 10.980 euros,

DEBOUTE la SAS LA BANALIYA de sa demande de condamnation de la SCI du 198 MARCADET à lui verser la somme de 300.000 euros,

DEBOUTE le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2]), représenté par son syndic en exercice, la société NEXITY LAMY, la SAS LA BANALIYA et la SCI du 198 MARCADET de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

PARTAGE les dépens de l’instance à hauteur de de 30% à la charge du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2]), représenté par son syndic en exercice, la société NEXITY LAMY, de 35% à la charge de la SAS LA BANALIYA et de 35% à la charge de la SCI du 198 MARCADET,

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire,

RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire de droit,

Fait et jugé à Paris le 28 Juin 2024.

Le GreffierLe Président

Christian GUINANDSandra PERALTA


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 18° chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 22/13295
Date de la décision : 28/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-28;22.13295 ?
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