TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
18° chambre
1ère section
N° RG 21/03695
N° Portalis 352J-W-B7F-CT7CO
N° MINUTE : 3
contradictoire
Assignation du :
26 Février 2021
JUGEMENT
rendu le 28 Juin 2024
DEMANDERESSE
Société SNS OPTIC
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Henri ROUCH de la SELARL WARN AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0335
DÉFENDERESSE
S.C.I. VAUGIRARD MAUBLANC
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Aude BELLANGER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0839
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Sandra PERALTA, Vice-Présidente,
Monsieur Jean-Christophe DUTON, Vice-président,
Madame Diana SANTOS CHAVES, Juge,
assistés de Louise FLORET, greffière, lors des débats et de Christian GUINAND, Greffier principal, lors de la mise à disposition au greffe,
DÉBATS
A l’audience du 26 Avril 2024, tenue en audience publique, devant Madame Sandra PERALTA, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
Avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 28 juin 2024.
JUGEMENT
Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
EXPOSE DU LITIGE :
Par acte sous seing privé du 30 juillet 2012, la SCI VAUGIRARD MAUBLANC a donné à bail commercial à la SARL SNS OPTIC un local, sis [Adresse 1] et [Adresse 2] pour une durée de 9 ans à compter du 1er septembre 2012 moyennant un loyer principal annuel de 48.000 euros, à destination pour l’exercice exclusif de l’activité “d’achat, vente par tous moyens et procédés de distributions de produits et prestations commerciales entrant dans le cadre de l’activité d’optique, surdité, audio, prises de vues, reprographie liée à l’optique”.
Par acte extrajudiciaire du 1er février 2021, la SCI VAUGIRARD MAUBLANC a fait délivrer à la SARL SNS OPTIC un commandement d’avoir à payer la somme de 28.447,62 euros, visant la clause résolutoire.
Par acte extrajudiciaire du 26 février 2021, la SARL SNS OPTIC a assigné la SCI VAUGIRARD MAUBLANC devant la présente juridiction, aux fins essentielles de prononcer la nullité du commandement de payer délivré le 1er février 2021.
Dans ses dernières conclusions notifiées au greffe par voie électronique le 10 janvier 2024, la SARL SNS OPTIC demande au tribunal, aux visas des articles 1218, 1220, 1103, 1104 alinéa 1er, 1353, 1343-5 alinéa 1er et suivants du code civil, de :
“- DECLARER la société SNS OPTIC recevable et bien fondée en ses demandes,
Y faisant droit,
* A titre principal,
- PRONONCER la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire du 1er février 2021,
En conséquence,
- DEBOUTER la SCI VAUGIRARD MAUBLANC de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
* A titre subsidiaire,
- FIXER la créance de la SCI VAUGIRARD MAUBLANC à la somme de 15.572,96
Euros,
- OCTROYER à la société SNS OPTIC un délai de 12 mois de paiement pour s’acquitter de l’arriéré du montant des loyers et charges éventuelles dus et visés au commandement de payer du 1 er février 2021,
- SUSPENDRE les effets de la clause résolutoire pendant le cours desdits délais,
* En tout état de cause,
- DECLARER réputée non écrite la clause d’échelle mobile insérée au bail commercial du 30 juillet 2012,
- CONDAMNER la SCI VAUGIRARD MAUBLANC à verser à la société SNS OPTIC les sommes suivantes :
31.280,36 Euros TTC au titre du remboursement des trop perçus de loyers et charges, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation introductive d’instance,
7.987,59 Euros TTC au titre du remboursement des travaux effectués en lieu et place de la bailleresse, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir,
4.000 Euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
- CONDAMNER la SCI VAUGIRARD MAUBLANC aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Henri ROUCH – SELARL WARN AVOCATS, avocat aux offres de droit conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile,
- DEBOUTER la SCI VAUGIRARD MAUBLANC de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
- ORDONNER s’il y a lieu la compensation des créances entre la SCI VAUGIRARD MAUBLANC et la société SNS OPTIC,
- ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir nonobstant appel et sans caution.”
Par conclusions en réponse notifiées au greffe par voie électronique le 9 février 2024, la SCI VAUGIRARD MAUBLANC demande au tribunal, aux visas des articles 14 de la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020 et le décret n°2020-1766 du 30 décembre 2020, 37 du décret n° 2020-1310 du 29 octobre 2020, 1218 et 1220 du code civil, L.145-38 et R.145-20 L145-41, L. 145-10 du code de commerce et 605 du code civil, de :
“DEBOUTER la SNS OPTIC en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions
PRONONCER la validité du commandement de payer visant la clause résolutoire signifié à la SNS OPTIC le 1 er février 2021.
CONSTATER l’acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat de bail conclu le 30 juillet 2012.
En conséquence,
ORDONNER l’expulsion de la société SNS OPTIC ainsi que celle de tous occupants de son chef avec, si besoin est, l’assistance de la force publique et d’un serrurier.
ORDONNER la séquestration de tous meubles meublants auprès de tel garde-meubles dont la désignation plaira au Tribunal aux frais, risques et périls de la société SNS OPTIC.
CONDAMNER la société SNS OPTIC au paiement d’une indemnité d'occupation également au montant du loyer.
STATUER ce que de droit sur la demande de délais formulée par la SNS OPTIC 20
En tout état de cause,
DIRE que la dette locative de la SNS OPTIC s’élève à la somme de 40.776,88 € au 18 janvier 2024.
DONNER ACTE à la SCI VAUGIRARD MAUBLANC de qu’elle accepte d’accorder à sa locataire un mois de franchise de loyer pour le covid.
DONNER ACTE à la SCI VAUGIRARD MAUBLANC de qu’elle accepte de ramener le dépôt de garantie à deux mois au lieu de trois mois.
DONNER ACTE à la SCI VAUGIRAD MAUBLANC de ce qu’elle consent à appliquer l’ILC (Indice des Loyers Commerciaux) depuis le renouvellement en septembre 2021.
JUGER que les concessions effectuées par la SCI VAUGIRAD MAUBLANC constituent une remise de dette d’un montant de 14.614,36 € TTC.
En conséquence,
CONDAMNER la société SNS OPTIC au paiement des loyers impayés arrêtés au 18 janvier 2024 à hauteur de 26.162,52 €, assortis des intérêts au taux légal, à compter de la signification du commandement de payer.
DONNER ACTE à la SCI VAUGIRARD MAUBLANC de qu’elle accepte de valider le mode de paiement du loyer mensuel plutôt que trimestriel.
DONNER ACTE à la SCI VAUGIRARD MAUBLANC de ce qu’elle accepte de renouveler le bail selon les modalités de la Loi Pinel
DEBOUTER la SNS OPTIC de sa demande de remboursement de la somme de 7.624,73 € au titre des réparations qu’elle a engagées.
CONDAMNER la société SNS OPTIC au paiement de la somme de 3.000 € en
application de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
LA CONDAMNER aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement de payer et l’acte de dénonciation à la caution.”
Il est expressément renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé des moyens de fait et de droit développés au soutien des prétentions.
Par ordonnance du 7 mars 2024, le juge de la mise en état a clôturé l’instruction et renvoyé l’affaire à l’audience de juge rapporteur du tribunal de céans du 26 avril 2024.
MOTIFS
A titre liminaire, le tribunal rappelle qu’en application de l’article 4 du code de procédure civile, les demandes tendant à voir « donner acte » ne constituent pas des prétentions en ce qu’elles ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi, ces demandes n’étant que le rappel des moyens invoqués. Elles ne donneront donc pas lieu à mention au dispositif.
- sur l’irrecevabilité de la demande de constat de la SCI VAUGIRARD MAUBLANC :
La SARL SNS OPTIC soutient que la demande de “constat d’acquisition de la clause résolutoire” de la SCI VAUGIRARD MAUBLANC est irrecevable car il ne s’agit pas d’une prétention au sens de l’article 768 du code de procédure civile.
La SCI VAUGIRARD MAUBLANC s’oppose à la demande d’irrecevabilité. Elle soutient que le “constat de l’acquisition de la clause résolutoire” est prévu dans la loi qu’il s’agisse de baux d’habitation ou de baux commerciaux; que le constat d’acquisition de la clause résolutoire est d’ailleurs repris dans les jugements lesquels “constate l’acquisition de la clause résolutoire”.
L’article L. 145-41 du code de commerce dispose que “Toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.”
Dès lors que les conditions d'acquisition des effets de la clause résolutoire sont remplies, la clause résolutoire s'impose au juge. Son rôle se limite alors à constater l'acquisition de la clause résolutoire qui intervient à la date d'expiration du délai imparti par le commandement et à ordonner l'expulsion du locataire.
Ainsi, en application de l’article L.145-41 code de commerce, la demande de constat d’acquisition de la clause résolutoire est recevable.
- sur l’acquisition de la clause résolutoire du commandement de payer délivré le 26 février 2021 :
Sur l’incidence du cadre juridique de l’urgence sanitaire
Sur l’article 14 de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020
Aux termes de ses conclusions, la SARL SNS OPTIC fait valoir qu’aucune action ne peut être mise en œuvre à son encontre par application de l’article 14 de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020.
La SCI VAUGIRARD MAUBLANC s’est opposée à cette demande. Elle soutient qu’aucune mesure de police n’a affecté la SARL SNS OPTIC au mois de novembre 2020; que le magasin est resté ouvert; qu’elle ne produit aucune attestation sur l’honneur accompagnée de document comptable ou fiscal lui permettant de justifier des conditions énoncées.
Cet article dispose :
“'I. - Le présent article est applicable aux personnes physiques et morales de droit privé exerçant une activité économique affectée par une mesure de police administrative prise en application des 2° ou 3° du I de l'article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l'état d'urgence sanitaire ou du 5° du I de l'article L3131-15 du code de la santé publique, y compris lorsqu'elle est prise par le représentant de l'Etat dans le département en application du second alinéa du I de l'article L3131-17 du même code. Les critères d'éligibilité sont précisés par décret, lequel détermine les seuils d'effectifs et de chiffre d'affaires des personnes concernées ainsi que le seuil de perte de chiffre d'affaires constatée du fait de la mesure de police administrative.
II. - Jusqu'à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une mesure de police mentionnée au I, les personnes mentionnées au même I ne peuvent encourir d'intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d'exécution forcée à leur encontre pour retard ou non-paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée.
Pendant cette même période, les sûretés réelles et personnelles garantissant le paiement des loyers et charges locatives concernés ne peuvent être mises en oeuvre et le bailleur ne peut pas pratiquer de mesures conservatoires.
Toute stipulation contraire, notamment toute clause résolutoire ou prévoyant une déchéance en raison du non-paiement ou retard de paiement de loyers ou charges, est réputée non écrite.
III. - Le II ne fait pas obstacle à la compensation au sens de l'article 1347 du code civil.
IV. - Le II s'applique aux loyers et charges locatives dus pour la période au cours de laquelle l'activité de l'entreprise est affectée par une mesure de police mentionnée au I.
Les intérêts ou pénalités financières ne peuvent être dus et calculés qu'à compter de l'expiration du délai mentionné au premier alinéa du II.
En outre, les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le bailleur à l'encontre du locataire pour non-paiement de loyers ou de charges locatives exigibles sont suspendues jusqu'à la date mentionnée au même premier alinéa [...].
VII. - Le présent article s'applique à compter du 17 octobre 2020 [...]”.
Le décret n°2020-1766 pris le 30 décembre 2020 pour l’application de l’article 14 de la loi du 14 novembre 2020 a complété les conditions d’éligibilité à ce dispositif en exigeant que l’activité des personnes physiques et morales réponde à certains critères en termes de chiffre d’affaires, de nombre de salariés et de perte de chiffre d’affaires constatée.
Pour bénéficier de ces mesures, le locataire doit ainsi justifier :
- que son effectif salarié est inférieur à 250 salariés ;
- que le montant de son chiffre d’affaires constaté lors du dernier exercice clos est inférieur à 50 millions d’euros ou, pour les activités n’ayant pas d’exercice clos, le montant de leur chiffre d’affaires mensuel moyen est inférieur à 4,17 millions d’euros;
- que la perte de chiffre d’affaires est d’au moins 50%. Ce critère correspond à la différence entre le chiffre d’affaires au cours du mois de novembre 2019 et le chiffre d’affaires réalisé au cours d’une période qui dépend de la date de création de la société locataire.
Le dispositif instauré par l’article 14 vise à protéger les locataires notamment des poursuites pendant la période pendant laquelle ils sont affectés par une mesure de police administrative visant à lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 et jusqu’à l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle leur activité cesse d'être affectée par une telle mesure. Il est constant que la SARL SNS OPTIC a pu ouvrir et reprendre une activité de magasin d’optique à compter du 11 mai 2020 et que les “commerce de détail d’optique” n’ont pas fait l’objet d’une fermeture administrative pendant le second confinement. La SARL SNS OPTIC indique néanmoins qu’en l’absence de toute chalandise dans le quartier des locaux loués, elle a dû fermer son magasin et n’a rouvert qu’en décembre 2020, sans en préciser la date.
Au demeurant, force est de constater que le commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 1er février 2021, l’a été plus de deux mois après la fin des mesures restreignant l’accueil du public et en tout état de cause, deux mois après la réouverture du magasin.
Au regard de ces éléments, le moyen soulevé par la SARL SNS OPTIC est inopérant.
Sur la force majeure
La SARL SNS OPTIC sollicite la nullité du commandement de payer visant la clause résolutoire en invoquant la force majeure en ce que la crise sanitaire de la Covid 19 a toutes les caractéristiques de la force majeure.
La SCI VAUGIRARD MAUBLANC s’est opposée à cette demande. Elle soutient que la force majeure ne peut être invoquée pour justifier l’inexécution d’une obligation montai et doit être cantonnée aux obligations de faire et de donner.
Selon l’article 1148 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016 applicable au présent litige, « il n’y a lieu à aucun dommages et intérêts lorsque, par suite d’une force majeure ou d’un cas fortuit, le débiteur a été empêché de donner ou de faire ce à quoi il était obligé, ou a fait ce qui lui était interdit. »
La force majeure s’entend d’un événement imprévisible et irrésistible qui rend l’exécution d’une obligation impossible.
Il est de principe que le débiteur d'une obligation contractuelle de somme d'argent ne peut s'exonérer de cette obligation en invoquant un cas de force majeure.
En l’espèce, l'épidémie de Covid-19, bien qu’événement par essence imprévisible, ne revêt pas le caractère d’événement irrésistible rendant manifestement impossible toute exécution, dès lors que l'obligation concernée est de nature pécuniaire et qu'elle est toujours par sa nature susceptible d'être exécutée.
Dans ces conditions, la SARL SNS OPTIC n'est pas fondée à invoquer à son profit la force majeure pour s’exonérer du paiement des loyers réclamés par le bailleur. Ce motif est donc inopérant.
Sur l’exception d’inexécution en raison du manquement du bailleur à son obligation de délivrance
La SARL SNS OPTIC soutient qu’en raison des mesures gouvernementales prises pendant la crise sanitaire, elle n’a pas pu exploiter le local loué et qu’en conséquence il n’y pas eu pendant ces périodes de délivrance et de jouissance paisible du local commercial, de sorte qu’elle est fondée à se prévaloir de l’exception d’inexécution et à demander par conséquent l’absence d’exigibilité des sommes visées au commandement.
La SCI VAUGIRARD MAUBLANC s’est opposée à cette demande. Elle soutient que les mesures prises par le gouvernement dans le cadre de la crise sanitaire ne sauraient s’analyser en un manquement du bailleur à son obligation de délivrance et de jouissance paisible des locaux.
Aux termes de l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée et de l'en faire jouir paisiblement pendant la durée du bail. Cet article n'a pas pour effet d'obliger le bailleur à garantir au preneur la chalandise des lieux loués et la stabilité du cadre normatif, dans lequel s'exerce son activité.
En application de l’article 1219 du code civil, “une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave”.
La société locataire ne conteste pas que la configuration, la consistance, les agencements, les équipements et l'état des locaux remis à elle par la SCI VAUGIRARD MAUBLANC en exécution du bail les liant, lui permettent d'exercer l'activité à laquelle ils sont contractuellement destinés.
L’impossibilité d’exploiter dont se prévaut la SARL SNS OPTIC du fait des mesures prises dans le cadre de la gestion de la crise sanitaire, ne résulte donc pas d'un manquement du bailleur à son obligation de délivrance et d'assurer la jouissance paisible des locaux, mais de décisions prises par l'autorité administrative afin de lutter contre la pandémie, notamment celle de fermer certains établissements recevant du public.
La SARL SNS OPTIC est donc mal fondée à se prévaloir de l'exception d'inexécution et d’un manquement du bailleur à leur obligation de délivrance pour soutenir n'être débitrice d'aucun loyer sur la période visée au commandement de payer.
Sur l’exception d’inexécution en raison de la perte de la chose louée
La SARL SNS OPTIC soutient qu’en raison des mesures gouvernementales prises pendant la crise sanitaire, elle n’a pas pu exploiter le local loué et qu’elle peut se prévaloir de l’exception d’inexécution lié au manquement du bailleur à son obligation de délivrance et de jouissance paisible des locaux compte tenu de la perte partielle de la chose louée pendant les périodes de confinement.
La SCI VAUGIRARD MAUBLANC s’est opposée à cette demande. Elle soutient que la SARL SNS OPTIC n’a pas subi une impossibilité définitive d’utiliser les locaux.
Selon l’article 1722 du code civil, “si la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit. Si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut demander une diminution du prix ou la résiliation du bail”.
La perte visée à l'article 1722 du code civil peut correspondre à une perte matérielle mais selon la jurisprudence, également à une perte fonctionnelle, caractérisée lorsque l'utilisation prévue par le bail du local loué pour une activité commerciale industrielle ou artisanale est totalement impossible ou diminuée.
Si les locaux loués ont été concernés par les mesures de fermeture au public prises en application de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de Covid-19, il est constant que durant les périodes de confinement dues à la pandémie mondiale de Covid-19, la SCI VAUGIRARD MAUBLANC a maintenu les locaux loués à la disposition de la SARL SNS OPTIC, dans le cadre de l’exécution du bail commercial liant les parties.
Il n’existe pas de disposition particulière de nature à influer sur le principe d’exigibilité des loyers pendant le temps d'interdiction au public des commerces dits non essentiels et l'effet de l'interdiction de recevoir du public, qui était générale et temporaire, avait pour seul objectif de préserver la santé publique et était sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, de sorte qu’elle ne peut être assimilée à la perte de la chose, ni totale, ni même partielle, au sens de l'article 1722 du code civil, comme l’a jugé la Cour de cassation dans des arrêts de principe ( 3e civ. 30 juin 2022. Pourvois n° 21-19.889, 21-20.127 et 21-20.190).
Le moyen soulevé de ce chef par la SARL SNS OPTIC est donc inopérant.
Sur la bonne foi ou mauvaise foi de la SCI VAUGIRARD MAUBLANC
La SARL SNS OPTIC soutient qu’en violation des directives gouvernementales et avec mauvaise foi, la SCI VAUGIRARD MAUBLANC a éludé les circonstances exceptionnelles de la crise sanitaire et les confinements imposés pendant deux mois, sans rechercher aucune solution amiable et en préférant délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire.
La SCI VAUGIRARD MAUBLANC s’est opposée à cette demande en soutenant que si elle a toujours refusé d’exonérer la SARL SNS OPTIC du paiement du loyer, elle lui avait proposé qu’elle lui envoie les chèques de règlement avec des dates d’encaissement laissées au choix du locataire et a accepté pour les deux mois du premier confinement un règlement en 12 mensualités.
Les dispositions prises pendant la crise sanitaire invoquées par la SARL SNS OPTIC n’ont pas suspendu l’exigibilité des loyers et s'il est justifié de circonstances exceptionnelles pendant le cours de la crise sanitaire, incitant les parties au contrat à vérifier si ces circonstances ne rendaient pas nécessaire une adaptation des modalités d'exécution de leurs obligations respectives, ce devoir relevant de l'obligation d'exécuter de bonne foi les conventions n'autorise pas pour autant une partie à s'abstenir unilatéralement d'exécuter ses engagements et ne fonde pas une dispense pour le locataire d'honorer les loyers demeurant exigibles.
Dès lors, il ne peut être valablement reproché à la SCI VAUGIRARD MAUBLANC d’avoir refusé d’accorder à la SARL SNS OPTIC une franchise ou réduction de loyer au titre des périodes de fermeture administrative imposées dans le contexte de crise sanitaire.
Le moyen soulevé de ce chef par la SARL SNS OPTIC est donc inopérant.
Sur l’imprécision du commandement de payer visant la clause résolutoire :
La SARL SNS OPTIC soutient que le commandement de payer visant la clause résolutoire est imprécis et erroné; que la SCI VAUGIRARD MAUBLANC ne justifie pas des sommes qu’elle réclame; que le montant du loyer trimestriel varie de trimestre en trimestre; qu’il n’y a aucune cohérence dans la modification du loyer appelé par rapport à une éventuelle indexation; que la clause d’échelle mobile stipulée dans le bail, en l’absence de toute automaticité prévue pour la clause et de la distorsion qu’elle créé, doit être réputée non écrite; qu’aucune indexation ne pouvait être appliquée tous les ans; que la clause figurant dans le bail n’est pas une clause d’indexation du loyer mais une clause de révision du loyer; que cette dernière ne peut intervenir annuellement mais de manière triennale; que la bailleresse n’a jamais sollicité la révision légale du loyer selon les formes de l’article R. 145-20 du code de commerce; que chaque régularisation de charges donne lieu à un crédit à son profit qui n’est pas comptabilisé dans les comptes de la bailleresse; que le commandement délivré le 1er février 2021 visant des “loyers illicites” et des charges imprécises devra donc être déclaré nul et de nul effet.
La SCI VAUGIRARD MAUBLANC s’oppose à cette demande. Elle soutient que le décompte annexé au commandement de payer visant la clause résolutoire comporte l’historique des loyers et charges appelés du 31 décembre 2019 au 1er janvier 2021; que le montant des échéances varie d’un trimestre à l’autre en raison des charges qui incombent au locataire et qui lui sont répercutées, des frais de relance, de l’indexation (laquelle nécessite un réajustement du dépôt de garantie), de l’application de la TVA; que le décompte reprend les montants appelés dans les avis d’échéance adressés à la SARL SNS OPTIC; que la dernière révision triennale a été effectuée par lettre recommandée avec accusé de réception du 1er septembre 2018; que le contrat de bail prévoit par ailleurs une clause d’échelle mobile; que cette clause indique l’indice retenu; qu’il est précisé la périodicité de la variation; qu’elle ne déroge pas aux dispositions de l’article L. 145-39 du code de commerce; que cette clause est valable; que s’agissant de la régularisation des charges, elle produit le décompte de la régularisation des charges pour les années 2019, 2020 et 2021 avec les pièces justificatives adressées à la locataire et dont le solde créditeur a été reporté sur l’avis d’échéance suivant.
Aux termes l'article L. l45-41 du code de commerce toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit à peine de nullité mentionner ce délai.
L'objet de ce texte est de permettre au preneur de régulariser sa situation dans le délai imparti afin d'éviter que la clause prenne effet. Il est donc nécessaire que le preneur soit en mesure de déterminer la somme qu'il doit pour la régler dans le délai d'un mois. Il en résulte que si un commandement délivré pour une somme supérieure à celle qui est réellement due demeure valable, encore faut-il qu'il soit libellé de façon suffisamment explicite pour permettre à son destinataire d'en vérifier le bien-fondé.
En l’espèce, le décompte annexé au commandement de payer distingue précisément chaque échéance mensuelle pour laquelle il est détaillé clairement l’origine des sommes dues (loyers, taxes, provisions sur charges) ainsi que les sommes réglées.
S’agissant de de l’indication “solde locataire au 31/12/2019" d’une somme de 11.909,83 euros, il ressort des avis d’échéances produits que ce solde était mentionné dans l’avis d’échéance du 1er trimestre 2020. La SARL SNS OPTIC, contrairement à ce qu’elle soutient, était donc en capacité de vérifier ce solde réclamé.
S’agissant de la variation des loyers, il y a lieu de relever, comme l’indique les différents avis d’échéances, qu’en sus du loyer et des provisions sur charges, la SARL SNS OPTIC était redevable de frais de relance, de complément de dépôt de garantie et de TVA qui ont pour conséquences de modifier mensuellement le montant réclamé.
S’agissant de la clause d’échelle mobile contestée, le contrat de bail commercial stipule à l’article intitulé “clause d’échelle mobile” que le “loyer sera ajusté en plus de chaque année suivant les variations de l’indice du coût de la construction. Celui pris en considération sera celui du 4ème trimestre 2011 s’élevant à 1638 points. Au cas où l’indice viendrait à disparaître ou ne serait plus considéré comme valable, les parties devraient se mettre d’accord sur le choix d’un nouvel indice. A défaut d’accord, le nouvel indice serait fixé par expert. L’indexation ainsi stipulée ne sera pas obstacle à l’application des dispositions légales ou réglementaires concernant la révision des loyers commerciaux, chaque partie conservant le droit d’en demander le bénéfice, indépendamment du jeu de la clause d’échelle mobile.”
Le terme “en plus” ne signifie pas, comme le soutient la SARL SNS OPTIC, que le loyer sera ajusté “uniquement à la hausse” mais qu’en sus le loyer sera ajusté chaque année suivant les variation de l’indice du coût de la construction. En outre, le terme “chaque année” démontre l’automaticité de cette clause. Enfin, la clause précise que le loyer sera ajusté “suivant les variations de l’indice du coût de la construction” et indique le trimestre et l’année de référence. Dès lors, contrairement à ce que soutient la SARL SNS OPTIC, la clause ne fait ainsi pas référence à un indice fixe.
Les parties sont donc liées par la clause figurant au bail du 30 juillet 2012, qui prévoit une variation annuelle du loyer chaque année, en fonction de la variation de l'indice du coût de la construction, et dont le trimestre et l'année de référence sont précisés.
Il ressort des pièces versées aux débats que le bailleur a modifié le montant du loyer exigible tous les 1er septembre. La SARL SNS OPTIC ne justifie pas avoir contesté cette hausse de loyer en faisant valoir que le bail ne comprenait aucune clause d'indexation, ce dont il se déduit que le contrat a été interprété par les parties depuis près de 10 ans comme comprenant une clause d'indexation.
Dès lors, cette stipulation, dont les termes sont clairs et précis, implique une variation automatique de loyer en fonction de l'indice du coût de la construction et manifeste la volonté des parties d'instituer une révision distincte de la révision légale.
La SARL SNS OPTIC sera donc déboutée de sa demande visant à réputée non écrite la clause d’échelle mobile insérée dans le contrat de bail commercial du 30 juin 2012.
S’agissant de la régularisation des charges, le contrat de bail stipule que “outre le loyer ci-dessus stipulé, le PRENEUR remboursera au BAILLEUR la quote-part des taxes locatives et des charges de l’immeuble et prestations suivant les relevés établis par le Gérant ou par le Syndic. Une provision sur charges de SEPT CENT CINQ EUROS HT (705€ HT) sera appelée chaque trimestre avec le loyer. La régularisation définitive se fera en fin d’exercice sur présentation des pièces justificatives par le Gérant et le Syndic.”
S'agissant des charges locatives, selon l'article L.145-40-2 et R.145-36 du code de commerce le contrat de bail commercial doit comporter un inventaire précis des charges et taxes liés à ce bail avec leur répartition entre le bailleur et le locataire, cet inventaire donnant lieu à un état récapitulatif annuel incluant la régularisation de comptes de charges adressé par le bailleur au locataire au plus tard le 30 septembre de l'année suivant celle au titre de l'année pour lequel il est établi ou dans le délais de trois mois à compter de la reddition des charges pour l'exercice annuel pour les immeubles en copropriété. Il en résulte que lorsqu'il est prévu au bail le règlement de provisions, il doit y avoir une régularisation en fin d'exercice conformément aux textes précités et que l'absence de régularisation de charges dans les délais rend sans cause les appels de provision à valoir sur le paiement des charges, de sorte qu'ils ne sont plus dus.
En l’espèce, la SCI VAUGIRARD MAUBLANC justifie des régularisations de charges des années 2019, 2020 et 2021. Elle ne produit pas la régularisation des charges pour l’année 2018 mais n’a pas contesté le montant indiqué par la SARL SNS OPTIC soit la somme de 406,09 euros.
Des incohérences apparaissent à la lecture des avis d’échéances et des régularisations de charges. Ainsi, en 2018, la régularisation de charges est de 406,09 euros au profit de la SARL SNS OPTIC. Or, l’avis d’échéance du 1er trimestre 2020 indique la somme de 208.38 euros. En 2019, la régularisation de charges est de 677,21 euros au profit de la SARL SNS OPTIC. Or, l’avis d’échéance du 1er trimestre 2021 indique la somme de 501.48 euros. De même en 2020, la régularisation de charges est de 739,98 euros au profit de la SARL SNS OPTIC. Or, l’avis d’échéance du 1er trimestre 2022 indique la somme de 578,94 euros. Enfin, en 2021, la régularisation de charges est de 796,71 euros au profit de la SARL SNS OPTIC. Or, cette somme n’apparaît sur aucun des avis d’échéances 2023 produit. Force est de constater que la SCI VAUGIRARD MAUBLANC n’apporte aucune justification à ces incohérences.
Toutefois, il y a lieu de rappeler qu’un commandement délivré pour une somme supérieure à celle qui est réellement due demeure valable. Ces incohérences entre les sommes à la suite des régularisations de charges et celles effectivement créditées sur le compte de la SARL SNS OPTIC ne peuvent suffire à déclarer nul et de nul effet le commandement de payer délivré le 1er février 2021.
Le moyen soulevé par la SARL SNS OPTIC des imprécisions du commandement de payer visant la clause résolutoire est donc inopérant.
- sur la renonciation du bailleur à se prévaloir du commandement de payer visant la clause résolutoire :
La SARL SNS OPTIC soutient qu’elle a notifié à la SCI VAUGIRARD MAUBLANC une offre de renouvellement du bail à compter du 1er septembre; que la SCI VAUGIRARD MAUBLANC n’a pas fait connaître son intention de refuser le renouvellement du bail dans le délai de 3 mois qui lui était imparti; qu’elle est réputée avoir accepté le renouvellement du bail; que cette acceptation tacite est postérieure à la délivrance du commandement de payer mais également à la demande d’acquisition de la clause résolutoire; qu’elle a renoncé sans équivoque à se prévaloir du bénéfice du commandement de payer; que le commandement de payer doit être déclaré nul et de nul effet.
La SCI VAUGIRARD MAUBLANC s’oppose à cette demande. Elle soutient que le renouvellement du bail n’a aucune incidence sur le commandement de payer visant la clause résolutoire; que l’acceptation tacite ne présente qu’un caractère provisoire et ne fait pas obstacle à l’exercice ultérieur du droit d’option du bailleur qui refuse le renouvellement du bail en offrant le paiement d’une indemnité d’éviction.
En application de l'article L. 145-10 du Code de commerce, le bailleur doit faire connaître au locataire, dans les trois mois de la notification de la demande en renouvellement du bail, s'il refuse le renouvellement en précisant les motifs de ce refus. À défaut, le bailleur est réputé avoir accepté le principe du renouvellement du bail précédent.
Il est admis que le bailleur qui a accepté, même tacitement, la demande de renouvellement ne peut pas ensuite réclamer la résiliation judiciaire du bail pour des manquements du locataire antérieurs au renouvellement. Il en va de même lorsque l'instance en résiliation est en cours à la date de l'acceptation du renouvellement.
En l’espèce, par acte extrajudiciaire du 25 août 2021, la SARL SNS OPTIC a délivré à la SCI VAUGIRARD MAUBLANC une demande de renouvellement du bail commercial à compter du 1er septembre 2021.
Il n’est pas contesté que la SCI VAUGIRARD MAUBLANC n’a pas répondu dans le délai de trois mois à la suite de la demande de renouvellement de la SARL SNS OPTIC. La SCI VAUGIRARD MAUBLANC est réputée avoir accepté le principe du renouvellement au terme dudit délai. Ainsi, la SCI VAUGIRARD MAUBLANC qui ne s'est pas opposée à la demande de renouvellement du bail a irrévocablement accepté ce renouvellement, ce qui fait obstacle à la poursuite d'une instance en résiliation engagée avant l'exercice de ce droit. En effet, en acceptant le principe du renouvellement du bail postérieurement au commandement de payer visant la clause résolutoire du 1er février 2021, la SCI VAUGIRARD MAUBLANC a renoncé sans équivoque à se prévaloir des infractions dénoncées au commandement antérieur pour obtenir la résiliation du bail renouvelé.
Au vu de l’ensemble de ces éléments, la SCI VAUGIRARD MAUBLANC sera donc déboutée de sa demande d’acquisition de la clause résolutoire ainsi que de ses demandes subséquentes d’expulsion, de séquestration des meubles et de paiement d’une indemnité d’occupation.
- sur les demandes pécuniaires
La SCI VAUGIRARD MAUBLANC soutient que la SARL SNS OPTIC est redevable de la somme de 40.776,88 euros au titre des loyers et charges impayés arriérés arrêtés au 18 janvier 2024. Elle précise qu’elle accepte la remise de dette et les aménagements suivants :
- elle consent à appliquer l’ILC (Indice des loyers commerciaux) depuis le renouvellement du bail en septembre 2021,
- elle consent à accorder un mois de franchise de loyer pour le COVID, ramener le dépôt de garantie à deux mois au lieu de trois mois, de valider le paiement mensuel plutôt que trimestriel, accepter un renouvellement de bail loi Pinel.
Elle sollicite en conséquence la condamnation de la SARL SNS OPTIC à lui payer la somme de 26.162,52 euros, que soit jugé que le loyer sera versé mensuellement, lui donner acte de son accord au renouvellement du bail avec les modalités de la loi Pinel.
La SARL SNS OPTIC soutient que seuls trois mois de loyer n’ont pas été réglés correspondant aux deux mois du 1er confinement et au mois de novembre 2020 pendant le 2ème confinement, soit la somme de 15.572,96 euros; qu’il est sollicité pour ces trois mois qu’ils soient considérés comme non exigibles compte tenu de la perte de la chose louée au cours de cette période. Elle sollicite subsidiairement des délais de paiement. Elle sollicite également que soit ordonnée la compensation entre cette somme de 15.572,96 euros et sa créance au titre des sommes trop perçues par la bailleresse sur le fondement d’une indexation, de frais et de rappels de charges injustifiés, ainsi que du chef des travaux non effectués.
Sur la demande de remboursement du trop-perçu au titre des loyers et charges, au regard des développements ci-dessus et du rejet de la demande de la SARL SNS OPTIC visant à déclarer réputée non écrite la clause d’échelle mobile insérée dans le contrat de bail commercial du 30 juin 2012, elle sera déboutée de ses demandes subséquentes de condamnation de la SCI VAUGIRARD MAUBLANC au paiement de la somme de 27.252,95 euros TTC au titre des trop perçus de loyers et de complément de dépôt de garantie.
S’agissant de la régularisation des charges, il y a lieu de relever que la SARL SNS OPTIC sollicite uniquement la condamnation de la SCI VAUGIRARD MAUBLANC à lui verser les sommes suivantes :
- le différentiel entre la régularisation des charges annuelles pour l’année 2018 (406,09 euros) et celle apparaissant sur l’avis d’échéance du 1er trimestre 2020 (208,38 euros), soit la somme de 197,71 euros;
- la régularisation des charges pour l’année 2021 d’un montant de 796,71 euros qui n’apparaît pas sur les avis d’échéances de 2022;
Soit un total de 994,42 euros.
Au regard des développement ci-dessus et du constat des incohérences entre la régularisation des charges et les avis d’échéances, la SCI VAUGIRARD MAUBLANC sera donc condamnée à verser à la SARL SNS OPTIC la somme de 994,42 euros au titre de la régularisation des charges pour les années 2018 et 2021.
S’agissant des travaux concernant la façade et la chaudière, la SARL SNS OPTIC soutient qu’elle s’est vue dégrader la façade de sa boutique par des graffitis mais également par la destruction partielle des marbres sur la marche principale et sur la marche secondaire ; qu’elle a alerté à plusieurs reprises sa bailleresse concernant l’urgence de la réfection de la façade; qu’elle lui a transmis un devis; que la remise en état de la façade de la boutique est à la charge de la bailleresse aux termes du bail liant les parties; qu’il s’agit de travaux relevant de l’article 606 du code civil; que compte tenu de la dangerosité de la façade et de l’accueil constant du public dans la boutique, elle a été contrainte de procéder elle-même à la réfection de la façade en décembre 2023; qu’elle en sollicite le remboursement pour une somme TTC de 4.718,84 euros; que s’agissant de la chaudière, cette dernière est vétuste et a été à plusieurs reprises hors service au cours de ces dernières années; qu’elle a alerté en vain sa bailleresse; que le rapport de la société SFFE en 2022 relève l’absence de conformité de la chaudière et des installations électriques dans les lieux loués; que devant la carence de sa bailleresse, elle a été contrainte de procéder aux réparations pour un montant total de 923 euros TTC; qu’il appartient à la bailleresse de prendre à sa charge le montant de ces opérations; que du chef de la vétusté de la chaudière mais également des installations électriques, elle justifie d’un surcoût de 30% de ses consommations électriques pour un montant total de 2.345,75 euros.
La SCI VAUGIRARD MAUBLANC s’est opposée à cette demande. Elle soutient que la SARL SNS OPTIC ne justifie d’aucune déclaration de sinistre auprès de son assureur concernant ces dégradations; que le nettoyage de graffitis ne peut être défini comme de grosses réparations; que les pierres ébréchées relèvent de l’habillage de la devanture de la boutique lequel constitue un élément privatif; que le règlement de copropriété de l’immeuble indique que les devantures des boutiques avec glaces, parpaing et seuils, constituent des parties privatives; qu’il s’agit de réparations d’entretiens; que la réparation du thermostat d’ambiance de la chaudière ne constitue pas une grosse réparation; qu’il en est de même de la surfacturation de la consommation d’électricité qui se justifie par la crise de l’énergie et de gaz facturés aux entreprises ne bénéficiant pas du bouclier tarifaire mis en place pour les particuliers.
Il est constant qu’au sens de l'article 606 du Code civil, les réparations d'entretien sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de l'immeuble tandis que les grosses réparations intéressent l'immeuble dans sa structure et sa solidité générale.
En l’espèce, le contrat de bail commercial liant les parties disposent que le preneur s’oblige à exécuter et accepter, indépendamment de celles pouvant résulter de la loi ou de l’usage; qui ne seraient modifiées par la présente convention, sans aucune indemnité ni diminution de loyer “ de prendre les lieux dans l’état où ils se trouvent, du jour de l’entrée en jouissance, sans pouvoir exiger du BAILLEUR aucun travaux ni réparations de quelque nature que ce soit, ceux-ci restant à la charge du PRENEUR de convention expresse, et d’assurer, pendant la durée du bail, les réparations locatives prévues par l’article 1754 du Code Civil et les réparations d’entretien prévues à l’article 605 du même Code Civil. Les grosses réparations prévues à l’Article 606 restant à la charge du BAILLEUR”.
Il ressort de ces stipulations contractuelles que les travaux et réparations, de quelque nature que ce soit, autres que les grosses réparations de l'article 606 du code civil, incombent au preneur. En l’espèce, force est de constater que le nettoyage des graffitis, la dégradation des marbres sur la marche principale et sur la marche secondaire ne relèvent pas des grosses réparations de l’article 606 du code civil en ce qu’elles n’intéressent pas la structure et la solidité générale de l’immeuble. Ainsi, en vertu du contrat de bail, ces réparations sont à la charge du preneur. S’agissant de la réparation de la chaudière, il s’agit de la réparation d’un élément d'équipement, qui ne relève pas davantage des dispositions de l'article 606 du code civil. Ainsi, l’ensemble de ces réparations incombe à la SARL SNS OPTIC. Enfin, la SARL SNS OPTIC soutient, sans le justifier, que la vétusté de la chaudière et des installations électriques auraient pour conséquence un surcoût de 30% de ses consommations électriques. Elle sera donc déboutée de sa demande de remboursement des travaux effectués par elle-même.
Il ressort du décompte produit par la SCI VAUGIRARD MAUBLANC que la SARL SNS OPTIC est redevable de la somme de 40.776,88 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtés au 18 janvier 2024.
Il ressort des décomptes produits que contrairement à ce que soutient la SARL SNS OPTIC la dette locative n’est pas uniquement la conséquence de l’absence de règlement de trois mois de loyers correspondant aux deux mois du 1er confinement et au mois de novembre 2020 pendant le 2ème confinement. En effet, il ressort des décomptes et de l’avis d’échéance du premier trimestre 2020 que la SARL SNS OPTIC était déjà redevable à cette date de la somme de 11.909,83 euros.
En outre, comme développé ci-dessus, il n’existe pas de disposition particulière de nature à influer sur le principe d’exigibilité des loyers pendant le temps d'interdiction au public des commerces dits non essentiels et l'effet de l'interdiction de recevoir du public, qui était générale et temporaire, avait pour seul objectif de préserver la santé publique et était sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, de sorte qu’elle ne peut être assimilée à la perte de la chose, ni totale, ni même partielle, au sens de l'article 1722 du code civil, comme l’a jugé la Cour de cassation dans des arrêts de principe ( 3e civ. 30 juin 2022. Pourvois n° 21-19.889, 21-20.127 et 21-20.190). Dès lors, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de la SARL SNS OPTIC visant à considérer comme non exigibles les trois mois de loyers compte tenu de la perte de la chose louée au cours de la crise sanitaire.
Si la SARL SNS OPTIC soutient que des frais administratifs ou des frais de relances sont infondés pour un montant total de 3.407,02 euros. Toutefois, force est de constater qu’elle ne produit aucun détail de ces frais indus tant quant à leur somme qu’à la date où ils ont été mis à sa charge indûment. Compte tenu de l’imprécision de la demande, il ne peut être fait droit à la demande de la SARL SNS OPTIC de voir soustrait du montant de l’arriéré les frais indus.
Dès lors, conformément aux remises et concessions accordées par la SCI VAUGIRARD MAUBLANC, il y a lieu de condamner la SARL SNS OPTIC à payer la SCI VAUGIRARD MAUBLANC la somme de 26.162,52 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement.
En application des articles 1347 et 1347-1 du code civil, la SARL SNS OPTIC est fondée à solliciter la compensation entre les dettes connexes constituées, pour la SARL SNS OPTIC, par l'arriéré locatif qu'elle est condamnée à payer à la SCI VAUGIRARD MAUBLANC, et, pour celle-ci, la somme qu’elle est condamnée à payer à la SARL SNS OPTIC au titre de la régularisation des charges.
Le tribunal ordonnera donc la compensation entre, d'une part, la somme de 26.162,52 euros, au titre de l'arriéré locatif dû par la SARL SNS OPTIC, et d'autre part, la somme de 994,42 euros au titre de la régularisation des charges, à hauteur de la somme la plus faible.
- sur la demande de délai de paiement :
La SARL SNS OPTIC sollicite 24 mois de délais de paiement compte tenu du contexte d’une extrême particularité relatif à la crise sanitaire de la Covid 19; qu’elle justifie de sa baisse du chiffre d’affaires; que les loyers représentent une part importante des charges d’exploitation de la société et pèsent donc substantiellement sur sa trésorerie; qu’elle n’a pas pu bénéficier des mesures prises par le gouvernement au cours de la crise sanitaire pour le PGE puisqu’elle avait déjà souscrit un prêt en 2019.
La SCI VAUGIRARD MAUBLANC s’est opposée à la demande de délais de paiement en ce que la SARL SNS OPTIC ne produit aucun élément justifiant de ses difficultés financières et qu’elle reste taisants sur les aides perçues.
La SARL SNS OPTIC ne produit aux débats aucune pièce récente permettant d'apprécier sa situation financière et les perspectives de s'acquitter de l'arriéré dans le délai de l'article 1343-5 du code civil, la dernière pièce comptable produite étant le bilan 2021.
En cet état et vu l'importance de l'arriéré de dette locative, il n'est pas possible de considérer qu'elle sera en mesure de l'apurer dans le délai maximum de deux ans prévu à l'article 1244-1 du code civil, partant de faire droit à cette demande dont les conditions ne sont pas remplies.
Sur les demandes accessoires :
Chaque partie succombant partiellement en ses prétentions, les dépens de l’instance seront partagés à hauteur de 50% à la charge de la SARL SNS OPTIC et de 50% à la charge de la SCI VAUGIRARD MAUBLANC. Leurs demandes au titre des frais irrépétibles seront rejetées.
La présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire en vertu de l'article 514 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,
DEBOUTE la SCI VAUGIRARD MAUBLANC de sa demande d’acquisition de la clause résolutoire délivrée le 1er février 2021 ainsi que de ses demandes subséquentes d’expulsion, de séquestration des meubles, de paiement d’une indemnité d’occupation,
CONDAMNE la SARL SNS OPTIC à payer la SCI VAUGIRARD MAUBLANC la somme de 26.162,52 euros, outre les intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement,
CONDAMNE la SCI VAUGIRARD MAUBLANC à payer à la SARL SNS OPTIC la somme de 994,42 euros au titre de la régularisation des charges des années 2018 et 2021,
ORDONNE la compensation entre la somme de 26.162,52 euros susvisée et la somme de 994,42 euros au titre de la régularisation des charges des années 2018 et 2021, à hauteur de la somme la plus faible,
DEBOUTE la SARL SNS OPTIC de sa demande visant à réputer non écrite la clause d’échelle mobile insérée dans le bail commercial du 30 juillet 2012,
DEBOUTE la SARL SNS OPTIC de sa demande au titre du remboursement des trop perçus de loyers,
DEBOUTE la SARL SNS OPTIC de sa demande au titre du remboursement des travaux effectués en lieu et place de la bailleresse,
DEBOUTE la SARL SNS OPTIC de sa demande de délais de paiement;
DEBOUTE la SCI VAUGIRARD MAUBLANC et la SARL SNS OPTIC de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
PARTAGE les dépens de l’instance à hauteur de 50% à la charge de la SARL SNS OPTIC et de 50% à la charge de la SCI VAUGIRARD MAUBLANC,
REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire,
RAPPELLE que le présent jugement est assorti de l'exécution provisoire de droit,
Fait et jugé à Paris le 28 Juin 2024.
Le GreffierLe Président
Christian GUINANDSandra PERALTA