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27/06/2024 | FRANCE | N°23/56144

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, 27 juin 2024, 23/56144


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS








N° RG 23/56144 -
N° Portalis 352J-W-B7H-C2NCQ

N° : 2-CB

Assignation du :
02 et 03 août 2023

[1]

[1] 3 Copies exécutoires
délivrées le:


ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 27 juin 2024



par Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Clémence BREUIL, Greffier.
DEMANDERESSE

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] représenté par so

n syndic A DEGUELDRE P DEGUELDRE ET CIE
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représenté par Maître Claire BOUSCATEL de l’ASSOCIATION BIARD BOUSCATEL, avocats au barreau de PARIS - #R014...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


N° RG 23/56144 -
N° Portalis 352J-W-B7H-C2NCQ

N° : 2-CB

Assignation du :
02 et 03 août 2023

[1]

[1] 3 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 27 juin 2024

par Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Clémence BREUIL, Greffier.
DEMANDERESSE

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] représenté par son syndic A DEGUELDRE P DEGUELDRE ET CIE
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représenté par Maître Claire BOUSCATEL de l’ASSOCIATION BIARD BOUSCATEL, avocats au barreau de PARIS - #R0146

DEFENDEURS

Monsieur [T] [U]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représenté par Maître Evelyne ELBAZ de la SELARL CABINET ELBAZ - GABAY - COHEN, avocats au barreau de PARIS - #L0107

La S.A.R.L. A&M SCOOT
[Adresse 3]
[Adresse 3]

représentée par Maître Julien COLAS de la SELEURL CABINET COLAS, avocats au barreau de SEINE-SAINT-DENIS - #252

DÉBATS

A l’audience du 23 Mai 2024, tenue publiquement, présidée par Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente, assistée de Clémence BREUIL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

M. [T] [U] est propriétaire du lot n°47 affecté à un usage de boutique et situé au rez-de-chaussée de l'immeuble sis [Adresse 3], lequel est soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Ce lot était donné à bail commercial à la société FUN SCOOT, qui y exploitait l'activité de " commerce de véhicules automobiles, de deux roues, scooters, vélo électrique, trottinette électrique. Achat vente de tous véhicules et de tout accessoires, démarches administratives, carte grise ", jusqu'au 31 mars 2023.

Par courrier recommandé du 2 mars 2022, le syndic a mis en demeure Madame [L] [V] de faire cesser les nuisances olfactives résultant des produits chimiques utilisés et des gaz d'échappements résultant de l'exploitation de l'activité de la société FUN SCOOT, de cesser son activité d'atelier mécanique de réparations, et de se rapprocher sous 48 heures de son bailleur pour convenir de la rupture pure et simple du bail.

Le syndic a également mis en demeure Monsieur [T] [U] en sa qualité de bailleur, par courrier recommandé du 9 août 2022, de faire cesser sous huit jours les nuisances commises par la société FUN SCOOT, ainsi que son activité d'atelier de réparations mécaniques.

Par acte sous seing privé du 28 mars 2023, Monsieur [U] a donné à bail commercial son lot n°47 à la société A&M Scoot, avec prise d'effet au 1er avril 2023, afin qu'elle y exploite une activité d'" Achat, vente, location de tous véhicules deux ou trois roues à moteur et accessoires s'y rapportant. Petit entretien sans nuisances ".

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 mai 2023, le conseil du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] a informé Monsieur [U] de la résolution adoptée par l'assemblée générale des copropriétaires du 21 avril 2022 aux fins d'engager une procédure en cessation des troubles olfactifs et sonores à son encontre à défaut de réponse sous quinze jours.

Le conseil du syndicat des copropriétaires a également mis en demeure la société A&M Scoot, par courrier recommandé avec avis de réception du 6 juillet 2023, de cesser les nuisances sonores et olfactives résultant de son activité, les copropriétaires se plaignant de conditions d'exploitation nuisibles similaires à celles de la société Fun Scoot, dans un délai de huit jours.

C'est dans ce contexte que par exploits des 2 et 3 août 2023, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3], représenté par son syndic en exercice la société A Degueldre P Degueldre et Cie (ci-après le syndicat des copropriétaires), a fait assigner Monsieur [T] [U] et la société A&M Scoot devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de voir, au visa de l'article 835 du code de procédure civile :
- Ordonner solidairement à la société A&M Scoot et à M. [T] [U] de cesser et faire cesser toutes les nuisances reprochées par le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], à savoir notamment :
*Les émanations de gaz d'échappement et de fumées,
* Les bruits moteurs tournant et de compresseur,
*L'utilisation d'huiles et autres produits d'entretien ou chimiques,
*Les odeurs nauséabondes et dangereuses,
*Le jonchement des parties communes et trottoirs des carcasses de véhicules et de pièces détachées cassées ou usagées,
*Le stationnement de véhicules dans les parties communes et sur le trottoir devant l'immeuble du [Adresse 3],

- Ordonner solidairement à la société A&M Scoot et à M. [T] [U] de cesser et faire cesser l'activité d'atelier de réparation et de mécanique ;

- Fixer une astreinte à 1.500 € par jour de retard et par infraction constatée pour la cessation des nuisances et de l'activité d'atelier de réparation et de mécanique, passée un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision et au titre de l'activité non conforme au règlement de copropriété ;

- Condamner solidairement à la société A&M Scoot et M. [T] [U] à lui payer une provision s'élevant à la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts, en raison des troubles de jouissance ;

En tout état de cause,

- Se Réserver la liquidation de l'astreinte ;

- Ordonner la décision exécutoire en tant qu'elle est de droit ;

- Condamner solidairement la société A&M Scoot et M. [T] [U] au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

L'affaire, appelée pour la première fois à l'audience du 21 septembre 2023, a fait l'objet d'un premier renvoi à la demande des parties, qui ont reçu l'injonction d'assister à un rendez-vous d'information sur la médiation. Les parties sont entrées en médiation mais n'ont pas finalisé d'accord, de sorte que l'affaire a été plaidée à l'audience du 23 mai 2024.

Aux termes de ses conclusions déposées et oralement soutenues à l'audience, le syndicat des copropriétaires, représenté, demande au juge des référés de :

- Ordonner solidairement à la société A&M Scoot et à M. [T] [U] de cesser et faire cesser toutes les nuisances reprochées par le Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], à savoir notamment :
*Les émanations de gaz d'échappement et de fumées,
*Les bruits moteurs tournant et de compresseur,
*L'utilisation d'huiles et autres produits d'entretien ou chimiques,
*Les odeurs nauséabondes et dangereuses,
*Le jonchement des parties communes et trottoirs des carcasses de véhicules et de pièces détachées cassées ou usagées,
*Le stationnement de véhicules dans les parties communes et sur le trottoir devant l'immeuble du [Adresse 3],

- Ordonner solidairement à la société A&M Scoot et à M. [T] [U] de cesser et faire cesser l'activité d'atelier de réparation et de mécanique ;

- Fixer une astreinte à 1.500 € par jour de retard et par infraction constatée pour la cessation des nuisances et de l'activité d'atelier de réparation et de mécanique, passée un délai de 8 jours à compter de la signification de la décision et au titre de l'activité non conforme au règlement de copropriété ;

- Condamner solidairement à la société A&M Scoot et M. [T] [U] à payer au Syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] une provision s'élevant à la somme de 15.000 € à titre de dommages et intérêts, en raison des troubles de jouissance ;

- Débouter la société A&M Scoot et à M. [T] [U] de toutes leurs demandes, fins et prétentions ;

En tout état de cause,
- Se réserver la liquidation de l'astreinte ;

-Ordonner la décision exécutoire en tant qu'elle est de droit ;

- Condamner solidairement la société A&M Scoot et M. [T] [U] au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Par conclusions déposées et oralement soutenues à l'audience, la société A&M Scoot, par l'intermédiaire de son conseil, demande au juge des référés de :

A titre principal
-Déclarer la société A&M Scoot recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions,

En conséquence,
-Débouter le Syndicat des copropriétaires de l'intégralité de ses demandes,

-Condamner le Syndicat des copropriétaires à verser à la société A&M Scoot la somme de 5.000 Euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

-Condamner le Syndicat des copropriétaires aux entiers dépens,
-Dispenser la société A&M Scoot de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;

A titre subsidiaire,
- Ordonner une expertise judiciaire ;
- Désigner tel expert judiciaire qu'il lui plaira avec pour mission de :
*Convoquer les parties ;
*Se faire communiquer tous documents utiles à l'exécution de sa mission ;
*D'entendre les parties et tous sachants, recueillir leurs dires et explications, de prendre connaissances des pièces des parties ;
*Se rendre sur les lieux [Adresse 3] afin de procéder à toutes visites et constatations utiles et entendre tout sachant ;
*Examiner dans le respect du contradictoire le local commercial et les dysfonctionnements allégués par le demandeur en son assignation et conclusions,
*Rechercher les désordres, troubles allégués dans l'assignation, conclusions et les pièces qui y sont jointes ;
*Les examiner, les lister et les décrire ;
*Constater les travaux entrepris par la société A&M Scoot
*Dire si l'activité du local commercial est conforme aux dispositions légales, administratives et réglementaires
*Fournir tous éléments techniques et de fait de nature à permettre, le cas échéant, à la juridiction compétente de déterminer les responsabilités éventuellement encourues,
*Donner d'une manière plus générale tous éléments d'informations utiles à la solution du litige,
*Evaluer l'ensemble des frais exposés ;
*Condamner le Syndicat des copropriétaires à payer l'intégralité des sommes provisionnelles sollicitées dans le cadre de cette expertise.

Par conclusions déposées et oralement soutenues à l'audience, Monsieur [T] [U], représenté, demande au juge des référés de :

-Le déclarer recevable et bien fondé en ses demandes, fins et conclusions ;

En conséquence,
-Débouter le syndicat des copropriétaires de l'intégralité de ses demandes ;

-Condamner le syndicat des copropriétaires à lui verser une provision de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

-Condamner le syndicat des copropriétaires à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens ;

-Le dispenser de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé à l'acte introductif d'instance, aux conclusions déposées à l'audience et soutenues oralement ainsi qu'aux notes d'audience, sur le fondement des dispositions de l'article 446-1 du code de procédure civile.

La décision a été mise en délibéré au 27 juin 2024.

MOTIFS

Il convient de rappeler à titre liminaire qu'en vertu des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Sur le trouble manifestement illicite

Aux termes de l'article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

L'existence d'une contestation sérieuse est indifférente à l'application de ces dernières dispositions.

Le trouble manifestement illicite s'entend de toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
Il s'ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle le juge statue et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, la méconnaissance d'un droit.

Il appartient au requérant de démontrer l'existence d'une illicéité du trouble et son caractère manifeste et actuel.

1.Sur les troubles anormaux de voisinage

Nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, troublant la jouissance de son bien. A défaut, la responsabilité de l'auteur du trouble est engagée, sans qu'il soit nécessaire de rapporter la preuve d'une faute de sa part. La responsabilité du voisin est engagée lorsqu'il génère un trouble anormal, la caractérisation de l'anormalité des nuisances étant parfaitement indépendante tant de la justification du respect des normes et réglementations administratives que de leur éventuelle violation.

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], expose que :
- Depuis plusieurs années, l'activité de la société Fun Scoot, puis celle de la société A&M Scoot qui a repris le local appartenant à Monsieur [U], est à l'origine de nuisances sonores, sanitaires et olfactives affectant les parties communes de l'immeuble et dans les appartements de certains copropriétaires ;

- l'ancien locataire Fun Scoot, puis le nouveau locataire A&M Scoot, utilisent des produits pétroliers sources d'émanation toxiques dégradant la qualité de l'air et mettant en danger la santé des copropriétaires de l'immeuble ;
- les moteurs des motos qui " tournent " à l'intérieur du local engendrent une forte gêne sonore ;

- le local n'est pas adapté à l'activité de garage et que les véhicules sont stationnés illégalement dans le passage.

En réplique, la société A&M Scoot indique :
- Qu'elle occupe le local appartenant à Monsieur [U] depuis le 1er avril 2023 ;

- Que la majorité des pièces versées aux débats par le demandeur sont antérieures à son entrée dans les lieux et ne concernent que la société Fun Scoot, ancien locataire ;

- Que le syndicat des copropriétaires ne produit aucun constat, ni aucune expertise acoustique ou olfactive qui aurait été réalisée sur l'année 2023 et qui démontrerait l'existence de troubles sonores ou olfactifs ;

- Que le syndicat des copropriétaires fonde les demandes portées à son encontre sur des courriers qu'il a lui-même rédigés et sur trois attestations de copropriétaires alors même que l'immeuble est occupé par 37 copropriétaires.

Pour sa part, Monsieur [U] soutient :
- Qu'aucune nuisance n'est démontrée par le syndicat des copropriétaires qui se borne à verser des pièces concernant l'ancien locataire, lequel n'est pas attrait à la cause,

- Qu'aucune mesure n'a été réalisée depuis l'entrée dans les lieux du nouveau locataire, que le courrier de la préfecture de Police versé aux débats par le demandeur est imprécis et ne permet pas d'établir l'existence d'une quelconque nuisance,

- Qu'il n'a jamais reconnu l'existence de troubles anormaux de voisinage, d'autant plus que l'activité de garage induit nécessairement du bruit et des fumées provenant des pots d'échappement, ce qui ne constitue pas un trouble anormal.

Le syndicat des copropriétaires produit pour établir l'existence des nuisances dénoncées :
- Deux lettres recommandées avec accusé de réception qu'il a adressées respectivement les 26 mai 2023 et 6 juillet 2023 à Monsieur [U] et la société A&M Scoot, les mettant en demeure de faire cesser les troubles dont il fait reproche à la société A&M Scoot ;

- Un mail de relance contenant le courrier du 26 mai 2023 adressé à Monsieur [U] le 28 juin 2023 ;

- Trois attestations de copropriétaires se plaignant de nuisances sonores et olfactives dues vraisemblablement à la société A&M Scoot, dont une qui mentionne des nuisances perpétrées par les activités de la société " Fun Scoot " ;

- Un courrier de la Ville de [Localité 4] du 31 janvier 2024 faisant état d'une enquête qui aurait été effectuée par l'inspecteur de salubrité, sans plus de précisions s'agissant de l'objet du signalement, du lieu ou du responsable des anomalies.

Ces éléments n'apparaissant cependant pas suffisamment probants, dans la mesure où il s'agit essentiellement de courriers émanant du requérant et d'attestations émises une infime minorité de copropriétaires, que le courrier de la Ville de [Localité 4] ne précise ni la date du signalement sur lequel il a été enquêté, ni celle de l'enquête, et qu'aucun élément objectif tel qu'un procès-verbal de constat de commissaire de justice ou rapport de mesures acoustiques établi par un homme de l'art n'est produit.

Ainsi, il ne ressort manifestement pas des pièces versées aux débats par le syndicat des copropriétaires que les activités menées par la société A&M Scoot dans le lot n°47 sont à l'origine de nuisances sonores, olfactives et sanitaires, constitutive de troubles anormaux de voisinage pour la copropriété.

L'existence d'un trouble manifestement illicite imputable à l'activité de la société A&M Scoot n'est ainsi par caractérisée avec l'évidence requise devant le juge des référés, de sorte qu'il n'y a pas lieu à référé sur cette première demande.

2.Sur la violation du règlement de copropriété

L'article 9 I et II de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble.

L'article 1er du règlement de copropriété de l'immeuble des 25 mai et 8 juin 1965 stipule : " Chacun des acquéreurs et propriétaires aura, en ce qui concerne les boutiques, locaux, appartements, logements, chambres et caves lui appartenant exclusivement, le droit d'en jouir et d'en disposer comme d'une chose lui appartenant en toute propriété, à la condition de ne pas nuire aux droits des propriétaires des autres locaux de l'immeuble
[…]
Les professions commerciales y étant interdites ; étant bien entendu que les locaux actuellement à usage commercial peuvent conserver cette destination.
[…]
Les occupants ne pourront rien faire qui puisse nuire à la tranquillité ni à la bonne tenue de l'immeuble et, en particulier, les boutiquiers, par bruit, odeur ou autrement ; ".

En outre, l'article 2 du règlement de copropriété stipule : " […] 2°- Aucun des copropriétaires ou occupants de l'immeuble ne pourra encombrer l'entrée de la maison, les vestibules, paliers, escaliers, couloirs, passages, cour et courettes, ni y laisser séjourner des objets quelconques. ".

Le syndicat des copropriétaires fait valoir que :
- Les activités de la société A&M Scoot sont contraires au règlement de copropriété, celui-ci interdisant toutes les nuisances portées à la jouissance paisible des copropriétaires, l'encombrement des passages et l'introduction de matières dangereuses ;

- l'activité de réparation et de mécanique est contraire à la destination de l'immeuble, le lot 47 occupé par la société A&M Scoot devant être exploité comme une boutique et non un garage, conformément au règlement de copropriété ;
- les locataires successifs du local ont été mis en demeure par la Mairie de [Localité 4] de se mettre en conformité avec le règlement de la ville, en vain.

En réplique, la société A&M Scoot indique que :
- Le syndicat des copropriétaires ne verse aucune pièce actualisée le concernant et démontrant la véracité des allégations portées contre lui ;

- aucune disposition du règlement de copropriété n'interdit une activité commerciale, pas plus qu'il n'interdit son activité de garage ;

- 'elle a entrepris des travaux d'extraction des gaz d'échappement, d'isolation et d'insonorisation et qu'elle veille à ne rien entreposer ni dans les parties communes, ni dans les caves.

Monsieur [U] expose quant à lui que le Syndicat ne verse aucune pièce à l'appui de ses prétentions et qu'il oppose à la société A&M Scoot des griefs antérieurs à son entrée dans les lieux.

En l'espèce, le demandeur verse aux débats son courrier de mise en demeure du 6 juillet 2023, adressé à la société A&M Scoot aux fins de faire cesser les désordres sonores, olfactifs et les mises en danger de la santé des copropriétaires sous un délai de huit jours.

Le syndicat des copropriétaires verse également trois attestations de copropriétaires, faisant état pour deux d'entre elles de nuisances sonores et olfactives provenant des activités de la société A&M Scoot. En revanche la troisième attestation mentionne uniquement les activités de la société " Fun Scoot " et non A&M Scoot.

Il produit également le courrier précité de la Ville de [Localité 4] adressé à l'un des copropriétaires qui mentionne qu'une enquête a été menée, sans toutefois préciser le lieu à propos duquel elle a été menée, quelles sont les anomalies qui en ressortent et qui en est responsable.

En premier lieu, il est constant que Monsieur [U] a cédé à bail son lot n°47 à la société A&M Scoot et que ce lot est affecté à un usage de boutique avec un bureau, conformément au règlement de copropriété.

En second lieu, le règlement de copropriété n'exclut pas expressément l'usage des lieux pour une activité de garage lorsque la destination du lot est déjà commerciale, dès lors que l'activité exercée ne nuit pas aux droits des copropriétaires de l'immeuble.

Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces versées aux débats par le demandeur que les activités menées par la société A&M Scoot dans le lot n°47 nuisent à la tranquillité de l'immeuble, rien n'établissant de manière manifeste les désordres invoqués par le syndicat des copropriétaires.

Dans ces circonstances, il n'est pas établi avec l'évidence requise en référé que l'usage du local appartenant à Monsieur [U] par la société A&M Scoot pour exercer ses activités, constitue une violation manifeste des clauses du règlement de copropriété, de sorte qu'il n'y a pas lieu à référé sur cette demande.

Sur la demande de provision pour dommages-intérêts

Aux termes de l'article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

L'octroi d'une provision suppose le constat préalable par le juge de l'existence d'une obligation non sérieusement contestable au titre de laquelle la provision est demandée. Cette condition intervient à un double titre : elle ne peut être ordonnée que si l'obligation sur laquelle elle repose n'est pas sérieusement contestable et ne peut l'être qu'à hauteur du montant non sérieusement contestable de cette obligation, qui peut d'ailleurs correspondre à la totalité de l'obligation

Cette condition est suffisante et la provision peut être octroyée, quelle que soit l'obligation en cause. La nature de l'obligation sur laquelle est fondée la demande de provision est indifférente, qui peut être contractuelle, quasi-délictuelle ou délictuelle.

Il appartient au demandeur de prouver l'existence de l'obligation.

Le syndicat des copropriétaires sollicite du juge des référés qu'il condamne les défendeurs à lui payer une provision de 15.000 euros à titre de dommages et intérêts, en raison des troubles de jouissance qu'ils lui ont causés.

Cette demande se heurte cependant à une contestation sérieuse, en ce que le demandeur ne rapporte pas la preuve d'un préjudice réel et certain directement imputable aux défendeurs.

Les conditions d'engagement de la responsabilité civile n'apparaissant pas, à ce stade, réunies avec l'évidence qui s'impose devant le juge des référés, et justifiant un examen approfondi des circonstances de la cause par le juge du fond, il n'y a pas lieu à référé sur la demande de provision.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Aux termes de l'article 32-1 du code de procédure civile, " Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés. ".

Par ailleurs, en application de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

En l'espèce, Monsieur [U] expose que la procédure intentée à son encontre par le syndicat des copropriétaires lui a causé un préjudice moral, en ce qu'elle est abusive, le demandeur arguant à tort de ce qu'il était responsable de la dégradation de la santé des copropriétaires de l'immeuble. Dans ces circonstances, il demande à ce que le Syndicat des copropriétaires soit condamné, à titre provisionnel, au paiement de la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts.

Cependant, Monsieur [U] ne démontre ni la mauvaise foi du syndicat des copropriétaires, ni le préjudice qu'il aurait subi résultant de la présente procédure, étant précisé par ailleurs que le droit d'exercer une action en justice ne dégénère en abus que s'il révèle de la part de son auteur une intention maligne ou une erreur grossière, équipollente au dol, dans l'appréciation de ses droits, de sorte qu'il n'y a pas lieu à référé sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur la demande reconventionnelle d'expertise

La société A&M Scoot formule, à titre subsidiaire, une demande d'expertise sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.

Sa demande principale aux fins de rejet des prétentions du syndicat des copropriétaires ayant été satisfaite, il n'y a pas lieu d'examiner cette demande subsidiaire.

Sur les demandes accessoires

Le syndicat des copropriétaires, qui succombe, sera condamné aux dépens et à verser à la société A&M Scoot et à Monsieur [U], chacun, la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par ordonnance de référé, par mise à disposition au greffe, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,

Disons n'y avoir lieu à référé sur les demandes du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] représenté par son syndic en exercice la société la société A Degueldre P Degueldre et Cie ;

Rejetons la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive présentée par Monsieur [T] [U] ;

Disons n'y avoir lieu à référé sur les demandes plus amples ou contraires ;

Condamnons le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] représenté par son syndic en exercice la société A Degueldre P Degueldre et Cie à payer à la société A&M Scoot et Monsieur [T] [U], chacun, la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] représenté par son syndic en exercice la société A Degueldre P Degueldre et Cie aux dépens ;

Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Fait à Paris le 27 juin 2024.

Le Greffier,Le Président,

Clémence BREUILEmmanuelle DELERIS


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Service des référés
Numéro d'arrêt : 23/56144
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Dit n'y avoir lieu à prendre une mesure en raison du défaut de pouvoir

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-27;23.56144 ?
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