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27/06/2024 | FRANCE | N°19/12113

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 18° chambre 2ème section, 27 juin 2024, 19/12113


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le :
à Me JOWIK (K0187)
Me HONNET (A0444)




18° chambre
2ème section

N° RG 19/12113

N° Portalis 352J-W-B7D-CQ5IJ

N° MINUTE : 6


Assignation du :
10 Octobre 2019











JUGEMENT
rendu le 27 Juin 2024


DEMANDERESSE

S.A.S. FREMAUX DELORME (RCS de Paris 456 501 600)
[Adresse 3]
[Localité 7]

représentée par Maître Iwona JOWIK de la S.E.L.A.R.L. COPERNIC AVOCATS, a

vocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #K0187, Me Frédéric PLANCKEEL de la S.E.L.A.R.L. FRÉDÉRIC PLANCKEEL AVOCAT, avocat au barreau de LILLE, avocat plaidant


DÉFENDERESSE

BANQU...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le :
à Me JOWIK (K0187)
Me HONNET (A0444)

18° chambre
2ème section

N° RG 19/12113

N° Portalis 352J-W-B7D-CQ5IJ

N° MINUTE : 6

Assignation du :
10 Octobre 2019

JUGEMENT
rendu le 27 Juin 2024

DEMANDERESSE

S.A.S. FREMAUX DELORME (RCS de Paris 456 501 600)
[Adresse 3]
[Localité 7]

représentée par Maître Iwona JOWIK de la S.E.L.A.R.L. COPERNIC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #K0187, Me Frédéric PLANCKEEL de la S.E.L.A.R.L. FRÉDÉRIC PLANCKEEL AVOCAT, avocat au barreau de LILLE, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

BANQUE DE FRANCE (RCS de Paris 572 104 891)
[Adresse 2]
[Localité 6]

représentée par Me Marie-Françoise HONNET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0444

Décision du 27 Juin 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 19/12113 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQ5IJ

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lucie FONTANELLA, Vice-présidente
Maïa ESCRIVE, Vice-présidente
Cédric KOSSO-VANLATHEM, Juge

assistés de Henriette DURO, Greffier

DEBATS

A l’audience du 21 Mars 2024 tenue en audience publique.

Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 27 Juin 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement
Contradictoire
En premier ressort

Sous la rédaction de [N] [U]

EXPOSÉ DU LITIGE

Par un acte sous seing privé du 1er septembre 2014, la BANQUE DE FRANCE a donné à bail commercial à la S.A.S. FREMAUX DELORME (ci-après la société FREMAUX DELORME) des locaux sis [Adresse 5] désignés ainsi :
"- à rez-de-chaussée et à droite de la porte de l'immeuble : une boutique ouvrant sur [Adresse 12],
- à l'entresol et desservi par un escalier intérieur : une mezzanine avec sanitaires,
- au sous-sol et desservi par un escalier intérieur : cave n°4".

Le bail a été conclu pour une durée de neuf années à compter du 6 septembre 2014, pour expirer le 5 septembre 2023, avec faculté pour le preneur de faire cesser le bail le 5 septembre 2017 ou le 5 septembre 2020, sous réserve de prévenir le bailleur au moins six mois à l'avance, par acte extrajudiciaire.

Le loyer était fixé à la somme de 62.078,08 euros par an, hors taxes et hors charges, et le contrat stipulait une clause d'indexation à la hausse uniquement en fonction de l'indice des loyers commerciaux publié trimestriellement.

Par courrier en date du 5 avril 2019, la BANQUE DE FRANCE a informé sa locataire qu'elle allait entreprendre des travaux de ravalement de façade, de changement des fenêtres et de réfection de la couverture de l'immeuble, nécessitant un état des lieux avant travaux et une prise de cotes.

Par courrier du 15 avril 2019, la société FREMAUX DELORME s'est inquiétée des conséquences des travaux sur la visibilité et l'accessibilité de la boutique et a sollicité une réduction du loyer de 30 % pendant la durée des travaux ainsi que l'installation d'une bâche publicitaire "Yves Delorme" sur l'échafaudage, aux frais de la bailleresse.

Les travaux ont débuté au début du mois de juin 2019.

Par courrier du 17 juin 2019, la BANQUE DE FRANCE a indiqué à sa locataire que les travaux nécessiteront l'installation d'un échafaudage "qui se situera, en partie, devant votre boutique" et proposait à titre de dédommagement, l'installation de deux bâches publicitaires sur l'échafaudage de part et d'autre de la boutique, demandant à la société FREMAUX DELORME de transmettre pour ce faire des fichiers graphiques. Elle rappelait également la clause de souffrance insérée au bail.

La société FREMAUX DELORME a fait dresser un procès-verbal de constat le 27 juin 2019 par un huissier de justice qui a relevé notamment que "l'échafaudage a été monté le long de la façade au-dessus de la boutique", "des palissades entièrement opaques ont été positionnées en partie basse de l'immeuble au droit des vitrines de la société requérante", "l'accès à la boutique s'effectue en passant entre plusieurs pylônes qui ont été protégés à l'aide de gaines en plastique, l'échafaudage formant comme un tunnel d'accès à la boutique", "au rez-de-chaussée, les trois vitres fixes donnant sur la rue ont été protégées à l'extérieur par des bâches en plastique, créant ainsi un défaut de luminosité et un défaut esthétique".

Par courrier du 1er juillet 2019, la société FREMAUX DELORME alertait son bailleur sur les importants troubles de jouissance subis, et le mettait en demeure "de faire le nécessaire afin que nous puissions retrouver la visibilité de notre boutique et ainsi nous permettre de l'exploiter dans des conditions de jouissance normales, et ce dans un délai de 2 jours à compter de la réception des présentes".

Puis, par courrier du 29 juillet 2019, la société FREMAUX DELORME communiquait au bailleur un fichier graphique de bâches à installer sur l'échafaudage, précisant que cette solution provisoire ne valait pas renonciation à ses droits.

Deux bâches publicitaires ont été installées sur l'échafaudage aux frais de la bailleresse.

Se prévalant d'un arriéré de loyers et charges, la BANQUE DE FRANCE a, par acte extrajudiciaire en date du 11 septembre 2019, fait signifier à la société FREMAUX DELORME un commandement de payer la somme de 17.315,56 euros, échéance du 3ème trimestre 2019 incluse, outre le coût de l'acte, visant la clause résolutoire insérée au bail.

Par acte délivré le 10 octobre 2019, la société FREMAUX DELORME a fait assigner devant ce tribunal la BANQUE DE FRANCE en opposition au commandement, en indemnisation du trouble de jouissance et aux fins de voir réputée non écrite la clause d'indexation contenue dans le bail.

Par courrier du 19 décembre 2019, la société FREMAUX DELORME a informé la BANQUE DE FRANCE de sa décision de fermer la boutique le 26 novembre 2019, soutenant que le local n'était plus exploitable. Puis, par acte extrajudiciaire en date du 21 février 2020, elle a délivré congé pour le 5 septembre 2020 correspondant à l'échéance triennale.

Les locaux ont été libérés à cette date.

Par ordonnance en date du 25 septembre 2020, le juge de la mise en état a désigné Madame [E] [J] pour procéder par voie de médiation entre les parties. Cette mesure n'a toutefois pas permis une issue amiable du litige.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 novembre 2022, la société FREMAUX DELORME demande au tribunal de :

Vu l'article 117 du code de procédure civile,
Vu les articles 1134 alinéa 3, 1184 et suivants, 1244-1 et suivants du code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance du 10 février 2016, 1219 nouveau du code civil, 1719 et 1722 du code civil,
Vu l'article 145-41 du code du commerce,
Vu l'article L. 112-1 du code monétaire et financier,

SUR LA RÉSOLUTION DU CONTRAT DE BAIL

- Constater, dire et juger que la BANQUE DE FRANCE a manqué gravement à ses obligations contractuelles en modifiant unilatéralement la forme de la chose louée et en n'assurant pas à son locataire la jouissance paisible promise ;
- Par conséquent, prononcer la résolution judiciaire du contrat de bail du 1er septembre 2014 rétroactivement au 21 juin 2019, jour de l'installation des échafaudages ;
- Condamner la BANQUE DE FRANCE à rembourser à la société FREMAUX DELORME la somme de 1.690,60 euros au titre du loyer versé pour la période du 21 au 30 juin 2019 ;
- Condamner la BANQUE DE FRANCE à rembourser à la société FREMAUX DELORME la somme de 16.398,42 euros au titre du dépôt de garantie.

SUR LE COMMANDEMENT VISANT LA CLAUSE RÉSOLUTOIRE

A titre principal,

- Constater, dire et juger que le commandement visant la clause résolutoire du 11 septembre 2019 est nul et de nul effet.

À titre subsidiaire,

- Accorder à la société FREMAUX DELORME les plus larges délais, soit 24 mois, pour payer les sommes réclamées par la BANQUE DE FRANCE ;
- Suspendre dans l'intervalle les effets de la clause résolutoire.

SUR L'INDEMNISATION DE LA SOCIÉTÉ FREMAUX DELORME

- Constater, dire et juger que les travaux réalisés par la BANQUE DE FRANCE et l'installation d'un échafaudage, ont causé un trouble de jouissance grave à la société FREMAUX DELORME et lui ont fait perdre sa clientèle de manière irréversible ;
- Par conséquent, condamner la BANQUE DE FRANCE à indemniser la société FREMAUX DELORME du préjudice financier subi au titre de la perte de son fonds de commerce et de son droit au bail évalué à la somme de 800.000 euros ;
- Condamner la BANQUE DE FRANCE à indemniser la société FREMAUX DELORME du préjudice subi au titre de l'atteinte à son image évaluée à la somme de 20.000 euros ;
- Condamner la BANQUE DE FRANCE à rembourser à la société FREMAUX DELORME la somme de 1.920 euros hors taxes au titre des frais engagés pour la création des bâches publicitaires.

SUR LA CLAUSE D'INDEXATION

- Constater, dire et juger que la clause d'indexation contenue dans le bail commercial du 1er septembre 2014 est contraire aux dispositions d'ordre public de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier et qu'elle doit être réputée non écrite, ;
- Par conséquent, condamner la BANQUE DE FRANCE à payer à la société FREMAUX DELORME la somme de 2.066,62 euros au titre des indexations indûment versées depuis le 6 septembre 2014.

SUR LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES DE LA BANQUE DE FRANCE

A titre principal,

- Débouter la BANQUE DE FRANCE de toutes ses demandes, fins et moyens, en particulier de sa demande de condamnation aux loyers et charges.

A titre subsidiaire, en cas de condamnation aux loyers et charges,

- Ordonner la compensation de la créance de loyers et charges de la BANQUE DE FRANCE avec les créances de la société FREMAUX DELORME en remboursement de son dépôt de garantie d'un montant de 16.398,42 euros et en remboursement des frais engagés pour la création des bâches publicitaires d'un montant de 1.920 euros hors taxes.

SUR L'ARTICLE 700 DU CODE DE PROCÉDURE CIVILE ET LES DÉPENS

- Condamner la BANQUE DE FRANCE à payer à la société FREMAUX DELORME la somme de 7.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner la BANQUE DE FRANCE aux entiers dépens.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 décembre 2022, la BANQUE DE FRANCE demande au tribunal de :

Vu les textes applicables à la cause et la jurisprudence,
Vu les pièces versées aux débats, et notamment le bail,

SUR LA RÉSOLUTION DU CONTRAT DE BAIL

- Débouter la société FREMAUX DELORME de sa demande de résolution judiciaire du bail avec effet rétroactif au 21 juin 2019, n'étant pas au surplus fondée à se prévaloir de l'article 1229 nouveau du code civil ;
- Juger, à supposer que soit prononcée la résolution judiciaire du bail, que cette résolution ne pourrait être prononcée qu'à compter du 10 octobre 2019, date à laquelle la locataire s'est plainte d'inexécutions contractuelles de son bailleur ;
- Débouter la société FREMAUX DELORME de sa demande de remboursement du loyer pour la période du 21 juin au 30 juin 2019.

SUR LE COMMANDEMENT DE PAYER

- Débouter la société FREMAUX DELORME de ses demandes tendant à le voir déclarer nul et de nul effet, tout comme de sa demande de délais et de suspension de la clause résolutoire infondées.

SUR L'INDEMNISATION REVENDIQUÉE PAR LA SOCIÉTÉ FREMAUX DELORME

- Débouter la société FREMAUX DELORME de sa demande d'indemnisation du préjudice subi au titre de la prétendue perte de son fonds de commerce sur la base de la valeur du droit au bail qu'elle chiffre à la somme de 800.000 euros ;
- La débouter de sa demande de réparation au titre d'une prétendue atteinte à son image, radicalement infondée ;
- Juger que la BANQUE DE FRANCE a réglé la somme de 1.920 euros hors taxes, au titre des frais engagés pour la création de bâches publicitaires ;
- Débouter en conséquence la société FREMAUX DELORME de sa demande en paiement de la somme de 1.920 euros hors taxes.

SUR LA CLAUSE D'INDEXATION

Vu l'article L. 112-2 du code monétaire et financier et l'arrêt du 6 février 2020 de la Cour de cassation,

- Juger que la clause d'indexation insérée dans le bail du 1er septembre 2014 ne saurait être réputée non écrite dans son entier, comme l'a consacré la Cour de cassation dans son arrêt du 6 février 2020, aux termes de l'article L 112-1 du code monétaire et financier, seule la stipulation susceptible de créer la distorsion pouvant être réputée non écrite ;
- Juger qu'il a été restitué à la société FREMAUX DELORME le montant des loyers qui ont été indûment perçus jusqu'au 4ème trimestre 2018 du fait de la baisse de l'indice en 2015, et que le loyer n'était donc pas indexé uniquement à la hausse en fonction de la clause d'indexation ;
- Donner acte à la BANQUE DE FRANCE de ce qu'elle reconnaît devoir à la société FREMAUX DELORME la somme de 54,42 euros au titre du montant de loyers indûment perçu sur les loyers appelés à partir du 1er trimestre 2019 jusqu'au 2ème trimestre 2020 ;
- Débouter en conséquence la société FREMAUX DELORME de ses demandes aux fins de voir réputée non écrite dans son intégralité la clause d'indexation figurant le bail, de voir fixer le loyer au montant annuel initial en principal de 62.078,08 euros, ainsi qu'au remboursement de la somme de 2.066,62 euros.

SUR LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE LA BANQUE DE FRANCE

- Condamner la société FREMAUX DELORME à payer à la BANQUE DE FRANCE la somme de 49.240,86 euros (déduction faite du dépôt de garantie) au titre de ses loyers et charges, et ce avec intérêts à compter du 11 septembre 2019, date du commandement de payer à concurrence de la somme de 17.315,56 euros et pour le surplus à compter de la décision à intervenir ;
- Ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 du code civil ;
- Débouter la société FREMAUX DELORME de toutes ses demandes à toutes fins qu'elles comportent ;
- La condamner à payer à la BANQUE DE FRANCE la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.

* * *

Ainsi que le permet l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l'exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

La clôture de la mise en état a été prononcée le 29 mars 2023.

Décision du 27 Juin 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 19/12113 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQ5IJ

L'affaire a été appelée pour plaidoiries à l'audience collégiale du 21 mars 2024 et mise en délibéré à la date de ce jour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de résolution judiciaire du bail formée par la société FREMAUX DELORME

La société FREMAUX DELORME soutient que la BANQUE DE FRANCE a manqué gravement à ses obligations de délivrance et d'assurer la jouissance paisible. Elle précise qu'elle exploitait le local sous l'enseigne "Yves Delorme", qui est une marque de linge de maison de luxe qui doit à ce titre disposer de boutiques accueillantes et respectant un standing conforme à son image. Elle fait valoir que les conditions de visibilité et d'accessibilité constituent incontestablement l'accessoire des locaux loués et font partie intégrante de ses caractéristiques, que le bailleur ne peut modifier sans l'accord préalable du preneur ; que la jurisprudence ne distingue pas selon que la modification de la chose louée est temporaire ou définitive et qu'en l'espèce, les travaux ont duré au moins 14 mois puisqu'ils n'avaient toujours pas pris fin lors de la restitution des locaux le 5 septembre 2020, et que l'installation d'échafaudages et d'une zone de stockage juste devant l'entrée du magasin a modifié de manière substantielle l'accès du local, qui devait se faire par un passage sombre et peu accueillant, avec présence de déjections et d'urine, incompatible avec le standing du local et l'image de la marque "Yves Delorme". Elle ajoute que les travaux ont privé le local de toute visibilité puisque l'enseigne de la boutique n'était plus visible et que toutes les vitrines étaient occultées par des palissades opaques positionnées en partie basse de l'immeuble. Elle conclut qu'il s'agit également d'une modification substantielle de la chose louée, peu important qu'elle n'ait pas été définitive et que ces modifications sont suffisamment graves pour justifier la résolution du contrat de bail à compter rétroactivement du 21 juin 2019, jour de l'installation des échafaudages, puisqu'elles privent le preneur d'un élément déterminant de son consentement et qu'elle a entraîné des conséquences "catastrophiques" sur l'exploitation de son commerce. Elle considère que l'apposition de deux petites bâches publicitaires financée par la bailleresse n'est pas suffisante ; que la BANQUE DE FRANCE n'a pas déplacé la zone de stockage de matériel installée devant l'entrée du magasin et n'a pas retiré les plaques occultantes qui privent la magasin de toute visibilité et luminosité.
La société FREMAUX DELORME se prévaut également d'un manquement grave du bailleur à son obligation de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée en raison de l'installation de plaques opaques qui a privé le local de toute visibilité et de luminosité, ce qui a entraîné une perte irréversible de clientèle compte tenu de la durée des travaux.
Elle ajoute que la clause de souffrance insérée au bail ne permet pas au bailleur de s'exonérer de son obligation de délivrance dès lors qu'en l'espèce, les travaux n'étaient toujours pas terminés au bout de 14 mois et qu'ils ont entraîné le détournement de la clientèle de la boutique.

En réponse, la BANQUE DE FRANCE soutient ne pas avoir violé le principe énoncé par l'article 1723 du code civil exposant que les travaux d'entretien de l'immeuble destinés à améliorer la performance énergétique du bâtiment (ravalement, réfection de la couverture et changement des fenêtres pour du double vitrage) n'ont pas modifié la forme de la chose louée et n'ont pas supprimé de manière substantielle ou définitive l'accès aux locaux, ni modifié la configuration des lieux, pas plus qu'ils n'ont contraint la locataire à cesser toute activité. Elle ajoute que lesdits travaux, nécessaires à la conservation de l'immeuble, entrent dans le champ d'application de la clause 1 des conditions générales du bail, laquelle est licite, l'article 1723 du code civil n'étant pas d'ordre public, et n'ont occasionné aucune gêne excessive à la jouissance de la locataire. Elle ajoute que l'installation d'un échafaudage et d'une zone de stockage du matériel sont des inconvénients inhérents à des travaux de ravalement et ne peuvent dès lors être considérés comme anormaux.
S'agissant du second grief, la BANQUE DE FRANCE invoque la clause de souffrance stipulée au bail et soutient que les travaux n'ont pas occasionné une gêne excessive à la jouissance de la locataire ; que l'accès à la boutique a toujours été possible et qu'afin d'améliorer la visibilité de la boutique, elle a financé deux affiches publicitaires dont les dimensions ont été validées par la société FREMAUX DELORME ; que les données comptables partiellement communiquées par la partie adverse démontrent que la clientèle ne s'est pas détournée du magasin en juin et juillet 2019. Elle conteste le lien de causalité entre la baisse des chiffres d'affaires de la locataire et les travaux, soutenant que l'activité du réseau des boutiques de la société FREMAUX DELORME était en baisse constante depuis la date d'entrée dans les locaux, le 6 septembre 2014, en raison de l'état du marché français. Elle relève que la société FREMAUX DELORME a brutalement fermé la boutique le 26 novembre 2019, ce qui ne permet pas d'apprécier si la baisse du chiffre d'affaires se serait maintenue ou si elle était ponctuelle.

* * *

L'article 9 de l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, prévoit que ses dispositions entreront en vigueur le 1er octobre 2016, les contrats conclus avant cette date demeurant soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d'ordre public.

Le bail en l'espèce ayant été conclu le 1er septembre 2014, soit antérieurement à l'entrée en vigueur, le 1er octobre 2016, des nouveaux textes du code civil issus de l'ordonnance du 10 février 2016, il convient de faire application des articles du code civil dans leur version antérieure.

En application de l'ancien article 1184 du même code (devenu les articles 1217 et suivants), une partie à un contrat synallagmatique envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec des dommages et intérêts.

L'article 1741 du code civil dispose que le contrat de louage se résout par la perte de la chose louée, et par le défaut respectif du bailleur et du preneur de remplir leurs engagements.

La résolution doit être demandée en justice et il peut être accordé un délai au défendeur selon les circonstances.

Les juges apprécient souverainement si les manquements imputés au défendeur sont assez graves pour justifier la résiliation.

La partie qui demande la résiliation de ce chef doit démontrer le manquement reproché à son cocontractant.

* Sur le grief fondé sur la modification par le bailleur de la chose louée

En application de l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure au 1er octobre 2016, le contrat tient lieu de loi aux parties, qui l'ont conclu.

Selon l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée lui permettant d'exercer l'activité autorisée par le bail.

Aux termes de l'article 1723 du code civil, le bailleur ne peut, pendant la durée du bail, changer la forme de la chose louée.

L'article 1723 s'applique non seulement aux immeubles et portions d'immeubles qui font l'objet principal du bail et dont le preneur a la jouissance privative, mais aussi aux accessoires de la chose louée.

Cette disposition n'est pas d'ordre public et les parties peuvent y déroger.

En l'espèce, les parties sont convenues d'une clause du bail rédigée ainsi :

"CONDITIONS GENERALES (...)
1) (...) Par dérogation à l'article 1723 du Code Civil, le bailleur se réserve la faculté d'apporter toute modification à la chose louée dans le cadre de travaux, réparations, reconstructions, surélévations, améliorations, notamment dans le cadre d'une optimisation énergétique."

La locataire ne conteste pas en l'espèce, que les travaux sur l'immeuble entrepris par le bailleur étaient destinés à améliorer sa performance énergétique et que la clause précitée est applicable. En outre, l'accès au local depuis la voie publique a toujours été possible pendant les travaux.
Par conséquent, le grief allégué n'est pas caractérisé.

* Sur le grief fondé sur le manquement du bailleur à son obligation d'assurer à son locataire la jouissance paisible des locaux loués

Selon l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière de délivrer au preneur la chose louée et d'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

Le bailleur a donc l'obligation de fournir au preneur des locaux en état de servir à l’usage auquel ils sont destinés pendant toute la durée du bail.

Les dispositions de l'article 1719 du code civil précité n'étant pas d'ordre public, il peut y être dérogé par voie conventionnelle.

En l'espèce, les parties sont convenues d'une clause de souffrance dans les conditions générales, 8), qui énonce que : "Le preneur souffrira, quelque gêne qu'ils lui causent, les réparations, reconstructions, surélévations, et améliorations jugées nécessaires à l'immeuble par le bailleur, même si elles ne doivent pas profiter au preneur, sans pouvoir réclamer au bailleur aucune indemnité de quelque nature que ce soit, ni diminution de loyer, quelles qu'en soient l'importance et la durée et, par dérogation à l'article 1724 du Code civil, alors même que cette dernière excéderait quarante jours ; laisser faire, dans les mêmes conditions tous les travaux qui pourraient être exécutés dans les immeubles voisins, notamment aux murs mitoyens et aux conduits de fumée, sans pouvoir non plus réclamer la moindre indemnité ni diminution de loyer".

La licéité de la clause dite de souffrance n'est pas discutée. Il appartient à la société FREMAUX DELORME qui sollicite, nonobstant l'existence de cette clause de souffrance, la résolution judiciaire du bail pour manquement grave du bailleur à son obligation de jouissance paisible pendant les travaux de ravalement et de rénovation de la couverture et des menuiseries de l'immeuble, d'établir que le bailleur lui a, par sa faute, occasionné une gêne anormale excédant les prévisions normales d'une telle clause.

Il est relevé que la présence de la clause de souffrance ne permet pas au bailleur de s'exonérer de son obligation de prendre toutes les dispositions nécessaires pour permettre à sa locataire d'exploiter les lieux conformément à leur destination lors de travaux entrepris, tels que le ravalement de la façade, affectant inévitablement le rez-de-chaussée où se situe la boutique.

Pour étayer la gêne anormale dont elle se plaint, la société FREMAUX DELORME verse aux débats les pièces suivantes :

- des échanges de courriers entre les parties et l'annonce par la société FREMAUX DELORME de la fermeture de la boutique à compter du 26 novembre 2019 sur le fondement de l'exception d'inexécution, par courrier en date du 19 décembre 2019,
- un procès-verbal de constat dressé par un huissier de justice le 27 juin 2019 dont les termes ont été rappelés dans l'exposé du litige,
- des photographies de l'immeuble, de l'échafaudage, des palissades, de la zone de stockage du matériel et de la boutique,
- un procès-verbal de constat dressé par un huissier de justice, le 30 octobre 2019, dont il ressort que depuis la rue, au niveau du 1 place des Victoires, "des palissades opaques ont été installées face à la boutique empêchant toute lumière de passer à cet endroit" ; "le passage pour le public à cet endroit est très sombre" ; [Adresse 9], "les palissades pleines ont été montées sur toute la longueur de l'immeuble, occultant entièrement les vitrines de la boutique de la requérante" et le passage pour le public est très sombre ; qu'au dessus de la palissade, une bâche épaisse a été installée ; que des palissades pleines ont également été installées à gauche de l'accès à la boutique ; qu'au droit de la boutique au sol, sont constatées de petites flaques stagnantes susceptibles d'être de l'urine ; que l'éclairage de la boutique se fait uniquement par des spots électriques ; que toutes les vitrines sur la rue sont obstruées.
- des échanges de courriers électroniques concernant la prise en charge par la mairie de [Localité 16] des "déjections canines au [Adresse 1]" le 3 septembre 2019,
- une photographie de l'immeuble bâché avec présence de palissades et d'une zone de stockage de matériel issue de "google street view" datée du mois d'août 2020 et une photographie datée de mai 2021 montrant que la bâche et les palissades ont été retirées, seule demeurant la zone de stockage de matériel,
- des bilans comptables pour les années 2019 et 2021,
- une attestation d'un commissaire aux comptes,
- une attestation des chiffres d'affaires de la boutique place des Victoires.

Il ressort de ces éléments que l'accès à la boutique place des Victoires était toujours possible par le trottoir, de sorte qu'il ne peut être reproché au bailleur un manquement sur ce point.

S'agissant en revanche de la visibilité des locaux, elle est, depuis la rue, très limitée. D'ailleurs, les photographies du constat d'huissier montrent que l'enseigne au-dessus de l'entrée de la boutique est masquée par l'échafaudage et que le stockage du matériel du chantier a été installé devant l'entrée du local sur la chaussée ; que les vitrines de la boutique, [Adresse 18], sont masquées par des palissades, le passage des piétons s'effectuant [Adresse 18] sur la chaussée entre des barrières de chantier et les palissades masquant les vitrines.

Si la société FREMAUX DELORME conteste le choix d'implantation du stockage du matériel du chantier, en considérant qu’il pouvait être placé à un endroit beaucoup moins dommageable pour elle, elle se garde toutefois bien de préciser de quel endroit il aurait pu s'agir. Eu égard à la configuration des lieux, le choix de cet emplacement répondait manifestement aux objectifs, non critiquables, de faciliter les travaux sur l'immeuble à l'angle de [Adresse 12] et [Localité 10] et de ne pas empiéter sur le trottoir place des Victoires.

Quant aux palissades opaques masquant les vitrines, elles sont avérées par les pièces produites et leur présence n'est au demeurant pas contestée par la BANQUE DE FRANCE.

Décision du 27 Juin 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 19/12113 - N° Portalis 352J-W-B7D-CQ5IJ

Il ressort cependant du dossier que la BANQUE DE FRANCE a proposé, le 17 juin 2019, au preneur de financer deux bâches publicitaires à l'effigie de son enseigne apposées sur l'échafaudage mais que la société FREMAUX DELORME n'a sollicité leur installation que le 29 juillet 2019 en transmettant les fichiers graphiques nécessaires. La BANQUE DE FRANCE justifie avoir commandé les bâches publicitaires en août 2019 et avoir remboursé à la locataire les frais de création graphique pour un montant de 2.304 euros TTC. Certes, les dimensions des bâches sont réduites par rapport à celles demandées par la locataire, mais la BANQUE DE FRANCE explique qu'une taille supérieure aurait obstrué les fenêtres de certains des résidents de l'immeuble, ce qui n'était pas envisageable et ce qui n'est pas contesté par la société FREMAUX DELORME.

Il est donc justifié par le bailleur de mesures prises pour améliorer la visibilité de la boutique de la société FREMAUX DELORME, tandis qu’il n’est pas avéré que les travaux ont occasionné une gêne anormale excédant les prévisions de la clause de souffrance.

Par ailleurs, il incombe à la société FREMAUX DELORME de démontrer que son choix de mettre fin au bail est bien lié à la baisse de visibilité du fait des travaux qui a conduit à une baisse de fréquentation de la boutique et du chiffre d'affaires.

Or, la société FREMAUX DELORME a exploité sa boutique pendant le temps des travaux, jusqu'à sa fermeture, sans qu'il soit possible d'affirmer avec certitude que cette fermeture, signalée après-coup au bailleur, était motivée uniquement par l'exécution des travaux.

En effet, les documents comptables produits révèlent un chiffre d'affaires en hausse en juin 2019 (16.281,52 euros) par rapport à juin 2018 (12.677,87 euros) et équivalent en juillet 2019 (17.286,19 euros) par rapport à juillet 2018 (17.096,05 euros). Ce n'est qu'à compter d'août 2019 que le chiffre d'affaires mensuel a baissé par rapport à celui de l'année précédente, sans que sur l'année comptabilisée de janvier à novembre compte tenu de la fermeture de la boutique fin novembre 2019, la différence soit significative (122.418,29 euros de janvier à novembre 2019 - 128.267 euros de janvier à novembre 2018).
Or, les chiffres d'affaires communiqués corroborent une tendance baissière assez forte de l'activité avant la réalisation de tous travaux puisque le chiffre d'affaires de la boutique est passé de 210.318,18 euros en 2016, à 159.614,32 euros en 2017 puis à 141.919,28 euros en 2018. Ainsi, dès juin 2014, il était écrit dans le procès-verbal du conseil d'administration de la société FREMAUX DELORME que "pour la première année, le marché le plus tendu pour nous est la France où la situation économique continue à se dégrader pour les ménages" ; que pour Yves Delorme, "notre activité chez les détaillants est en baisse de 19 %, en baisse continue depuis plusieurs années". Si la société FREMAUX DELORME expose qu'au sens de la direction de la société, les détaillants ne sont pas les boutiques Yves Delorme de la société mais des revendeurs détaillants (achats et concessions), il est également écrit que "le ralentissement de l'Economie se ressent également dans nos Boutiques en Europe, toutefois nous arrivons à maintenir notre activité" et dans les prévisions pour 2014, il est indiqué : "notre marché phare la France en grande difficulté" ; que cette tendance s'est confirmée en novembre 2014 puisqu'il est écrit dans le procès-verbal du conseil d'administration de la société FREMAUX DELORME que "la France où la situation économique continue de se dégrader, constitue pour notre société le marché le plus difficile". Par ailleurs, il est aussi constant que la dégradation de l'activité de la société FREMAUX DELORME peut être également en lien avec des circonstances extérieures aux travaux, telles que les manifestations des Gilets jaunes, ainsi que le relève la BANQUE DE FRANCE.

La partie défenderesse fait valoir en outre que la société FREMAUX DELORME a fermé 13 établissements, dont 5 existaient depuis plus de 15 ans, et relève qu'elle possède 16 magasins à [Localité 16], dont un situé à [Adresse 4] dans le [Adresse 8], éléments que la société FREMAUX DELORME conteste, tout en reconnaissant que la boutique de [Localité 13] a été fermée sans être transférée le 31 décembre 2018 et que celle du centre commercial à [Localité 15] l'a été en janvier 2020 ainsi qu'un établissement du réseau annexe SOUSSIGNEE / YVES DELORME OUTLET ; que s'agissant des quatre autres fermetures de boutiques ([Localité 17], [Localité 19], [Localité 11] et [Localité 14]), elles sont intervenues pendant la crise sanitaire entre décembre 2020 et juillet 2021.

Il résulte de ce qui précède que les travaux n'ont pas été réalisés en violation d'une quelconque prescription légale, administrative ou conventionnelle ; que, de surcroît, si leur durée semble in fine particulièrement longue, la société FREMAUX DELORME a annoncé la fermeture de la boutique dès le 26 novembre 2019, soit environ 5 à 6 mois après le début des travaux, durée qui concernant le ravalement et la réfection des menuiseries d'un immeuble hausmannien de plusieurs étages ne paraît pas anormale. De plus, elle sollicite la résolution judiciaire du bail dès le 21 juin 2019, date d'installation des échafaudages, alors que le seul fait pour le bailleur d'entreprendre des travaux de rénovation de l'immeuble n'est pas fautif.

Dès lors, la société FREMAUX DELORME échoue dans l'administration de la preuve qui lui incombe de caractériser un manquement grave du bailleur à ses obligations justifiant la résolution judiciaire rétroactive du bail, alors qu'elle ne réglait plus les loyers.

Elle sera par conséquent déboutée de sa demande de résolution judiciaire rétroactive du bail aux torts du bailleur ainsi que de ses demandes subséquentes de remboursement des loyers versés et du dépôt de garantie.

Sur la validité de la clause d'indexation et la demande de remboursement des sommes indûment versées

Le bail stipule une clause d'échelle mobile insérée dans le paragraphe "LOYER" ainsi rédigée :

"Le présent bail est consenti et accepté moyennant un loyer annuel de SOIXANTE DEUX MILLE SOIXANTE DIX-HUIT EUROS ET HUIT CENTIMES (62 078,08 €) hors taxes et hors charges, en principal, que le preneur s'engage à payer d'avance, au bailleur en quatre termes, les 1er janvier, avril, juillet et octobre de chaque année.
Les loyers afférents aux locaux ci-dessus désignés seront indexés à la hausse uniquement en fonction de l'indice des loyers commerciaux publié trimestriellement par l'INSEE.
La présente clause d'échelle mobile ne sera pas exclusive de la faculté pour chacune des parties de demander la révision du loyer prévu au présent bail dans les conditions de l'article L 145-38 du Code de commerce.
Le réajustement du loyer se fera en vertu de la présente clause tous les ans à la date anniversaire de l'entrée en jouissance, le loyer devant varier, à la hausse uniquement, du même pourcentage que l'indice susvisé. L'indexation jouera automatiquement et de plein droit, sans qu'il soit besoin d'une notification préalable.
L'indice de base retenu comme correspondant à la fixation du loyer initial est, de l'accord des parties, celui du 1er trimestre 2014, et qui s'établit à 108,50. Pour le premier réajustement à intervenir, cet indice sera comparé à celui du 1er trimestre de l'année 2015, lequel servira de base de comparaison par rapport à celui du 1er trimestre 2016, pour le deuxième réajustement, et ainsi de suite.

Si, au cours du bail ou de l'occupation des lieux, la publication de cet indice devait cesser, il serait fait application de l'indice qui se substituerait à celui-ci".

La société FREMAUX DELORME soutient que les alinéas 2 à 6 de cette clause doivent être réputés non écrits en leur intégralité en application de l'article L. 112-1 du code monétaire et financier en ce qu'elle ne permet que la variation du loyer à la hausse. Elle fait valoir que dans le paragraphe "LOYER", il est stipulé deux fois que le loyer ne variera qu'à la hausse, ce qui démontre le caractère essentiel pour le bailleur de cette modalité d'exécution. Elle sollicite la condamnation du bailleur à lui restituer les trop perçus de loyer indexés depuis la conclusion du bail, soit la somme de 2.066,62 euros.

La BANQUE DE FRANCE réplique que cette clause d'indexation insérée dans le bail ne saurait être réputée non écrite en son entier, comme l'a jugé la Cour de cassation dans un arrêt du 6 février 2020 (n°18-24599) ; que le preneur ne saurait réclamer au bailleur le remboursement de toutes les sommes perçues par le jeu de la clause d'indexation, mais uniquement la restitution des sommes dont il a été privé par l'absence de prise en compte de l'indexation à la baisse de l'indice.
Elle explique qu'en l'espèce, l'indice n'a baissé qu'au 1er trimestre 2015 (108,32 alors qu'il était de 108,5 au 1er trimestre 2014) mais que pour les années postérieures, il a constamment augmenté (108,4 au 1er trimestre 2016, 109,46 au 1er trimestre 2017 puis 111,87 au 1er trimestre 2018). Elle en conclut qu'elle ne doit rembourser que la somme de 205,09 euros, somme dont elle s'est déjà acquittée le 14 juin 2019, outre une somme de 54,42 euros après avoir appelé le loyer du 2ème trimestre 2020.

* * *

L'article L. 112-1 du code monétaire et financier dispose :
"Sous réserve des dispositions du premier alinéa de l'article L. 112-2 et des articles L. 112-3, L. 112-3-1 et L. 112-4, l'indexation automatique des prix de biens ou de services est interdite.
Est réputée non écrite toute clause d'un contrat à exécution successive, et notamment des baux et locations de toute nature, prévoyant la prise en compte d'une période de variation de l'indice supérieure à la durée s'écoulant entre chaque révision (...)".

En application de ce texte, il est constant qu'une clause d'indexation qui stipule que le loyer ne peut être révisé qu'à la hausse, comme c'est le cas en l'espèce, doit être réputée non écrite en ce qu'elle exclut la réciprocité de la variation, faussant ainsi le jeu normal de l'indexation dont le propre est de faire varier à la hausse ou à la baisse le loyer. La bailleresse ne le conteste d'ailleurs aucunement, puisqu'elle demande simplement que le tribunal constate que cette stipulation est dissociable du reste de la clause et peut être réputée non écrite sans que la sanction soit étendue au reste de la clause d'indexation.

Aux termes de l'article 1217 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable à l'espèce, l'obligation est divisible ou indivisible selon qu'elle a pour objet ou une chose qui dans sa livraison, ou un fait qui dans l'exécution, est ou n'est pas susceptible de division, soit matérielle, soit intellectuelle.

L'indivisibilité matérielle peut s'entendre d'un obstacle technique qui rendrait la clause inapplicable du seul fait de sa suppression et l'indivisibilité intellectuelle, de la volonté des parties qui ont donné un caractère déterminant à la clause sans laquelle elles n'auraient pas contracté.

En l'espèce, la clause litigieuse est matériellement divisible puisqu'il n'existe pas d'obstacle technique à l'application de la clause retranchée des seules formules d'indexation illicites. Par ailleurs, le seul fait de mentionner deux fois (dans les alinéas 2 et 4) la seule variation à la hausse ne permet pas de déduire que les parties ont entendu donner un caractère déterminant à cette partie de la clause. L'indivisibilité intellectuelle n'est donc pas caractérisée.

De ce fait, la clause d'indexation est divisible, de sorte que seule la stipulation litigieuse suivante : "à la hausse uniquement" figurant dans les alinéas 2 et 4, est réputée non écrite ; le reste de la clause d'indexation est applicable.
L'ancien article 1235 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, dispose que tout payement suppose une dette ; ce qui a été payé sans être dû est sujet à répétition.

Selon les anciens articles 1376 et 1377 dudit code, applicables au présent litige, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu.

En application de l'ancien article 1315 (devenu l'article 1353) du code civil, il appartient à celui qui réclame le paiement d'une somme de produire les pièces justificatives permettant au tribunal de constater et de vérifier, outre l'existence de l'obligation de payer, l'exactitude des sommes réclamées.

Seule la stipulation, dans la clause d'indexation, d'un plancher empêchant la variation du montant du loyer à la baisse étant réputée non écrite, le reste de ladite clause restant applicable, le loyer a pu varier avec l'évolution de l'indice des loyers commerciaux, tant à la hausse qu'à la baisse.

Dès lors, la demande principale de la locataire tendant à la restitution du différentiel entre le montant des loyers qu'elle a payés et le montant qu'elle aurait dû payer si la clause d'indexation avait été entièrement réputée non écrite, sera rejetée.

En revanche, la BANQUE DE FRANCE reconnaît avoir remboursé la somme de 205,09 euros le 14 juin 2019, et être redevable encore de la somme de 54,42 euros. Elle détaille dans ses écritures le calcul des loyers payés à partir du 4ème trimestre 2015 et le calcul des loyers que la locataire aurait dû régler si la révision à la baisse avait été appliquée, soit :
- la somme de 15.493,77 euros au 4ème trimestre 2015, au lieu de celle de 15.519,52 euros appelée, soit un différentiel de 25,75 euros par trimestre et de 103 euros pour l'année,
- la somme de 15.505,22 euros au 4ème trimestre 2016, au lieu de celle de 15.530,98 euros appelée, soit un différentiel de 25,76 euros par trimestre et de 103,04 euros pour l'année,
- la somme de 15.656,84 euros au 4ème trimestre 2017 au lieu de celle de 15.682,85 euros appelée, soit un différentiel de 26,01 euros par trimestre et de 104,04 euros pour l'année,
- la somme de 16.001,55 euros au 4ème trimestre 2018, au lieu de celle de 16.028,14 euros appelée, soit un différentiel de 26,59 euros par trimestre et de 106,36 euros pour l'année.

Le différentiel s'élève ainsi à 416,44 euros, outre le cas échéant le trop-appelé à compter du 4ème trimestre 2019 pour lequel les parties n'apportent aucune explication, notamment sur l'indice, mais que la BANQUE DE FRANCE chiffre sans contestation de la partie adverse à la somme de 54,42 euros qui sera donc retenue par le tribunal.

Dans la mesure où la BANQUE DE FRANCE a d'ores et déjà remboursé la somme de 205,09 euros le 14 juin 2019, elle est condamnée à verser à la société FREMAUX DELORME la somme de 265,77 euros ((416,44 + 54,42) - 205,09) au titre des loyers trop perçus.

Sur la validité du commandement visant la clause résolutoire

La société FREMAUX DELORME soutient que le commandement de payer du 11 septembre 2019 est nul et de nul effet aux motifs :
- A titre principal, qu'il est sans cause puisque le bail était résolu au jour de sa délivrance ;

- A titre subsidiaire, que la BANQUE DE FRANCE a manqué à ses obligations contractuelles en modifiant unilatéralement la forme de la chose louée et en n'assurant pas à son locataire la jouissance paisible promise et que la locataire était fondée à suspendre le paiement des loyers en application de l'article 1219 du code civil ; que le commandement visant la clause résolutoire du 11 septembre 2019 ne vise dès lors aucune créance certaine, liquide ni exigible ajoutant que la clause d'indexation est réputée non écrite ;
- que le commandement visant la clause résolutoire a été délivré de mauvaise foi par la bailleresse.

La BANQUE DE FRANCE réplique que le commandement de payer notifié le 11 septembre 2019 n'était pas sans cause, le bail n'étant pas résolu le jour de sa délivrance et qu'il ne saurait être déclaré nul et de nul effet. Elle fait valoir que la société FREMAUX DELORME, n'étant pas dans l'impossibilité absolue et totale d'utiliser les locaux au regard de l'activité prévue au bail, n'était pas fondée à suspendre le paiement de ses loyers, l'article 1219 nouveau du code civil étant au demeurant inapplicable. Elle ajoute que la boutique est restée accessible pendant les travaux ; que la cessation de l'activité de la locataire dans ce point de vente résulte de la décision qu'elle a prise le 26 novembre 2019, de le fermer, suite aux événements sociaux conjugués avec la dégradation de son activité depuis plusieurs exercices ; que la société FREMAUX DELORME ne démontre pas avoir subi une perte irréversible de clientèle de cette boutique du seul fait des travaux.
La bailleresse conclut que la société FREMAUX DELORME qui a donné congé le 21 février 2020 pour le 5 septembre 2020, n'a réglé aucun loyer ni charges depuis le 2ème trimestre 2019 et que le commandement vise une créance certaine, liquide et exigible, pour porter sur des sommes dues contractuellement et impayées.

* * *

Aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Ces dispositions sont d'ordre public et les parties ne peuvent y déroger.

En application de l'article 1353 ancien du code civil, il appartient au bailleur d'apporter la preuve des obligations auxquelles il reproche au preneur d'avoir manqué tandis qu'il incombe à celui-ci de démontrer qu'il les a exécutées.

En l'espèce, le bail du 1er septembre 2014 liant les parties comporte en page 6, une clause résolutoire applicable notamment en cas de "défaut de paiement à son échéance d'un seul terme de loyer ou accessoires, et un mois après un commandement de payer ou une sommation d'exécuter restés sans effet".

Le commandement signifié à la société FREMAUX DELORME le 11 septembre 2019 vise la clause résolutoire du contrat de bail commercial et mentionne le délai d'un mois précité.
Il porte sur un arriéré locatif selon décompte joint de 17.315,56 euros outre les frais de l'acte de 213,09 euros.

- Sur l'exigibilité des sommes visées dans le commandement de payer du 11 septembre 2019

Pour être valable, le commandement de payer doit informer clairement le locataire du manquement qui lui est reproché, et notamment lorsqu'il s'agit du paiement des loyers, préciser le montant, la cause, la nature et la date d'exigibilité de la somme réclamée.

En l'espèce, la société FREMAUX DELORME se prévaut de l'exception d'inexécution en raison du manquement du bailleur à ses obligations du fait des travaux pour soutenir qu'elle était fondée à ne pas payer les loyers et les charges sur le fondement de l'article 1219 du code civil.

Or, d'une part, cette disposition, entrée en vigueur à compter du 1er octobre 2016, n'est pas applicable en l'espèce s'agissant d'un bail conclu le 1er septembre 2014. Et, d'autre part, à la date de délivrance du commandement de payer, aucun manquement du bailleur n'est caractérisé, dès lors que les travaux avaient commencé en juin 2019.

Par conséquent, la société FREMAUX DELORME ne peut valablement se prévaloir de l'exception d'inexécution pour soutenir que les loyers n'étaient pas dûs à la date de délivrance du commandement.

Par ailleurs, la société FREMAUX DELORME se prévaut de l'illécéité des loyers indexés. Or, le tribunal a jugé qu'au 3ème trimestre 2019 inclus, le différentiel entre les loyers dûs et les loyers appelés s'élevait à la somme de 416,44 euros.

Or, il est constant qu'un commandement de payer qui serait notifié pour une somme erronée et supérieure au montant de la créance réelle du bailleur au titre des loyers n'est pas nul mais ne produit ses effets qu'à due concurrence des sommes exigibles.

En l'espèce, le commandement de payer visant la clause résolutoire est donc valable à concurrence de la somme de 16.899,12 euros (17.315,56 - 416,44).

- Sur la mauvaise foi alléguée du bailleur

En application des dispositions de l'ancien article 1134 du code civil, applicable en l'espèce, les contrats doivent être exécutés de bonne foi.

Il convient de rappeler à ce titre que sont privés d'effet les commandements de payer visant la clause résolutoire, qui, quoique répondant aux conditions légales, sont délivrés de mauvaise foi par le bailleur, soit dans des circonstances démontrant sa volonté d'exercer déloyalement sa prérogative de mise en jeu de la clause résolutoire, la preuve de la mauvaise foi du bailleur incombant au preneur qui l'invoque et s'appréciant au jour où le commandement a été délivré.

En l'espèce, la société FREMAUX DELORME soutient que la mauvaise foi est établie pour deux raisons :
- La suspension du paiement du loyer du 3ème trimestre 2019 résulte directement du manquement grave du bailleur à son obligation de délivrance et de jouissance paisible ;

- Le commandement a été adressé à la boutique Yves Delorme et non pas au siège social de la société FREMAUX DELORME où se situe le service juridique seul habilité à recevoir et à traiter cette sommation dans les délais requis ; que la BANQUE DE FRANCE ne pouvait ignorer que le commandement, pour être efficacement traité, devait être adressé au siège social puisque l'ensemble des correspondances précédemment échangées émanaient ou étaient adressées au siège social de la société FREMAUX DELORME, et ce depuis plusieurs années.

Le premier moyen a déjà été examiné par le tribunal et rejeté.

S'agissant du second moyen, ainsi que le relève le bailleur, le commandement de payer peut valablement être délivré à l'adresse des lieux loués, en cas de clause d'élection de domicile dans ceux-ci.

En l'espèce, le bail prévoit expressément en page 6 une clause "ELECTION DE DOMICILE" qui stipule : "pour l'exécution des présentes et notamment pour la signification de tous actes, il est fait élection de domicile attributif de juridiction, dans le seul intérêt du bailleur :
(...)
- pour le preneur dans les lieux loués".

En conséquence, le commandement a été valablement notifié à l'adresse des locaux donnés à bail. En outre, il est relevé que la société FREMAUX DELORME qui a fait opposition dans le mois du commandement en saisissant le tribunal le 10 octobre 2019, ne démontre pas que la signification à l'adresse du domicile élu l'a empêchée d'exercer ses droits. Le moyen sera donc rejeté.

Dès lors, la société FREMAUX DELORME sera déboutée de sa demande tendant à voir juger que le commandement visant la clause résolutoire est nul et de nul effet.

Sur la demande subsidiaire de suspension des effets de la clause résolutoire et de délais de paiement formée par la société FREMAUX DELORME

La société FREMAUX DELORME expose que sa bonne foi doit être présumée et que le commandement ne concerne que l'échéance du 3ème trimestre 2019 alors que la visibilité du local était impactée par l'installation de l'échafaudage. Elle sollicite un délai de 24 mois pour exécuter l'obligation mise à sa charge, et la suspension consécutive des effets de la clause résolutoire.

La BANQUE DE FRANCE s'oppose à cette demande, relevant en particulier que la société FREMAUX DELORME a donné congé pour le 5 septembre 2020 et a mis fin à son bail.

L'ancien article 1244-1, devenu l'article 1343-5 du code civil, énonce que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Conformément à l'article 9 du code de procédure civile, il incombe au débiteur qui sollicite le bénéfice de ces dispositions de produire tous les éléments justifiant du bien fondé de sa demande; l'octroi d'un délai de grâce exige du débiteur qu'il prouve non seulement sa situation financière et patrimoniale, mais également qu'un échelonnement ou un report est opportun.

En l'espèce, force est de constater que la société FREMAUX DELORME a réalisé en 2021 un chiffre d'affaires de plus de 87 millions et est donc en capacité de régler sa dette. Compte tenu de la date de l'arriéré, il n'est donc pas opportun d'accorder des délais de paiement à la partie demanderesse qui est redevable de cette somme depuis juillet 2019 et a de fait, bénéficié des plus larges délais de paiement.

Par ailleurs, le bail a pris fin le 5 septembre 2020 suite au congé délivré par le preneur, de sorte que la suspension des effets de la clause résolutoire n'apparaît pas opportune, étant au surplus observé que la bailleresse ne sollicite pas, dans le cadre de la présente instance, que l’acquisition de la clause résolutoire soit constatée.

Au vu de ces éléments, la société FREMAUX DELORME sera déboutée de sa demande de délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire.

Sur la demande de dommages-intérêts formée par la société FREMAUX DELORME

La société FREMAUX DELORME explique que les travaux réalisés par la BANQUE DE FRANCE et l'installation d'un échafaudage, lui ont causé un trouble de jouissance grave et lui ont fait perdre sa clientèle de manière irréversible. Elle soutient ainsi avoir perdu son fonds de commerce et sollicite en réparation de son préjudice financier la somme de 800.000 euros correspondant à la valeur du droit au bail telle qu'estimée par l'expert qu'elle a mandaté unilatéralement, Monsieur [Z] [O]. Elle expose également avoir subi une atteinte à son image évaluée à la somme de 20.000 euros. Enfin elle demande que la BANQUE DE FRANCE lui rembourse la somme de 1.920 euros hors taxes au titre des frais engagés pour la création des bâches publicitaires.

Dès lors que le tribunal n'a pas retenu de manquement du bailleur ni de lien de causalité entre la perte de clientèle alléguée et les travaux, les demandes indemnitaires de la société FREMAUX DELORME ne peuvent qu’être rejetées.

S'agissant des frais engagés pour la création des bâches publicitaires, la société FREMAUX DELORME produit une facture de la société TALON AIGUILLE en date du 31 août 2019 d'un montant de 1.920 euros hors taxes. Or, la BANQUE DE FRANCE a accepté de les prendre en charge et justifie du règlement de cette facture directement auprès de la société TALON AIGUILLE le 19 novembre 2020. Il n'est donc pas justifié de faire droit à la demande de remboursement de cette somme que la société FREMAUX DELORME n'a finalement pas supportée.

Sur la demande reconventionnelle de la BANQUE DE FRANCE

La BANQUE DE FRANCE expose que la locataire n'a effectué aucun règlement depuis le commandement de payer visant la clause résolutoire ; que la société FREMAUX DELORME a donné congé le 21 février 2020 pour le 5 septembre 2020 et est redevable de la somme de 49.240,86 euros après déduction du dépôt de garantie de 16.397,77 euros. Elle précise qu'elle a exonéré la locataire du loyer et des charges pour le 2ème trimestre 2020 ainsi que de la moitié de la contribution annuelle pour les revenus locatifs.

La société FREMAUX DELORME se prévaut de l'exception d'inexécution pour conclure au rejet de cette demande rappelant que l'échafaudage était encore en place lors de la fin du bail le 5 septembre 2020.

Le tribunal n'a pas fait droit aux demandes précédentes de la société FREMAUX DELORME et n'a notamment pas considéré que son départ des lieux dès le 26 novembre 2019 était en lien avec les travaux.

Par conséquent, l'exception d'inexécution ne peut prospérer.

Le décompte produit par la BANQUE DE FRANCE n'étant pas contesté, la société FREMAUX DELORME est condamnée à lui payer la somme de 49.240,86 euros au titre des loyers et charges dûs, échéance du 3ème trimestre 2020 incluse, et ce avec intérêts à compter du 11 septembre 2019, date du commandement de payer à concurrence de la somme de 16.899,12 euros et pour le surplus, à compter de la présente décision, conformément à la demande. Les intérêts pourront être capitalisés, en application de l'article de l'article 1343-2 du code civil.

Sur la compensation entre les sommes dues entre les parties

La société FREMAUX DELORME et la BANQUE DE FRANCE se doivent réciproquement des sommes au titre de l'arriéré locatif et de l'indexation des loyers. Il convient d'ordonner la compensation des sommes dues de part et d'autre en application de l'article 1347 du code civil.

Sur les demandes accessoires

Succombant principalement à l'instance, la société FREMAUX DELORME est condamnée aux dépens.

L'équité ne justifie pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes de ce chef formées par les parties sont rejetées.

L'ancienneté de l'affaire et sa nature justifient que l'exécution provisoire de la présente décision soit ordonnée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,

DÉBOUTE la S.A.S. FREMAUX DELORME de l'ensemble de ses demandes,

CONDAMNE la BANQUE DE FRANCE à payer à la S.A.S. FREMAUX DELORME la somme de 265,77 euros (deux cent soixante-cinq euros et soixante-dix-sept centimes) au titre des loyers trop perçus,

CONDAMNE la S.A.S. FREMAUX DELORME à verser à la BANQUE DE FRANCE la somme de 49.240,86 euros (quarante-neuf mille deux cent quarante euros et quatre-vingt-six centimes) au titre des loyers et charges dûs, échéance du 3ème trimestre 2020 incluse, et ce avec intérêts à compter du 11 septembre 2019, date du commandement de payer à concurrence de la somme de 16.899,12 euros (seize mille huit cent quatre-vingt-dix-neuf euros et douze centimes) et pour le surplus, à compter de la présente décision,

DIT que les intérêts pourront être capitalisés, en application de l'article de l'article 1343-2 du code civil,

ORDONNE la compensation des sommes dues réciproquement par la S.A.S. FREMAUX DELORME et la BANQUE DE FRANCE,

DIT n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile et déboute la S.A.S. FREMAUX DELORME et la BANQUE DE FRANCE de leurs demandes de ce chef,

CONDAMNE la société FREMAUX DELORME aux dépens,

ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.

Fait et jugé à [Localité 16] le 27 Juin 2024

Le GreffierLe Président
Henriette DUROLucie FONTANELLA


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 18° chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 19/12113
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-27;19.12113 ?
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