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25/06/2024 | FRANCE | N°22/02648

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 25 juin 2024, 22/02648


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expédition exécutoire
délivrée le :
à Maître ASSOUS

Copies certifiées conformes
délivrées le :
à Maître BRACQUEMONT
et Maître ANQUETIL


â– 


8ème chambre
1ère section


N° RG 22/02648
N° Portalis 352J-W-B7G-CV77C


N° MINUTE :


Assignation du :
26 Janvier 2022










JUGEMENT
rendu le 25 Juin 2024

DEMANDERESSE

S.A. SECURITE PIERRE INVESTISSEMENTS
[Adresse 7]
[Localité 1]

reprÃ

©sentée par Maître Emilie ASSOUS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0866


DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] représenté par son syndic, la société NATION GESTION CONSEIL
[Adresse 10]
[Loc...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expédition exécutoire
délivrée le :
à Maître ASSOUS

Copies certifiées conformes
délivrées le :
à Maître BRACQUEMONT
et Maître ANQUETIL

â– 

8ème chambre
1ère section


N° RG 22/02648
N° Portalis 352J-W-B7G-CV77C

N° MINUTE :

Assignation du :
26 Janvier 2022

JUGEMENT
rendu le 25 Juin 2024

DEMANDERESSE

S.A. SECURITE PIERRE INVESTISSEMENTS
[Adresse 7]
[Localité 1]

représentée par Maître Emilie ASSOUS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0866

DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] représenté par son syndic, la société NATION GESTION CONSEIL
[Adresse 10]
[Localité 9]

représenté par Maître Arthur ANQUETIL de l’AARPI ANQUETIL ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0156

Décision du 25 Juin 2024
8ème chambre
1ère section
N° RG 22/02648 - N° Portalis 352J-W-B7G-CV77C

SOCIETE ANONYME DE DEFENSE ET D’ASSURANCE (SADA)
[Adresse 4]
[Localité 3]

représenté par Maître Laure BRACQUEMONT de la SELEURL LBCA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2364

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Madame Muriel JOSSELIN-GALL, Vice-présidente
Monsieur Julien FEVRIER, Juge

assistés de Madame Lucie RAGOT, Greffière

DÉBATS

A l’audience du 21 Mars 2024, tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 Juin 2024.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

La SA Sécurité Pierre Investissements (ci-après "la société Sécurité Pierre Investissements") est propriétaire de l'immeuble sis [Adresse 6] à [Localité 12], mitoyen de l'immeuble sis [Adresse 2], soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis et assuré auprès de la Société Anonyme de Défense et d'Assurance (ci-après "la SADA").

Au cours de l'année 2016, alors que la société Sécurité Pierre Investissements avait engagé des travaux de réfection d'un local situé au rez-de-chaussée de son immeuble, il a été constaté la présence d'infiltrations au sein dudit local, ainsi que dans l'appartement du dessus, au premier étage, ce qui a entraîné l'arrêt des travaux.

Par ordonnance du 06 septembre 2018, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, saisi par la société Sécurité Pierre Investissements, a prononcé une mesure d'expertise judiciaire et commis pour y procéder Mme [J] [K].

Le rapport d'expertise judiciaire a été déposé le 12 février 2020.

Par acte du 16 juin 2020, la société Sécurité Pierre Investissements a à nouveau assigné en référé le syndicat des copropriétaires de l'immeuble mitoyen sis [Adresse 2] afin de le voir condamner à exécuter les travaux de remise en état préconisés par l'expert judiciaire.

Par ordonnance du 09 octobre 2020, le juge des référés a, principalement, débouté le syndicat des copropriétaires de ses demandes de réalisation de travaux sous astreinte.

Par exploits d'huissier du 26 janvier 2022 et du 18 février 2022, la société Sécurité Pierre Investissements a fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble en cause, représenté par son syndic en exercice, et son assureur, la SADA, aux fins essentielles d'indemnisation de ses préjudices et d'exécution de travaux.

Par ordonnance du 17 janvier 2023, le juge de la mise en état a, principalement, débouté le syndicat des copropriétaires de ses demandes tendant à déclarer irrecevable la demande de la société Sécurité Pierre Investissements tirée de l'absence d'intérêt à agir, d'une part, et à rejeter la demande de réalisation de travaux sous astreinte formée par la société Sécurité Pierre Investissements, d'autre part.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 08 septembre 2023, la société Sécurité Pierre Investissements demande au tribunal de :

"Vu les articles 540 et 1240 du code civil,
Vu les articles 695, 696 et 700 du code de procédure civile,
Vu les pièces versées au débat,
- Déclarer la société Sécurité Pierre Investissements recevable et bien fondée en ses demandes, -
Débouter le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 12] représenté par la société Nation Gestion Conseil de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
En conséquence :
- Condamner in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 12] représenté par la société Nation Gestion Conseil et la société Société Anonyme de Défense et d'Assurance à payer à la société Sécurité Pierre Investissements la somme de 221.690,96 euros, au titre de l'indemnisation de son préjudice,
- Condamner in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 12] représenté par la société Nation Gestion Conseil et la société Société Anonyme de Défense et d'Assurance à payer à la société Sécurité Pierre Investissements, la somme de 2.255 euros, à titre de remboursement des frais avancés par ses soins,
- Ordonner au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 12] représenté par la société Nation Gestion Conseil qu'il entreprenne les travaux qui lui incombent, à savoir le remplacement de la descente d'eaux pluviales et ménagères extérieure par deux descentes, l'une en zinc pour les eaux pluviales, l'autre en fonte pour les eaux usées, dont la ou les factures devront être produites, le tout sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification de la décision à intervenir,
- Condamner in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 12] représenté par la société Nation Gestion Conseil et la société Société Anonyme de Défense et d'Assurance à payer à la société Sécurité Pierre Investissements la somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamner in solidum le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 12] représenté par la société Nation Gestion Conseil et la société Société Anonyme de Défense et d'Assurance aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise judiciaire à hauteur de 6.603 euros,
- Dire n'y avoir pas lieu à écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir".

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 18 septembre 2023, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal de :

"Vu les articles 1101 et suivants et 1240 du code civil,
Vu l'article 122 du code de procédure civile,
Vu les pièces produites aux débats,
1°/ titre principal sur les demandes de la société Sécurité Pierre Investissements :
1.1 Sur la demande de réalisation de travaux sous astreinte :
- Dire et juger la société Sécurité Pierre Investissements mal fondée en sa demande de réalisation de travaux sous astreinte de " remplacement de la descente d'eaux pluviales et ménagères extérieure par deux descentes, l'une en zinc pour les eaux pluviales, l'autre en fonte pour les eaux usées " à l'encontre du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 12] ;
En conséquence :
- Débouter la société Sécurité Pierre Investissements de sa demande de réalisation de travaux sous astreinte à l'encontre du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 12] ;
1.2 Sur les demandes de condamnations pécuniaires :
- Dire et juger la société Sécurité Pierre Investissements mal fondée en toutes ses demandes à l'encontre du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 12] ;
En conséquence :
- Débouter la société Sécurité Pierre Investissements de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 12] ;
2°/ A titre subsidiaire sur la condamnation de la société SADA à garantir et à relever indemne le syndicat des copropriétaires de toutes les condamnation qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de la société Sécurité Pierre Investissements:
- Dire et juger que la Société Anonyme de Défense et d'Assurance (SADA) doit garantir le syndicat des copropriétaires au titre de sa responsabilité civile ;
En conséquence :
- Condamner la Société Anonyme de Défense et d'Assurance (SADA) à garantir et à relever indemne le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 12] de toutes les condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au profit de la société Sécurité Pierre Investissements ;
- Débouter la Société Anonyme de Défense et d'Assurance (SADA) de toutes ses demandes, fins et conclusions à l'encontre du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 12] ;
3°/ En tout état de cause :
- Écarter l'exécution provisoire sollicitée par la société Sécurité Pierre Investissements ;

- Condamner in solidum la société Sécurité Pierre Investissements et la Société Anonyme de Défense et d'Assurance (SADA) à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 12] la somme de 9.600 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner in solidum la société Sécurité Pierre Investissements et la Société Anonyme de Défense et d'Assurance (SADA) en tous les frais et dépens prévus par l'article 695 du code de procédure civile au profit du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 12] et de l'association d'avocats ANQUETIL ASSOCIES, Avocats au Barreau de Paris et aux offres de droit pour ceux ne revenant pas au syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] à [Localité 12], et ce en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile."

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 22 septembre 2023, le SADA demande au tribunal de :

"Vu les dispositions de l'article 1315 du code civil,
Vu les dispositions de l'article 1134 du code civil,
Vu les dispositions de l'article L.112-6 du code des assurances,
- Juger Sécurité Pierre Investissements irrecevable en ses demandes faute de rapporter la preuve qu'elle n'aurait pas été indemnisée par son assureur,
- Juger que le sinistre n'est pas aléatoire et que la garantie de la Société Anonyme de Défense et d'Assurance - SADA n'est pas due,
- Juger que les conditions de garantie du contrat souscrit auprès de la Société Anonyme de Défense et d'Assurance - SADA ne sont pas réunies,
- Juger que les dommages sont exclus des garanties du contrat souscrit auprès de la Société Anonyme de Défense et d'Assurance - SADA,
- Mettre hors de cause la Société Anonyme de Défense et d'Assurance - SADA,
- Débouter le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] et la SA Sécurité Pierre Investissements de leurs demandes,
- Juger que Sécurité Pierre Investissements ne rapporte pas la preuve de la réalité et de l'ampleur des préjudices qu'elle allègue et de leur imputabilité au sinistre,
- Débouter la SA Sécurité Pierre Investissements de l'ensemble de ses demandes,
-Débouter le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] de l'ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire,
- Faire application des franchises contractuelles opposables au tiers,
- Écarter l'exécution provisoire".

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux termes de leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 25 septembre 2023.

L'affaire, appelée à l'audience du 21 mars 2024, a été mise en délibéré au 25 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il sera relevé à titre liminaire que si, aux termes du dispositif de ses dernières écritures, la SADA sollicite du tribunal de "juger Sécurité Pierre Investissements irrecevable en ses demandes faute de rapporter la preuve qu'elle n'aurait pas été indemnisée par son assureur", elle ne se prévaut dans le corps de ces mêmes écritures d'aucun moyen au soutien de cette prétendue irrecevabilité.

Or, Aux termes de l'article 768 du code de procédure civile, "Les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. (…) Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. (...)".

En outre et en toute hypothèse, l'absence de justification de la perception, par la société demanderesse, d'une éventuelle indemnisation de la part de son assureur n'est pas une condition de recevabilité de l'action engagée contre l'assureur de l'auteur d'un dommage, étant rappelé qu'il résulte de l'article L.124-3 du code des assurances, selon lequel le tiers lésé dispose d'un droit d' action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable, que la recevabilité de l'action directe contre cet assureur n'est pas subordonnée à la déclaration préalable du sinistre par la victime auprès de son propre assureur (Civ 2, 16 décembre 2021, n°20.16340).

Sur les demandes de "juger" et de "dire et juger"

Il n'y a pas lieu de statuer sur ces demandes, lesquelles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais sont la reprise des arguments développés dans les écritures des parties.

Sur les désordres, leur matérialité, leur(s) cause(s) et les responsabilités

Au soutien de sa demande indemnitaire, la société Sécurité Pierre Investissements argue d'une carence et d'une inertie fautive du syndicat des copropriétaires de l'immeuble mitoyen dans la gestion des désordres subis au sein de son propre immeuble, engageant sa responsabilité en application de l'article 1240 du code civil et de la théorie des troubles anormaux du voisinage.

Elle prétend que, dès les premiers constats effectués sur place après la découverte des infiltrations, en juin 2016, il a été relevé la présence de champignons de type mérule, ce qui l'a obligé à faire cesser les travaux engagés au sein de son immeuble, et qu'ils n'ont eu de cesse de se développer, malgré les alertes - relances et mises en demeure adressées au syndicat des copropriétaires de l'immeuble voisin, entre juin 2016 et novembre 2017, qui n'a pas procédé à la moindre recherche de fuite ni effectué les travaux idoines, ce qu'a d'ailleurs relevé l'expert judiciaire.

Elle souligne que même après le dépôt du rapport d'expertise, dont les conclusions préconisaient des travaux de réfection, le syndicat des copropriétaires n'a pas fait le nécessaire pour les mettre en œuvre dans un délai utile, l'obligeant à saisir le juge des référés à cette fin, et que les travaux réalisés depuis lors sont insuffisants, les désordres étant toujours à ce jour persistants.

En réponse aux moyens adverses, la société Sécurité Pierre Investissements soutient que si les lots atteints par les infiltrations n'étaient pas loués au moment de la découverte du sinistre, sa volonté de les proposer à la location dès la fin des travaux initiaux ne peut souffrir aucun doute dès lors qu'elle avait acquis cet immeuble dans le seul but de faire un investissement locatif.

En défense, le syndicat des copropriétaires conteste toute faute pouvant lui incomber, affirmant que la cause des désordres n'a été connue qu'à l'issue des opérations expertales et qu'il a, consécutivement au dépôt du rapport, fait toutes diligences pour faire réaliser les seuls travaux utiles de neutralisation de la colonne d'alimentation en plomb défectueuse, en juin 2020, dans un contexte particulier dû au confinement lié à la crise sanitaire du Covid 19.

Il souligne en outre la carence probatoire de la partie demanderesse dans l'établissement du lien de causalité entre une éventuelle faute pouvant lui être reprochée, à la supposer avérée, et les dommages dénoncés.

La SADA reprend, en substance, les mêmes arguments que le syndicat des copropriétaires s'agissant de l'absence de caractérisation d'une faute à l'endroit de son assuré.

***

Sur la matérialité des désordres

Il ressort des éléments versés au débat, dont notamment l'expertise judiciaire, que l'immeuble du [Adresse 6], appartenant à la société demanderesse, a été affecté en rez-de-chaussée et au premier étage par les désordres suivants :

- concernant la pièce située en rez-de-chaussée en fond de couloir, l'expert relève que "la pièce située en mitoyenneté avec le [Adresse 2] présente des dégradations en plafond et en partie haute du mur mitoyen et du mur façade cour. La partie du mur entre façade cour et cheminée est impactée ainsi que l'ensemble du plafond. L'humidité est relevée sur le mur au maximum à 26% au milieu du panneau (…). Le plafond est mesuré à 40% à 50 cm des 2 murs concernés. (…). Des traces de mérule ont été notées dans le cadre du miroir (…)" ;
- concernant le premier étage, l'expert note que "la pièce en fond de couloir de l'appartement n'est pas repeinte : une contre cloison ancienne contre le mur mitoyen et en retour sur cour (BA 13 sur armature métallique) a été déposée jusqu'à la fenêtre pour découvrir les murs (…).

L'humidité du bois de la plinthe est mesurée entre 8 et 12%. L'humidité de ce mur est mesurée à 12-14% sur la partie cour et ponctuellement à 25% à 1m sur la partie mur contre le [Adresse 8]. Sur le mur en retour sur cour le taux d'humidité monte à 50-60% à 1m sur le montant bois contre la fenêtre, 25% à 1,50m et 33% à 0,50m."

La matérialité de ces désordres n'est au demeurant pas contestée par les parties défenderesses.

Sur les causes des désordres, et sur les responsabilités

Aux termes de l'article 1240 du code civil, "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer."

Un trouble anormal de voisinage est constitué dès lors qu'existe une nuisance excédant les inconvénients normaux de la cohabitation dans un immeuble collectif en fonction des circonstances et de la situation des lieux.

L'article 544 du code civil dispose que "la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements".

L'article 9 alinéa 1er de la loi du 10 juillet 1965 dispose en outre que "chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble."

La responsabilité résultant de troubles qui dépassent les inconvénients normaux de voisinage, lesquels doivent être prouvés par celui qui les invoque, est établie objectivement, sans que la preuve d'une faute soit exigée.

Le propriétaire est responsable de plein droit des troubles anormaux de voisinage provenant de son fonds, que ceux-ci aient été causés par son fait ou par celui de personnes avec lesquelles il est lié par contrat, notamment par le preneur de son lot.

Nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux de voisinage, cette dernière responsabilité se déduisant uniquement de la gravité anormale ou excessive des troubles de voisinage, indépendamment d'une faute ou d'une garde de la chose ; que ce principe s'applique à tous les occupants d'un immeuble en copropriété, quel que soit le titre de leur occupation (Cour d'appel, Paris, Pôle 4, chambre 2, 16 Janvier 2013).

Sur ce,

Durant les opérations expertales, il a été constaté :

"extérieur côté [Adresse 2] :
La descente d'eau usée située contre la mitoyenneté avec le [Adresse 6] montre des coulures de rouille à partir d'un point particulier.

Cette descente EU est également une EP.
La partie basse du RDC (loge gardienne) entre fenêtre de salle d'eau et mur séparatif de cour est cloquée, la descente d'EU est rouillée ponctuellement.

RDC loge :
La salle d'eau située contre le mur mitoyen au [Adresse 6] est vétuste, le plafond et les murs sont cloqués. Dans l'angle sur façade cour, l'ancien tuyau d'alimentation en plomb est couvert de moisissures."

Il est également noté que "la salle d'eau du rez-de-chaussée de la loge de la gardienne est très humide, et présente des moisissures et boursouflures de peinture, plus précisément en plafond et dans l'angle sur cour contre le [Adresse 5]. Il n'y a pas de ventilation naturelle ni mécanique. Les élément sanitaires anciens sont raccordés sur une partie de colonne en cuivre. L'ancienne colonne en plomb au dessus est en partie encastrée derrière les faïences murales noircies et se poursuit dans les étages.
(…)
La descente d'eau pluviale sur cour est piquée et présente des traces de rouille plus particulièrement sur la hauteur du 1er étage. Des signes d'infiltration sont visibles sur les enduits extérieurs sur cour, entre EP et fenêtre du RDC. Cette EP reçoit les eaux usées des cuisines".

L'expert judiciaire conclut en ces termes (page 12 du rapport) :

"L'origine des infiltrations ne peut venir de l'immeuble [Adresse 6] : aucun point d'eau, aucune canalisation n'est situé dans la zone concernée. Les conduits de fumée ne présentent pas de désordres dans les étages supérieurs. Le ravalement est récent et ne montre pas de défaut.
Dans l'immeuble [Adresse 2], la descente d'eaux pluviales située contre le [Adresse 6] reçoit les eaux usées de cuisine. La séparation des EP et EU est obligatoire, une descente supplémentaire doit être posée.
Les cuisines sont mitoyennes à l'immeuble [Adresse 6]. Il n'a pas été relevé de fuite dans la cuisine du 1er étage, mais des désordres dans la salle d'eau de la loge à RDC, ainsi que sur la façade sur cour en partie basse de l'EP-EU.
Le remplacement de la colonne d'alimentation eau froide a été voté en janvier 2014 ; les travaux ont été réalisés entre juin et septembre 2014.
Cette colonne qui n'est pas visible sur la hauteur du 1er étage se trouve en face des désordres au [Adresse 6].
La colonne ancienne en plomb n'a pas été mise hors service, car les propriétaires M. [Z] (1er étage) et M. [L] (4ème étage) n'ont pas réalisé les travaux de raccordement sur la nouvelle colonne. En 2016, la date de neutralisation demandée par le SDC pour le 30/06/18 (…).
La copropriété n'a pas coupé cette alimentation qui aurait obligé ainsi le raccordement sur la nouvelle colonne en cuivre.
Le remplacement des alimentations en plomb doit être suivi dans un délai de 3 à 6 mois par la suppression de l'ancien plomb et donc l'obligation pour l'ensemble des propriétaires de se raccorder sur la nouvelle canalisation.
Les fuites provoquées par les canalisations en plomb sont insidieuses : continues mais minimes, par les multiples petits piquages du plomb.
(…)
Les désordres au [Adresse 6] sont probablement anciens, au vu de la construction de la contre cloison ventilée après pose de fibre de verre, pour cacher et contenir les dégradations.
Ces éléments ne sont que camouflage mais pas traitement des désordres.
(…)
Les désordres constatés et les constats d'état des lieux comme les documents présentés indiquent que la provenance des infiltrations est au [Adresse 2], par une colonne d'alimentation en plomb qui est toujours en fonction malgré son remplacement par une colonne en cuivre en 2014, 2 copropriétaires s'opposant à la neutralisation de l'ancienne colonne en plomb.
La descente d'eaux pluviales et ménagères extérieure est elle même potentiellement source de dégradations et doit être remplacée."

Il s'évince de l'analyse combinée de ces éléments que l'origine des désordres se trouve dans la défectuosité d'une colonne d'alimentation eau froide, dont la qualification de parties communes n'est pas contestée, et que ces désordres constituent, par leur nature - leur étendue et leur gravité, un trouble excédant ceux normaux du voisinage.

La responsabilité du syndicat des copropriétaires peut donc être retenue pour ce motif, sans nécessité de caractériser une quelconque faute à son encontre, s'agissant d'une responsabilité objective.

En outre, il s'avère que le syndicat des copropriétaires a fait preuve d'une certaine inertie fautive dans le traitement du sinistre, en amont de la procédure d'expertise, qui a concouru à son aggravation.

En effet ce dernier ne démontre pas avoir fait les diligences nécessaires pour favoriser une issue rapide aux difficultés malgré les demandes faites par la société gestionnaire des locaux du [Adresse 6], datées des 11-22 et 27 juillet 2016 ainsi que des 02 septembre et 14 octobre 2016, de prévoir des investigations notamment du réseau EU/EP dans le secteur concerné, ce qu'a d'ailleurs souligné l'expert judiciaire en page 12 de son rapport en ces termes : "Un délai de plus de douze mois entre la mise en demeure (…) et la relance n'indiquent pas un acharnement particulier pour résoudre les désordres".

L'ensemble de ces éléments conduit à caractériser l'engagement de la responsabilité du syndicat des copropriétaires dans la survenance des désordres subis par la société Sécurité Pierre Investissements au sein de ces biens, de sorte qu'elle sera retenue.

Sur la réparation matérielle et financière des préjudices

Se prévalant des conclusions du rapport d'expertise judiciaire, la société Sécurité Pierre Investissements estime être fondée à solliciter l'indemnisation de son préjudice financier subséquent, consistant en la perte des loyers afférents aux lots dégradés (appartement du premier étage et local commercial du rez-de-chaussée), qui n'ont pu être mis en location entre le 1er juillet 2016 et le 10 octobre 2020.

Elle estime le quantum de sa prétention indemnitaire justifié compte tenu du standing de l'immeuble et des dégradations subies qui empêchaient de proposer en l'état les lots dégradés à la location, même si lesdites dégradations ne les affectaient pas dans leur intégralité.

Elle sollicite également le remboursement des travaux entrepris par ses soins aux fins de traitement de la mérule.

Par ailleurs, la société demanderesse conclut à la condamnation du syndicat des copropriétaires à faire exécuter les travaux de réparation de la descente d'eaux pluviales et ménagères extérieure, retenue par l'expert comme étant, en partie, à l'origine des infiltrations dénoncées.

Elle critique la valeur probante du rapport établi par le prestataire de service mandaté par le syndicat des copropriétaires, selon lequel la descente litigieuse ne présenterait aucune dégradation, et rappelle que l'expert a mis en exergue la non-conformité de cette descente aux normes du règlement sanitaire de la ville de [Localité 11].

Elle relève enfin que l'apparition de nouveaux désordres au sein de son immeuble illustre la nécessité de ces travaux et l'urgence à y faire procéder, sous astreinte compte tenu du comportement attentiste du syndicat des copropriétaires sur ce point.

En défense, le syndicat des copropriétaires s'oppose à cette demande de réalisation de travaux de remise en état, soutenant que le lien de causalité entre ces travaux et les dommages n'est pas caractérisé.

Il précise avoir fait le nécessaire en faisant procéder au remplacement partiel de la descente litigieuse, à l'endroit où elle était fuyarde, et que depuis lors il n'est pas établi par la demanderesse qu'elle serait à l'origine d'infiltrations, dont celles apparues en 2023 et affectant le 2ème étage de l'immeuble, dont l'origine reste inconnue.

Concernant les prétentions financières, le syndicat des copropriétaires conteste les prétendus préjudices matériel et de jouissance allégués par la société Sécurité Pierre Investissements, tant dans leur principe que dans leur quantum, et conclut au rejet des prétentions indemnitaires formées à ces deux titres.

Il argue ainsi et d'une part, s'agissant du préjudice matériel, que la société Sécurité Pierre Investissements est à l'origine du développement de la mérule dès lors que, comme souligné par l'expert judiciaire, elle avait tenté de camoufler l'humidité de ses lots, ce qui a précisément fait se démultiplier l'agent nocif.

Il se prévaut d'autre part, concernant le préjudice de jouissance, de ce qu'il n'a pas été retenu par l'expert judiciaire, d'une part, et de l'absence réelle d'intention de la société demanderesse de proposer les biens concernés à la location, d'autre part.

Il relève qu'en toute hypothèse, ledit préjudice ne saurait être calculé à partir de la valeur locative des lots dans leur intégralité compte tenu de ce que les dommages constatés étaient limités à une seule pièce, pour chacun, et ne les as pas rendus inhabitables ni inutilisables.

La SADA reprend, en substance, les mêmes arguments que le syndicat des copropriétaires s'agissant des prétendus préjudices dont il est réclamé réparation.

***

Le principe de la réparation intégrale du préjudice subi impose que la personne à l'origine des désordres indemnise celui qui les a subis de l'intégralité de ces préjudices, à les supposer caractérisés.

Il appartient au juge d'évaluer le montant d'un dommage dont il constate l'existence dans son principe (ex. : Civ. 3ème, 25 janvier 2006, n° 04-20.726).

Sur la réparation du préjudice financier

La société Sécurité Pierre Investissements soutient avoir subi, du fait des désordres, un préjudice financier consistant en la perte des loyers des locaux dégradés, et réclame à ce titre la somme totale de 221.690,96 euros, décomposée comme suit :

- pour l'appartement du 1er étage, d'une superficie de 130 m², sur la base d'une valeur locative de 2.542,66 euros mensuels et compte tenu d'une durée de préjudice de 51 mois et 10 jours (du 1er juillet 2016 au 10 octobre 2020 ) : 130.495,87 euros ;
- pour le local commercial en rez-de-chaussée, d'une superficie de 90 m², sur la base d'une valeur locative de 1.776,90 euros mensuels et compte tenu de la même durée de préjudice de 51 mois et 10 jours : 91.195,09 euros.

Sur ce point, l'expert judiciaire a noté (page 13 du rapport) que "les préjudices de perte de loyers sont calculées à compter de la sortie des locataires, alors que des travaux de remise à niveau étaient nécessaires avant une nouvelle location (10 ans d'occupation à RDC et 10 au 1er étage).
Durée estimée des travaux nécessaires 4 mois.
D'autre part une année est passée entre la sortie des locataires à RDC - 30 avril 2015 - et la découverte des désordres - 15 juin 2016. Les travaux de remise en état n'ont donc pas été commencés dès la sortie des locataires.
Les appartements du 2ème et du 4ème étage sont en parfait état et pourtant ne sont pas loués.(...)"

Il doit ainsi être tenu compte de ce que, lors de la découverte des désordres par la société Sécurité Pierre Investissements au sein de ses lots du rez-de-chaussée et du 1er étage, ceux-ci étaient vides de tout occupant depuis fin avril 2015, et qu'avant d'envisager, le cas échéant, leur remise en location des travaux de réfection devaient être réalisés, sur quelques mois, ce qui n'est d'ailleurs pas contesté.

Si elle le prétend, la société Sécurité Pierre Investissements ne produit aux débats aucune pièce de nature à venir démontrer son intention initiale, avant la découverte du sinistre, de proposer les locaux litigieux à la location dès la réalisation des travaux engagés par ses soins.

Le fait que son activité commerciale soit notamment, selon l'extrait K bis produit, "la transaction, la location, la gestion, le syndic de copropriété et l'administration immobilière" et que l'un des appartements situé au 2ème étage du bâtiment soit effectivement loué, comme le démontre le contrat de bail produit en pièce 30, sont des éléments insuffisants à démontrer la volonté de la société demanderesse de proposer également à la relocation les locaux concernés.

Ce d'autant plus que l'extrait K bis précité fait également état, au titre des activités exercées, "l'achat et la vente de biens immobiliers et fonds de commerce".

De même, le tribunal relève que les valeurs locatives retenues par la société Sécurité Pierre Investissements pour le calcul de son préjudice financier ne sont pas davantage justifiées, aucune estimation de valeur n'étant produite.

Enfin et en toute hypothèse, le seul préjudice dont la société Sécurité Pierre Investissements saurait se prévaloir utilement est, non pas une perte de loyers " sèche ", mais la perte de chance de pouvoir à nouveau proposer ses biens sur le marché locatif une fois les travaux de réfection terminés, ce qu'elle ne réclame pas, fût-ce à titre subsidiaire.

Par conséquent la demande indemnitaire de la société Sécurité Pierre Investissements en réparation de son préjudice financier, injustifié, doit être rejetée.

Sur le remboursement de frais

La société Sécurité Pierre Investissements sollicite le remboursement des travaux entrepris par ses soins aux fins de traitement de la mérule, pour un montant de 2.255 euros.

S'agissant de la présence de ce champignon lignivore, l'expert judiciaire indique en page 12 de son rapport que "les désordres au [Adresse 6] sont probablement anciens, au vu de la construction de la contre cloison ventilée après pose de fibre de verre (…) Ces éléments ne sont que camouflage mais pas traitement des désordres", et en réponse à un dire du conseil de la SADA que la mérule a "besoin d'un degré d'humidité minimum, entretenu par des infiltrations continues en provenance de l'immeuble [Adresse 2]".

Ainsi, contrairement à que soutiennent les parties défenderesses, l'expert n'établit pas de relation de cause à effet entre les travaux de pose de contre cloison et l'apparition de la mérule, d'une part, et force est de constater que les défenderesses n'apportent aucune pièce au débat de nature à le démontrer, d'autre part.

Par conséquent, il convient de faire droit à la demande en paiement à ce titre, le montant réclamé de 2.255 euros étant justifié par les factures produites au débat.

Sur la demande de réalisation de travaux de remise en état sous astreinte

Aux termes de ses dernières écritures (page 14), la société Sécurité Pierre Investissements reconnaît que "l'ancienne colonne d'eau froide, à l'origine des infiltrations, a bien été neutralisée par le défendeur".
Sa demande concerne la descente d'eau pluviales et ménagères, à propos de laquelle l'expert judiciaire a retenu, comme mentionné précédemment, que "la descente d'eaux pluviales située contre le [Adresse 6] reçoit les eaux usées de cuisine. La séparation des EP et EU est obligatoire, une descente supplémentaire doit être posée "et que cette descente" d'eaux pluviales et ménagères extérieure est elle même potentiellement source de dégradations et doit être remplacée".

Pour autant et d'une part, cet élément de tuyauterie externe n'est pas identifié par l'expert judiciaire comme étant, au moins en partie, à l'origine des désordres subis, à l'inverse de la colonne d'alimentation eau froide.

En outre et d'autre part, si la société Sécurité Pierre Investissements soutient que les désordres sont persistants, les pièces qu'elle produit sur ce point, consistant uniquement en des échanges de courriels datant des mois de mars - avril - mai 2023 entre l'une des locataires de l'appartement, le gestionnaire de l'immeuble et le syndic de la copropriété voisine, se rapportent un dégât des eaux affectant l'un des appartements du deuxième étage de l'immeuble, et non ceux objets du présent litige ; la seule préexistence d'un sinistre entre les parties ne saurait suffire à considérer que les nouveaux désordres dénoncés en 2023 ont pour origine la descente d'eau pluviale dont il est sollicité le remplacement.

Dans ces conditions, quand bien même ces travaux ont été qualifiés d'urgents par l'expert judiciaire, en l'absence de preuve du lien de causalité entre la descente incriminée et les sinistre dénoncés, il ne peut être fait droit à la demande de condamnation, à titre réparatoire, du syndicat des copropriétaires défendeur à les faire réaliser.

Cette demande sera donc rejetée.

***

Il est donc alloué à la société Sécurité Pierre Investissements, à titre de réparation, la somme de 2.255 euros, en paiement de laquelle le syndicat des copropriétaires doit être condamné.

Sur la garantie de l'assureur SADA et sa condamnation in solidum en paiement

La société Sécurité Pierre Investissements sollicite la condamnation in solidum de la SADA avec son assuré en paiement des sommes allouées à titre indemnitaire.

Le syndicat des copropriétaires sollicite la garantie de son assureur, dont il soutient que les conditions sont réunies.

Il conteste les moyens allégués en défense, soutenant que le sinistre litigieux a un caractère aléatoire, son origine n'ayant été découverte qu'au cours des opérations expertales, d'une part, et qu'il revêt un caractère accidentel, d'autre part.

Il se prévaut en outre de ce que la clause d'exclusion de garantie alléguée par l'assureur ne remplit pas les critères de précision et de formalisme de sorte qu'elle ne peut recevoir application.

La SADA conteste devoir sa garantie et sollicite sa mise hors de cause, se prévalant de l'absence d'aléa du sinistre, d'une part, et de son caractère non-accidentel, d'autre part.

Elle conclut, à titre subsidiaire, à l'application de la clause d'exclusion de garantie prévue aux conditions générales du contrat souscrit par son assuré, en matière de dommages ayant pour cause manifeste la vétusté ou le défaut permanent d'entretien de l'immeuble, ou encore ceux dus à l'humidité.

Elle sollicite, à titre infiniment subsidiaire, le bénéfice des limites contractuelles de plafonds et de franchises.

***

Il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l'assurance d'établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu cette garantie ; à l'inverse il revient à l'assureur de prouver l'exclusion ou la déchéance de garantie qu'il allègue.

Sur le défaut d'aléa et le défaut de caractère accidentel du sinistre

Le contrat d'assurances est par essence un contrat aléatoire, c'est-à-dire une convention réciproque dont les effets dépendent d'un événement incertain.

Sur ce,

Il ressort des éléments versés au débat que la police d'assurance souscrite par le syndicat des copropriétaires auprès de la SADA avait pour prise d'effet la date du 1er janvier 2015.

Les conditions particulières mentionnent, en page 2, que "les garantis souscrites sont celles correspondantes à l'option D décrites dans les conditions générales (…). Les garanties sont complétées par l'Intercalaire L143D ASSURCOPRO."

Cet intercalaire précité mentionne en première page que "d'un commun accord entre les parties, les extensions suivantes font parties intégrantes des garanties délivrées et complètent si nécessaire les conditions générales et particulières du contrat. C'est le texte le plus favorable à l'assuré qui s'appliquera."

Il prévoit au chapitre C "dégâts des eaux "que sont notamment assurés "tous dommages accidentels causés par : l'action de l'eau ou de tout autre liquide - engorgement des descentes, tuyaux, chéneaux - infiltrations d'eau ou de neige à travers toitures (…), fuites (...)", en cas de "recours des voisins et tiers - dommages matériels - dommages immatériels".

Les conditions générales prévoient également, au chapitre 4 "dégâts des eaux et autres liquides" que sont notamment garantis les "ruptures, débordements, fuites accidentelles provenant de tous appareils fixes à effet d'eau et des canalisations situés à l'intérieur des bâtiments".

S'il est exact et non-contesté qu'à la date de souscription du contrat litigieux, le syndicat des copropriétaires avait fait procéder au changement de la colonne d'eau froide de l'immeuble (travaux réalisés en 2014) mais n'avait pas procédé à l'enlèvement complet de cette ancienne colonne en plomb, il n'est établi par aucun des éléments des débats que ce changement avait été décidé en raison d'infiltrations déjà connues par le syndicat des copropriétaires à cette époque, étant relevé que la société demanderesse s'est plaint pour la première fois de tels désordres à son encontre au début de l'année 2016, soit postérieurement à la conclusion du contrat d'assurance litigieux.

Il n'est pas davantage établi qu'avant au mieux le mois de mars 2016, date à laquelle il a été informé des désordres litigieux, le syndicat des copropriétaires connaissait déjà, de quelque manière que ce soit, le caractère fuyard de l'ancienne colonne d'eau en plomb et que son changement a été motivé par cette seule et unique raison, outre que cela n'a été décelé de manière certaine qu'à la faveur de la mesure d'expertise judiciaire.

Le fait que le changement de cet équipement ne soit pas intervenu dans un délai de trois à six mois après sa mise hors service, comme l'indique l'expert judiciaire dans son rapport, ne saurait en soi suffire à justifier de la connaissance par le syndicat des copropriétaires de son aspect fuyard et de son refus volontaire de ne pas faire le nécessaire pour y remédier, seules circonstances dans lesquelles la survenance du sinistre aurait pu être qualifiée de non-accidentelle.

Dans ces conditions, les griefs tirés du défaut d'aléa et du défaut de caractère accidentel du sinistre invoqués par l'assureur ne sauraient être retenus utilement et seront rejetés.

Sur l'exclusion de garantie

L'article L.113-1 du code des assurances édicte que "Les pertes et dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.
Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré."

En matière d'assurances, les clauses claires, précises et licites, doivent être appliquées, sous peine de dénaturation du contrat, conformément au droit commun des obligations ;

les clauses obscures ou ambiguës s'interprètent en faveur de l'assuré. L'ambiguïté d'une clause doit être appréciée au regard de l'ensemble du contrat.

Sur ce,

Il est prévu, au sein du chapitre 4 des conditions générales concernant la garantie "dégâts des eaux" la clause d'exclusion suivante : sont exclus de la présente garantie : (…) tout dommage ayant pour cause manifeste la vétusté ou un défaut permanent d'entretien ou de réparation incombant à l'assuré, caractérisé et connu de lui, en particulier à la suite d'une précédente manifestation des dommages matériels".

Le fait pour le syndicat des copropriétaires d'avoir procédé, en 2014, au changement de la colonne d'alimentation en eau froide illustre le souci de ce dernier d'assurer l'entretien de l'immeuble.

En outre comme précédemment exposé, il n'est pas établi la connaissance par ce dernier du caractère fuyard de l'ancienne colonne en plomb, antérieurement à mars 2016 et aux opérations expertales.

Par conséquent la clause d'exclusion de garantie alléguée par la SADA ne saurait trouver application, étant au surplus relevé l'ambiguïté de ses termes et de sa rédaction, comme le souligne à juste titre le syndicat des copropriétaires.

Il convient dans ces conditions de condamner la SADA in solidum avec son assuré en paiement des sommes allouées à la société demanderesse, en garantie de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, le tout en principal, intérêts, frais et dépens, dans les limites prévues par les conditions générales et particulières de sa police.

Sur les demandes accessoires

Parties succombantes au litige, le syndicat des copropriétaires et la SADA doivent être condamnés in solidum aux dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire, à hauteur de 6.603 euros, ainsi qu'à verser à la société demanderesse une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 514 modifié par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Il n'y a pas lieu en l'espèce d'écarter l'exécution provisoire de droit.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 6] à [Localité 12], représenté par son syndic en exercice, in solidum avec la Société Anonyme de Défense et d'Assurance, à payer à la SA Sécurité Pierre Investissements la somme de 2.255 euros au titre du préjudice matériel,

CONDAMNE la Société Anonyme de Défense et d'Assurance à garantir le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 6] à [Localité 12], représenté par son syndic en exercice, des condamnations prononcées à son encontre en principal, intérêts, frais et dépens, dans les limites prévues par les conditions générales et particulières de sa police,

REJETTE le surplus des demandes de la SA Sécurité Pierre Investissements,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 6] à [Localité 12], représenté par son syndic en exercice, in solidum avec la Société Anonyme de Défense et d'Assurance à payer à la SA Sécurité Pierre Investissements une somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 6] à [Localité 12], représenté par son syndic en exercice, in solidum avec la Société Anonyme de Défense et d'Assurance aux dépens, incluant les frais d'expertise judiciaire à hauteur de 6.603 euros,

REJETTE le surplus des demandes des parties formées au titre de la distraction des dépens et des frais irrépétibles,

RAPPELLE que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 25 Juin 2024.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 22/02648
Date de la décision : 25/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-25;22.02648 ?
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