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25/06/2024 | FRANCE | N°22/02058

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 25 juin 2024, 22/02058


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expédition exécutoire
délivrée le :
à Maître BAUDASSE

Copies certifiées
conformes délivrées le :
à Maître FROVO,
Maître LEPEL,
Maître DOUKHAN,Maître
MORAND-LAHOUAZI et
Maître PERREAU






8ème chambre
1ère section


N° RG 22/02058
N° Portalis 352J-W-B7G-CV72Y


N° MINUTE :


Assignation du :
28 Janvier 2022









JUGEMENT
rendu le 25 Juin 2024

DEMANDERESSE

Madame [M] [W]>[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Véronique BAUDASSE de la SELARL CB Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0639


DÉFENDERESSES

Madame [Y] [G]-[U]
[Adresse 5]
[Localité 9]

représentée par...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expédition exécutoire
délivrée le :
à Maître BAUDASSE

Copies certifiées
conformes délivrées le :
à Maître FROVO,
Maître LEPEL,
Maître DOUKHAN,Maître
MORAND-LAHOUAZI et
Maître PERREAU

8ème chambre
1ère section


N° RG 22/02058
N° Portalis 352J-W-B7G-CV72Y

N° MINUTE :

Assignation du :
28 Janvier 2022

JUGEMENT
rendu le 25 Juin 2024

DEMANDERESSE

Madame [M] [W]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Véronique BAUDASSE de la SELARL CB Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0639

DÉFENDERESSES

Madame [Y] [G]-[U]
[Adresse 5]
[Localité 9]

représentée par Maître Patrice FROVO de la SELARL SEGIF - d’ASTORG, FROVO ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0022

S.A. PACIFICA
[Adresse 12]
[Localité 10]

représentée par Maître Silvia LEPEL de l’AARPI BCTG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R191

Société [H] ENTREPRISE
[Adresse 2]
[Localité 13]

représentée par Maître Avner DOUKHAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1026

Société DJM DECO
[Adresse 1]
[Localité 8]

représentée par Maître Karim MORAND - LAHOUAZI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0887

Société MIC INSURANCE, compagnie d’assurance de droit étranger basée à [Localité 15], représentée en France par son mandataire, la société SAS LEADER UNDERWRITING
[Adresse 16]
[Localité 11]

représentée par Maître Emmanuel PERREAU de la SELASU CABINET PERREAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0130

INTERVENANTE VOLONTAIRE

Société MIC INSURANCE, représentée en France par son mandataire, la société SAS LEADER UNDERWRITING
[Adresse 16]
[Localité 11]

représentée par Maître Emmanuel PERREAU de la SELASU CABINET PERREAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0130

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Madame Muriel JOSSELIN-GALL, Vice-présidente
Monsieur Julien FEVRIER, Juge

assistés de Madame Lucie RAGOT, Greffière

DÉBATS

A l’audience du 21 Mars 2024, tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 Juin 2024.

Décision du 25 Juin 2024
8ème chambre
1ère section
N° RG 22/02058 - N° Portalis 352J-W-B7G-CV72Y

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

[M] [W] contre [Y] [G] épouse [U] - Compagnie d'assurance Pacifica - SARL [H] entreprise - SASU DJM Deco - Compagnie d'assurance MIC Insurance

L'immeuble sis [Adresse 6] [Localité 7] est soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis, son syndic est le cabinet Griffaton.

Mme [M] [W] est propriétaire non occupante d'un appartement au 3ème étage de cet immeuble, son assureur multirisques habitation est la société Groupama Paris Val de Loire.

La gestion locative du lot de Mme [W] est confiée au cabinet Verneuil immobilier depuis 2016, les locataires en étaient M. [F] et Mme [L]. Ils ont quitté l'appartement fin octobre 2017.

Mme [Y] [G]-[U] est depuis 2017 propriétaire non occupante de l'appartement du 4ème étage, au-dessus de celui de Mme [W]. Elle a souscrit une assurance multirisques habitation auprès de la compagnie SA Pacifica.

Mme [G]-[U] a procédé en début d'année 2017 à une rénovation complète de son studio, en vue de sa location, les travaux étant confiés à la SARL [H] entreprise, assurée au titre de sa responsabilité décennale et de la responsabilité civile générale à la société MIC Insurance.

Les travaux confiés à la société [H] entreprises comprenaient un "lot parquet" incluant la dépose du parquet d'origine, le nettoyage et le traitement des solives, la fourniture d'une isolation phonique et thermique, ainsi que la pose d'un nouveau parquet.

La société [H] a sous-traité une partie des travaux de rénovation de l'appartement à la SASU DJM Deco.

Le 14 février 2017, les travaux ont été interrompus en raison de chutes de plâtres tombant du plafond dans l'appartement de Mme [W].

Le 16 février 2017, l'architecte de l'immeuble a procédé à une visite des lieux, dont il a rendu un rapport le 22 février 2017, expliquant que les travaux, même s'ils risquaient de générer de nouveaux désordres, n'affectaient pas la solidité du plancher haut de l'appartement de Mme [W] et que les travaux de pose du plancher pouvaient se poursuivre, sous réserves de préconisations qu'il listait, et notamment "l'interposition d'une "feuille" de plastique polyane avant la mise en œuvre du matériau qui empêcherait toute fuite vers l'appartement voisin".

Le 22 février 2017, le faux plafond de Mme [W] a été percé et s'est partiellement effondré.

Après intervention des assureurs respectifs des parties et plusieurs réunions d'expertise, les parties s'accordant sur l'origine de ce désordre, à savoir les travaux effectués dans l'appartement de Mme [G]-[U], l'assurance de cette dernière a indemnisé Mme [W] de ses dommages, s'agissant de la remise en état de son appartement, effectuée par la société BF Renov au cours du mois de novembre 2017.
Néanmoins, de nouveaux désordres sont apparus, à savoir l'écoulement par les trous des poutres du plafond de billes d'isolant, retrouvées sur le parquet de l'appartement de Mme [W] le 30 novembre 2017, constatées ensuite le 23 février 2018.

L'architecte de la copropriété est donc de nouveau intervenu et a rendu un rapport le 5 avril 2018, aux termes duquel il constatait "la présence au sol d'un matériau d'aspect noir et léger. Manifestement, celui-ci tombe du plafond et plus précisément semble s'écouler entre deux solives de plancher".

Suite à plusieurs réunions entre les parties et leurs assureurs, et après tentatives restées vaines de résolution amiable du différend, Mme [W] a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 30 juillet 2020 a prononcé une mesure expertale avec la nomination d'un expert judiciaire, qui a rendu son rapport le 18 décembre 2021.

Mme [W] a dès lors assigné en ouverture de rapport, devant la juridiction de céans, par actes des 26 et 28 janvier 2022, 02 et 15 février 2022, Mme [G]-[U] ainsi que son assureur la société Pacifica, la société [H] et son assureur la société MIC Insurance, ainsi que la société DJM Deco, en réparation de ses préjudices.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 13 décembre 2022, Mme [W] demande au tribunal de :

"Vu les dispositions des articles 1240 et 1241 du Code Civil,
Vu le rapport d'expertise déposé le 18 décembre 2021 conformément à l'ordonnance de référé du 30 juillet 2020 rendue par le tribunal de céans;
Vu les ordonnances de référés du 13 novembre 2020 et du 11 juin 2021 ;
RECEVOIR l'intégralité des moyens et prétentions de Madame [M] [W];
JUGER Madame [Y] [G] [U], la Société [H] et la Société DJM DECO solidairement responsables des désordres provenant du plancher de l'appartement au 4ème étage de l'immeuble sis [Adresse 6] [Localité 7], ayant causé des préjudices à Madame [M] [W] ;
CONDAMNER solidairement Madame [Y] [G]-[U] et son assureur, la Société PACIFICA, la Société [H] et son assureur MIC INSURANCE, la Société DJM DECO à régler à Madame [M] [W] la somme de 53.952€ à titre de dommages et intérêts en réparation de sa perte de loyer;

CONDAMNER solidairement Madame [Y] [G]-[U] et son assureur la Société PACIFICA, la Société [H] et son assureur MIC INSURANCE, la Société DJM DECO à régler à Madame [M] [W] la somme de 15.000€ à titre dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral;
CONDAMNER Madame [Y] [G]-[U] à faire réaliser des travaux de reprise du plancher de son appartement sis [Adresse 6] [Localité 7], conformément au CCTP repris par Monsieur l'Expert dans son rapport et sous la surveillance d'un architecte, et ce sous astreinte de la somme de 100 euros par jour de retard qui débutera dans le délai d'un mois à compter de la signification de la décision à venir ;
DEBOUTER la Société [H] de ses demandes, fins et conclusions ;
DEBOUTER Madame [G]-[U] de ses demandes, fins et conclusions ;
DEBOUTER la Société PACIFICA de ses demandes, fins et conclusions ;
DEBOUTER la Société MIC INSURANCE de ses demandes, fins et conclusions ;
DEBOUTER la Société DJM DECO de ses demandes, fins et conclusions ;
CONDAMNER solidairement Madame [Y] [G]-[U] et la Société PACIFICA, la Société [H] et son assureur MIC INSURANCE, la Société DJM DECO à régler à Madame [M] [W] la somme de 10.000€ au titre de l'article 700 du CPC, outre les dépens, y compris les frais d'expertise taxés à 9.128,16€ TTC et les coûts induits de 3400€.
ORDONNER l'exécution provisoire".

Aux termes de ses dernière conclusions en défense notifiée par voie électronique le 21 décembre 2022, Mme [G]-[U] demande au tribunal de :

"Vu les articles 1240,1241,1792 du code civil
Vu les articles 334 et 700l'article 145, 331 et suivants du code de procédure civile,
- JUGER que Madame [Y] [G] [U] n'a commis aucune faute pouvant engager sa responsabilité à l'égard de Madame [W] ;
- JUGER que la société [H] ENTREPRISE engage sa responsabilité au titre des désordres provenant du plancher de l'appartement de Madame [Y] [G] [U] solidairement avec la société DJM DECO ;
Par conséquent :
- PRONONCER la mise hors de cause de Madame [Y] [G] [U] ;
- DEBOUTER Madame [M] [W] de sa demande tendant à voir condamner Madame [Y] [G] [U], solidairement, avec les sociétés [H] ENTREPRISE et DJM DECO responsable des désordres subis ;
- DEBOUTER Madame [M] [W] de ses demandes tendant à voir condamner Madame [Y] [G] [U], solidairement, avec les sociétés [H] ENTREPRISE, MIC INSURANCE,

PACIFICA et DJM DECO à l'indemniser au titre de la réparation de sa perte de loyer et de son préjudice moral et au paiement des frais d'expertise et des coûts induits ;
- DEBOUTER la société [H] ENTREPRISE de sa demande tendant à être jugée non responsable des désordres subis par Madame [M] [W] ;
- DEBOUTER la société DJM DECO de sa demande tendant à être jugée non responsable des désordres subis par Madame [M] [W] ;
En tout état de cause :
- JUGER que la demande de Madame [M] [W] au titre de sa perte de loyer ne peut s'analyser qu'en une perte de chance de percevoir des loyers et ne peut s'étendre que pour la période comprise entre le 1er juillet 2019 et le 22 juillet 2021, soit 25 mois de location de sorte que le montant de son préjudice immatériel devra être inférieur à la somme de 28.100 euros.
- DEBOUTER Madame [M] [W] de sa demande d'indemnisation au titre de son préjudice moral ;
En tout état de cause :
- DEBOUTER les sociétés MIC INSURANCE et PACIFICA de leur demande tendant à exclure la mobilisation de leur garantie respective ;
- CONDAMNER solidairement les sociétés [H] ENTREPRISE, MIC INSURANCE, DJM DECO, et PACIFICA à relever et garantir Madame [Y] [G] [U] de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au bénéfice de Madame [M] [W] ;
Subsidiairement :
- JUGER que l'exclusion de la garantie de la société PACIFICA ne pourra être que limitée aux préjudices de nature décennale ;
De manière reconventionnelle :
Dès lors que le Tribunal de céans ordonnera à Madame [Y] [G]-[U] de procéder à la reprise des travaux :
- CONDAMNER, solidairement, les sociétés [H] ENTREPRISE, MIC INSURANCE, DJM DECO, et PACIFICA à verser à Madame [Y] [G] [U] la somme de 16.164,80 euros HT, soit 17.781,28 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision à intervenir, jusqu'à parfait paiement correspondant au montant des travaux de reprise chiffrés par l'expert judiciaire ;
- JUGER que Madame [Y] [G] [U] n'aura à réaliser ces travaux de reprise qu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter du jour où elle aura été indemnisée au titre de ces travaux ;
- CONDAMNER, solidairement, les sociétés [H] ENTREPRISE, MIC INSURANCE, DJM DECO, et PACIFICA à verser à Madame [Y] [G] [U] la somme de 2.470 euros au titre de la perte de son loyer et de la nécessité de reloger son locataire ;
En tout état de cause :
- DEBOUTER toute partie s'opposant aux demandes de Madame [Y] [G]-[U] ;
- CONDAMNER, solidairement, les sociétés [H] ENTREPRISE, MIC INSURANCE, DJM DECO, et PACIFICA à verser à Madame [Y] [G] [U] la somme de 9.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ORDONNER l'exécution provisoire"

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 novembre 2022, la société Pacifica demande au tribunal judiciaire de Paris de :

"Vu les articles 1240, 1792 et 1792-2 du code civil ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile ;
- JUGER PACIFICA recevable et bien fondée en ses demandes, fins et prétentions ;
A TITRE PRINCIPAL :
- JUGER que [H] ET DJM DECO sont les seuls responsables des dommages subis par Mme [M] [W] ;
En conséquence :
- CONDAMNER in solidum, [H], DJM DECO et MIC à indemniser Mme [M] [W] du préjudice immatériel (perte de loyers) qu'elle a subi ;
- LIMITER le montant du préjudice immatériel (perte de loyers) de Mme [M] [W] à la somme de 28.100€ ;
- DEBOUTER Mme [M] [W] de sa demande de réparation au titre son préjudice moral;
- CONDAMNER in solidum, [H] et DJM DECO à rembourser PACIFICA la somme de 1.888 euros au titre de l'indemnisation versée à Mme [M] [W] ;
- DEBOUTER MIC de ses demandes tendant à exclure la mobilisation de ses garanties d'assurance ;
- DEBOUTER Mme [Y] [G]-[U] de ses demandes reconventionnelles à l'encontre de PACIFICA ;
- EXONERER PACIFICA de toute part de responsabilité ;
- DEBOUTER Mme [M] [W] de sa demande de condamnation à l'encontre de PACIFICA à lui régler les frais d'expertise taxé à 9.128,16 euros et les coûts induits de 3.400 euros ;
- CONDAMNER in solidum [H], DJM DECO, MIC, Mme [M] [W], Mme [Y] [G]-[U] à verser à PACIFICA la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du CPC ;
- CONDAMNER tous succombant au paiement des entiers dépens ;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
- JUGER que la Police de Pacifica ne peut s'appliquer en raison de l'exclusion des dommages relevant de l'assurance construction obligatoire ;
A TITRE INFINIMENT SUBSIDIAIRE :
- CONDAMNER in solidum [H], DJM DECO et MIC à relever et tenir indemne PACIFICA de toute condamnation prononcée à son encontre."

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 mai 2022, la société [H] demande au tribunal de :

"Vu les articles 1240 et 1241 du Code civil ;
Vu le rapport d'expertise du 18 décembre 2021 ;
Vu les pièces ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- JUGER, que la Société [H] n'est pas responsable des désordres constatés ;
- DEBOUTER, Madame [W] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires ;

A TITRE SUBSIDIAIRE :
- RAMENER, les demandes indemnitaires de Madame [W] à de plus justes proportions".

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 26 décembre 2022, la société Mic Insurance demande au tribunal judiciaire de Paris de :

"Vu l'article 1792 du Code civil,
Vu le rapport d'expertise de Monsieur [T] [A],
Vu les pièces,
A titre principal,
REJETER purement et simplement l'ensemble des demandes dirigées à l'encontre de la Compagnie MIC INSURANCE, l'ensemble des garanties souscrites auprès d'elle étant insusceptible de mobilisation eu égard à leur objet et exclusions
A titre subsidiaire,
CONDAMNER la société DJM DECO à relever et garantir la Compagnie MIC INSURANCE de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre compte-tenu du manquement à son obligation de résultat
A titre plus subsidiaire,
LIMITER le montant de la condamnation à la somme de 28.100 euros au titre du préjudice immatériel de Madame [W]
En tout état de cause,
JUGER que MIC INSURANCE est recevable et bien fondée à opposer les franchises prévues contractuellement soit la somme de 1.500 euros au titre de la franchise opposable prévue à la garantie "Responsabilité civile après réception"
CONDAMNER Madame [W] et tout succombant à verser à la Compagnie MIC INSURANCE la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile outre les entiers dépens, lesquels, conformément à l'article 699 du Code de procédure civile, pourront être recouvrés par Maître Emmanuel PERREAU"

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 décembre 2022, la société DJM deco demande au tribunal judiciaire de Paris de :

"Vu les dispositions des articles 1240 et 1241 du Code civil,
Vu l'article 700 du Code de procédure civile,
Vu l'article 1er de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance
Vu le rapport d'expertise déposé le 18 décembre 2021 conformément à l'ordonnance de référé du 30 juillet 2020 rendue par le tribunal de céans ;
- DECLARER recevable les présentes conclusions recevables ;
A titre principal :
- JUGER que la société DMJ DECO n'a commis aucune faute pouvant engager sa responsabilité à l'égard de Madame [M] [W] et Madame [Y] [G]-[U];
- EXONÉRER la société DJM DECO de toute part de responsabilité ;
- DÉBOUTER Madame [M] [W] de sa demande tendant à voir condamner Madame [Y] [G] [U], solidairement,

avec les sociétés [H] ENTREPRISE et DJM DECO responsable des désordres subis ;
- DÉBOUTER Madame [M] [W] de ses demandes tendant à voir condamner Madame [Y] [G] [U], solidairement, avec les sociétés [H] ENTREPRISE, MIC INSURANCE, PACIFICA et DJM DECO à l'indemniser au titre de la réparation de sa perte de loyer et de son préjudice moral et au paiement des frais d'expertise et des coûts induits ;
- DÉBOUTER Madame [Y] [G] [U] de voir condamner, solidairement, les sociétés [H] ENTREPRISE, MIC INSURANCE, DJM DECO et PACIFICA à relever et garantir Madame [Y] [G] [U] de l'ensemble des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre au bénéfice de Madame [M] [W] ;
- DÉBOUTER toute demande des autres parties à la procédure tendant à voir condamner solidairement la société DJM DECO au paiement d'une quelconque somme.
A titre subsidiaire :
- JUGER que la demande de Madame [M] [W] au titre de la perte du loyer n'est qu'une perte de chance de louer son bien et donc de percevoir des loyers entre la période du 1er juillet 2019 au 22 juillet 2021 ;
- DEBOUTER, par conséquent, Madame [M] [W] de sa demande tendant à l'attribution d'une indemnité relative à la perte de loyer d'un montant de 53.952 euros et ramener l'indemnisation due à de plus justes proportions ;
- DEBOUTER Madame [M] [W] de sa demande tendant à l'attribution d'une indemnité au titre d'un préjudice moral d'un montant de 15.000 euros ;
- DEBOUTER Madame [M] [W] de sa demande tendant à voir condamner solidairement Madame [Y] [G]-[U] et la Société PACIFICA, la Société [H] et son assureur MIC INSURANCE, la Société DJM DECO à lui la somme de 10.000€ au titre de l'article 700 du CPC, outre les dépens, y compris les frais d'expertise taxés à 9.128,16€ TTC et les coûts induits de 3400€ ;
- DEBOUTER Madame [Y] [G]-[U] de sa demande tendant à voir condamner solidairement les sociétés [H] ENTREPRISE, MIC INSURANCE, DJM DECO et PACIFICA à lui verser la somme de 16.162,80 euros HT, soit 17.781,28 euros TTC, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision ;
- DEBOUTER Madame [Y] [G]-[U] de sa demande tendant à juger qu'elle n'aura à réaliser ces travaux de reprise qu'à l'expiration d'un délai d'un mois à compter du jour où elle aura été indemnisée au titre des travaux ;
- DEBOUTER Madame [Y] [G]-[U] de sa demande tendant à voir condamner solidairement les sociétés [H] ENTREPRISE, MIC INSURANCE, DJM DECO et PACIFIA à lui verser la somme de 2.470 euros au titre de la perte de son loyer de la nécessité de reloger son locataire ;
- DEBOUTER la société PACIFICA de toute demande à l'encontre de la société DJM DECO ;
En tout état de cause :

- DEBOUTER toute partie sollicitant la condamnation de la société DJM DECO au titre des demandes formulées par Madame [M] [W], [Y] [G]-[U], les sociétés PACIFICA et MIC INSURANCE en application de l'article 700 du Code de procédure civile, aux dépens en ce compris les frais d'expertise."

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux termes de leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'instruction a été close par ordonnance du 4 avril 2023 et fixée à l'audience du 21 mars 2024, puis mise en délibéré au 25 juin 2024, date à laquelle le jugement a été mis à disposition au greffe.

MOTIFS

1- Sur la demande principale de Mme [W]

Au soutien de sa demande indemnitaire, Mme [W] se prévaut du rapport de l'expert judiciaire qui retient comme cause des désordres subis dans son appartement du 3ème étage, les travaux effectués en février 2017 à la demande de Mme [G]-[U] dans son appartement du 4ème étage, consistant notamment à la reprise du plancher par la société [H], qui a sous-traité le chantier à la société DJM Deco, cette dernière société n'ayant pas procédé à l'étanchéité nécessaire par l'interposition d'une feuille de plastique polyane avant la mise en œuvre du matériau isolant, excessivement fluide.

Elle soutient que Mme [G]-[U] était parfaitement informée, avant la réfection de son parquet suite à l'effondrement consécutif aux travaux effectués en février 2017, de l'importance de respecter les préconisations de l'architecte de la copropriété consignées dans son rapport du 22 février 2017, et qui avait expressément alerté sur la nécessité de pose de cette feuille de polyane, isolant les billes d'isolant de l'appartement de Mme [W].

Elle en conclut que Mme [G]-[U] a commis une faute au sens de l'article 1240 du code civil car elle se devait, en qualité de maître d'ouvrage des travaux dans son appartement effectués par la société [H] et sous-traités à la société DJM Deco, de surveiller la bonne exécution desdits travaux sur son parquet dans les règles de l'art, et notamment de la pose effective de cette feuille de polyane.

Elle argue de ce que les sociétés [H] et DJM Deco, en qualité de professionnels, ont également engagé leurs responsabilités pour faute en réalisant des travaux de réfection non conformes aux règles de l'art, sans être assurées et sans respect des préconisations de l'architecte de la copropriété.

En réponse aux moyens adverses, Mme [W] soutient que la faute de Mme [G]-[U] est bien caractérisée, puisqu'elle n'a en réalité pas fait suivre aux sociétés missionnées par ses soins le rapport de l'architecte de la copropriété relatif à la nécessité de la pose de la feuille de polyane et que, si elle ne se sentait pas en capacité de veiller au bon déroulement des travaux après l'effondrement du plafond, elle aurait dû s'adjoindre un maître d'ouvrage professionnel pour les mener à bonne fin.

Elle soutient qu'elle n'a, personnellement, commis aucune négligence quant à la gestion de son sinistre car il appartenait à Mme [G]-[U] seule de procéder à toute diligence concernant la mise en jeu de l'assurance de son entrepreneur, comme demandé par le syndic, ce qu'elle n'a pas fait.

Elle en conclut que Mme [G]-[U] a commis une faute en tant que maître d'ouvrage des travaux litigieux effectués par les sociétés [H] et DJM Deco, en ne se garantissant pas au titre des dommages relevant de l'assurance construction obligatoire, et en ne s'assurant pas auprès des entreprises mandatées de leurs assurances respectives.

Mme [W] fait en outre observer que la société DJM Deco ne peut pas prétendre ne pas avoir été informée du rapport de l'architecte de la copropriété, puisque ledit rapport lui a été communiqué par mail par Mme [G]-[U] le 24 février 2017, et que ses tentatives pour mettre en cause l'entreprise BF Renov, qui a procédé à la rénovation de l'appartement de Mme [W], sont en totale contradiction avec les conclusions de l'expert judiciaire.

En défense, Mme [G]-[U] conteste toute faute pouvant lui incomber dans l'apparition des désordres consistant en la chute de billes d'isolation, dont elle n'a été avertie par mail par le syndic que le 27 février 2018, suscitant de sa part un mail du 28 février 2018, lui demandant des explications.

Elle souligne en outre que, dès la réception du rapport en date du 5 avril 2018 de M. [E], architecte de l'immeuble, elle a suggéré que Mme [W] fasse une déclaration de sinistre auprès de son assureur, Groupama, afin qu'il se rapproche du sien, Pacifica, pour procéder à une réunion d'expertise, mais que celle-ci n'a averti son assureur qu'en juillet 2019.

Elle fait valoir que l'expert judiciaire, s'il a retenu que les désordres étaient imputables aux travaux commandés à la société [H] et sous-traités à la société DJM Deco, n'a relevé aucune faute imputable à Mme [G]-[U].

Elle ajoute qu'elle a transmis le rapport de l'architecte de l'immeuble à la société [H] entreprise et qu'aucune obligation ne lui impose, en sa qualité de simple maître de l'ouvrage non professionnel, de surveiller la bonne exécution des travaux de son parquet réalisés par un professionnel.

Elle soutient également que la société [H] était parfaitement assurée pour les travaux entrepris et qu'elle ne peut être tenue pour responsable des fautes commises par les sous-traitants que l'entrepreneur principal décide, unilatéralement, de mandater, et encore moins de vérifier l'existence de leurs assurances, et que Mme [W] était en tout état de cause couverte par son assurance de responsabilité civile, qu'elle n'a donc commis aucune faute relative aux obligations de couverture des travaux par des assurances ; Mme [W], en revanche, a été particulièrement négligente en ne procédant pas aux démarches nécessaires en temps utile.

Elle argue en conséquence de la seule responsabilité pour faute des sociétés [H] et DJM deco dans les désordres apparus dans l'appartement de Mme [W], résidant en l'absence de pose de la feuille de polyane isolante.

La société Pacifica reprend, en substance, les mêmes arguments que Mme [G] [U] s'agissant de l'absence de caractérisation d'une faute à l'endroit de son assurée en sa qualité de maître de l'ouvrage, et que seules les sociétés [H] et DJM Deco ont commis une faute en ne procédant pas à la pose de la feuille de polyane, à l'origine des désordres subis par Mme [W], conformément aux conclusions de l'expert judiciaire.

La société [H] entreprise soutient que l'apparition des désordres consistant en la chute de billes d'isolant du plancher haut de l'appartement de Mme [W] est consécutive aux travaux entrepris par cette dernière par la société BF Renov, qui a effectué des trous dans les poutres.

Elle précise que, dans l'hypothèse où le tribunal retiendrait les conclusions de l'expert judiciaire, elle n'a jamais eu connaissance du fait que la société DJM Deco, sous-traitant avec lequel elle travaille habituellement et de manière sereine, n'avait pas mis en place une feuille plastique polyane préalablement au dépôt de billes, par conséquent la faute est intégralement imputable à la société DJM Deco, qui n'a pas respecté les diligences nécessaires à la bonne réalisation des travaux.

Par ailleurs, elle ajoute qu'elle ne pourra être jugée responsable des désordres subis, notamment au regard des stipulations de son contrat de sous-traitance, et qu'elle est parfaitement assurée pour ces travaux ; elle ne peut pas en outre être déclarée fautive en ce qui concerne l'éventuel défaut d'assurance de son sous-traitant.

La société [H] fait enfin état de son suivi constant et professionnel des désordres apparus dans l'appartement de Mme [W] alors qu'elle n'en n'était pas responsable, en faisant procéder à diverses réparations par la société DJM Deco et en proposant in fine de procéder à la suppression des billes d'isolant par aspiration et pose d'un joint SIKA, ce que Mme [W] a refusé.

La société MIC Insurance conteste devoir sa garantie et sollicite sa mise hors de cause, arguant qu'aucune des garanties souscrites par la société [H] n'a vocation à garantir sa responsabilité.

Elle soutient que la garantie décennale ne peut être mise en œuvre, les désordres constatés se manifestant dans l'appartement de Mme [W], tiers au contrat, Mme [G]-[U] ne subissant aucun désordre dans son appartement et l'activité litigieuse de réalisation du parquet n'ayant pas été déclarée au démarrage des travaux.

Elle conclut que la garantie responsabilité civile souscrite par la société [H] ne couvre pas les désordres allégués par Mme [W] qui résultent d'un trouble anormal de voisinage consécutif aux malfaçons imputables à la société DJM Deco, et sollicite à titre subsidiaire que celle-ci soit appelée en garantie.

Elle argue de ce que sa police d'assurance responsabilité civile professionnelle ne garantit pas les dommages immatériels non consécutifs au titre de la garantie responsabilité civile exploitation.

Elle sollicite, à titre infiniment subsidiaire, le bénéfice des limites contractuelles de plafonds et de franchises.

La société DJM Deco conclut à son absence de faute puisque les travaux entrepris l'ont été sous la responsabilité de la société [H], entrepreneur principal ; dès lors la responsabilité de DJM Deco, sous-traitant, ne peut être recherchée.

Elle précise en outre que l'information selon laquelle la pose d'une feuille polyane était nécessaire pour assurer l'étanchéité des matériaux ne lui avait pas été transmise.

Elle ajoute que les billes d'isolant ont été posées avant l'intervention de la société FB Renov, qui a procédé à des trous dans le plafond, qui sont à l'origine de la chute du matériau dans l'appartement de Mme [W].

***

Sur la matérialité des désordres

Il ressort des éléments versés aux débats, dont notamment l'expertise judiciaire, que des billes d'isolation tombent du plafond au sol de l'appartement de Mme [W], l'isolant passant à travers les vides des poutres en bois du plafond.

La matérialité de ces désordres n'est au demeurant pas contestée par les parties défenderesses.

Sur les causes des désordres, et sur les responsabilités

Aux termes de l'article 1240 du code civil, "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer."

L'article 1241 du code civil dispose que "Chacun est responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou son imprudence".

Ces textes supposent que le copropriétaire demandeur à l'action en responsabilité civile établisse une faute du copropriétaire maître de l'ouvrage ou des entreprises ayant procédé à des travaux dans son lot, un préjudice personnel et un lien de causalité direct entre la faute et le préjudice.

L'article 1199 alinéa 1 du code civil dispose que "Le contrat ne crée d'obligations qu'entre les parties" ; néanmoins le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel, dès lors que ce manquement lui a causé un dommage. (Cass. Ass. Plén., 6 oct. 2006, n° 05-13.255)

Aux termes de l'article 1787 du code civil, "Lorsqu'on charge quelqu'un de faire un ouvrage, on peut convenir qu'il fournira seulement son travail ou son industrie, ou bien qu'il fournira aussi la matière".

Le contrat d'entreprise est un contrat consensuel qui n'est soumis à aucune forme déterminée. (ex : Civ. 3ème, 17 dec. 1997, n°94-20.709)

L'article 1er de la loi n°75-1334 relative à la sous-traitance dispose que : "Au sens de la présente loi, la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître d'ouvrage"

Aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 "L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande.
Lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant".

En application de ces textes, le sous-traitant est tenu envers l'entrepreneur principal d'une obligation de résultat, s'agissant d'exécuter un ouvrage exempt de vices, il est responsable des malfaçons dues aux défectuosités des matériaux employés à moins qu'il ne justifie qu'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée. (ex : Civ 3ème, 2 févr. 2017, n°15-29.420 ; Civ. 3ème , 23 oct.1984, Bull. civ III, n°171 ; Civ. 3ème, 13 juin 1990, n° 88-17.234 ; Civ. 3ème, 21 oct. 1997, n° 95-16.717 ; Civ. 3ème 10 déc.2003 ; n°02-14.320).

L'entrepreneur principal peut engager sa responsabilité de contractant envers son sous-traitant, mais il n'engage pas sa responsabilité envers les tiers en cas de faute du sous-traitant (Civ. 3e, 8 sept. 2009, n°08-12.273 - Civ.3e, 22 oct.2010, n°09-11.007),

sauf à démontrer une faute personnelle qui lui soit imputable sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Sur ce,

Par devis en date du 17 février 2017, la société [H] entreprises a proposé divers travaux pour un montant total de 18.659,30 euros à Mme [G]-[U] s'agissant de la rénovation de son appartement, le devis n°170202 bis, fourni aux débats par cette dernière, n'est ni daté ni signé.

Mme [G]-[U] ne communique pas le contrat d'entreprise conclu avec la société [H], il n'a pas non plus été fourni lors des opérations expertales.

Le lot parquet, décrit dans le devis, comprenait :

"* dépose le parquet et l'envoyer à la décharge
* nettoyage entre les solives
* traitement des solives infectés
* fourniture de vermaspha (isolation phonique et thermique)
* fourniture livraison et poses des dalles OSB 15 mm
* fourniture ruban mousse PE 3 mm sur les solives (amortir le bruit)
* fourniture de parquet ancien 24 mm X 8 cm de large
* calage avec bois sur les solives (rattrapage de niveau)
* pose le parquet
* ponçage et vitrification en 2 couches de vernis" ( p.2 du devis).

La réalisation des travaux compris dans ce lot, ce qu'aucune des parties ne conteste, a été confiée à la société DJM Deco par l'entreprise [H].

Le contrat de sous-traitance n'a pas été communiqué à l'expert judiciaire, mais a été produit aux débats par la société [H] entreprises ; il est en date du 17 février 2017 et a été signé par Mme [Z] [H] pour le compte de la SARL [H] entreprise et par M. [K] [O] gérant de la société DJM Deco.

Au cours de l'exécution des travaux effectués sur le parquet de l'appartement de Mme [G]-[U] au 4ème étage, il a été constaté dans l'appartement de Mme [W] situé en dessous au 3ème étage, l'apparition de fissures dans le plafond entre les solives bois apparentes du plancher avec des chutes de morceaux de plâtre, ayant évolué vers un trou dans le plafond entre deux solives, causé par la chute d'un ouvrier à travers le plafond, selon l'attestation du locataire alors dans les lieux, M. [F].

L'architecte de l'immeuble, M. [E], mandaté par le syndic et en sa compagnie, a procédé à une visite de l'appartement de Mme [G]-[U] le 16 février 2017, afin de faire part de son avis sur les travaux en cours au niveau du plancher de son appartement.

Dans son rapport de visite en date du 22 février 2017, il fait mention des constats suivants :

- il constate que "le parquet est en cours d'arrachage, les entrevous sont remplis de laine de roche, en cours d'arrachage également ; cette laine de roche repose directement sur les entrevous, qui sont constitués de feuilles de plâtre (type BA 13) fixées sur des tasseaux qui sont eux-mêmes fixés sur des solives qui constituent la structure du plancher" ;
- il rencontre sur place le gérant de la société [H] entreprise, qui l'informe du projet de travaux suivants : "arracher tous les parquets, vider tous les entrevous ; mettre à niveau le sol à l'aide de cales en bois sur les solives ; remplir les vides à l'aide de Vermaspha de chez SOPREMA, qui est un isolant phonique et thermique qui se pose à sec ;mettre en œuvre des panneaux de type O.S.B., qui serviront de support à un parquet de bois flottant" ;
- fort de ces constats, il attire l'attention du syndic sur divers points à respecter pour la poursuite des travaux, notamment "l'interposition d'une feuille de plastique polyane avant la mise en œuvre du matériau empêcherait toutes fuites vers l'appartement voisin" (p.2)

L'architecte a conclu ce rapport en soulignant qu'il était "important aussi que la société s'engage à respecter toutes les préconisations des matériaux employés". (p.3)

Par courriel du syndic en date du 24 février 2017, Mme [G]-[U] a été destinataire de ce rapport ; elle le transférait le même jour par mail à [Courriel 17] et à [Courriel 14], avec le message suivant : "je vous transfère ce constat réalisé par l'architecte de la copropriété. Merci de me dire avant le RV si cela vous paraît juste ou si vous avez des remarques".

Dès lors, à la date du 24 février 2017, à supposer que l'architecte ne l'ait pas déjà expressément formulé au gérant de [H] entreprises qu'il a rencontré sur place le 22 février 2017, la société [H], entrepreneur principal, et son sous-traitant DJM Deco, en charge de la pose du parquet, avaient connaissance de la pose impérative de la feuille de plastique polyane pour empêcher toute fuite de matériau du plafond de l'appartement de Mme [W] sur le sol de son plancher bas.

Le 28 mars 2018, après un signalement de Mme [W] interpellant le syndic s'agissant de nouveaux écoulements du matériau d'isolation du plancher du logement de Mme [G]-[U], l'architecte de l'immeuble a procédé à une nouvelle visite des lieux, accompagné de Mme [X], de l'agence Verneuil Immobilier, en charge de la gestion locative de l'appartement de Mme [W].

Le rapport de l'architecte au syndic, en date du 5 avril 2018, avec photographies à l'appui, procède aux conclusions suivantes : "Mme [X] m'a fait constater la présence au sol d'un matériau d'aspect noir et léger. Manifestement, celui-ci tombe du plafond et plus précisément semble "s'écouler" entre 2 solives de plancher. Lors de la réalisation des travaux dans le logement de Mme [U], l'entrepreneur n'a pas veillé à la parfaite étanchéité entre les matériaux mis en œuvre et le solivage du plancher et les entrevous. De fait, le matériau qui vient en remplissage se "vide" dans l'appartement de Mme [W]. Afin d'arrêter cette fuite de matériau, il y a lieu de localiser au mieux son origine et de boucher le / les trous(s) par le dessous.

L'idéal serait de contrôler l'ensemble de la surface pour que cela ne se reproduise dans une autre zone".

Au cours de l'expertise judiciaire, il a également été constaté le 15 décembre 2020 la présence de billes d'isolant au sol de l'appartement de Mme [W], qui ont été aspirées pour permettre d'évaluer la récidive de cette chute.

Le 8 juillet 2021, l'expert judiciaire a relevé de nouveau la présence de billes d'isolant au sol de l'appartement de Mme [W], malgré l'intervention de la société GT Renov pour colmater provisoirement les trous et interstices laissant passer les billes d'isolation.

L'expert judiciaire a rendu son rapport le 18 décembre 2021, qu'il conclut en ces termes (page 57 du rapport) :

"Les désordres concernent des billes d'isolant s'échappant du plancher haut (Plafond) de l'appartement du 3ème. Les désordres proviennent de travaux réalisés par la société DJM Deco, sous-traitante de la société [H], titulaire du marché de travaux passé par Mme [Y] [G]-[U] pour son appartement du 4ème étage".

Il s'évince de l'analyse combinée de ces éléments que l'origine des désordres se trouve dans l'omission de la pose de la feuille de plastique polyane par la société DJM Deco, sous-traitante, qui avait pourtant connaissance du rapport de l'architecte de la copropriété, ayant souligné sa nécessaire mise en œuvre, ce fait caractérise une faute qui lui est imputable.

La société [H] entreprises, dont le gérant était présent lors de la visite de l'architecte de la copropriété et a échangé avec ce dernier sur les travaux en cours, ne peut se dégager de toute responsabilité en invoquant la méconnaissance d'une exigence qui lui a en outre été communiquée par écrit, ses diligences comportant l'obligation de s'assurer que son sous-traitant avait mis en œuvre toutes les préconisations de l'architecte quant à la conduite des travaux, d'autant plus que l'architecte de la copropriété avait été mandaté par le syndic consécutif à des sinistres déjà réalisés par la société DJM deco, qui avait antérieurement percé le plancher haut de l'appartement de Mme [W].

Les sociétés [H] et DJM Deco ne peuvent pas se dégager de leur responsabilité en soutenant que la chute de l'isolant est consécutive aux travaux de consolidation du plafond tentés en cours d'expertise par la société BF Renov, l'apparition et la persistance des désordres étant antérieures à son intervention.

Leurs responsabilités dans la survenance des désordres dénoncés par la demanderesse doivent donc être retenues.

En revanche Mme [W] succombe à rapporter la preuve d'une faute personnelle de Mme [G]-[U], qui a transmis à l'entrepreneur principal et à son sous-traitant le rapport de l'architecte et qui n'était pas tenue, en tant que profane et en dépit de ce que soutient la demanderesse,

de superviser les travaux de réalisation du plancher de son appartement de deux professionnels du bâtiment.

Il ne peut pas non plus lui être reproché de ne pas avoir eu recours à un architecte en tant que maître d'œuvre pour la conduite de ces travaux, comme le soutient à tort la demanderesse, qui ne démontre pas l'existence d'une obligation légale incombant à Mme [G]-[U] de recourir à un architecte pour les travaux dont il s'agit.

La SARL [H] entreprise produisant aux débats son assurance de responsabilité décennale obligatoire et de responsabilité civile professionnelle, applicable et en vigueur au moment du chantier de rénovation de l'appartement de Mme [G]-[U], le moyen relatif à l'absence fautive de vérification de l'assurance de l'entrepreneur en sa qualité de maître de l'ouvrage, à le supposer pertinent, est en tout état de cause inopérant ; comme est sans objet le moyen relatif à la non vérification fautive de l'assurance du sous-traitant de la société [H], aucune obligation légale ni jurisprudentielle incombant au maître de l'ouvrage n'existant à ce titre.

Dès lors Mme [G]-[U] sera mise hors de cause et par voie de conséquence son assureur, la société Pacifica, également.

Compte tenu des développements et Mme [G]-[U] ayant été mise hors de cause s'agissant de l'indemnisation des préjudices subis par Mme [W], les demandes de garantie de Mme [G]-[U] à l'encontre des sociétés [H], DJM Deco et Pacifica sont devenues sans objet en ce qui concerne leur volet indemnitaire.

L'ensemble de ces éléments conduit à caractériser l'engagement de la responsabilité de l'entrepreneur principal, la société [H], et de son sous-traitant, la société DJM Deco, dans la survenance des désordres subis par Mme [W] au sein de son appartement.

Etant co-responsables des désordres dénoncés par la demanderesse, ils seront condamnés in solidum à en réparer les conséquences préjudiciables.

Aucun partage de responsabilité entre eux n'a été sollicité par les défendeurs ; il n'y a donc pas lieu d'y procéder.

S'agissant de l'action directe exercée par Mme [W] contre l'assureur de la société [H], MIC Insurance, les conditions générales du contrat d'assurance souscrit par l'entreprise de construction sont produites, ainsi que l'avenant de son assurance responsabilité civile et décennale en date du 3 mars 2017 s'agissant de son activité de revêtements de surface en matériaux souples et parquets flottants, le risque réalisation de parquets a été souscrit.

Il ressort en effet des éléments versés au débat que la SARL [H] entreprise a conclu un contrat d'assurance responsabilité civile et décennale des entreprises du bâtiment à date d'effet le 2 mars 2017, et que cet acte stipule l'ajout d'activité "revêtements de surfaces en matériaux souples et parquets flottants".

En conséquence les travaux de reprise du plancher effectués par la société [H] et sous-traités à la société DJM Deco après la visite de l'architecte consécutive au premier sinistre, et qui ont débuté le 3 mars 2017, étaient couverts par la police d'assurance.

La demande de Mme [W] s'agissant de la reprise de l'ouvrage ayant été rejetée, seuls les moyens relatifs à l'exclusion de garantie de l'assurance de responsabilité civile seront examinés.

Les conditions générales prévoient, au chapitre IV "responsabilité civile générale" que sont garanties à l'article I, (B) "les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant incomber à l'assuré en raison de dommages corporels, matériels et immatériels consécutifs ou non consécutifs causés à des tiers (...) lorsque ces dommages ont pour origine : une malfaçon des travaux exécutés ; un vice du produit, un défaut de sécurité ; une erreur dans la conception, dans l'exécution des prestations" (p.21 de la police).

S'agissant de l'exclusion de garantie invoquée au titre de la faute personnelle du sous-traitant par la société MIC Insurance, ce moyen est inopérant dans la mesure où la société [H] entreprise a également commis une faute, engageant sa responsabilité civile, et que ces sociétés ont été condamnées in solidum sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil.

Les demandes de Mme [W] n'ayant pas pour objet la réparation d'un trouble de voisinage, le moyen invoquant la clause excluant la réparation de ces troubles est également inopérant.

La société [H] ayant conclu un avenant pour la couverture des risques s'agissant de l'activité de revêtement de surfaces en matériaux souples et parquets flottants et l'assurance responsabilité civile professionnelle couvrant les dommages immatériels consécutifs à l'activité de construction couverte par cette assurance, il convient dans ces conditions de condamner la Société MIC Insurance in solidum avec son assuré et la société DJM Deco en paiement des sommes allouées à Mme [W], en garantie de l'ensemble des condamnations prononcées à son encontre, le tout en principal, intérêts, frais et dépens, dans les limites prévues par les conditions générales et particulières de sa police.

Les conditions particulières de la police indiquant une franchise de 1.500 euros pour l'application de la garantie responsabilité civile après livraison, il en sera fait application.

S'agissant de l'action directe exercée par Mme [W] contre Pacifica, assureur de Mme [G]-[U], la responsabilité civile de cette dernière n'ayant pas été retenue par le tribunal, la garantie de Pacifica n'est pas mobilisable ; dès lors Mme [W] sera déboutée de sa demande de condamnation in solidum à ce titre.

2- Sur la réparation des préjudices de Mme [W]

La responsabilité civile pour faute de Mme [G]-[U] sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil, n'a pas été retenue par le tribunal ; dès lors les demandes en réparation formées à l'encontre de Mme [G]-[U] sont sans objet et ne seront pas examinées.

Se prévalant des conclusions du rapport d'expertise judiciaire, Mme [W] estime être fondée à solliciter l'indemnisation de son préjudice immatériel (perte de loyers) subséquent, consistant en la perte des loyers afférents au lot dégradé, qui n'a pu être mis en location entre la date de la découverte par son gestionnaire de la présence de billes sur son parquet - soit au mois de février 2018- jusqu'à la date de la signification de l'assignation soit le mois de janvier 2022, pour une période de 48 mois, soit 53.952 euros sur la base d'un loyer mensuel de 1.124 euros.

Elle sollicite également l'indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 15.000 euros, excipant de l'inertie de Mme [G]-[U] dans la gestion du sinistre, l'ayant conduite à mobiliser du temps et de l'énergie pour assurer une résolution judiciaire de son sinistre.

En réponse au moyen de Mme [G]-[U] soutenant que le point de départ de son préjudice immatériel (perte de loyers) doit être fixé au jour de la déclaration de son sinistre à Pacifica, soit le 1er juillet 2019, Mme [W] soutient que cette déclaration tardive n'est due qu'au fait de la carence de Mme [G]-[U] à mettre en œuvre la garantie de l'assureur de son entrepreneur.

Elle précise que la fin de la période d'indemnisation fixée à la date de l'assignation et non à la date de reprise de son plafond pendant l'expertise judiciaire, comme le préconise l'expert, est justifiée car il ne peut lui être reproché de s'abstenir de remettre son bien en location, alors que l'expert lui-même a conclu que seuls les travaux de reprise du plancher haut de son appartement serait de nature à faire cesser les désordres.

Elle soutient qu'elle a procédé à toutes les diligences nécessaires et n'est jamais restée passive comme le soutiennent les défendeurs.

En défense, la société MIC Insurance et les sociétés [H] et DJM Deco s'opposent à ces demandes.

La société [H] entreprise souligne que Mme [W] n'a jamais accepté les propositions de travaux de réparation qu'elle s'était engagée à faire au regard des désordres constatés, et qu'elle n'a rien fait pour procéder à la réhabilitation de son logement, elle ne peut donc pas solliciter une indemnisation au titre de la perte financière consécutive à la perte de ses loyers, puisqu'elle en est la seule responsable.

La société DJM Deco reprend en substance les mêmes arguments.

La société MIC Insurance soutient qu'il faut limiter le quantum des demandes de Mme [W] à la somme de 28.100 euros, correspondant à une perte de loyers entre le 1er juillet 2019 et le 22 juillet 2021 (1.124 euros x 24 mois)

S'agissant de la date de fin du préjudice immatériel (perte de loyers), l'ensemble des défendeurs soutient en effet qu'il faut le fixer à la date retenue par l'expert, soit le 22 juillet 2021, après la réalisation des travaux de rebouchage des poutres permettant la remise en location du studio.

L'ensemble des défendeurs soutient également que la demanderesse ne rapporte pas la preuve d'un préjudice moral, dont elle n'a en outre pas fait état lors de l'expertise.

***

L'article 9 du code de procédure civile dispose : "Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention"

Le principe de la réparation intégrale du préjudice subi impose que la personne à l'origine des désordres indemnise celui qui les a subis de l'intégralité de ces préjudices, à les supposer caractérisés.

Il appartient au juge d'évaluer le montant d'un dommage dont il constate l'existence dans son principe (ex. : Civ. 3ème, 25 janvier 2006, n° 04-20.726).

Chacun des responsables d'un même dommage doit par principe être condamné à le réparer en son entier, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité auquel il est procédé entre eux et qui n'affecte pas l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée, en vertu du principe de la réparation intégrale, de sorte que la responsabilité in solidum inhérente à la responsabilité extra-contractuelle joue comme une garantie de l'insolvabilité de l'un des responsables, au bénéfice de la partie lésée. Le partage de responsabilités ne vaut que dans le cadre de leur recours entre eux, et détermine la part des recours entre eux.

Sur ce

Sur la réparation du préjudice immatériel (perte de loyers)

Mme [W] justifie du montant du loyer mensuel de 1.124 euros par la production du contrat de location de son appartement à M. [F] en date du 2 février 2016.

Elle fournit également aux débats une attestation de ce dernier en date du 3 juillet 2019, qui déclare avoir quitté cet appartement suite aux nuisances provoquées par la chute des billes d'isolant et l'impossibilité d'y mettre fin, en dépit du passage de nombreux experts.

M. [A] n'a pas tranché la date de point de départ du préjudice immatériel (perte de loyers), déterminé par Mme [W] au mois de février 2021, et par les défendeurs le 1er juillet 2019, ces derniers alléguant d'une déclaration tardive de son sinistre à la société Groupama, l'expert judiciaire estimant qu'il s'agissait d'un point juridique.

Mme [W] produit aux débats la lettre en date du 1er juillet 2019 adressée à son assureur aux termes de laquelle elle écrit : "Je reviens vers vous, à nouveau, concernant le dossier ouvert en 2017, suite à la destruction partielle de mon plafond par l'entreprise réalisant des travaux dans l'appartement situé au-dessus du mien, [Adresse 6], à [Localité 7]. (...) Les travaux n'ont été, semble-t-il, pas réalisés correctement. Ceci est à l'origine d'un désordre dans mon appartement (désordre que je vous ai signalé il y a plusieurs mois)".

Il ressort de ce courrier que Mme [W] fait état d'un préjudice qui a commencé en 2017, antérieurement signalé à l'assureur, et que la date de ce courrier n'est pas opérante pour en déterminer le point de départ, qui doit se situer au début de sa manifestation, soit à partir des premiers écoulements de billes d'isolant, rendant le bien impropre à sa destination, soit en l'espèce la location.

Mme [W] produit aux débats les courriers échangés entre son agence immobilière, l'architecte et le syndic de la copropriété, faisant état de l'inaptitude du bien à la location à compter du mois de février 2018, date à laquelle le tribunal fixera le début de l'impossibilité locative, point de départ du préjudice immatériel (perte de loyers).

S'agissant de la fin de la période indemnisable, elle sera fixée à la date de l'assignation car l'expert judiciaire, comme sollicité par la demanderesse, s'il a mandaté une entreprise pour procéder à des travaux de colmatage durant l'opération expertale et fixé la fin de l'impossibilité locative du bien à leur achèvement, soit le 22 juillet 2021, conclut en ces termes s'agissant des possibilités de remédier aux dommages (p.53) : "L'expert donne un avis favorable uniquement à la solution préconisée par le cabinet renaissance ; cette solution permettra de supprimer en totalité les désordres et leur reprise en remplacement des ouvrages exécutés par la société DJM Deco".

Il a par ailleurs précisé en page 52 de son rapport qu'une "solution provisoire en bouchant les différents espaces peut permettre de remettre en location le bien. Cependant, sur le long terme, cette solution ne sera pas totalement satisfaisante car ce type de plancher bouge et un passage de billes peut réapparaître. Cette solution n'est pas pérenne".

Le devis de travaux proposé par la société Construction et Rénovation eu bâtiment, sous la maîtrise d'œuvre du cabinet d'architecte Renaissance, a en effet été le seul retenu par l'expert comme pouvant mettre fin aux désordres ; il décrit la nécessaire reprise du parquet depuis l'appartement de Mme [G]-[U] avec évacuation de l'isolant, pose d'un nouvel isolant et repose d'un parquet suivant le schéma communiqué par le cabinet d'architecte.

Ces travaux n'ayant pas été réalisés par Mme [G]-[U] au jour de l'assignation, les désordres n'ont pas cessé à cette date et il conviendra de la retenir comme le terme de l'impossibilité locative de l'appartement de Mme [W], situé à l'aplomb de la fuite des matériaux qui ne pouvait être endiguée.
Il sera en outre relevé que Mme [W] n'a commis aucune faute à refuser les travaux proposés par la société [H] entreprises s'agissant de la réparation de son préjudice, comme le soutient cette dernière, l'expert judiciaire ayant expressément les travaux proposés en les qualifiant de solution insatisfaisante : "Hormis la suppression des billes, ce devis ne permet pas de mettre le plancher dans un état similaire à celui qui préexistait aux travaux litigieux et particulièrement en matière d'isolation phonique" (rapport de l'expert p.54)

Enfin, le locataire de Mme [W] ayant attesté de son départ de l'appartement qu'il louait en raison des désordres objet du présent litige, l'agence immobilière ayant également attesté de l'impossibilité de louer l'appartement en l'état avec la chute continue des billes isolantes dans un lieu de vie, les défendeurs ne peuvent utilement arguer de l'analyse des faits un préjudice constituant en une simple perte de chance de location.

En conséquence la société [H] entreprise, son assureur la société MIC Insurance et la société DJM Deco seront condamnées in solidum à payer à Mme [W] la somme de 53.952 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice immatériel, consistant en sa perte de loyer entre le mois de février 2018 et le mois de janvier 2022 (soit 48 x 1.124 euros).

Sur la demande en réparation du préjudice moral

Mme [W], qui sollicite 15.000 euros en réparation de son préjudice moral, n'a pas soumis cette demande à l'expert au cours de l'expertise judiciaire et ne produit aucune pièce susceptible de caractériser un préjudice moral dépassant les désagréments de la longueur et des coûts financiers d'une procédure judiciaire, qui sont indemnisables au titre des dépens et des frais irrépétibles.

En conséquence Mme [W] sera déboutée de sa demande d'indemnisation de son préjudice moral.

Sur la demande de réalisation de travaux de reprise de l'ouvrage sous astreinte à l'encontre de Mme [G]-[U]

La responsabilité de Mme [G]-[U], dont l'engagement a été sollicité au seul visa de l'article 1240 du code civil et non au titre d'une éventuelle responsabilité objective, n'a pas été retenue, dès lors elle ne peut être condamnée à une remise en état à titre de réparation matérielle.

Dès lors, Mme [W] sera déboutée de sa demande de réalisation de travaux de reprise de l'ouvrage sous astreinte à l'encontre de Mme [G]-[U].

En conséquence les demandes reconventionnelles de Mme [G]-[U] à l'encontre des sociétés [H] et DJM Deco, formulées à titre subsidiaire dans l'hypothèse où cette dernière serait condamnée à ces travaux de reprise, sont sans objet et ne seront donc pas examinées.

3- Sur la demande reconventionnelle de Pacifica à l'encontre des sociétés [H], DJM deco et Mic insurances s'agissant du remboursement des sommes versées à Mme [W]

La compagnie Pacifica allègue avoir payé la somme de 1.888 euros à Mme [W] au mois d'octobre 2017, et en sollicite le remboursement ; elle se réfère pour en justifier aux pièces 5 et 6 de la demanderesse.

Elle soutient avoir mobilisé sa garantie au bénéfice de Mme [G]-[U], en tant qu'assurance pour compte de qui il appartiendra, avant l'expertise judiciaire qui a permis de confirmer que l'origine des désordres dans l'appartement de Mme [W] résidait dans les travaux effectués par les sociétés [H] et DJM Deco.

Sur ce

La pièce 5 est un courrier de la société Groupama en date du 2 octobre 2017 qui fait état d'un chèque de 1.888 euros "obtenu de l'assureur adverse, Pacifica, assureur de Mme [G] [U]". Le chèque n'est pas produit par Mme [W] et aucune quittance n'est produite aux débats par la société Pacifica.

La pièce 6 de Mme [W] est relative à un chèque de 150 euros tiré par Mme [G]-[U] à Mme [W], en application de la franchise de son assureur.

En conséquence, la société Pacifica ne produisant pas la preuve du versement de la somme de 1.888 euros à Mme [W], elle sera déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement de cette somme à l'encontre des sociétés [H] entreprise, DJM Deco et MIC Insurances.

4- Sur les demandes en garantie des assureurs

A titre liminaire et au regard des développements précédents, les appels en garantie de la société Pacifica ne seront pas examinés puisque son assurée n'a pas été jugée responsable des désordres causés à Mme [W] et sa garantie n'a pas été mobilisée.

La société MIC Insurances conclut à titre subsidiaire à l'appel en garantie de la société DJM Deco dans l'hypothèse où le tribunal jugerait sa garantie mobilisable.

Elle soutient que la société DJM Deco, sous-traitant doit être engagée de plein-droit en application de l'article 1231-1 du code civil, car il est tenu envers l'entrepreneur principal d'une obligation de résultat d'exécuter des travaux exempts de vice.

Elle argue de ce que les travaux n'étant pas exempt de vice, elle apparaît en sa qualité d'assureur de l'entreprise générale fondée à appeler en garantie le sous-traitant.

La société DJM Deco n'a pas conclu en réponse sur l'appel en garantie de la société MIC insurance mais soutient à titre principal son absence de responsabilité en tant que sous-traitant, les travaux entrepris par la société [H] entreprise ayant été réalisés sous la responsabilité de cette dernière.

***

Il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l'assurance d'établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en jeu cette garantie ; à l'inverse il revient à l'assureur de prouver l'exclusion ou la déchéance de garantie qu'il allègue.

Sur ce,

S'agissant de l'appel en garantie de l'assureur de l'entrepreneur principal au titre de la faute personnelle du sous-traitant, ce moyen est inopérant dans la mesure où il a été jugé que la société [H] entreprise a également commis une faute, engageant sa responsabilité civile, et que ces sociétés ont été condamnées in solidum sur le fondement des articles 1240 et 1241 du code civil.

En conséquence l'appel en garantie de la société MIC Insurance à l'encontre de la société DJM Deco sera rejeté.

5- Sur les demandes accessoires

- Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Les sociétés [H] entreprise, DJM Deco et MIC insurance seront condamnés in solidum au paiement des entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Mme [W] sollicite également un remboursement "des coûts induits" par l'expertise, qui ont été consignés dans le rapport d'expert comme 1.650 euros pour "un sondage effectué dans le cadre des opérations d'expertise" et un montant de 550 euros concernant "une reprise ponctuelle provisoire qui aurait permis de remettre le bien en location". Mme [W] ajoute également à ces coûts induits un montant de 1.200 euros au titre des honoraires d'architecte.

Sur ce

L'ordonnance de taxe en date du 18 février 2022 a fixé la rémunération de l'expert à 9.128,16 euros, la rémunération des techniciens est inscrite dans la liste des dépens énumérée à l'article 695 du code de procédure civile.
En revanche des travaux de reprise ou des sondages facturés en dehors de l'ordonnance de taxe et effectués au cours d'une expertise ne sont pas compris dans les dépens en application de ce texte.
La demande de Mme [W] d'une indemnisation au titre de ses frais résultant des "coûts induits" par l'expertise sera rejetée.

- Sur les frais non compris dans les dépens

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Tenues aux dépens, les sociétés [H] entreprise, DJM Deco et MIC insurance, seront en outre condamnées in solidum à payer à Mme [W] la somme de 10.000 euros à ce titre.

Mme [G]-[U] et la société Pacifica seront déboutées de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

- Sur l'exécution provisoire

Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, la nature des condamnations prononcées et l'ancienneté du litige justifient que l'exécution provisoire de droit ne soit pas écartée.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles ainsi que leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire et par mise à disposition au greffe :

CONDAMNE in solidum la SARL [H] entreprise, la SASU DJM Deco et la société MIC Insurance à payer à Madame [M] [W] la somme de 53.952 euros au titre de son préjudice immatériel (perte de loyers) ;

DEBOUTE Mme [M] [W] de ses demandes indemnitaires à l'encontre de Mme [Y] [G]-[U] ;

DEBOUTE Mme [M] [W] de sa demande de réalisation de travaux de reprise d'ouvrage sous astreinte à l'encontre de Mme [Y] [G]-[U] ;

DEBOUTE Mme [M] [W] de ses demandes à l'encontre de la SA Pacifica ;

DEBOUTE Mme [M] [W] de ses demandes au titre de la réparation de son préjudice moral ;

DEBOUTE la SA Pacifica de sa demande de remboursement de la somme de 1.888 euros à l'encontre de la SARL [H] entreprise et de la SASU DJM Deco ;

DEBOUTE la société MIC Insurance de son appel en garantie contre la SASU DJM Deco ;

CONDAMNE in solidum la SARL [H] entreprise, la SASU DJM Deco et la société MIC Insurance aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire, taxés à la somme de 9.128,16 € TTC ;

DEBOUTE Mme [M] [W] de sa demande de remboursement des coûts induits chiffrés à la somme de 3.400 € ;

CONDAMNE in solidum la SARL [H] entreprise, la SASU DJM Deco et la société MIC Insurance à payer à Mme [M] [W] la somme de 10.000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE Mme [Y] [G]-[U] de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la SA Pacifica de ses demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à Paris le 25 Juin 2024.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 22/02058
Date de la décision : 25/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-25;22.02058 ?
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