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25/06/2024 | FRANCE | N°22/01502

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 25 juin 2024, 22/01502


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




8ème chambre
1ère section


N° RG 22/01502 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CV5B4


N° MINUTE :


Assignation du :
27 Janvier 2022






JUGEMENT
rendu le 25 juin 2024
DEMANDEURS

Monsieur [G] [J]
[Adresse 4]
[Localité 3]

Madame [T] [F]
[Adresse 4]
[Localité 3]

Monsieur [U] [J], représenté par ses parents, es qualité de représentants légaux, Monsieur [G] [J] et Madam

e [T] [F]
[Adresse 4]
[Localité 3]

représentés par Maître Guillaume COSTE-FLORET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P267


DÉFENDEURS

S.A. ALLIANZ IARD
[Adresse 1]
[Localité 5]

représen...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

8ème chambre
1ère section

N° RG 22/01502 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CV5B4

N° MINUTE :

Assignation du :
27 Janvier 2022

JUGEMENT
rendu le 25 juin 2024
DEMANDEURS

Monsieur [G] [J]
[Adresse 4]
[Localité 3]

Madame [T] [F]
[Adresse 4]
[Localité 3]

Monsieur [U] [J], représenté par ses parents, es qualité de représentants légaux, Monsieur [G] [J] et Madame [T] [F]
[Adresse 4]
[Localité 3]

représentés par Maître Guillaume COSTE-FLORET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P267

DÉFENDEURS

S.A. ALLIANZ IARD
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Philippe MARINO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0143

Décision du 25 juin 2024
8ème chambre 1ère section
N° RG 22/01502 - N° Portalis 352J-W-B7G-CV5B4

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4], représenté par son syndic, la S.A.R.L. CABINET MINARD
[Adresse 2]
[Localité 3]

représenté par Maître Bruno ALLALI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0709

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Monsieur Julien FEVRIER, Juge
Madame Elyda MEY, Juge

assistés de Madame Lucie RAGOT, Greffière lors des débats, et de Madame Justine EDIN, Greffière lors du prononcé.

DÉBATS

A l’audience du 28 février 2024 tenue en audience publique devant Monsieur Julien FEVRIER, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

***

EXPOSE DU LITIGE

L'immeuble situé [Adresse 4] est constitué en copropriété.

M. [G] [J] et Mme [T] [F] sont propriétaires d'un appartement dans cet immeuble, dans lequel ils résident avec leur enfant M. [U] [J].

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] est assuré auprès de la société Allianz Iard.

Des travaux de ravalement de l'immeuble ont été menés au cours de l'année 2019.

Se plaignant d'avoir subi des désordres dans leur appartement en lien avec ces travaux de ravalement à compter du mois de novembre 2019 et jusqu'en novembre 2020, les consorts [J] en leur nom personnel ainsi qu'en leur qualité de représentant légal de l'enfant mineur [U] [J] ont assigné devant le tribunal le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], ainsi que l'assureur de l'immeuble, la société Allianz Iard, ce par actes d'huissier de justice des 27 janvier 2022 et 1er février 2022.

*

Dans leurs dernières écritures notifiées par le réseau privé des avocats le 24 mars 2023, les consorts [J] en leur nom personnel ainsi qu'en leur qualité de représentant légal de l'enfant mineur [U] [J] demandent au tribunal de :

" Vu l'article 14 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965
Vu l'adage " nul ne doit causer à autrui un trouble anormal de voisinage ",
Vu l'article 1240 du code civil,

Il est demandé au tribunal de :
-Condamner in solidum le SDC et Allianz Iard à verser la somme de 28.520,20 € à messieurs [G] et [U] [J] et madame [T] [F] avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 26 avril 2021 ;
-Condamner in solidum le SDC et Allianz Iard à verser la somme de 3.500 € à messieurs [G] et [U] [J] et madame [T] [F] au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens ".

*

Dans ses dernières écritures notifiées par le réseau privé des avocats le 13 septembre 2023, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] demande au tribunal de :

" Vu l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965
Vu les articles 114-1 et suivants du code des assurances

Il est demandé au tribunal de :
Recevoir le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] en ses demandes, fins et prétentions

A titre principal :
Débouter monsieur [G] [J], madame [T] [F], monsieur [U] [J] et la société Allianz Iard de toutes leurs demandes,

A titre subsidiaire :
Débouter monsieur [G] [J], madame [T] [F], monsieur [U] [J] de leur demande de remboursement des loyers versés et revoir leurs préjudices de jouissance et moral à de plus justes proportions,
Condamner la société Allianz Iard à garantir le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] de toutes condamnations qui pourraient être prononcées son encontre,

En tout état de cause :
Condamner la société Allianz Iard à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] la somme de 26729,62 € TTC avec intérêts au taux légal à compter de la notification des présentes conclusions
Condamner la société Allianz Iard à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condamner in solidum monsieur [G] [J], madame [T] [F], monsieur [U] [J] à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Condamner in solidum monsieur [G] [J], madame [T] [F], monsieur [U] [J] et la société Allianz Iard aux entiers dépens de l'instance, qui pourront être recouvrés par maître Bruno Allali, avocat au barreau de Paris ".

*

Dans ses dernières écritures notifiées par le réseau privé des avocats le 15 juin 2023, la société Allianz Iard demande au tribunal de :

" Vus les articles 1103 et 1104 du code civil,
Vu le contrat d'assurance souscrit auprès de la société Allianz Iard,

- Débouter monsieur [G] [J], madame [T] [F] et le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Allianz Iard dont la garantie est inapplicable en l'espèce ;
- Condamner monsieur [G] [J] et madame [T] [F] ou, à défaut, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] à régler à la société Allianz Iard la somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner monsieur [G] [J] et madame [T] [F] ou, à défaut, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], aux entiers dépens dont distraction au profit de maître Philippe Marino, avocat aux offres de droit, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
- Débouter l'ensemble des parties en la procédure de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes écritures".

*

Il est renvoyé aux conclusions des parties pour l'exposé des moyens de droit et de fait à l'appui de leurs prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 9 octobre 2023 et l'affaire a été plaidée le 28 février 2024. La décision a été mise en délibéré au 21 mai 2024, prorogé au 25 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes principales de MM. [J] et de Mme [F]

A l'appui de leurs demandes, MM. [J] et Mme [F] font valoir que :
- au mois de novembre 2019, ils ont constaté des désordres au sein de leur appartement en lien avec le chantier de ravalement de l'immeuble mené par la société Aufrere ;
- les désordres n'étaient pas réparables avant la fin des travaux en novembre 2020 ;
- l'appartement n'était plus étanche à l'air et à l'eau ;
- ils ont eu un enfant un mois avant la constatation du sinistre ;
- ils ont été contraints de louer un autre appartement de novembre 2019 à juillet 2020, puis sont retournés dans leur appartement en cloisonnant les chambres ;
- l'assemblée générale du 9 mars 2021 a voté la prise en charge par la copropriété des travaux réparatoires des dommages matériels subis par les copropriétaires dans leur appartement suite aux travaux de façade ;
- ils ont mis en demeure le syndicat des copropriétaires, son assureur et la société Aufrere de les indemniser par courrier du 26 avril 2021 ;
- le syndicat des copropriétaires est responsable de plein droit sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 au titre de l'entretien des parties communes ou sur le fondement du trouble anormal de voisinage ;
- le sinistre est lié aux travaux de ravalement de la façade et donc aux parties communes et spécialement aux poutres en bois de la façade ;
- il n'a pas été mis en œuvre de mesures provisoires pour assurer l'étanchéité de l'appartement ;
- aucune des parties ne conteste la responsabilité objective du syndicat des copropriétaires ;
- l'argumentation du syndicat des copropriétaires est incohérente ;
- ils ont justifié du paiement de loyers durant la période de sinistre ;
- dans l'hypothèse où Allianz garantirait le syndicat des copropriétaires, le tribunal devra prononcer une condamnation in solidum ;
- Allianz ne démontre pas l'application des clauses d'exclusion de garantie invoquées ;
- les conditions générales du contrat d'assurance couvrent les dommages matériels et pécuniaires causés à autrui en lien avec l'immeuble assuré;
- leur appartement était en parfait état avant travaux et ne l'était plus après ;
- plusieurs experts ont constaté le sinistre, lequel n'a pas pris fin le 16 novembre 2019 ;
- les dommages matériels ont déjà été pris en charge par le syndicat des copropriétaires ;
- aucune indemnité n'a été versée au titre des dommages immatériels : loyers pour 16.512,20 €, préjudice de jouissance pour 4.008 € et préjudice moral.

En défense, le syndicat des copropriétaires fait valoir que :
- les travaux de ravalement ont débuté en septembre 2019 et se sont achevés en décembre 2020 ;
- les opérations de piochage ont révélé l'état de pourrissement avancé de certains pans de bois de l'ossature de la façade ;
- au cours de la réalisation des travaux, des désordres sont apparus dans les parties privatives dont celles de l'appartement des demandeurs ;

- les demandeurs ont évoqué des désordres dans une pièce de leur appartement, leur chambre ;
- les désordres dans l'appartement des demandeurs ont été constatés dans les comptes-rendus de chantier ;
- il a pris en charge les préjudices matériels subis dans les appartements;
- l'expert mandaté par Allianz Iard a constaté les mêmes désordres dans plusieurs appartements ;
- seuls les demandeurs prétendent que leur appartement était inhabitable;
- les demandeurs ont quitté leur logement pour des raisons personnelles étrangères aux désordres consécutifs aux travaux de ravalement ;
- le préjudice de jouissance invoqué n'est pas démontré ;
- la preuve de l'état du bien des demandeurs avant le sinistre n'est pas rapportée ;
- aucune précision n'est faite sur la date d'apparition des désordres dans la chambre d'enfant, ni sur l'origine de ces désordres ;
- le caractère inhabitable du logement n'est pas justifié ;
- la persistance des désordres après le 26 novembre 2019 n'est pas démontrée ;
- il n'y a pas de preuve du lien de causalité entre les déménagements successifs et l'état du logement ;
- la maison louée par les demandeurs ne correspond pas aux caractéristiques de leur appartement et appartient à leur famille ;
- le préjudice de jouissance n'est pas en lien avec la surface de la pièce sinistrée ;
- les pièces produites pour justifier les préjudices ne sont pas probantes;
- le préjudice moral est contesté puisque les demandeurs ont déménagé dans une maison familiale située dans un cadre agréable ;
- aucune infiltration n'a jamais été constatée et le préjudice de jouissance est surévalué ;
- le préjudice moral est contesté ;
- Allianz Iard est son assureur ;
- le sinistre a été déclaré ;
- les conditions particulières du contrat le liant à son assureur prévoit une garantie responsabilité civile incendie et dégâts des eaux et une responsabilité civile immeuble ;
- la responsabilité civile propriétaires d'immeubles couvrent sa responsabilité civile à hauteur de 1.500.000 € pour les dommages matériels et pertes pécuniaires consécutives ;
- l'assureur ne prouve pas la réunion des conditions des clauses d'exclusion de garantie ;
- l'architecte ayant suivi les travaux de ravalement a indiqué qu'ils étaient consécutifs au mauvais état des pans à ossatures bois ;
- la compagnie Allianz manque de bonne foi.

De son côté, la société Allianz Iard fait valoir que :
- le syndicat des copropriétaires a souscrit un contrat d'assurance multirisques immeuble classique auprès d'elle ayant pris effet le 1er juin 2017 et ayant été résilié le 1er janvier 2021 ;
- les opérations de piochage ont révélé l'état de pourrissement avancé de certains pans de bois de l'ossature de la façade ;
- lors de l'assemblée générale du 9 mars 2021, le syndicat des copropriétaires a voté la prise en charge des dommages consécutifs aux travaux engagés ;
- les opérations d'expertise amiable ont permis de retenir la responsabilité de la société Aufrere dans la survenance des dommages;
- la responsabilité civile du syndicat des copropriétaires en sa qualité de maître d'ouvrage ne figure pas parmi les garanties contractuelles.

Vu l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 invoqué qui prévoit que le syndicat des copropriétaires a pour objet la conservation et l'amélioration de l'immeuble ainsi que l'administration des parties communes. Le syndicat est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers ayant leur origine dans les parties communes, sans préjudice de toutes actions récursoires.

Vu l'article L 124-3 du code des assurances qui précise que le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

Sur ce

Sur la responsabilité du syndicat des copropriétaires

En l'espèce, pour justifier des désordres subis dans leur appartement, les consorts [J] [F] versent aux débats un procès-verbal de constat d'huissier de justice du 21 novembre 2019.

Dans la chambre des parents, l'huissier de justice relève de nombreuses fissures, de la peinture écaillée, " un jour est apparent selon les endroits. De l'air passe au niveau de ces fissures ", " éclatement également de la cloison ", " de la poussière ", " fissure avec éclatement", " morceaux de plâtre sont tombés au sol ", " le jour est visible à travers ce trou et de l'air passe par celui-ci ".

Dans la chambre enfant, l'huissier de justice mentionne également de nombreuses fissures et de la poussière.

Les photos annexées au constat confirment les dégradations importantes relevées par l'huissier de justice et sont concordantes avec celles prises par les demandeurs eux-mêmes et figurant à la procédure.

L'état très dégradé des chambres de l'appartement est encore confirmé par un courrier en date du 16 mars 2020 de l'expert de l'assurance Maaf, assureur des demandeurs, qui indique à M. [J] : " je vous confirme que l'état général de l'appartement avec notamment la présence de fissures traversantes est peu à pas compatible avec le bon développement d'un nourrisson ".

Les demandeurs produisent un devis et des factures de rénovation de leur appartement datées d'octobre 2018, novembre 2018 et février 2019 qui justifient du bon état du logement avant le sinistre et du fait que les dégradations relevées par l'huissier de justice sont nécessairement postérieures à cette rénovation.

Ce d'autant que l'huissier de justice relève que " les murs ainsi que les plinthes et le plancher haut sont dans un état proche du neuf ".

S'agissant de l'origine des désordres, le syndicat des copropriétaires et son assureur confirment qu'ils sont en lien avec les travaux de ravalement de l'immeuble, notamment avec des opérations de piochage des gros murs extérieurs. Aucun des défendeurs ne conteste que les gros murs concernés de l'immeuble sont des parties communes.

Le compte-rendu de chantier du 19 novembre 2019 indique : " étant donné l'état de la structure de la façade, les opérations de piochage ont tout à fait normalement provoqué de menus désordres à l'intérieur des appartements... A ces désordres se sont ajoutés ceux de l'appartement du 2ème étage porte droite : [J]...".

L'expert du cabinet Elex indique pour sa part dans son rapport que :
" l'intervention de la société Maison Aufrere a déstabilisé les moellons de remplissage entre les pans de bois entraînant un désafleurement de l'enduit plâtre de parement du côté intérieur de chaque logement ainsi que certains châssis extérieurs. ".

Au demeurant, l'assemblée générale des copropriétaires du 9 mars 2021, dans une résolution n° 20.1, a voté " les travaux de reprise des désordres dans les appartements suite aux opérations de piochage et remplacement des pans de bois sur la façade ".

La même assemblée a accepté de prendre en charge, dans une résolution n° 24, les travaux de reprise de maçonnerie et peinture déjà effectués dans l'appartement des demandeurs. Les demandeurs ne forment d'ailleurs aucune demande au titre des dommages matériels.

Dès lors, les désordres invoqués et leur origine en lien avec les parties communes de l'immeuble sont suffisamment établis.

La responsabilité sans faute du syndicat des copropriétaires de l'immeuble doit donc être mobilisée en application de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965.

Sur la réparation des préjudices

Les consorts [J] [F] réclament une somme globale de 28.520,20 € au titre des désordres immatériels, ainsi ventilée : 16.512,20 € au titre des loyers réglés durant leur relogement, 4.008 € au titre du préjudice de jouissance après réintégration de leur appartement à compter du 1er août 2020 et 8.000 € au titre du préjudice moral.

S'agissant des loyers, compte-tenu de l'état de l'appartement largement démontré par les pièces déjà discutées et au regard de l'âge de leur jeune enfant à l'époque des faits, les demandeurs pouvaient légitimement considérer que l'appartement n'était pas habitable avec un nourrisson. A ce titre, l'attestation du médecin traitant contre-indiquant l'occupation du logement pendant les travaux de remise en état apparaît cohérente avec la description des désordres.

Les demandeurs peuvent donc réclamer une indemnité au titre des frais de relogement engagés.

Pour justifier de leur préjudice, ils produisent :
- un contrat de location en meublé pour une maison de six pièces à [Localité 6] pour un loyer mensuel de 1.900 € à compter du 15 novembre 2019. Le bailleur de cette maison est Mme [X], parente de la demanderesse.
- un bail mobilité pour un appartement dans le [Localité 3] pour la période du 22 février 2020 au 1er juillet 2020 pour un loyer mensuel de 1.900 € hors charges. Le bailleur de cet appartement est Mme [Y] [K].
- un contrat de location en meublé pour une maison de six pièces à [Localité 6] pour un loyer mensuel de 1.900 € à compter du 23 mai 2020. Le bailleur de cette maison est Mme [X], parente de la demanderesse.
- des quittances de loyer délivrées par Mme [O] et Mme [K].

Dès lors que le paiement effectif des loyers invoqués est contesté en défense, il appartenait aux demandeurs de justifier plus sérieusement de la réalité des paiements effectués, notamment en versant à la procédure les justificatifs bancaires des virements ou chèques envoyés, ce qui n'a pas été fait.

En l'état, compte-tenu de la carence probatoire des demandeurs sur ce point, aucune indemnité ne peut donc être allouée pour cette période de location.

S'agissant du préjudice de jouissance pour la période d'août 2020 à fin novembre 2020, le syndicat des copropriétaires reconnaît dans ses écritures que les travaux se sont achevés en décembre 2020. Les demandeurs produisent une estimation de la valeur locative de leur appartement de 60m2 par un agent immobilier à hauteur de 2.004 € par mois. Compte-tenu des désordres établis dans les chambres de l'appartement des demandeurs et de la gêne en découlant pour y vivre avec un bébé, leur préjudice de jouissance peut effectivement être évalué à 4.008 € sur la période de quatre mois concernée.

S'agissant du préjudice moral invoqué, l'enfant [U] [J] est trop jeune pour avoir subi cette situation, alors qu'il a toujours résidé avec ses parents durant la période litigieuse. En revanche, M. [J] et Mme [F] ont effectivement subi un préjudice moral découlant de la situation de précarité en matière de logement dans laquelle ils ont été placés avec un très jeune enfant durant plusieurs mois. Leur préjudice moral personnel sera évalué à 1.000 € pour M. [G] [J] et à 1.000 € pour Mme [F].

Il sera donc alloué une somme globale de 6.008 € aux demandeurs, avec intérêt légal à compter du prononcé du jugement et non de la mise en demeure du 26 avril 2021 compte tenu de leur caractère indemnitaire.

Le syndicat des copropriétaires défendeur sera condamné à leur verser ces sommes.

Sur la condamnation in solidum de l'assureur au titre des désordres subis par les consorts [J]-[F]

S'agissant des mêmes demandes dirigées contre l'assureur Allianz Iard, ce dernier reconnaît être l'assureur du syndicat des copropriétaires défendeur. Il produit les conditions particulières du contrat d'assurance et les conditions générales.

Les conditions particulières visent diverses garanties et notamment la " responsabilité civile immeuble " dont la mobilisation est demandée. Les conditions générales stipulent : " nous garantissons les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant vous incomber, en raison de dommages corporels, matériels et pertes pécuniaires consécutives causés à autrui... du fait : des immeubles assurés... ".

Pour dégager sa garantie, l'assureur défendeur invoque une exclusion mentionnée dans les conditions générales produites : " les dommages de la nature de ceux qui, en droit français, engagent : la responsabilité des constructeurs, fabricants ou négociants assimilés en vertu des articles 1792 et suivants du code civil ; votre responsabilité de maître d'ouvrage au titre de travaux de construction nécessitant un permis de construire...

Votre contrat ne garantit pas : 8 Le domaine construction Les dommages ou désordres relevant des articles 1792 à 1792-6 du code civil ainsi que toutes les responsabilités vous incombant en vertu de la loi n° 78-12 du 4 janvier 1978 ".

Or, il n'est pas démontré que les travaux de ravalement en cause nécessitaient un permis de construire.

Il n'est pas plus justifié que les dommages en cause seraient ceux qui engagent la responsabilité des articles 1792 et suivants du code civil, alors que les dommages subis par les demandeurs sont à l'évidence des vices très apparents bien avant la réception des travaux et non cachés.

La responsabilité du syndicat des copropriétaires est retenue non pas en sa qualité de maître d'ouvrage mais au titre de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965.

Dès lors, il n'y a pas lieu de retenir les exclusions de garantie invoquées.

La garantie " responsabilité civile immeuble " de l'assureur du syndicat des copropriétaires est donc mobilisable.

La société Allianz Iard sera condamnée in solidum avec son assuré à verser aux demandeurs l'indemnité précédemment allouée.

Sur les demandes reconventionnelles en garantie du syndicat des copropriétaires contre Allianz Iard

Sur ce point, le syndicat des copropriétaires fait valoir que :
- son contrat d'assurance comporte une garantie responsabilité civile immeuble ;
- les exclusions de garantie invoquées par son assureur ne sont pas applicables ;
- il a supporté le coût des travaux de réfection dans les parties privatives suite aux travaux réalisés au cours du chantier et ce pour un montant de 26.729,62 TTC ;
- la garantie de l'assureur est mobilisable au regard des conditions générales du contrat d'assurance.

En défense, la société Allianz Iard considère que la responsabilité civile du syndicat des copropriétaires en qualité de maître d'ouvrage ne figure pas parmi les garanties du contrat et invoque une exclusion de garantie.

Vu le contrat d'assurance souscrit par le syndicat des copropriétaires et versé aux débats.

Sur ce,

En l'espèce, il a déjà été rappelé que les conditions particulières du contrat d'assurance visent diverses garanties et notamment la "responsabilité civile immeuble " dont la mobilisation est demandée. Les conditions générales stipulent : " nous garantissons les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile pouvant vous incomber, en raison de dommages corporels, matériels et pertes pécuniaires consécutives causés à autrui... du fait : des immeubles assurés... ".

Les dommages matériels et immatériels invoqués entrent donc dans la garantie de l'assureur.

Les exclusions invoquées ne sont pas applicables comme déjà indiqué.

Dès lors, l'assureur Allianz Iard sera condamné à garantir son assuré au titre des condamnations prononcées au bénéfice des consorts [J] [F], dépens et frais irrépétibles inclus.

Par ailleurs, il sera également condamné à garantir son assuré au titre des dommages matériels subis par les copropriétaires de l'immeuble du fait des travaux de ravalement et dont la prise en charge a été votée par l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble au regard des procès-verbaux de ces assemblées des 9 mars 2021 et 16 novembre 2021 pour une somme totale de 22.729,62 € TTC (22.844,58 € TTC - 4.000 € d'enveloppe complémentaire pour la remise en état des appartements n'ayant pas pu être chiffrées car trop imprécis + 1.045 € TTC + 2.840,04 € TTC), avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement.

Sur les demandes accessoires

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Le syndicat des copropriétaires et son assureur Allianz Iard seront condamnés in solidum aux dépens.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée et il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

Le syndicat des copropriétaires et son assureur Allianz Iard seront condamnés in solidum à verser aux demandeurs une somme de 3.500€ au titre des frais irrépétibles, incluant frais d'avocat et frais de procès-verbal de constat.

La société Allianz Iard sera condamnée à verser à son assuré le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] une somme de 2.000€ au titre des frais irrépétibles.

Les autres demandes à ce titre seront rejetées.

En application des articles 514 et 515 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue d'office ou à la demande d'une partie.

En l'espèce, il n'y a pas lieu de suspendre l'exécution provisoire du jugement.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, en premier ressort et par jugement contradictoire, par mise à disposition au greffe:

DECLARE toutes les demandes recevables ;

CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] et la société Allianz Iard à verser à M. [G] [J], Mme [T] [F] et M. [U] [J] une somme de 6.008 € au titre des dommages immatériels, avec intérêt légal à compter du prononcé du jugement ;

CONDAMNE la société Allianz Iard à garantir le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] au titre des condamnations prononcées au bénéfice de M. [G] [J], Mme [T] [F] et M. [U] [J] (en ce compris dépens et frais irrépétibles) ;

CONDAMNE la société Allianz Iard à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] une somme de 22.729,62 € TTC au titre des dommages matériels pris en charge, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement ;

CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] et la société Allianz Iard à verser à M. [G] [J], Mme [T] [F] et M. [U] [J] une somme de 3.500 € au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNE la société Allianz Iard à verser au syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] une somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles ;

REJETTE les autres demandes des parties à ce titre ;

CONDAMNE in solidum le syndicat des copropriétaires du [Adresse 4] et la société Allianz Iard aux dépens ;

DIT n'y avoir lieu à suspendre l'exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 25 juin 2024.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 22/01502
Date de la décision : 25/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-25;22.01502 ?
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