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25/06/2024 | FRANCE | N°17/11234

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 25 juin 2024, 17/11234


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expédition exécutoire
délivrée le :
à Maître WILLAUME

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à Maître BENALI





8ème chambre
1ère section


N° RG 17/11234
N° Portalis 352J-W-B7B-CLDXC


N° MINUTE :


Assignation du :
13 Juillet 2017











JUGEMENT
rendu le 25 Juin 2024

DEMANDEUR

Monsieur [N] [J]
demeurant chez Madame et Monsieur [W] [J]
[Adresse 4]
[Localité 5]

représent

é par Maître Armelle BENALI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0918


DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] représenté par son syndic, la société [R] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expédition exécutoire
délivrée le :
à Maître WILLAUME

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à Maître BENALI

8ème chambre
1ère section


N° RG 17/11234
N° Portalis 352J-W-B7B-CLDXC

N° MINUTE :

Assignation du :
13 Juillet 2017

JUGEMENT
rendu le 25 Juin 2024

DEMANDEUR

Monsieur [N] [J]
demeurant chez Madame et Monsieur [W] [J]
[Adresse 4]
[Localité 5]

représenté par Maître Armelle BENALI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0918

DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] représenté par son syndic, la société [R] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Maître Sophie WILLAUME, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1819

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Madame Muriel JOSSELIN-GALL, Vice-présidente
Monsieur Julien FEVRIER, Juge

assistés de Madame Lucie RAGOT, Greffière
Décision du 25 Juin 2024
8ème chambre
1ère section
N° RG 17/11234 - N° Portalis 352J-W-B7B-CLDXC

DÉBATS

A l’audience du 21 Mars 2024 , tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 Juin 2024.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

L'ensemble immobilier situé [Adresse 2] est constitué en copropriété.

M. [N] [J] a acquis les lots 109, 110 et 111 (chambres sans water-closets et sans raccordement aux réseaux d'eau et d'évacuation situées au 6ème étage sous combles) de l'immeuble le 28 janvier 2016.

L'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble en date du 1er mars 2017 a refusé à M. [J] l'autorisation de raccorder ses lots aux réseaux d'évacuation d'eaux usées et vannes (EU-EV) et d'adduction d'eau (EF).

Par acte d'huissier de justice du 13 juillet 2017, M. [J] a assigné devant le tribunal de céans le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] afin de contester la décision de rejet de l'assemblée générale des copropriétaires et d'obtenir une autorisation judiciaire de faire réaliser les travaux refusés par l'assemblée générale, ainsi que le paiement de diverses indemnités.

Par ordonnance du 14 mai 2019, le juge de la mise en état, à la demande de M. [J], a désigné un expert judiciaire pour donner son avis sur la faisabilité du projet.

L'expert judiciaire, Mme [M] [A], a déposé son rapport le 30 mars 2021.

Par ordonnances du 28 février 2023 et du 21 mars 2023 (rectifiant une erreur matérielle d'adresse), le juge de la mise en état a débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande au titre des dépens et frais irrépétibles et l'a condamné aux dépens de l'incident et à verser à M. [J] une somme de 1.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

*

Dans ses dernières écritures notifiées par le réseau privé des avocats le 29 juin 2023, M. [J] demande au tribunal de :

"Vu la loi du 10 juillet 1965 fixant le régime des immeubles en copropriété, son décret d'application, les dispositions du règlement de copropriété du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], l'article 1240 du code civil

- In limine litis, acter du désistement partiel de monsieur [J], limité à la seule demande d'annulation de la résolution 10 de l'assemblée générale du 01/03/2017 refusant d'autoriser sa demande de travaux.
- Juger le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] en irrecevable (sic) et à tout le moins mal fondé en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter.
- autoriser les travaux de raccordement aux réseaux communs d'adduction d'eau et d'évacuation des eaux usées et vannes à la demande de monsieur [J] définis par le descriptif de monsieur [V] en date du 14/10/2022.
- condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à payer à monsieur [J], à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice de jouissance et sa perte locative :

*à titre principal, la somme de 67.962,26 € à parfaire à la date à laquelle le tribunal statuera
*à titre subsidiaire, la somme de 58.896,77 € à parfaire à la date à laquelle le tribunal statuera
*plus subsidiairement, à une perte de chance de pouvoir habiter ou louer son logement qui ne serait pas inférieure au ¾ de l'une de ces des sommes soit 67.962,26 € soit 58.196,77 €.

- condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à payer à monsieur [J] 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral.
- Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à payer à monsieur [J] 6.422,75 € de dommages et intérêts au titre de ses frais d'assistance technique qu'il a dû régler à monsieur [V].
- Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à payer 8.000 € à monsieur [J] sur le fondement de l'article 700 du CPC.
- Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] aux dépens, qui comprendront les honoraires d'expertise, taxés à la somme de 8.045,70 € et les sondages (1.386,00 €) et pourront être recouvrés par maître Armelle Benali pour ceux dont elle aura fait l'avance conformément aux dispositions de l'article 699 du CPC.
- Condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à payer à monsieur [J] la somme de 1.386,00 €, correspondant aux sondages pour le cas où ils ne seraient pas compris dans les dépens.

- Ordonner, conformément à l'article 10-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, que monsieur [J] soit dispensé de toute participation à la dépense commune au titre des frais de procédure dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], représenté par son syndic en exercice.
- Ordonner que monsieur [J] soit dispensé de toute participation à la dépense commune au titre des condamnations à intervenir dont la charge sera répartie entre les autres copropriétaires du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], représenté par son syndic en exercice.
- Rappeler que l'exécution provisoire est de droit et, à défaut, l'ordonner."

*

Dans ses dernières écritures notifiées par le réseau privé des avocats le 29 juin 2023, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] demande au tribunal de :

"Vu les pièces versées au débat,
Vu le rapport déposé le 30 mars 2021 par madame [M] [A], expert judiciaire,
Vu le descriptif des travaux rédigé le 14 octobre 2022 par monsieur [V],
Vu les observations de monsieur [Z], architecte, du 23 mars 2023,

Il est demandé au tribunal judiciaire de Paris de :

- Juger que le descriptif des travaux de raccordement des chutes eaux usées et eaux vannes dressé le 14 octobre 2022 par monsieur [V], architecte, occulte complètement la présence d'un éventuel chevêtre sur le parcours prévu pour atteindre la chute des WC du 6ème étage et que ces travaux de raccordement nécessitent en tout cas le remplacement de la culotte en Y des WC communs impliquant une intervention dans l'appartement du 5ème étage appartenant à monsieur [D].
- Juger que les demandes de travaux présentées par monsieur [N] [J] font l'objet de réserves exprimées par monsieur [Z], architecte de la copropriété, jamais démentie par l'expert judiciaire, madame [A], qu'elles se heurtent, au surplus, à la destination des lots 109, 110 et 111 telle que prévue au règlement de copropriété et portent atteinte aux modalités de jouissance du copropriétaires du 5ème étage, monsieur [D].
En conséquence,
- Débouter monsieur [N] [J] de toutes ses demandes, fins et conclusions.
- Condamner monsieur [N] [J] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner monsieur [N] [J] aux entiers dépens dont le montant pour ceux le concernant pourra être recouvré directement par maître Sophie Willaume, avocat, dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

Subsidiairement, si le tribunal devait autoriser les travaux projetés par monsieur [J],
- condamner monsieur [N] [J] à prendre en charge la modification du règlement de copropriété en ce qui concerne tant la définition des lots 109, 110 et 111 que la grille de répartition des charges afin qu'elle respecte le critère de proportionnalité défini par les articles 5 et 10 de la loi du 10 juillet 1965."

*

Il est renvoyé aux conclusions récapitulatives des parties pour l'exposé des moyens de droit et de fait à l'appui de leurs prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été ordonnée le 25 septembre 2023 et l'affaire a été plaidée le 21 mars 2024. La décision a été mise en délibéré au 25 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes principales de monsieur [J]

A l'appui de ses demandes, M. [J] fait valoir que :

- il a chargé l'architecte M. [B] [V] de définir les travaux nécessaires pour donner à ses lots de copropriété les caractéristiques d'un logement décent ;
- les travaux litigieux sont des travaux de raccordement privatifs sur équipements communs (colonne EF dans l'escalier et chute EU/EV au droit des WC communs du 6ème étage) et devant passer par les parties communes (dans l'épaisseur du palier commun du 6ème étage) ;
- il a transmis son projet au syndic et à l'architecte de l'immeuble M. [Z] ;
- son projet a été rejeté sans motif ;
- il s'est désisté de sa demande d'annulation de la résolution n° 10 de l'assemblée générale du 1er mars 2017 refusant d'autoriser les travaux litigieux ;
- sa demande d'autorisation de travaux est fondée sur les articles 9 et 30 de la loi du 10 juillet 1965 ;
- le gros-oeuvre des planchers et les tuyaux de chute et d'écoulement sont des parties communes spéciales au bâtiment ;
- il justifie d'un refus préalable, définitif et valide de l'assemblée générale ;
- la demande intervient dans le délai quinquennal ;
- le projet de travaux respecte la destination de l'immeuble (habitation, professions libérales, bureaux) ;

-la réunion des trois lots à usage de chambre pour créer un logement est conforme à la destination d'habitation et n'entraîne ni modification de l'état descriptif de division, ni des tantièmes de charges ;
- la révision des quotes-parts de charges générales n'est ni recevable, ni justifiée ;
- son projet constitue bien une amélioration de ses lots ;
- le rapport de l'expert judiciaire conclut à la faisabilité des travaux conçus par M. [V] ;
- les incertitudes ne portent pas sur le projet mais sur des adaptations éventuelles au stade de l'exécution ;
- le projet ne porte pas atteinte aux droits de jouissance des autres copropriétaires sur les parties communes et leurs parties privatives ;
- les travaux de raccordement sont possibles par le haut depuis le plancher des WC du 6ème étage ;
- M. [D] ne pourrait s'opposer à l'exécution des travaux de raccordements s'ils étaient judiciairement autorisés ;
- le projet de 2022 a le même objet que celui de 2016 soumis à l'assemblée générale et les modifications ne visent qu'à répondre aux demandes de l'expert judiciaire ;
- il n'avait pas à le soumettre à nouveau au vote ;
- l'autorisation n'est pas conditionnée au chiffrage du coût des travaux ;
- il a subi divers préjudices en raison de la résistance abusive du défendeur et de son abus de droit ;
- ni le défendeur, ni l'architecte de l'immeuble, n'ont fait d'observation avant le vote sur le projet transmis ;
- la raison de l'opposition du défendeur est le fait que le précédent propriétaire des lots concernés avait effectué des travaux de raccordement sans autorisation et non conformes révélés par une fuite ayant causé un sinistre que le syndicat des copropriétaires a été condamné à prendre en charge partiellement ;
- la résistance abusive du défendeur résulte de sa dénaturation du rapport d'expertise judiciaire ;
- le défendeur a commis une faute et son refus est abusif ;
- il y a rupture d'égalité avec le propriétaire du lot n° 107 devenu un appartement impliquant qu'une solution de raccordement ait été trouvée ;
- le défendeur a porté atteinte à son image, son honneur et sa respectabilité ;
- il a subi un préjudice de jouissance, une perte locative et un préjudice moral ;
- il a engagé divers frais en lien avec l'expertise dont il demande la prise en charge.

En défense, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble fait valoir que :

- le 28 février 2023, le juge de la mise en état a acté le désistement du demandeur de sa demande de nullité de l'assemblée générale du 1er mars 2017 ;
- le demandeur sollicite une autorisation sur la base d'un descriptif du 14 octobre 2022 (similaire au descriptif du 21 septembre 2016 dans son objet) ;

- l'expert judiciaire a souligné qu'il existait des incertitudes à la réalisation ;
- les travaux à mener chez M. [D], copropriétaire au 5ème étage, ne sont pas détaillés, ni chiffrés ;
- l'autorisation de M. [D] n'est pas produite ;
- l'architecte de la copropriété a réitéré ses réserves lors de l'expertise ;
- le descriptif du 14 octobre 2022 n'a été découvert que dans le cadre de la communication des pièces lors de la présente instance et n'a pas été transmis préalablement par le demandeur, qui ne règle plus ses charges de copropriété ;
- le projet restreindrait les droits des autres copropriétaires dans l'utilisation des parties communes, voire des parties privatives ;
- il existe une réserve liée à la présence d'un chevêtre à l'entrée du WC commun et à la nécessité d'intervention depuis l'appartement du dessous ;
- les travaux réalisés par le vendeur du demandeur ont généré un sinistre et une procédure judiciaire ;
- il n'y a ni résistance abusive, ni abus de droit ;
- le demandeur a acquis trois chambres séparées sans WC et non raccordées aux branchements d'eau et évacuation de l'immeuble ;
- le demandeur pouvait jouir de ses lots conformément à leur destination prévue par le règlement de copropriété et son titre de propriété ;
- le cas échéant, en cas de réalisation du projet, il convient de faire respecter le critère de proportionnalité défini par les articles 5 et 10 de la loi du 10 juillet 1965.

Sur la demande d'acter d'un désistement partiel

M. [J] ne sollicite plus dans ses dernières écritures l'annulation de la résolution n° 10 de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble en date du 1er mars 2017 et demande au tribunal d'en prendre acte. Le tribunal en prend acte.

Sur la demande d'autorisation judiciaire de travaux

Vu l'article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965 qui prévoit que ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble et conformes à la destination de celui-ci.

Vu l'article 30 de la même loi qui dispose notamment que lorsque l'assemblée générale refuse l'autorisation prévue à l'article 25 b, tout copropriétaire peut être autorisé par le tribunal judiciaire à exécuter, aux conditions fixées par le tribunal, tous travaux d'amélioration.

L'autorisation judiciaire de travaux prévue par le quatrième alinéa de l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965 dans la mesure où elle va à l'encontre de la volonté exprimée par l'assemblée générale des copropriétaires est soumise à des conditions strictes, ainsi spécialement :

- les travaux doivent être conformes à la destination de l'immeuble ;

- il doit s'agir de travaux d'amélioration ;
- les travaux ne doivent pas porter atteinte aux droits des autres copropriétaires, notamment en ce qui concerne l'atteinte à l'esthétique de l'immeuble.

Il est de principe que le tribunal peut autoriser des travaux à des conditions différentes de celles soumises à l'assemblée. Mais il faut que le projet soumis au tribunal ne soit pas un nouveau projet mais la simple évolution du projet antérieur amélioré et complété.

Sur ce,

M. [J] justifie avoir sollicité l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble lors de la réunion du 1er mars 2017 pour réaliser des travaux de raccordement de son appartement aux réseaux d'évacuation EU EV de l'immeuble en passant par le plancher des parties communes du 6ème étage.

Il verse aux débats le rapport préparé par son architecte et envoyé au syndic le 1er octobre 2016 avec la demande d'autorisation de travaux. Ce document indique que le demandeur "souhaite faire procéder au raccordement de son appartement aux réseaux d'évacuation d'eaux usées et vannes (EU-EV), et d'adduction d'eau (EF)".

Le rapport de l'architecte M. [V] précise les détails techniques du projet et indique que "ces travaux de raccordement sur réseau d'évacuation ne nécessitent pas d'intervenir dans l'appartement situé dessous (5ème étage)... Ces travaux de raccordement EF ne nécessitent pas non plus d'accès en locaux privatifs".

Ces travaux constituent manifestement des travaux d'amélioration puisqu'ils permettent d'équiper l'appartement de M. [J] d'installations sanitaires.

Ils sont parfaitement conformes à la destination de l'immeuble puisqu'il est à usage d'habitation.

En effet, le règlement de copropriété versé à la procédure indique clairement que " l'immeuble situé au [Adresse 2] est destiné à l'usage d'habitation " (page 67).

Il résulte du procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du 1er mars 2017 que l'autorisation de travaux sollicitée a été refusée.

Même si le projet soumis désormais à autorisation a connu des modifications techniques suite aux observations de l'expert judiciaire par rapport à celui initial de 2016, il ne s'agit pas d'un nouveau projet, mais du même projet de raccordement aux réseaux existants dans une version améliorée.

Il convient donc de considérer que le projet objet du litige est similaire à celui qui a bien été soumis à l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble qui l'a refusé. La condition du refus préalable posée par l'article 30 de la loi du 10 juillet 1965 est donc remplie.

Dans son rapport, l'expert judiciaire a précisé lors des premières réunions : "le premier projet présenté est insuffisant, le plan et la coupe ne représentant qu'une seule évacuation PVC en diamètre 80... L'étude montre que la réflexion n'est pas encore aboutie, celle-ci dépendant étroitement du projet d'aménagement de l'espace non encore défini avec l'emplacement des appareillages sanitaires. Le dossier est alors considéré comme incomplet...".

Il résulte du rapport que M. [J] a complété son projet en cours d'expertise judiciaire suite aux observations de l'expert.

In fine, l'expert judiciaire arrive à la conclusion suivante : "le raccordement aux réseaux de plomberie des lots de M. [J] est techniquement possible, bien qu'il reste quelques incertitudes de réalisation, qui ne remettent pas en cause la faisabilité, selon l'écrit de l'architecte chargé des travaux pour M. [J]".

Il ressort ainsi du rapport de l'expert judiciaire que le projet ne porte pas atteinte aux droits des autres copropriétaires.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les conditions de l'article 30 de loi du 10 juillet 1965 sont réunies et il convient donc d'autoriser le projet de travaux de M. [J] dans les conditions fixées au dispositif.

Sur les demandes de dommages-intérêts formulées par M. [J]

Vu l'article 1240 du code civil invoqué par M. [J] aux termes duquel, "tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer."

Sur ce fondement, il incombe à la partie demanderesse, de rapporter la triple preuve de l'existence, d'une faute d'un préjudice et d'un lien causal entre les deux.

Sur ce,

M. [J] fait valoir que le refus du syndicat des copropriétaires est fautif et lui a causé de nombreux préjudices.

Pour autant, il convient de rappeler à nouveau que l'expert judiciaire a précisé dans son rapport que lors des premières réunions : "le premier projet présenté est insuffisant, le plan et la coupe ne représentant qu'une seule évacuation PVC en diamètre 80... L'étude montre que la réflexion n'est pas encore aboutie, celle-ci dépendant étroitement du projet d'aménagement de l'espace non encore défini avec l'emplacement des appareillages sanitaires. Le dossier est alors considéré comme incomplet...".

Dans ce contexte, le refus du syndicat des copropriétaires ne peut être jugé fautif.

Il n'en aurait pas été de même si l'expert judiciaire avait validé sans observation ni réserve le projet initial.

En l'absence de caractérisation d'une quelconque faute du syndicat des copropriétaires, M. [J] ne se prévalant d'aucun autre moyen sur ce point faute, ses demandes de dommages-intérêts seront toutes rejetées.

La demande de dispense de participation aux condamnations présentée par M. [J] est dès lors sans objet.

Sur les demandes reconventionnelles du syndicat des copropriétaires

Vu l'article 5 de la loi du 10 juillet 1965 invoqué qui précise que dans le silence ou la contradiction des titres, la quote-part des parties communes tant générales que spéciales afférente à chaque lot est proportionnelle à la valeur relative de chaque partie privative par rapport à l'ensemble des valeurs desdites parties, telles que ces valeurs résultent, lors de l'établissement de la copropriété, de la consistance, de la superficie et de la situation des lots, sans égard à leur utilisation.

Vu l'article 10 de la même loi invoqué qui prévoit que les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs et les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité objective que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot, dès lors que ces charges ne sont pas individualisées.

Ils sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes, générales et spéciales, et de verser au fonds de travaux mentionné à l'article 14-2 la cotisation prévue au même article, proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots, telles que ces valeurs résultent des dispositions de l'article 5.

Le règlement de copropriété fixe la quote-part afférente à chaque lot dans chacune des catégories de charges et indique les éléments pris en considération ainsi que la méthode de calcul ayant permis de fixer les quotes-parts de parties communes et la répartition des charges.

Lorsque le règlement de copropriété met à la seule charge de certains copropriétaires les dépenses d'entretien et de fonctionnement entraînée par certains services collectifs ou éléments d'équipements, il peut prévoir que ces copropriétaires prennent seuls part au vote sur les décisions qui concernent ces dépenses. Chacun d'eux dispose d'un nombre de voix proportionnel à sa participation auxdites dépenses.

Vu l'article 11 de la même loi qui dispose que sous réserve des dispositions de l'article 12 ci-dessous, la répartition des charges ne peut être modifiée qu'à l'unanimité des copropriétaires. Toutefois, lorsque des travaux ou des actes d'acquisition ou de disposition sont décidés par l'assemblée générale statuant à la majorité exigée par la loi, la modification de la répartition des charges ainsi rendue nécessaire peut être décidée par l'assemblée générale statuant à la même majorité (…)

A défaut de décision de l'assemblée générale modifiant les bases de répartition des charges dans les cas prévus aux alinéas précédents, tout copropriétaire pourra saisir le tribunal judiciaire de la situation de l'immeuble à l'effet de faire procéder à la nouvelle répartition rendue nécessaire.

Sur ce,

Le syndicat des copropriétaires demande au tribunal à titre subsidiaire d'assortir l'autorisation de travaux de l'obligation pour le demandeur de prendre en charge la modification du règlement de copropriété quant à la définition des lots 109, 110 et 111 et la grille de répartition des charges affectée à ces lots réunis.

M. [J] fait valoir que cette demande serait irrecevable, sans expliquer pour quels motifs.

En l'état, la demande reconventionnelle du syndicat des copropriétaires sera donc jugée recevable.

Pour autant, la modification évoquée du règlement de copropriété, si elle s'avérait nécessaire, ce qui n'est pas justifié, n'a pas été soumise à l'assemblée générale des copropriétaires, souveraine en la matière.

A ce stade, il est donc prématuré de statuer sur la prise en charge des éventuels frais de modification du règlement de copropriété.

La demande du syndicat des copropriétaires sera donc rejetée.

Sur les demandes accessoires

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

M. [J] est à l'origine du projet de travaux. Le projet initial soumis à l'assemblée générale des copropriétaires a été jugé incomplet par l'expert judiciaire. Les travaux en question ne profitent qu'à M. [J] et l'expertise judiciaire lui a permis d'améliorer son projet incomplet.

Dans ces conditions, M. [J] supportera les dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire.

Maître Sophie Willaume sera autorisée à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée et il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

Compte-tenu de la solution du litige, les demandes au titre des frais irrépétibles seront toutes rejetées.

En application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, le copropriétaire qui, à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé, même en l'absence de demande de sa part,

de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires. Le juge peut toutefois en décider autrement en considération de l'équité ou de la situation économique des parties au litige.

Pour les mêmes motifs que ceux indiqués pour statuer sur les dépens, il n'y a pas lieu de dispenser M. [J] de sa participation à la dépense commune des frais de procédure.

En application des articles 514 et 515 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue d'office ou à la demande d'une partie.

En l'espèce, il n'y a pas lieu de suspendre l'exécution provisoire du jugement.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, en premier ressort et par jugement contradictoire, par mise à disposition au greffe :

DECLARE recevables les demandes des parties ;

DONNE ACTE à M. [J] de ce qu'il ne sollicite plus dans ses dernières écritures l'annulation de la résolution n° 10 de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble en date du 1er mars 2017 ;

AUTORISE M. [N] [J] à réaliser, à ses frais, les travaux de raccordement de ses lots aux réseaux communs d'adduction d'eau et d'évacuation des eaux usées et vannes définis par le descriptif de M. [B] [V] en date du 14 octobre 2022 et sous réserve de :

- se conformer à la réglementation en vigueur et fournir au syndic toutes les autorisations administratives requises ;
- faire effectuer les travaux, dans le respect des règles de l'art et à ses frais, sous contrôle de son architecte et de l'architecte de l'immeuble (dont les honoraires seront également pris en charge par M. [J]) ;
- respecter les préconisations de l'expert judiciaire Mme [M] [A], aux termes de son rapport du 30 mars 2021 ;
- souscrire toute police d'assurance nécessaire à la couverture des risques aux tiers, au syndicat des copropriétaires et à l'ouvrage avec extension aux existants ;
- se conformer aux dispositions du règlement de copropriété ;
- faire constater par un commissaire de justice, à ses frais, avant et après travaux, l'état des parties communes et des lots situés en dessous des espaces concernés par les travaux ;
- Remettre en état les parties communes ou privatives dégradées par les travaux.

REJETTE toutes les demandes de dommages-intérêts de M. [N] [J] ;

REJETTE la demande du syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] au titre de l'obligation pour M. [N] [J] de prendre en charge la modification du règlement de copropriété quant à la définition des lots 109, 110 et 111 et la grille de répartition des charges affectée à ces lots réunis ;

REJETTE les demandes au titre des frais irrépétibles ;

REJETTE la demande de M. [N] [J] au titre de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 et dit qu'il n'y a pas lieu de le dispenser de sa participation à la dépense commune des frais de procédure ;

CONDAMNE M. [N] [J] aux dépens, en ce compris les frais d'expertise judiciaire ;

AUTORISE maître Sophie Willaume à recouvrer les dépens dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile ;

DIT n'y avoir lieu à suspendre l'exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 25 Juin 2024.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 17/11234
Date de la décision : 25/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-25;17.11234 ?
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