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24/06/2024 | FRANCE | N°23/52214

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, 24 juin 2024, 23/52214


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS








N° RG 23/52214 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZD7H

N° : 10

Assignation du :
24 Février 2023

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:


JUGEMENT rendu selon la PROCEDURE ACCELEREE au FOND
le 24 juin 2024



par Caroline FAYAT, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Pascale GARAVEL, Greffier.
DEMANDERESSE

La Ville de [Localité 9] prise en la personne de Madame la Maire de [Loc

alité 9], Madame [M] [A]
[Adresse 10]
[Adresse 10]

représentée par Maître Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocats au barreau de PARIS - #C1844

DEFENDEU...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


N° RG 23/52214 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZD7H

N° : 10

Assignation du :
24 Février 2023

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

JUGEMENT rendu selon la PROCEDURE ACCELEREE au FOND
le 24 juin 2024

par Caroline FAYAT, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Pascale GARAVEL, Greffier.
DEMANDERESSE

La Ville de [Localité 9] prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 9], Madame [M] [A]
[Adresse 10]
[Adresse 10]

représentée par Maître Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocats au barreau de PARIS - #C1844

DEFENDEURS

Monsieur [S] [G] [V] [O]
né le 18 septembre 1968 à [Localité 8]
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Madame [U] [L] épouse [O]
née le 1er décembre 1980 en Australie
[Adresse 1]
[Adresse 1]

représentés par Me Xavier DEMEUZOY, avocat au barreau de PARIS - #D1735

DÉBATS

A l’audience du 27 Mai 2024, tenue publiquement, présidée par Caroline FAYAT, Juge, assistée de Pascale GARAVEL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

EXPOSE DU LITIGE

Par assignation en date du 24 février 2023 , la Ville de [Localité 9] prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 9] a fait assigner Monsieur [S] [O] né le 18 septembre 1968 à [Localité 8] et Madame [U] [L] épouse [O] née le 1er décembre 1980 en Australie, devant le président du tribunal judiciaire de Paris saisi selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement notamment des dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, concernant l’appartement situé [Adresse 2] (lots 174 et 226).

Par conclusions déposées et soutenues à l'audience, la Ville de [Localité 9] demande de :

Au principal :
-constater que Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] ont enfreint les dispositions de l'article L 631-7 du code de la construction et de l'habitation ;-condamner in solidum Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] à payer à la Ville de [Localité 9] une amende civile de 50 000 euros ;-ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation, sis [Adresse 2] (lots 174 et 226), sous astreinte de 492 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai qu’il plaira au tribunal de fixer ;−se réserver la liquidation de l’astreinte ;-condamner in solidum Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] à payer une amende civile de 5.000 euros en application l'article L.324-1-1 III et V du code du tourisme;-condamner in solidum Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] à payer à la Ville de [Localité 9] une amende civile de 10.000 euros en application l'article L.324-1-1 IV et V du code du tourisme ;-condamner in solidum Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] à payer à la Ville de [Localité 9] la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;-condamner in solidum Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, la Ville de [Localité 9] fait valoir que Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] ont donné en location meublée de courte durée à une clientèle de passage l'appartement situé sis [Adresse 2] (lots 174 et 226). La Ville de [Localité 9] expose que cet appartement n'est pas la résidence principale de la partie défenderesse, qu'il est à usage exclusif d'habitation et que la location meublée de courte durée à une clientèle de passage, sans autorisation préalable, est un changement d'usage qui doit être sanctionné.

La demanderesse ajoute qu'ayant loué son bien sans avoir procédé à la formalité de déclaration préalable soumise à enregistrement imposée par l'article L 324-1-1 III du code du tourisme, la partie défenderesse encourt l'amende de 5000 euros prévue à l'article L 324-1-1 V du même code.

La demanderesse ajoute que n'ayant pas transmis à la commune le nombre de nuitées louées durant l'année civile précédant la demande que lui a adressée la Ville de [Localité 9], Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] ont violé les obligations résultant de l'article L324-1-1 IV du code du tourisme et encourt l'amende de 10 000 euros prévue à l'article L324-1-1 V du même code.

Par conclusions déposées et soutenues à l'audience, Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] demandent de :

- DEBOUTER la Ville de [Localité 9] de l’intégralité de ses demandes de condamnations à l’encontre des époux [O] ;

- DEBOUTER la Ville de [Localité 9] de sa demande de condamnation à la somme de 50.000 euros au titre de l’article L.324-1-1 IV du code du tourisme ;

- DEBOUTER la Ville de [Localité 9] de sa demande de condamnation à la somme de 10.000 euros au titre de l’article L.324-1-1 IV du code du tourisme ;

- DEBOUTER la Ville de [Localité 9] de sa demande de condamnation à la somme de 5.000 euros au titre de l’article L.324-1-1 V du code du tourisme et condamner les époux [O] à la somme exceptionnelle de 1 euro symbolique ;

A titre subsidiaire,

- JUGER de la bonne foi et des diligences de Madame [U] [O] et Monsieur [S] [O] ;

- JUGER que Madame [U] [O] et Monsieur [S] [O] rencontrent des difficultés financières ;

En conséquence :

- CONDAMNER Madame [U] [O] et Monsieur [S] [O] à une amende symbolique de 1 euro au regard de la cessation de l’infraction de l’article L.324-1-1 du code du tourisme présumée et de sa coopération avec la Ville de [Localité 9].

- DEBOUTER la Ville de [Localité 9] de sa demande de condamnation à la somme de 5.000 euros au titre de l’article L.324-1-1 V du code du tourisme et condamner les époux [O] à une amende civile dont le montant ne saurait excéder 800 euros ou toute somme que l’équité commandera, si le Tribunal judiciaire de Paris devait retenir une amende civile.

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire Madame ou Monsieur le Président ne trouvait justifié la demande de condamnation à la somme symbolique de 1 euro :

- JUGER que le montant de 50.000 euros au titre de l’amende civile est manifestement disproportionné et injustifié ;

En conséquence :

- CONDAMNER Madame [U] [O] et Monsieur [S] [O] à une somme qui ne pourrait excéder 2.000 euros ou toute somme que l’équité commandera, si le Tribunal judiciaire de Paris devait entrer en voie de condamnation.

En tout état de cause :

- JUGER QUE l’équité ne commande pas que Madame [U] [O] et Monsieur [S] [O] soient condamnés au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile ;

- CONDAMNER la Ville de [Localité 9] à payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code procédure civile.

- DEBOUTER la Ville de [Localité 9] de sa demande de condamnation à la somme de 10.000 euros au titre de l’article L.324-1-1 IV du code du tourisme ;

- DEBOUTER la Ville de [Localité 9] de sa demande de condamnation à la somme de 5.000 euros au titre de l’article L.324-1-1 V du code du tourisme et condamner les époux [O] à la somme exceptionnelle de 1 euro symbolique.

Au soutien de leurs prétentions, Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] contestent avoir enfreint les dispositions de l'article L631-7 du code de la construction et de l'habitation.

La partie défenderesse fait valoir qu’il y a une insuffisance de preuve quant à l’affectation du bien litigieux.

A titre subsidiaire et s'agissant du quantum de l'amende civile, elle invoque sa bonne foi, sa collaboration avec les services de la Ville de [Localité 9], la cessation des locations de courte durée et le retour du bien à l'usage d'habitation.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties et à leurs observations à l'audience pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus.

La date de délibéré a été fixée au 24 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de condamnation sur le fondement des dispositions des articles L 631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation

L'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction temporellement applicable prévoit :

« La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des [Localité 7], de la [Localité 11] et du [Localité 12]. Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L.631-7-1, soumis à autorisation préalable.

Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1 ou dans le cadre d'un bail mobilité conclu dans les conditions prévues au titre Ier ter de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article ».

L'alinéa premier de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction temporellement applicable prévoit que :
« Toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 euros par local irrégulièrement transformé. »

Conformément à l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à la Ville de [Localité 9], d’établir :

−l’existence d’un local à usage d’habitation, un local étant réputé à usage d’habitation si la preuve est apportée par tout moyen qu'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés ;

−un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.
Il est en outre constant que, s’agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de [Localité 9] a adopté, par règlement municipal et en application de l’article L.631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, le principe d’une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, obligation de compensation dont il n'est pas allégué qu'elle a été mise en œuvre.

Sur l'usage d’habitation du local

En l'espèce, la fiche H2 produite par la Ville de [Localité 9] correspondant au lot 174, troisième étage, porte 2, est datée du 15 octobre 1970. Elle mentionne que le bien est occupé à cette date par le propriétaire, Monsieur [H] [W].

La Ville de [Localité 9] produit 3 actes de vente du bien, le premier portant la date 29 juin 1964 enregistré le 18 août 1964 au profit de Monsieur [K] et Madame [T], dont il ressort que le bien était occupé en tant que résidence principale par les vendeurs, le deuxième portant la date du 30 novembre 1966 enregistré le 21 janvier 1967 au profit de Monsieur [W] et Madame [F], le troisième portant la date du 6 janvier 1984, au profit de la SARL RENOVATION DE L’HABITAT ANCIEN RENOVA précisant que le bien était déjà à usage d’habitation au jour de la vente.

Il se déduit de ces éléments que le bien était à usage d'habitation lors de son acquisition en 1966 et qu'il était occupé par le même propriétaire au 15 octobre 1970, de sorte que l'affectation du bien à usage d'habitation au 1er janvier 1970, pouvant être démontrée par tout mode de preuve, apparaît suffisamment établie, étant observé que le local n'a fait l'objet d'aucune autorisation de changement d'usage avec compensation depuis cette date.

Le fait que le logement ne comportait pas de salle de bain lors de l'établissement de la fiche H2 en 1970 n'est pas de nature à exclure un usage d'habitation, l'absence de salle de bain étant ordinanire à cette époque, outre le fait que le logement comporte une salle à manger, une chambre, une cuisine, une entrée et des WC particuliers.

Il résulte de tout ce qui précède que l'affectation du local à un usage d'habitation est suffisamment établie au 1er janvier 1970.

Sur le changement illicite sans autorisation de l’usage :

En l'espèce, Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] ne contestent pas avoir mis en location courte durée le local litigieux dont ils sont propriétaires.

Il ressort du constat de location meublée touristique du 4 mars 2022 établi par un agent assermenté du service municipal du logement de la mairie de [Localité 9], que le bien litigieux a été proposé en locations de courtes durées via des annonces consultables aux adresses :

- https://www.airbnb.fr/rooms/17736275,
-https://www.airbnb.fr/rooms/18797152 ,
- et, https://www.airbnb.fr/rooms/3529923
-et https://www.booking.com/hotel/fr/bichat.fr.html.

L’annonce https://www.airbnb.fr/rooms/17736275 comporte 30 commentaires. Le premier commentaire date d’avril 2017 et le dernier du mois de janvier 2022.

L’annonce https://www.airbnb.fr/rooms/18797152 comporte 24 commentaires. Le premier commentaire date du mois de juillet 2017 et le dernier du mois de janvier 2022.

L’annonce https://www.airbnb.fr/rooms/3529923 comporte 177 commentaires. Le premier commentaire date du mois de janvier 2015 à octobre 2021

L’annonce https://www.booking.com/hotel/fr/bichat.fr.html comporte des commentaires entre le mois d’août 2018 et le mois de janvier 2022.

Les relevés transmis par la parte-forme Airbnb font état de nombreuses réservations réalisées via les différentes adresses sur lesquelles figurent le bien.

Aux termes du constat complémentaire réalisé le 6 octobre 2023, le décompte des locations transmis par Airbnb pour les différents numéros d’enregistrement rattachés au bien, il est fait état de 183 nuitées louées en 2022.

Il en résulte qu’au cas présent, Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] ont changé sans autorisation préalable l’usage du lot litigieux, au sens de l'article L.631-7 alinéa 1er du code de la construction et de l'habitation, en louant son appartement meublé destiné à l'habitation situé [Adresse 2] (lots 174 et 226) de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile.

Sur le montant de l’amende :

L'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction issue de la loi du 18 novembre 2016, applicable au 20 novembre 2016, a porté l’amende encourue de 25 000 à 50 000 euros.

L’amende civile doit être fixée en fonction de l’objectif d’intérêt général poursuivi par la législation dont elle vise à garantir le respect dans une ville comme [Localité 9] où il existe une grande disparité entre l’offre et la demande de logements à la location, des revenus procurés par les locations illicites, de la durée des locations, le cas échéant des diligences du propriétaire pour le retour à un usage d'habitation, de la bonne foi dont l’intéressé a fait preuve et de sa situation personnelle et financière.

Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] ont mis en location le local litigieux de janvier 2015 au courant de l'année 2022 comme en atteste les constats de location meublée touristique versés à la procédure.

La Ville de [Localité 9] estime le montant des revenus perçus via la plate-forme Airbnb à un total de 182.062 euros depuis le mois de janvier 2015 jusqu'à la fin de l'année 2021. Elle ajoute qu'au titre de la même période, une location licite aurait rapporté la somme de 80.926 euros.

Il est précisé que le montant de la compensation nécessaire pour obtenir l’autorisation de changement d’usage du local d’habitation et pouvoir exercer une activité d’hébergement hôtelier est de 70 000 euros.

Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] exposent avoir coopéré avec les services de la Ville de [Localité 9] et avoir effectué les locations en toute bonne foi, faisant prévaloir qu'ils ont résidé plusieurs années en Australie, qu'ils n'ont pu revenir en France en raison de l'état d’urgence sanitaire décrété le 18 mars 2020 jusqu'au 30 avril 2022 , que le bien était considéré comme un local professionnel par les services fiscaux et qu'ils ont dû faire face à des difficultés financières.

Cependant, il convient de constater que les locations litigieuses ont continué au cours de l'année 2022 ainsi qu'il en résulte du relevé locatif transmis par Airbnb, alors même que la Ville de [Localité 9] avait adressé un courrier recommandé le 4 mars 2021 rappelant aux propriétaires leurs obligations.

Le fait que le bien ait été déclaré comme un local professionnel auprès des services des impôts est sans incidence sur l'application du code de la construction et de l'habitation.

S'agissant des difficultés financières invoquées, les défendeurs ne versent pas leur derniers avis d'imposition outre que les attestations de travail produites par Madame [O] attestent au contraire de revenus annuels conséquents en 2020 et 2023.

Enfin, il sera constaté que Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] produisent un bail mobilité consenti à Monsieur [C] [N] du 12 avril au 25 mai 2024

En considération de la durée conséquente de la période incriminée, des nombreuses réservations, mais également de la coopération partielle avec la Ville de [Localité 9] et du retour du bien à un usage d'habitation, il convient de fixer l’amende civile à la somme de 35.000 euros.

Sur la demande de retour à l’usage d’habitation du local litigieux :

Il résulte des dispositions de l'article 651-2 du code de la construction et de l'habitation que le président du tribunal ordonne le retour à l'usage d'habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu'il fixe. A l'expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d'un montant maximal de 1 000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.

Au cas d’espèce, Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] produisent un bail mobilité portant sur la période du 12 avril au 25 mai 2024 qui permet d'établir le retour à l'usage d'habitation du local.

Dès lors la demande de condamnation à un retour du bien à l'usage d'habitation sera rejetée.

Sur la demande de condamnation de la partie défenderesse sur le fondement des dispositions de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme

L’article L.324-1-1 du code du tourisme, en sa rédaction temporellement applicable, dispose :
“I.-Pour l'application du présent article, les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois.
II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.
Cette déclaration préalable n'est pas obligatoire lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d'un meublé de tourisme.
La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.
Un téléservice permet d'effectuer la déclaration. La déclaration peut également être faite par tout autre moyen de dépôt prévu par la délibération susmentionnée.
Dès réception, la déclaration donne lieu à la délivrance sans délai par la commune d'un accusé-réception comprenant un numéro de déclaration.
Un décret détermine les informations qui peuvent être exigées pour l'enregistrement.

IV.-Dans les communes ayant mis en ouvre la procédure d'enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d'une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.
La commune peut, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d'un mois, en rappelant l'adresse du meublé et son numéro de déclaration. [...]
V.-Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 5 000 euros.
Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 10 000 euros. [...]”

Par délibération des 4, 5 et 6 juillet 2017, le Conseil de [Localité 9] a décidé de mettre en œuvre le dispositif prévu par l’article L.324-1-1 II et III du code du tourisme et de soumettre à déclaration préalable soumise à un enregistrement toute location pour de courtes durées d’un local meublé à destination d’une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, cette déclaration précisant si le logement constitue la résidence principale du loueur et donnant lieu à la délivrance d’un numéro d’enregistrement.

S'agissant de la demande portant sur une amende de 5000 euros au motif que Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] n'ont pas effectué de déclaration indiquant si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur en infraction aux dispositions de l'article L.324-1-1 III du code du tourisme, il convient de constater que :

- l'appartement litigieux a fait l'objet d'une déclaration en ligne de location meublée le 14 décembre 2017 sous le numéro [Numéro identifiant 5]au nom de Madame [E] [L] pour un local constituant sa résidence principale et que ce numéro a été désactivé le 11 mai 2021,

- l'appartement fait l'objet de 3 numéros publiés sur 3 annonces Airbnb distinctes postérieurement au 11 mai 2021 qui ne figurent pas dans le téléservice de la Ville et qui apparaissent sur les relevés de nuitées transmis par la plate-forme Airbnb sous les numéros [Numéro identifiant 3], [Numéro identifiant 4], [Numéro identifiant 6].

Dans ces conditions, il convient de constater que non seulement l'appartement a été proposé à la location de courte durée postérieurement au 11 mai 2021 après la désactivation du premier enregistrement, mais que les défendeurs ont procédé à trois mises en location distinctes sous de faux numéros.

Compte tenu de la période de location, et la particulière mauvaise foi des défendeurs qui ont désactivé un numéro enregistré pour proposer le bien en location sous trois faux numéros distincts, il convient de condamner Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] in solidum au paiement d’une amende civile de 5 000 euros au titre du défaut de déclaration préalable à la mise en location d’un meublé de tourisme.

S'agissant de la demande portant l'amende de 10.000 euros pour défaut de transmission d'information relative au nombre de jours loués en infraction aux dispositions de l'article L.324-1-1 IV du code du tourisme, il y a lieu d'observer que l'obligation de transmission issue de cette disposition ne concerne que les personnes qui offrent à la location un meublé de tourisme déclaré comme résidence principale.

Au cas d'espèce, il convient de constater que si le bien litigieux n'est pas la résidence principale de Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O], ces derniers ont, entre le le 14 décembre 2017 et le 11 mai 2021, déclaré ce bien comme étant leur résidence principale. Dans ces conditions, la Ville de [Localité 9] pouvait, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle le meublé a été mis en location demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué.

Il n'est pas contesté que la Ville de [Localité 9] a demandé à Madame et Monsieur [O] de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué et qu’il n’a pas été donné suite à cette demande.

Dans ces conditions, compte tenu de la période et du nombre de locations, Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] seront condamnés in solidum à payer une amende civile de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.324-1-1 IV du code du tourisme.

Sur les mesures accessoires :

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Dès lors qu’il est fait droit aux demandes de la Ville de [Localité 9], Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] supporteront la charge des dépens.

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Condamnée aux dépens, la partie défenderesse devra verser à la Ville de [Localité 9] une indemnité que l'équité commande de fixer à 1500 euros au titre des frais irrépétibles.

En application des articles 481-1 6° et 514 alinéa 2 du code de procédure civile, la présente décision est de droit assortie de l'exécution provisoire

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique,

Condamne in solidum Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] à payer une amende civile de trente cinq mille euros (35.000 euros), dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 9]  au titre des dispositions de l’article L631-7 et L651-2 du code de la construction et de l’habitation  ;

Rejette la demande portant sur le retour à l’habitation des locaux;

Condamne in solidum Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] à payer une amende civile de cinq mille euros (5.000 euros) au titre des dispositions de l'article L.324-1-1 III du code du tourisme, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 9] ;

Condamne in solidum Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] à payer une amende civile de six mille euros (6.000 euros) au titre des dispositions de l'article L.324-1-1 Iv du code du tourisme, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 9] ;

Condamne in solidum Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] à payer à la Ville de [Localité 9] la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum Monsieur [S] [O] et Madame [U] [L] épouse [O] aux dépens ;

Rappelle que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Fait à Paris le 24 juin 2024

Le Greffier,Le Président,

Pascale GARAVELCaroline FAYAT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Service des référés
Numéro d'arrêt : 23/52214
Date de la décision : 24/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-24;23.52214 ?
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